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TARIFICATION ET USAGE DOMESTIQUE DES SERVICES D’EAU ALGÉRIENS : APPROCHE MICRO ÉCONOMETRIQUE

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Academic year: 2022

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TARIFICATION ET USAGE DOMESTIQUE DES SERVICES D’EAU ALGÉRIENS : APPROCHE MICRO

ÉCONOMETRIQUE*

Ali ZEGGAGH**

Received: 09/12/2019 / Accepted: 22/05/2020 / Published: 09/07/2020 Corresponding authors: ali.zeggagh@univ-bejaia.dz RÉSUMÉ

Cet article présente les résultats d'une étude sur la tarification des services d’eau potable en Algérie, avec comme objectif l’amélioration de son efficacité économique. Il s’agit en effet d’atteindre à l’aide de cette tarification l’optimum social de « second-rang », au sens de Ramsey-Boiteux, permettant aux opérateurs de couvrir par les recettes, le financement des activités liées à la production et à la distribution de cette ressource rare. La mise en œuvre de cette tarification nécessitant la connaissance des fonctions de demande et d'offre, cette étude intègre deux analyses micro-économétriques. La première analyse se focalise sur la fonction de demande et s'attache à estimer l’élasticité-prix et l’élasticité-revenu, qui sont ensuite utilisées dans la simulation de la politique tarifaire qui tient compte de la fréquence de distribution pour l’Alimentation en Eau Potable. La seconde se concentre quant à elle, sur la structure des coûts d’alimentation en eau potable. Nous estimons le coût marginal de production ainsi que divers paramètres de mesure de rendement, telles que les économies de densité, d’échelle et d’envergure afin d’évaluer la performance relative des réseaux de production et de

*Cet article s’appuie la Partie 3 de ma thèse soutenue en 2012 à l’Université d’Alger 3 sous la codirection de M.Y. Ferfera et A. Thomas envers qui j’exprime ma profonde gratitude. Une version antérieure de cet article a été présentée au Colloque Modélisation et analyse statistique et économique, Tunis, décembre 2019. Je remercie les participants à ce colloque pour leurs commentaires. Enfin, je remercie F. Gasmi et deux évaluateurs anonymes de cette revue pour leurs suggestions qui m’ont permis d’améliorer considérablement cet article. Toutes les erreurs qui subsistent sont cependant les miennes.

** Maître de Conférences à l'Université de Bejaia, HDR en sciences économiques.

Université Abderrahmane Mira-Béjaïa

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distribution d’eau potable en Algérie. Ces analyses empiriques de la demande et de la structure des coûts nous permettent d’obtenir des informations quantitatives sur deux paramètres complémentaires et cruciaux pour la fixation des prix, à savoir, la disposition à payer des usagers et le coût économique de production et de distribution de la ressource en eau. Ces paramètres fournissent en effet des signaux pertinents pour une utilisation optimale des ressources rares.

Mots clefs : Ressources en eau potable, données de panel, coût marginal de production, élasticité-prix de la demande, tarification des services d’AEP, fréquence et plages horaires de distribution.

JEL classification: B21 C33 L95 L98

PRICING AND DOMESTIC USAGE OF ALGERIAN WATER SERVICES: A MICRO-ECONOMETRIC

APPROACH

ABSTRACT

This article reports on a study about water services pricing in Algeria.

The goal is to improve its efficiency, in particular, to make the revenues from these services fulfill the financing needs of the activities related to the production and distribution of this resource.

The implementation of the tariffs requiring the knowledge of demand and supply functions, this study integrates two micro-econometric analyses. The first analysis focuses on demand seeking to estimate price-elasticity and income-elasticity that are then used in the simulation of the pricing that takes into account the frequency of drinking water provision. The second, is concerned with the cost structure of drinking water supply. We estimate the marginal cost of production as well as other parameters that characterize the efficiency of production such as economies of density, scale, and scope in order to evaluate the relative performance of the drinking water production and distribution networks in Algeria. These empirical analyses of demand and cost structure allow us to recover quantitative information on two parameters that are both complementary and crucial for price fixing, namely, users’ willingness to pay and economic production and distribution cost of the water resource.

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These parameters provide indeed pertinent signals for an optimal use of scarce resources.

Key words: Drinking water resources, panel data, marginal cost of production, price-elasticity of demand, pricing of drinking water provision, frequency and distribution time slots.

JEL classification: B21 C33 L95 L98.

بورشلا هايلما تامدخ ةيرعست رئازلجا في

يسايقلا يئزلجا ةيداصتقلاا ةبراقم :

صخللما

في بورشلا هايم تامدخ ةيرعست لوح ةسارد جاتن لىإ لاقلما اذه في انضرعت ررااجزا

داريلإا نوكت نأ ىلع لمعلا اميسلا و اتهءافك ينستح لىإ فدته تيلاو نع ةجمانلا تا

تلا تاجايتحلاا ةيبلت له عيزوتلاو جاتنلإبا ةقلعتلما تامدخلل ةيليوم

ةيويحيا ةدالما هذ

في بورشلا هايم تامدخ ةيرعست لوح ةسارد جاتن لىإ لاقلما اذه في انضرعت ررااجزا

داريلإا نوكت نأ ىلع لمعلا اميسلا و اتهءافك ينستح لىإ فدته تيلاو نع ةجمانلا تا

لما تامدخلل ةيليومتلا تاجايتحلاا ةيبلت له عيزوتلاو جاتنلإبا ةقلعت

ةيويحيا ةدالما هذ

هذه نمضتتو بلطلاو ضرعلا ةدعاقل ةلماش ةيارد مالتسي ةيرعستلا هذه ذيفنت دصق :يسايقلا يراجزا داصتقلال ينليلتح ةساردلا سلأا ةنورم سايقب طبترت تيلاو بلطلا ةللاد ىلع لولأا ليلحتلا اكري لخدلا ةنورمو راع

دعب لمعتست تيلا ينعب ذختأ تيلا ةيرعستلا ةسايس ةاكامح في كلذ

ددترلا تيقاوم رابتعلاا

هايلما عيزوت في حياصلا هايلمبا ديواتلا فيلاكت ةلكيه ىلع اكيرف نياثلا ليلحتلا امأ موقن يح برشلل ة

ىلع فرعتلا كلذكو جاتنلإل ةيدحيا ةفلكتلا ريدقتب لالمجا اذه في لماعبم ةقلعتلما يربادتلا

شؤم مييقت لجأ نم لخا مجحيا داصتقا ملسلا داصتقا ةيدودرلما سايق ةلاح نع تار

انل حيتي ررااجزا في برشلل ةحياصلا هايلما عيزوتو جاتنلإا تاكبش بييرجتلا ليلحتلا

هذله كلهتسلما دادعتسا لوح ةيمك تامولعم ىلع لوصحيا قوسلل جودالما

ةيويحيا ةدالما

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دلخا تاقحتسم عفدب لما دراولما عيزوتو جاتنلإ ةيداصتقلاا ةفلكتلاو ةم

نلاماع اماو ةيرا

رعسلا ديدتح في ينسماحو نلاماكتم ةردانلا دراوملل لثملأا مادختسلال ةحيحص تارشؤم ةيرخلأا هذه رفوت

ةيحاتفلما تاملكلا

كتلا لناابلا تناايب برشلل ةحياصلا ةيرالما دراولما : جاتنلإل ةيدحيا ةفل

م عيزوتلا في ددترلا تيقاوم ةيرعستلا بلطلا رعس ةنور

لاج فينصت :

B21 C33 L95 L98

1 – INTRODUCTION

En Algérie, la rareté de l’eau demeure une donnée admise du fait que ¾ de la surface du pays se situe en zone semi-aride, voire plus. Par conséquent, « la disponibilité de la ressource renouvelable par habitant est relativement rare. Nous ne disposons que de 470 m3 par habitant et par an »1, alors que la Banque mondiale considère qu’il y a "rareté" sous le seuil de 1000 m3 par habitant et par an, et définit une situation comme "problématique" dès lors que la ressource tombe sous le seuil de 1700 m3 par personne et par an. L’eau est devenue en somme une denrée rare dans ce pays. Et qui dit rareté dit souvent élévation de la valeur. Assigner un prix à l’eau, ce serait un moyen d’en limiter le gaspillage. C’est ainsi que le rapport de la Banque mondiale sur le développement durable, affirme que le moyen le plus efficace d’encourager l’utilisation rationnelle de l’eau est de faire asseoir une tarification économiquement efficace et socialement juste.

Cet article participe à cette recherche en proposant de faire asseoir une tarification à usage domestique via l’estimation des fonctions de demande et du coût pour le service d’alimentation en eau potable (AEP). Notre choix s’est porté sur l’usage domestique pour plusieurs raisons : premièrement, la fourniture à l’ensemble de la population d’eau potable de qualité réglementaire, en quantité suffisante, doit être garantie. Cet usage est, à ce titre, prioritaire et retient toute

1 Ministère des Ressources en Eau (2018).

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l’attention des décideurs. La deuxième raison tient au « nombre d’utilisateurs concernés, 98 % des ménages sont aujourd’hui raccordés au réseau de distribution d’eau potable »2 et l’impact d’une variation de la consommation, même faible au niveau de chaque ménage, peut avoir un impact non négligeable au niveau national (même si les volumes prélevés pour les usagers domestiques sont faibles en regard des volumes prélevés pour l’industrie ou l’irrigation, la consommation nette est importante). S’ajoute à cela, la disponibilité de l’information auprès des gestionnaires des services de l’eau, comme dernière raison et qui tient à la faisabilité de l’étude. Celle-ci concerne essentiellement, les volumes d’eau consommés par les ménages et les prix payés par les usagers de service d’AEP, à chaque tranche de consommation.

Si la politique nationale de l’eau en Algérie a mis l’accent sur l’aménagement et la mise à disposition de volumes d’eau brute supplémentaires, une telle politique d’offre connaît des limites liées aux coûts très importants d’investissement mais également aux possibilités limitées d’exploitation de nouvelles ressources. L’eau est en effet associée à des coûts de transport très élevés, entre différentes régions d’un même pays, ainsi qu’à des contraintes sur sa qualité dans le cas de l’eau potable, qui nécessitent une gestion locale via des services publics locaux de l’eau. Une politique de gestion de la demande est par conséquent un complément indispensable, notamment à court terme, aux stratégies nationales assises sur l’exploitation de nouvelles ressources. Cette gestion consiste notamment à rechercher une limitation de l’augmentation des usages par des tarifications adaptées, et une utilisation optimisée des ressources disponibles par une gestion et une organisation plus efficaces des services d’eau. Dans une telle perspective, l’étude complète de la tarification des services de l’eau potable est une étape essentielle pour des agences de régulation dont l’objectif est de mettre en place des mécanismes de gestion de la demande en adéquation avec les performances des services existants. En particulier, « le mode

2 Source : Idem (1), 2017.

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de tarification de l’eau potable et les modalités de sa distribution ont des impacts directs sur la structure et le niveau de la consommation, tout en étant en principe directement déterminés par l’équilibre financier des services de production et de distribution de l’eau potable

»3.

« La connaissance de la demande pour chacun des types d’usagers (ménages, industriels et agriculteurs) est indispensable pour une gestion de la ressource d’une part, efficace (affecter la ressource en eau à ceux qui la valorisent le mieux) et d’autre part, équitable (garantir l’accès à tous) »4, et cela via une tarification particulière de l’eau potable pratiquée en Algérie, permettant d’envisager différentes mesures de prix qui peuvent être confrontées au coût de fonctionnement des services. « L’eau est en effet tarifée selon un système progressif de paliers (Increasing Block Rate pricing) »5, avec un prix marginal différent pour chaque tranche de consommation. Parler de ces fonctions en eau revient à considérer l’eau comme un bien économique qu’il faut gérer, protéger et partager de façon équitable.

Ce caractère de bien économique a été officiellement reconnu lors de la conférence internationale sur l’eau et l’environnement tenue à Dublin (Irlande) en 1992. Cet accord de principe stipule en effet que l’eau a une valeur économique dans tous ses usages concurrentiels et doit être reconnue en tant que bien économique. « La valeur de l’eau pour un usager est le montant maximum que cet usager est prêt à payer pour disposer d’une unité supplémentaire »6. Cependant, comme il n’existe pas de marché proprement dit pour l’eau, il est difficile d’en estimer sa valeur. L’on doit alors se limiter à estimer des fonctions de demande et/ou de coût de production afin d’en déduire un indicateur de sa valorisation économique. L’estimation d’une fonction de demande en eau constitue un moyen parmi d’autres de mesurer la valorisation du bien eau pour un usager et de contribuer à la mise en place d’un schéma de partage efficace de la ressource.

3 Zeggagh et al. (2010).

4 Diakité et Thomas, (2011).

5 Zeggagh et Ferfera, (2015).

6 Diakité et Thomas, (2011).

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L’objectif de cet article est de faire asseoir une tarification pour l’usage domestique de l’eau, dans une dynamique de changement imposée par l’urgence de faire évoluer les pratiques et les comportements, les modes de gestions et les usages de la ressource en eau, afin de s’adapter aux changements climatiques et d’accélérer la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD). Cette tarification permettra de contribuer à la mise en œuvre des objectifs de développement durable du point de vue des usagers, tout en tenant compte de la demande et de la structure des coûts d’exploitation des services d’AEP, qui soient plus adaptées aux impératifs de l’heure tout en puisant le meilleur parti de l’existant.

L’évaluation de la question de la tarification de l’eau potable implique la nécessite de disposer exclusivement d’évaluations de fonctions de demande et de coût ou, du moins, l’élasticité- prix de la demande (𝜀𝑝) et le coût marginal(Cm). L’intérêt de cette tarification est d’inciter les usagers à la consommation rationnelle de la ressource en eau, ainsi que de permettre aux gestionnaires de service d’AEP d’assurer la fourniture de service d’eau aux différents usagers tout en respectant les principes de service public. Nous rappelons ici que, l’estimation des fonctions de demande et de l’offre servira davantage à comprendre bien d’une part, la réaction des usagers face à une modification des prix via le coefficient d’élasticité-prix de la demande (𝜀𝑝) et d’autre part, à connaitre le coût supporté par les établissements de gestion de service d’AEP à travers le concept du coût marginal(Cm).

« Les performances des services de production et de distribution d’eau sont généralement appréhendées par le concept du coût marginal de production »7. Notre objectif principal est alors de faire asseoir une tarification aux ménages, tout en analysant son impact sur le bien être des usagers, à partir des résultats que nous avons obtenus, lors de la modélisation économétrique des fonctions de demande et de coût. Ces fonctions permettent de calculer à la fois, la valorisation du bien eau pour les différents usagers et les variations du bien-être suite à l’application d’une politique économique de hausse des tarifs.

L’intérêt premier de ces études est souvent de simuler la politique

7 Zeggagh et al. (2010).

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tarifaire, en appliquant l’élasticité-prix de la demande (𝜀𝑝) et le coût marginal(Cm). Ces paramètres clefs seront utilisés pour orienter une politique de gestion de la ressource en eau. Pour cela, il faut faire en sorte d’éviter tout biais dans l’estimation de ces coefficients, car l’élasticité-prix (𝜀𝑝) et le coût marginal(Cm) que nous avons obtenus lors de l’estimation de nos fonctions de demande et de coût, respectivement et qui serviront à prévoir l’impact de toute politique de prix sur la ressource.

Cet article contribue à la revue de la littérature empirique sur les services d’eau potable , à savoir la demande et le coût.

L’élaboration d’une structure de tarification d’eau potable dans le cas de l’Algérie, constitue plus d’un élément nouveau dans cette littérature. L’intérêt d’une analyse empirique dans ce pays réside en particulier dans la grande diversité des situations auxquelles font face les services d’eau : l’eau est distribuée aux ménages selon un schéma de rationnement. « Sa distribution se limite à quelques heures dans la journée ou à quelques jours dans la semaine uniquement »8. Les fuites d’eau dans le réseau sont estimées à 40% du volume mis à la production9. Eaux brutes d’origine superficielle de mauvaise qualité et moins importante pour une population desservie très dense dans le Nord, ressources d’origine souterraine importantes et de qualités réglementaires, pour une population moins dense dans le Sud.

La section 2 de cet article propose un aperçu sur la méthode générale d’évaluation de la tarification à usage domestique de l’eau, basée sur les modalités de sa gestion, intégrant les différents modes de tarification. La section 3 présente en détail les données, utilisées pour l’analyse empirique, provenant de documents comptables de l’entreprise nationale des eaux (ADE) et portant sur 91 communes de six wilayas algériennes sur la période de 16 trimestres (2004-2007).

Ces données permettent en particulier d’évaluer les élasticités-prix ainsi que des coûts marginaux et de ses élasticités. La section 4

8 Diakité et Thomas, (2011).

9 Article de Maya Khelladi, Economiste de l’eau. « Le secteur de l’eau en Algérie: le programme d’assistance technique remboursable » Janvier 2008.

(9)

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présente les résultats d’évaluation de la structure tarifaire. Les remarques de conclusion figurent à la section 5.

2- L’EAU POTABLE : TARIFICATION ET USAGE DOMESTIQUE DE L’EAU

Nous nous intéressons ici à l’évaluation de la structure tarifaire pour les services d’alimentation et de distribution d’eau potable (AEP). Il existe deux approches pour évaluer les performances d’une politique tarifaire : la première approche consiste à tarifer l’usage de services d’eau potable à leur coût marginal (Cm), en prenant soin d’inclure tous les coûts d’opportunité, dont ceux liés à la pollution. À tout le moins, nous devrions abaisser les tarifs de façon à assurer le plein accès à ces services essentiels. Cette approche est connue par les économistes sous le nom de solution de premier rang (first best). Dans le cas d’un monopole (avec rendements croissants), la tarification au coût marginal (Cm) est préconisée par les économistes car elle permet d’atteindre le maximum d’utilité collective. Toutefois, elle présente l’inconvénient de conduire à un déficit budgétaire car les charges fixes ne sont pas financées. L’autre approche s’appuie sur la gestion qui tient compte de la contrainte d’équilibre budgétaire dans la fixation du tarif. Elle est connue sous le nom de tarification à la Ramsay- Boiteux ou solution de second rang (second best). Si l’État n’est pas disposé à subventionner le gestionnaire, il peut appliquer la tarification de Ramsey-Boiteux, qui mène à un optimum de deuxième rang, un moindre mal en quelque sorte. « La tarification de Ramsey- Boiteux consiste à appliquer un tarif supérieur au coût marginal (Cm) afin de permettre au gestionnaire d’équilibrer ses comptes »10. Plus précisément, il s’agit d’appliquer à chaque usager un prix dont l’écart par rapport au coût marginal (Cm) est d’autant plus important que les usagers sont captifs : pour simplifier, les usagers paient d’autant plus cher que le service leur est indispensable. Le modèle Ramsey-Boiteux a de nombreuses applications dans la tarification des services pour lesquels il existe un monopole naturel, notamment local (distribution

10 Marcel Boiteux, Haute tension, 1993, Odile Jacob. (Page 67-71). Cahiers de l’évaluation (Mission d’évaluation des politiques publiques) N° 1 – Septembre 2008.

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d’électricité, gaz, eau, etc.). Cette solution est aussi proche que possible de celle du premier rang, et qui sert à maximiser le bien être total des usagers en tenant compte de la contrainte d’équilibre budgétaire. Cette tarification, applicable dans les secteurs à coûts fixes, autorise l’équilibre financier en dissuadant le moins d’usagers possible. La tarification à la Ramsey-Boiteux permettra au gestionnaire de service d’eau potable de financer ses charges par les recettes qui proviennent du tarif de ses services. En Algérie, les agences de l’eau ont toujours été peu disposées à appliquer des tarifs efficaces, et qui auraient pu pousser les consommateurs à économiser sur leur approvisionnement en eau potable. La tarification était abordée en ce sens, mais les tarifs très bas sont restés inchangés partout dans le pays depuis 2005 et, malgré la pression démographique, le renchérissement du service de l’eau11 et la multiplication des usages domestiques qui ont rendu la consommation d’eau potable beaucoup plus sensible au prix et donc l’analyse de ses déterminants beaucoup plus pertinente. La vente de l’eau sur l’ensemble du territoire national se pratiquera à partir d’un tarif variant selon les tranches de consommation. Cette structure a été l’objet de négociations difficiles entre responsables politiques et experts »12. Elle n’en constitue pas moins une incitation à l’économie de l’eau de la part de ses usagers et une recherche de régulation des consommations à partir de tarifs adéquats. Elle reste une solution idoine à la raréfaction de la ressource en eau. L’objectif recherché dans le cas de la gestion de service de l’eau potable algérien est double à ce titre ; satisfaire à l’obligation de service universel (USO, Universal Service Obligation) pour les besoins primaires (essentiels). Cela garantit l’accès à tous les usagers pour la première tranche (dite sociale). Le second point est de faire supporter la plus grande partie des charges sur les utilisateurs disposant de revenus plus élevés pour assurer la continuité de service d’AEP et d’assainissement.

11 MRE Conformément au décret exécutif n° 05/13 du 09 janvier 2005 fixant les règles de tarification des services publics d’alimentation en eau potable et de l’assainissement.

12 MRE/ SOGREAH-ICEA – (2003) : étude de la tarification de l’eau à usage domestique, industriel et l’assainissement.

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2.1- Modalités de fixation des tarifs de services d’eau potable

Comme indiqué ci-avant, la tarification tient compte de la demande pour évaluer la capacité à payer des usagers, ainsi que leur réaction face à une modification des prix. Elle permet d’affecter la ressource aux usagers qui la valorisent le plus, et de procéder à des arbitrages pour que chacun des usagers y ait accès. La tarification considère aussi l’offre, et donc les coûts supportés par l’organisme gestionnaire de la ressource en eau. Les coûts correspondants sont variables dans l’espace. Les conditions naturelles liées à l’état de la ressource en quantité et en qualité, sa localisation, les données climatiques et la topographie constituent des éléments explicatifs des coûts dont la variabilité est forte. La structure des tarifs d’alimentation en eau potable peut être fondée sur le coût moyen (CM) ou le coût marginal (Cm), dès lors que l’on considère que la recherche d’un optimum est la meilleure façon de satisfaire l’intérêt général. Il est alors optimal de préconiser une tarification au coût marginal (Cm), dont la détermination est parfois difficile, du fait de nombreuses situations existantes d’une part et des données nécessaires d’autre part. Le principe de vente au coût marginal (Cm) découle donc directement de la recherche de l’optimum économique. La mise en œuvre de la tarification au coût marginal (Cm) soulève des difficultés d’ordre pratique. De plus, la demande d’eau est soumise à de fortes variations saisonnières, la consommation estivale étant beaucoup plus élevée que celle d’hiver. La capacité des installations doit alors être ajustée afin de pouvoir faire face à ces périodes de pointe. « La mise en pratique de la tarification au coût marginal (Cm) devrait prendre en compte cette caractéristique et aboutir à des tarifs différents selon la période de l’année »13. Cependant, la tarification au coût marginal (Cm) n’assure pas nécessairement l’équilibre budgétaire14. La mise en place d’un tarif binôme, caractérisée par l’introduction d’une prime fixe et le

13 Ces prix sont analogues à ceux pratiqués pour la demande d’électricité, avec des heures creuses et des heures pleines, retenu par EDF.

14 Si les installations fonctionnent dans la zone des rendements d’échelle croissants, alors le coût marginal est inférieur au coût moyen et conduit à un déficit.

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maintien de la tarification au coût marginal (Cm) s’avère alors une solution satisfaisante. Le tarif binôme permet d’une part, d’assurer l’équilibre budgétaire par la prime fixe qui couvre l’écart entre le coût moyen (CM) et le coût marginal (Cm), et d’autre part, d’induire le comportement de la consommation souhaité cohérent avec l’intérêt général par la tarification au coût marginal (Cm). Le tarif binôme est souvent pratiqué lorsque le coût marginal (Cm) est inférieur au coût moyen (CM).

2.2- Représentation de la structure des tarifs d’AEP par le modèle de Ramsey-Boiteux

La théorie économique nous enseigne, que pour assurer la maximisation du bien-être des consommateurs, les biens et services doivent être vendus à leur coût marginal social.15 Toutefois, en présence d’économie d’échelle, ce mode de tarification ne permet pas de récupérer les coûts fixes et par conséquent conduit à un déficit.

Une solution possible consiste à combler ce dernier par une subvention. La structure des tarifs d’AEP serait donc constituée de deux formules. La formule qui égalise le prix au coût marginal (Cm) conduit à un déficit du monopole. Celui-ci doit être comblé par des subventions financées le plus souvent par l’impôt. Des subventions visant à résorber le déficit d’un monopole public ne peuvent, cependant pas toujours être mises en place, même si ce déficit est justifié par le critère d’optimalité collective que représente la tarification au coût marginal (Cm). Des subventions au monopole public sont en effet souvent perçues comme des primes à une gestion peu rigoureuse et de ce fait mal acceptées par les contribuables. Par ailleurs, le prélèvement fiscal qui permet de les financer peut avoir lui-même des conséquences dommageables sur le plan de l’équité ou conduire à modifier le comportement des ménages dans un sens non souhaitable (par exemple lorsqu’on modifie des taux de taxes indirectes). Il est donc peu réaliste de fonder la tarification optimale de monopole public sur un principe pouvant conduire à un déficit

15 Cet aspect du coût marginal social inclut les dommages à l’environnement et les effets pervers pour les autres agents.

(13)

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systématique de l’entreprise. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle il est souvent plus raisonnable de supposer que le monopole public est astreint à respecter une contrainte d’équilibre budgétaire : financer les coûts de production et de distribution de l’eau potable par des recettes au moins équivalentes, qui devient alors une contrainte dont il faut s’accommoder et qui doit être prise en compte pour définir la politique tarifaire qui est sensée couvrir les charges d’exploitation (ou variables). C’est là l’objectif de la tarification dite de Ramsey-Boiteux, qui maximise le surplus collectif sous cette contrainte additionnelle que constitue l’équilibre budgétaire du monopole. Il s’agit bien alors d’une solution de moindre mal, également appelé un optimum de second rang par opposition à la tarification au coût marginal (Cm) qui apparaît comme un optimum de premier rang. Cet optimum de second rang est donc la solution qui maximise le bien-être collectif, tout en assurant l’égalité des recettes aux coûts.

Pour résumer cette formule de Ramsey-Boiteux, nous envisageons un monopole public produisant un bien en quantité 𝑌.

Afin de caractériser l’optimum de second rang nous notons 𝑆(𝑄) et Π respectivement, le surplus des consommateurs et le profit de l’entreprise16. Notre but est ensuite d’estimer les prix de chaque tranche de consommation de la catégorie ménage et leur prix moyen prédit 𝑃̂𝑖𝑡. Le surplus des consommateurs s’écrit :

 

0

  

1

1

,...,

h

n Y

h n

h

S Q p q dq CT Y Y

  

avec :

𝑝 : le prix associé à la quantité du bien en question;

𝑞 : la quantité consommée du bien produit;

𝐶𝑇 : le coût total du bien produit en quantité 𝑌.

et le profit :

16 Cette section s’est largement inspirée de Pierre Picard (2007).

(14)

98

  

1

1

,...,

n

h h h n

h

p Y Y CT Y Y

   

L’optimum de second rang

Y Y

1

,

2

,..., Y

n

maximise le surplus

 

S Q

tout en respectant la contrainte d’équilibre budgétaire

  0.

Nous associons un multiplicateur de Lagrange

à cette contrainte et écrivons le lagrangien du problème à maximiser come suit

 

LS Q   

Les conditions de premier-ordre (d’optimalité) sont :

1

,

2

,...,

n

 0 1, 2...

h

L Y Y Y h n

Y

  

Elles donnent :

  

1

,...,      

1

,...,0

h h n h h h h h n

h h

CT CT

p Y Y Y p Y Y p Y Y Y

Y Y

  

          

Nous en déduisons :

   

   

 

1

,...,

1

h h n

h h h

h

h h h h

p Y CT Y Y

p Y Y Y

p Y p Y

   

  

Pour

h  1, 2... , n

nous posons :

1

,..., 

mh n

h

C CT Y Y

Y

 

, et

 

 

h h d

h

h h h

E p Y

p Y Y

 

(15)

99

Plus spécifiquement,

C

mh représente le coût marginal de la quantité

h

évalué à l’optimum de second rang

Y

1

,..., Y

n

et

E

hd l’élasticité- prix (directe) de la demande de la quantité

h .

La résolution de ce système aboutit à mettre en place des prix satisfaisant la « règle de Ramsey-Boiteux » donnée par :

    1 1...

h h mh

d h h h

p Y C

h n

E p Y

   

(1)

qui traduit le fait qu’à l’optimum de second rang, pour chaque segment du bien produit par le monopole, les écarts relatifs entre prix et coûts marginaux sont inversement proportionnels aux élasticités- prix de la demande17.

La règle de Ramsey-Boiteux nous dit que le monopole public soucieux de l’intérêt général, en maximisant le surplus collectif mais astreint à une contrainte d’équilibre budgétaire, doit également fixer des prix dont les écarts relatifs, par rapport aux coûts marginaux, sont d’autant plus élevés que la demande est moins élastique. L’ampleur des écarts entre prix et coûts marginaux doit être choisie pour que les recettes soient justes égales au coût total de production et de distribution : une valeur particulière du paramètre (

) correspond à cette situation.

D’après la formule (1), ces écarts relatifs pour chaque bien s’écrivent :

17 Cette règle rappelle la « règle de l’élasticité inverse » appliquée par un monopole non régulé maximisant son profit et appliquant une politique de discrimination par les prix entre groupes dite également « discrimination du 3ème degré ». Il est cependant important de noter que la règle de Ramsey-Boiteux incorpore le « coût fictif » de la contrainte d’équilibre budgétaire (le multiplicateur de Lagrange𝜆).

(16)

100

𝑝−𝑐 𝑐 =𝛾

𝜀 ……… (2)

où 𝛾 est un paramètre qui dépend du multiplicateur de Lagrange associé à la contrainte d’équilibre budgétaire18, 𝛾 = 𝜆

1+𝜆, 𝑝 est le prix, 𝑐 le coût marginal et 𝜀 l’élasticité-prix de la demande pour le bien, 𝜀 =

𝑑𝑞 𝑞 𝑑𝑝

𝑝

= (𝑑𝑞

𝑑𝑝) (𝑝

𝑞). L’équation (2) se réécrit donc :

𝑝−𝑐

𝑐 = 𝛾

(𝑑𝑞𝑑𝑝)(𝑝𝑞) ………….. (3) et en la multipliant par 𝑝, elle permet d’obtenir :

𝑝 = 𝑐 + (𝑑𝑞𝛾

𝑑𝑝

) . 𝑞 ………….. (4)

En notant 𝛽̂ la valeur absolue estimée de la pente de la courbe de demande, 𝛽̂ = |𝑑𝑞

𝑑𝑝|, et 𝑐̂(𝑞) la valeur estimé du coût marginal, nous obtenons :

𝑝(𝑞) = 𝑐̂(𝑞) +𝛾

𝛽̂𝑞 ………….. (5)

D’après ce qui précède et vue la formule (5), nous remarquons que le coût marginal (Cm), la pente de la courbe de demande et les différentes valeurs de gamma (

), avec ,

1

 

 

le paramètre (

 ,

) qui représente le coût d’opportunité des fonds publics. Tous ces paramètres déterminent ensemble le prix (P). Et donc, à des niveaux différents de

, ou du moins, nous calculons gamma moyenne (

),

18 Notons que dans le cadre d’analyse de Ramsey-Boiteux le paramètre 𝜆 est « l’utilité marginale sociale » de la contrainte d’équilibre budgétaire qui, dans le cas où elle n’est pas satisfaite, va contraindre le gouvernement à lever des fonds via la fiscalité pour couvrir le déficit. Aussi, quoiqu’endogène, ce paramètre peut être interprété comme un

« coût d’opportunité des fonds publics ». Son transformé 𝛾 = 𝜆/(1 + 𝜆), nous donne donc par conséquent une idée de ce coût des fonds publics.

(17)

101

que nous allons par la suite utiliser dans la formule ci-dessus et que nous supposons constant sur la période de l’étude. Cela nous permet d’élaborer des prix optimaux pour chaque tranche de consommation de la catégorie ménage.

Estimation du prix prédit (

ˆ

P

it) de chaque tranche de la catégorie ménage, et leur prix moyen.

ˆ

it

P

3 + (1 + 𝑡) ∗ [𝑠𝑖ℎ∗ (𝑝𝑖𝑡+ 𝑐𝑓

𝑀𝑡1)]. , , , , , ,

; = ; ; ; ; ; ; ;

ˆ

it

P

3 + (1 + 𝑡) ∗ [𝑠4ℎ∗ (𝑝4𝑡+ 𝑐𝑓

𝑀𝑡4)].

En résumé, le prix moyen pour les quatre (4) tranches ménage s’écrit sous la forme suivante :

ˆ

it

P   

1

3 1 .( )

m

iht it

i

t s p cf

mt

 

    

  

……….…….(6).

ˆ

it

P

: est le prix moyen prédit,

s

iht est la proportion de ménages dans la tranche

i

,

P

itest le prix marginal dans chaque tranche, 𝑐𝑓 est le coût fixe (c’est-à-dire , abonnement AEP et Abonnement Assainissement) et

mt

est la consommation moyenne de la tranche

j .

L’optimum de second rang (prix de Ramsey-Boiteux) est la solution qui maximise le profit du monopole par l’égalité de la recette marginale pour chaque bien. Cet optimum correspond à une solution du moindre mal : les recettes équilibrent les coûts. Le fait que la tarification optimale de second rang conduise à des écarts entre prix et coûts marginaux qui sont d’autant plus grands que l’élasticité-prix de

(18)

102

la demande ( 𝜀𝑝)19. Les biens dont la demande est peu élastique sont souvent des biens ayant un certain caractère de priorité dans les choix du consommateur. Élever nettement le prix de ces biens peut conduire à pénaliser exagérément les ménages les plus vulnérables car les biens de première nécessité représentent une fraction importante dans leurs dépenses. Le critère du surplus collectif tel que nous l’avons formulé jusqu’ici ignore les préoccupations d’équité. La tarification optimale de second rang (prix de Ramsey-Boiteux) est la solution de l’équation

suivante :

( ) ( )

p q c q ˆ q

  

; Avec

q

i

, c q ˆ( )

qui sont respectivement la consommation moyenne de la tranche ménage, et qui se mesure en m3 /trimestre, le coût marginal (Cm)20, qui se mesure lui aussi en DA / m3, que nous supposons ici constant pour toute la période de l’étude.

2.3- Tarification sociale

La ressource en eau en Algérie est relativement rare (faible).

Contrairement à d’autres pays ou la ressource en eau est abondante (confortable). « La consommation moyenne d’eau potable d’un algérien est de 55 litres par jour, non compris la consommation collective ; c’est-à-dire l’eau utilisée dans les établissements publics »21. Ce chiffre n’est qu’une moyenne et la consommation d’un ménage dépend d’un certain nombre de critères liés à l’habitat, au climat, à l’âge, ou tout simplement au mode de vie de chacun22.

19 L’élasticité prix de la demande (εp) est obtenue par la formule suivante : εp= ∂q

∂p p q =

∂ ln q

∂ ln p .

20 Pour une forme fonctionnelle Translog, le coût marginal du bien i est donné par l’expression suivante : Cm=∂CT∂yi=∂ ln CT

∂ ln yi CT

yi. Cm, CT et yi ces symboles dénotent respectivement le coût marginal du bien i, le coût total du service et la production du bien i.

21 MRE/SOGREAH-ICEA, (2003).

22 40% de l’eau produite à usage domestique est perdue selon les estimations du MRE.

(19)

103

L’Algérie se caractérise par une consommation domestique moyenne très modeste. Cela se justifie par le niveau de ressource renouvelable par habitant qui est relativement faible. L’intensité de l’usage de l’eau est encore expliquée par la composition du foyer, l’équipement des logements et les comportements des consommateurs.

La distribution des volumes d’eau par ménage s’explique par plusieurs scénarios à savoir , le nombre de personnes présentes dans le foyer et par les équipements dont dispose-le ménage. Entre les logements collectifs et les logements individuels, les différences sont importantes. La tarification associée à cette catégorie ménage est celle par tranche progressive qui pour objectif de protéger la ressource, de la préserver et de la partager entre les différents usagers pour permettre à chacun d’eux d’y avoir accès. Selon la base mondiale, le grand consommateur d’eau est l’agriculture avec 70% des prélèvements, puis, l’industrie environ 20% et l’usage domestique absorbe seulement 10% de tous les prélèvements annuels d’eau (UN World Water Development Report, 2014).

L’usager domestique consomme de l’eau pour des usages qu’on peut qualifier d’abord de premières nécessités : la boisson, la préparation des aliments et les soins d’hygiène corporelle. Ensuite, l’eau vient pour qu’elle soit utilisée, à l’intérieur du logement, pour faire fonctionner un ensemble d’ustensiles électroménagers (lave- linge, lave-vaisselle…), que l’on regroupera sous le terme

« d’équipement d’économiseur d’eau ». Les ménages ont intérêt à introduire ces équipements car ils permettent d’économiser la ressource en eau. L’eau potable est aussi parfois utilisée à l’extérieur du logement. Les volumes consommés peuvent être très variables selon que l’eau sert ou non au lavage des voitures ou à l’arrosage du jardin.

(20)

104

Tableau N°1. Usages domestiques de l’eau

Usage domestique Part Consommation moyenne

Alimentation

Boisson 1% besoin alimentaire : 2 litres

préparation de la nourriture 6% préparation alimentaire : 8 litres Hygiène

bains, douches 39%

douche de 4 à 5 minutes : de 60 à 80 litres

bain : de 150 à 200 litres

Sanitaires 20% chasse d'eau : de 6 à 12 litres

Nettoyage et autres

Linge 12% lave-linge : de 70 à 120 litres

Vaisselle 10% vaisselle à la main : de 10 à 12 litres lave-vaisselle : de 25 à 40 litres lavage de la voiture 6% lavage de la voiture : 200 litres et arrosage du jardin 6% arrosage du jardin : de 15 à 20 litres

par m2 Source : CIEAU, (2010)

Le tableau 1 nous résume que la répartition de la consommation d’eau potable s’établit selon trois paliers. L’usage domestique fait l’objet d’une attention particulière de la part de la puissance publique.

Pourtant celui-ci est souvent mal connu des gestionnaires qui le considèrent en règle générale comme un élément incompressible. Si, pendant longtemps, l’usage domestique en eau a en effet visé la satisfaction de besoins essentiels, le progrès technique et l’augmentation constante des niveaux de vie ont abouti à ce que

(21)

105

seulement 7 % de l’eau consommée par le ménage est utilisée pour son alimentation. Les usages de nettoyage (linge et vaisselle) contribuent à hauteur de 22%, c’est là, que l’Agence Nationale de l’Eau (ADE), devrait mener des campagnes d’économies d’eau pour cibler l’hygiène et le nettoyage. Ces campagnes visent des changements de pratiques, par exemple , (douche à privilégier par rapport au bain) et préconisent aussi des appareils économes en eau, (source CIEAU, (2010)). Les usagers domestiques peuvent donc réagir à des mesures de restriction ou d’ordre tarifaire en ajustant leurs niveaux de consommation de manière à privilégier des usages qu’ils considèrent comme prioritaires. La mesure de la sensibilité des usagers domestiques constitue désormais un élément incontournable de toute politique de gestion intégrée de la ressource.

3 - LES DONNEES

Les données sur les consommations, les prix et les abonnés ont été collectées auprès de l’entreprise nationale de l’eau (ADE).

L’échantillon contient 91 communes dont le service d’AEP est géré par l’Algérienne des Eaux (ADE), sur la période suivante : 2004-2007 (16 trimestres). Six wilayas sont concernées : Alger, Bejaia, Constantine, Oran, Ouargla et Sétif. Nous disposons d’une base de données de panel de 1456 observations. Les données sont essentiellement issues des rapports réalisés par les établissements de gestion de l’eau (ADE) au niveau de chaque wilaya, à partir des bilans financiers établis trimestriellement par les gestionnaires du service d’alimentation en eau potable. Ces bilans contiennent des informations pertinentes sur les données commerciales : les abonnés, la structure des tranches de la catégorie ménage, les volumes de consommation par tranche et le prix associé à chaque tranche. Des variables utiles à mobiliser pour une comparaison avec les coûts marginaux estimés sont également calculées. Nous construisons les variables concernant les prix unitaires ou moyens de l’eau facturée (Prix), les prix marginaux, c’est-à-dire avant les taxes (Pm), la consommation moyenne (Cons_moy) et les proportions des tranches ménage (Prop_tranch) à partir des données de facturation (obtenues des services commerciaux). Le prix moyen

(22)

106

(PM) exprimé en dinars / m3 est obtenu en divisant le total des factures de la catégorie «consommation résidentielle» (ménages), calculé en sommant la valeur des quatre tranches qu’elle contient, par le total des volumes facturés de la même période. Pour le prix marginal (Pm) la procédure est la même mais en ne tenant pas compte des taxes forfaitaires suivantes : (RFA_ EAU) et (RFA_ ASS) (respectivement, redevance fixe eau et redevance fixe assainissement).

La consommation moyenne (Cons _moy) exprimée en m3 / ménage est définie comme le rapport entre le volume de la catégorie «ménages»

et le nombre d’abonnés de cette catégorie. La proportion des tranches (Prop_tranch) exprimée en pourcentage (%) / abonnés est définie aussi comme le rapport entre les abonnés de la tranche « ménage » et le nombre d’abonnés de toute la catégorie. La fréquence et les plages horaires de distribution (Jours et Heures). Ces deux dernières variables sont exprimées en jours par semaine et en heures par jour respectivement et permettent de caractériser la qualité du service de distribution d’AEP.

Le tableau 2 présente les statistiques descriptives des variables de notre échantillon. En raison d’observations manquantes pour certaines communes à certaines dates, le nombre total d’observations utilisables dans les estimations est de 1139.

Tableau N°2.Statistiques descriptives sur l'échantillon

Variables Unité Moyenne Écart-type Minimum Maximum

P

t1 DA /m3 6,27 2,067 3,789 62,64

2

p

t DA /m3 20,124 3,524 8,447 22,121

3

P

t DA /m3 34,112 6,025 3,741 37,432

4

P

t DA / m3 40,42 7,065 12,553 55,135

1

M

t m3 /ménage 12,5 0 12,5 12,5

(23)

107

2

M

t m3/ménage 39,5 0 39,5 39,5

3

M

t m3/ ménage 68 0 68 68

4

M

t m3/ ménage 135,936 0 135,936 135,936

Prop_tranch1 % / abonnés 0,64232 0,1366447 0,0660668 1 Prop_tranch2 % / abonnés 0,2527097 0,0915306 0 0,9320456 Prop_tranch3 % / abonnés 0,0534006 0,0368044 0 0,2857143 Prop_tranch4 % / abonnés 0,0515697 0,0589423 0 0,6680162 Source : calcul de l’auteur, (2012)23.

Notes. 1139 observations. Les symboles, 𝑷𝒕𝟏,…𝑷𝒕𝟒, 𝑴𝒕𝟏,...𝑴𝒕𝟒, 𝒆𝒕 𝑷𝒓𝒐𝒑𝒕𝟏….𝑷𝒓𝒐𝒑−𝒕𝟒

dénotent respectivement le prix appliqué à chaque tranche ménage (Prix_tranche) exprimé en DA /m3, la consommation moyenne de chaque tranche (Cons_moy) exprimée en m3 /ménage et par trimestre. La proportion des tranches (Prop_tranch) exprimé en pourcentage (%) / abonné.

L’élasticité-prix de la demande ( 𝜀𝑝 ) par rapport à la consommation d’eau d’un ménage, que nous avons estimée est égale à -0,3709124. Par contre, la pente de la courbe de demande qu’on a estimée à l’aide d’un modèle à effet fixe est égale à = - 0,42678. La pente de la courbe de demande étant négative, tout comme l’élasticité-prix de la demande ( 𝜀𝑝 ), et elle s’écrit sous la formule suivante en valeur absolue:

ˆ 0, 426.

dq dp

  

Le coût marginal(Cm) que nous avons estimé par rapport au volume d’eau distribué aux abonnés est égal à = 7,52 DA/m325. Le tableau 3 présente les résultats d’estimation des paramètres Gamma (𝛾), pour chaque tranche de consommation au point des prix estimés de toutes les tranches de la catégorie ménage indiquées ci-avant.

23 Voir partie 3 de ma thèse soutenue à l’Université d’Alger 3.

24 Les cahiers du CREAD n° 112/2015, p 51.

25 Idem (24), n° 92/2010, p 147.

(24)

108

Tableau N° 3. Estimation des paramètres Gamma 𝛾 et calculer leur moyenne 𝛾̅.

Variables Unité Moyenne Écart-type Minimum Maximum

Gamma_moy

DA 0,135 0 0,135 0,135

Gamma 1

1

DA -0,042 0 -0,042 -0,042

Gamma2

2 DA 0,135 0 0,135 0,135

Gamma3

3 DA 0,166 0 0,166 0,166

Gamma4

4 DA 0,103 0 0,103 0,103

Source : calcul de l’auteur, (2012)26.

Notes. 1139 observations. La moyenne des paramètres Gamma 𝛄 est obtenue par la formule suivante: (Gam_moy)

2 3 4

( ) / 3.

      

Pour le calcul

de Gamma moyenne (γ̅), on enlève les observations aberrantes : γ < 0. les valeurs de gamma sont calculées au point du prix estimé pour chaque tranche ménage

4 - RESULTATS D’ESTIMATION

Comme indiqué plus haut, le modèle de Ramsey-Boiteux est estimé comme un système d’équations simultanées avec le surplus des consommateurs

S Q  

et le profit de l’entreprise

27. Nous cherchons à maximiser le surplus des consommateurs, en tenant compte de la contrainte d’équilibre budgétaire

  0.

Cela va permettre à l’entreprise d’éviter un déficit de monopole. Maintenant, il nous reste à remplacer les paramètres de la formule ci-dessus par leur valeur pour calculer les prix optimaux à chaque tranche de

26 Idem (23).

27 Pierre Picard « Eléments de micro-économie » théorie et application. Edition Montchrestien, année 2007.P375-376.

(25)

109

consommation ménage. Les résultats d’estimation sont présentés dans le tableau 4.

Tableau N°4.Résultats d’estimation

Tarification d'AEP et d'Assainissement

Catégorie

Moyenne des tranches

(Mt)

C

m

1

 

 

Prix optimaux

  p *

/ m3

Prix observés

  p

/ m3

RFA Eau

RFA Assain isseme nt

Prix TTC EN DA

Ménage

Mt1= 12,5

m3 / Trim 7,52 0,135 11,48 6,27 240 60

311,48 DA Mt2= 39,5

m3 / Trim 7,52 0,135 20,03 20,124 240 60

320,03 DA Mt3= 68

m3 /Trim 7,52 0,135 29,06 34,112 240 60

329,06 DA Mt4=136

m3 /Trim 7,52 0,135 50,59 40,42 240 60

350,59 DA Source : (calcul de l’auteur)

Ces résultats nous renseignent en premier lieu sur l’information concernant le coût marginal (Cm) qui n’est pas loin du prix appliqué à la première tranche. Ceci dit, la première tranche est même cédée à un prix inférieur au coût marginal de mètre cube produit. Ce tableau fournit également la liste des tarifs optimaux (théoriques), et tarifs observés en mètres cubes des services publics d’AEP et d’assainissement. Ces tarifs ont toujours gardé la même structure que ceux qui sont déjà connus du public. Par contre, les niveaux des tranches de consommation sont modifiés afin d’atteindre l’objectif du chiffre d’affaires. Le tarif moyen hors abonnement est de 27,79 DA/m3 HT. Le tarif le plus bas est de 11,48 DA/m3 HT et le tarif le plus haut est de 50,59 DA/m3 HT. L’analyse des écarts pourrait se faire, seulement au niveau des prix correspondants. Ces tarifs sont croissants avec les volumes consommés, et donc sont en accord avec la pratique observée, voire plus, qu’ils répondent aux attentes de la

(26)

110

tarification par tranches progressives. Ils ont pour but d’assurer l’accès à tous les usagers par le tarif appliqué à la première tranche, mais aussi donnent un signal aux usagers que ces tarifs vont dans le sens de préserver la ressource en eau par les tarifs appliqués aux tranches supérieures. Toutefois, le tarif de la dernière tranche portant sur un volume élevé (136 m3/trimestre) n’est pas assez dissuasif (50,59 DA/m3). L’ajustement des prix de vente pratiqués par rapport aux prix théoriques (optimaux) sont présentés dans la figure ci-dessous.

Figure N°1. Ajustement des prix de vente appliqués vis-à-vis des

prix optimaux

Source : (calcul de l’auteur) 6,27

20,124

34,112

40,42

11,481

20,038

29,069

50,598

0 10 20 30 40 50 60

0 20 40 60 80 100 120 140 160

Prix

Quantités

Prix observés Prix théoriques (optimaux)

(27)

111

Cette figure nous affiche, non seulement la position des prix de vente observés par rapport à la droite d’ajustement qui représente les prix optimaux (théoriques). Mais également, elle nous renseigne sur l’écart de prix qui pourrait faire l’objet d’une politique alternative à la gestion des services d’AEP et d’Assainissement.

Différentiel de prix (∆𝐩).

Ecart      p

1

p

1*

  M

t1

1

prop   p

2

p

2*

  M

t2

prop 2

+

p

3

p

*3

  M

t3

4 4*

4

3

t

4.

propppMprop

La contribution des variables observées dans le différentiel de prix dépend de la différence dans les moyennes de consommation Mti-4, selon le mode de gestion, les proportions de chaque tranche Propt1-4, ainsi que la différence entre les prix observés et les prix théoriques.

L’écart du prix pour l’ensemble des tranches de la catégorie ménage est présenté dans le tableau 5.

Tableau N° 5.

Comparaison des tarifs pour la catégorie ménage Comparaison des tarifs pour la catégorie ménage

Eléments

Prix observés (pratiqués) Prix optimaux (théoriques) Ecart

S

p

S PS

P * SP *

+ ( FAV ) - ( DEF ) S1 = Mt1 *

prop1 8,029 6,27 50,34 8,029 11,48 92,17 S2 = Mt2 *

prop2 9,982 20,12 200,87 9,982 20,03 199,93 S3 = Mt3 *

prop3 3,631 34,11 123,86 3,631 29,06 105,51 S4 = Mt4 *

prop4 7,013 40,42 283,46 7,013 50,59 354,78

Total 658,54 752,41 93,871

Source : (calcul de l’auteur)

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