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ARTICLE ORIGINAL
Cancers de vessie chez les patients
neurologiques : étude rétrospective de prise en charge et de suivi
Bladder cancer in neurogenic patients: A retrospective study of management and follow-up
P. Ali
a,b, C. Lefevre
c, B. Perrouin-Verbe
c, L. Le Normand
d, J. Rigaud
d, O. Bouchot
d, A. Levesque
d, M.-A. Perrouin-Verbe
d,∗aFacultédemédecined’Angers,49100Angers,France
bServicedemédecinephysiqueetderéadaptation,CHUd’Angers,49100Angers,France
cServicedemédecinephysiqueetréadaptationneurologique,hôpitalSaint-Jacques,CHUde Nantes,44000Nantes,France
dCliniqueurologique,CHUdeNantes,HôtelDieu,Nantes,France
Rec¸ule30mai2017 ;acceptéle21octobre2017 DisponiblesurInternetle23novembre2017
MOTSCLÉS Cancerdevessie; Vessieneurologique; Neuro-urologie; Cancerépidermoïde
Résumé
Introduction.—La prévalence des tumeurs de vessie (TV) chez les patients neurologiques semblesimilaireàcelledela populationgénérale, maislesformeshistologiquessontdiffé- rentesavecuneprédominancedeformesagressives,notammentépidermoïdesetinfiltrantes.
L’objectifdenotreétudeétaitderapporterlesétiologies,lapriseenchargeetl’évolutiondes TVdanscettepopulation.
Matérieletméthode.—Les dossiersdespatientsneurologiquesayantprésentéuneTVentre 2004et2017ontétérevusrétrospectivement.Lesdonnéessuivantesontétérelevées:âge, sexe,duréed’évolutiondelamaladie,modededécouverte,typehistologique,traitementet évolution.
∗Auteurcorrespondant.Serviced’urologieetdetransplantationrénale,CHUNantes-HôtelDieu,1,placeAlexis-Ricordeau,44000Nantes, France.
Adressee-mail:marieaimee.perrouinverbe@chu-nantes.fr(M.-A.Perrouin-Verbe).
https://doi.org/10.1016/j.purol.2017.10.012
1166-7087/©2017ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
Résultats.—Les dossiers de 27 patients ontété retenus. Les vessies neurologiques concer- naient11blessésmédullaires,7maladiesdeParkinson,5sclérosesenplaques,3traumatisés crâniens,3accidentsvasculairescérébraux,2paralysiescérébraleset1spinabifida.Lestypes histologiquesétaientrépartisainsi:22carcinomesurothéliaux,4carcinomesépidermoïdes,un mucineux,unsarcomatoïdeetunneuroendocrineavec19tumeursdehautgradeet15tumeurs infiltrantesaudiagnostic.Septpatients(26%)ontprésentéuneTVavant15ansd’évolutionde lapathologieneurologique.Lereculmédianétaitde14mois(1—210mois)avec8décèsdont 5liésaucancer.Letabac,lemodemictionneloulesantécédentslithiasiquesetinfectieuxne semblaientpasliésàlasurvenuedecancerépidermoïde.
Conclusion.—LestadeavancéaudiagnosticetlecaractèreagressifdesTVdanscettepopu- lationjustifientunsuivineuro-urologiquerapproché,ycomprisavant15ansd’évolutiondela pathologieneurologique.
Niveaudepreuve.— 4.
©2017ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Bladdercancer;
Neurogenicbladder;
Neuro-urology;
Squamouscell carcinoma
Summary
Introduction.—The prevalenceofbladdercancer (BC)inneurologicalpatients seemstobe similartothatofthegeneralpopulation.However,theyaremoreaggressivewithahigherrate ofmuscle-invasiveformsandsquamouscellscarcinomas.Theaimofthecurrentstudywasto reportetiologies,managementandoutcomesofBCinneurologicalpopulation.
Materialandmethod.—WereenrolledallneurologicalpatientswithaBCdiagnosedbetween 2004and2017.Thefollowingdatawereretrospectivelyreported:age,gender,durationofthe disease,modeofdiscovery,histologicaltype,treatmentandoutcomes.
Results.—In total,27patients wereincluded:11spinalcordinjuries,7Parkinson’sdisease, 5multiplesclerosis, 3 headtrauma, 3brain strokes, 2cerebralpalsies and 1spina bifida.
Thehistologicalsubtypeswereasfollows:22 transitionalcellscarcinomas,4squamouscell carcinomas(SCC),onemucinousadenocarcinoma,onesarcomatoidandoneneuroendocrine with19high-gradetumorsand15muscle-invasivebladdercancer.Sevenpatients(26%)were diagnosedbefore15yearshistoryofneurogenicbladder.Themeanfollow-upwas14months (1—210months).Eightdeathswereobserved,with5relatedtobladdercancer.Inourstudy, smokinghabits, voidingmode, lithiasisorinfection historieswere not related withamore aggressivepattern,suchasSCC.
Conclusion.—Thehighrateofmuscle-invasivebladdercancerandaggressivepatternsjustify neuro-urologicalfollow-up,evenbefore15yearsofneurogenicbladder.
Levelofevidence.— 4.
©2017ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
L’évolutiondespratiquesetdesprisesenchargeontpermis l’allongementdel’espérancedeviedespatientsatteintsde pathologiesneurologiques chroniques,notamment dans la populationdepatientsblessésmédullaires[1].Noussommes alorsconfrontés à unepopulation de plusen plus vieillis- sante. Ainsi, les patients ayant une vessie neurologique développenttoutcommelespatientsnonneurologiquesdes tumeursvésicales(TV)[2—5].
Outre les facteurs de risque classiques identifiés dans la population générale, les vessies neurologiques pré- sentent leur propre étiopathogénie liée à la fréquence plus importante d’infections urinaires, de haute pression vésicale. Il existe également parfois un mode miction- nel inadapté, notamment le sondage à demeure pouvant
favoriserl’inflammationchroniqueetlesmodificationsmor- phologiquesengendrées[6,7].
Il a longtemps été suspecté que la prévalence des TV était plus importante dans la population de patients neurologiques blessés médullaires [8], mais des études plus récentes montrent qu’elle semble se rapprocher de celle delapopulation générale[4,9,10].Cependant,dans cette population de patients neurologiques, les TV sont d’emblée plus agressives, souvent diagnostiquées à un stadeplus tardif, etavecun taux plus importantde can- cers épidermoïdes, justifiant un suivi régulier et adapté [8—13].
L’objectif de notre étude était de rapporter la prise encharge etl’évolution des TVdans notre population de patientsneurologiques,etd’identifierd’éventuelsfacteurs derisque.
Patients et méthodes
Nousavonsréaliséuneétuderétrospectivemonocentriqueà partirdesdossiersdepatientsneurologiquesprisencharge dansnotreétablissemententre2004et2017,etayantpré- sentéunetumeurdevessiesurlapériode.
Les données ont été recueillies à partir des dossiers informatisés des patients neurologiques suivis dans notre centre et ayant été hospitalisés sur la période. Les dos- siersontétésélectionnésàpartirdescodagesdiagnostiques
«tumeursdevessie»etdesdifférentespathologiesneurolo- giques:blessésmédullaires(BM),spinabifida(SB),sclérose enplaques(SEP),syndromes parkinsoniens,accidents vas- culaires cérébraux (AVC), paralysies cérébrales (PC) et traumatiséscrâniens (TC).Étaient inclustouslespatients ayant une atteinte neurologique altérant le contrôle de la miction et/ou de la continence et ayant présenté une TVaprèslediagnosticdepathologieneurologique.Étaient exclusceuxquineprésentaientpasd’altérationdufonction- nementvésicosphinctérienouceuxchezquilachronologie necorrespondaitpas,c’est-à-direceuxpourlesquelsledia- gnosticde TV étaitantérieur au diagnosticde pathologie neurologique.
Lesdonnéessuivantesontétérecueillies:
• âgeaudiagnostic;
• sexe;
• tabagisme;
• typedepathologieneurologiqueetduréed’évolutionde lamaladie;
• modemictionnelantérieuretaudiagnostic;
• donnéesurodynamiques;
• suivineuro-urologiqueantérieur;
• modededécouverte;
• typehistologique;
• grade;
• stadeTNM;
• traitement;
• évolution.
Les dossiers avaient tous été discutés en réunion de concertationpluridisciplinaire d’oncologie afin dedécider delapriseenchargethérapeutique.
Analyse statistique
Compte-tenudelataillelimitéedel’échantillonétudié,une analysestatistiquedescriptiveaétéconduite.Uneanalyse delasurvieactuarielleselonlaméthodedeKaplan—Meier aégalementétémenée. Pourlasurvie,nousavonsétudié ladate dudiagnostic considéréecommela date d’origine jusqu’àladatededécèsoudeladernièrevisiteaumoment delaclôturedel’étude.Le logicielGraphPad Software® (2007)aétéutilisépourlesanalysesstatistiques.
Résultats Population
Entre 2004 et 2017, 1500 patients neurologiques ont été pris en charge dans notre centre pour troubles miction- nels,avecunemoyennede125patientsparan.Parmieux,
43dossiersdepatientsontétéidentifiéscommeprésentant destroublesmictionnels etunetumeurdevessie(codages diagnostiques).Autotal,16dossiersontétéexclus:3TC,un Parkinson,et12AVC.Cesdossiersontétéexclusdel’étude soit parce que la chronologie ne correspondait pas, soit devant l’absence d’atteinte neuro-urologique rapportée : danslesdossiersdecespatients,iln’étaitpasrapportéde modificationducomportementvésicosphinctérien.Ilétait retrouvéque ces patients urinaientenmiction spontanée sanseffortdepousséeni résidupost mictionnel,etaucun signefonctionnelurinairen’étaitsignalélorsdesconsulta- tionssuccessives.
Au total, les dossiers de 27 patients ont été étudiés.
Lescaractéristiquesdelapopulationsontdétailléesdansle Tableau1.Lereculmédianétaitde14mois(1—210mois).
L’âgemédianaudiagnosticétaitde67,5ans(21—85),dont 13patients(48%)demoinsde60ans.Ilyavait3femmes et24hommes,avecunsexratiode8.La duréemédiane d’évolutionde la maladie était de 20,5 ans (0,3—42), et 7patients(26%)présentaientunevessieneurologiqueévo- luantdepuismoinsde15ans.
Lesétiologiesneurologiquesétaient:11blessésmédul- laires(BM)(41%),7maladiesdeParkinson(26%),5scléroses en plaques (SEP) (18,5 %), 3 traumatisés crâniens [11], 3accidentsvasculairescérébraux(11%),2paralysiescéré- brales(7%)et1spinabifida(4%).2patientsprésentaient 2 pathologies neurologiques associées : un patient avec maladiedeParkinsonétaitatteintdeSEP,etunpatientspina bifidaavaitprésentéunAVC.
Lemode mictionnelprincipalaumomentdudiagnostic de TVétait la miction spontanée (n=19, 70 %), compre- nant11patientsenmiction volontaire(7Parkinson,1SEP, 1 BM, 1 PC et 1 TC), 2 en poussée abdominale (2 BM) et 6 en miction réflexe (percussion/fuites) (3 SEP, 2 BM et1TC).
Huit patients (30 %) étaient aux autosondages inter- mittents propres (ASIP) au moment du diagnostic (6 BM, 1 SB et 1 SEP). Parmi eux, 3 patients étaient en mic- tion réflexe antérieurement (sur une durée moyenne de 20 ans) et un autre avait effectué des poussées abdomi- nalespendant40ansavantdepasserauxASIP.Concernant les autres patients, aucun n’avait d’antécédent de drai- nage à demeure au long terme (sonde ou cathéter sus pubien).
Siondétaillelesmodesmictionnelsdanslapopulationde neurovessies«àrisque»,onobservequeparmiles11BM, 6étaientauxASIP,2étaientenmictionréflexe,2enpoussée abdominaleet1enmictionvolontaire.ParmilesSEP,1était auxASIP,3enmictionréflexeet1enmictionspontanée.Le patientSBétaitauxASIP.
Concernant les traitements médicamenteux à visée d’inactivation vésicale, 9 patients étaient sous traite- ment parasympathicolytique (33 %) et unétait traité par injectionsintradétrusoriennes detoxine botulique A,per- mettantunedéconnexionpharmacologiquecomplète.Chez ce patient, le diagnostic de TV a eu lieu 6 ans après la premièreinjection.
Concernant les données urodynamiques, 15 patients avaientunehyperactivitédétrusorienne(8BM,5SEP,1TC, 1 Parkinson), et parmi eux, 3 effectuaient des poussées abdominales, pouvant suggérer un risque de haute pres- sion vésicale avec potentiel retentissement sur le haut
Tableau1 n=27.
Sexe
Femme 3
Homme 24
Âge
<60ans 13
60anset+ 14
Étiologies Blessés médullaires
11
SEP 5
AVC 3
Parkinson 7
Spinabifida 1
TC 3
PC 2
Duréed’évolutiondelamaladie
<15ans 7
Modedevidangevésical Mictions
spontanées
15anset+20
Volontaire 11
(7Parkinson, 1SEP,1BM, 1PC,1TC) Poussée
abdominale
2(2BM)
Réflexe 6(3SEP,2BM,
1TC)
Autosondages 8(6BM,1SB, 1SEP) Facteursderisque
Tabagisme 10(8non
sevrés) Infections
urinaire répétées
7
Lithiases 5(2vésicales et3rénales) Modededécouverte
Hématurie 15 54%
SFU 6
Typehistologique
Urothélial 22(dont
12infiltrants)
81%
Épidermoïde 4(dont
3infiltrants)
15%
Mucineux 1 4%
Sarcomatoïde 1 4%
Neuroendo- crine
1 4%
appareilurinaire. Lesautrespatientsétaientbiencontrô- lés d’un point de vue urodynamique, avec des vessies à basse pression : soit en miction réflexe (parfois asso- ciéeàunesphinctérotomie),soitinactivés partraitement médicamenteux parfois associés aux ASIP. Aucun trouble de la compliance n’a été observé. Deux patients présen- taient une hypocontractilité détrusorienne (flasque, non
médicamenteuse)aumomentdudiagnostic.Pour9patients, lesdonnéesurodynamiquesn’étaientpasdisponibles.
Onretrouvaituntabagismechez10patients(37%),dont 8 nonsevrés (14 %). Septpatients (26%) avaientréguliè- rementdes infections urinairesbasses symptomatiques et 5(18,5 %)unantécédentlithiasique:2 vésicales(7%)et 4 rénales (15 %). Nous n’avons pas retrouvé d’exposition professionnelleàdestoxiques.
L’hématuriemacroscopiqueaétérévélatricedans 56% descas(n=15).
Lestypeshistologiquesretrouvésétaient:22carcinomes urothéliaux (81 %), 4 épidermoïdes (15 %), un mucineux (4%),unsarcomatoïde(4%)etunneuroendocrine(4%)avec 19tumeursdehautgrade(70%)et15tumeursinfiltrantes (56%).
Chez les 4 patients ayant présenté un carcinome épi- dermoïde, 2 avaientune SEP et 2 une lésion médullaire.
TouscespatientsétaientauxASIPaumomentdudiagnostic detumeurvésicale,sanspassédecathétérismepermanent au long cours. Les 2 SEP présentaient une hyperactivité détrusoriennecontrôléesousanticholinergiques.L’uneétait en miction réflexe avec vidange complète et l’autre aux ASIP.Concernantles2BM,1patientprésentaitunevessie àrisqueavechautespressionsvésicalesmalgréunebonne observancedesASIPetlaprisedeparasympathicolytiques.
L’autrepatientBM présentaituneparaplégieflasqueavec vessie acontractile initialement en poussées abdominales pendant40ans,puisauxASIP4ansavantlediagnosticde TV.
Lesuivienconsultationdeneuro-urologieétaitrégulier pour18patients(67%),parmieux,6avaientunecystoscopie datantdemoinsde2ans(33%).
Nousavonsobservé8décès(30%)dont5liésaucancer.
Letaux derécidive étaitde 11 % (n=3)et concernait despatientsavecunetumeururothéliale,noninfiltrantede hautgrade, traitéesparBCGthérapie.Àlarécidive tumo- rale,undespatientsa étéopéréparcystoprostatectomie avecdérivationurinaireexternedetypeBricker.Lesautres ontdenouveaueuuneBCGthérapie.
Nousn’avonspasretrouvédedifférencedesurvieglobale entreles différents types histologiques(p=0,74) (Fig.1).
Le tabagisme, lesantécédentslithiasiques oud’infections urinairesn’ontpasétéretrouvéscommefacteurfavorisant unetumeurépidermoïde.
Discussion
Danslapopulationgénérale,chezleshommesdemoinsde 75ans,laprévalencedescancersdevessieestdel’ordrede 2à4%etestcomparableàcelleobservéedanslapopula- tiondepatientsneurologiques[9,11—13].Ceschiffressont cohérentsavecceuxretrouvésdansnotresérie.Cependant, chezlespatientsneurologiques,cestumeurs sontsouvent diagnostiquéesàunstadeplusavancédelamaladie,àun stade d’emblée infiltrant, et de pronostic plus péjoratif [11,14]. Eneffet,l’étude deWelk avaitrapporté untaux plus important de TV infiltrantes dans la population de patients blessés médullaires. Par ailleurs, les TV chez les patients neurologiques présentent une différenciation particulière,avecunnombreplusimportantdecancersépi- dermoïdes(jusqu’à52%desTV)[9]encomparaisonavecla
Courbe de Survie
0 5 10 15 20
0 50 100
150 T.Epidermoides
Autres types histologiques
Temps (années)
p=0,74
Figure1. Courbedesurvie.
Tableau2 Différentesétudesrapportantl’épidémiologiedestumeursdevessies.
Études Année ncancers Incidencebrutea Épidermoïde Survie
Pannek[9] 2002 48 0,1% 7(19%) 22(46%)
Groahetal.[6] 2003 21 0,5% Pasdedonnée 8(38%)
Subramonianetal.[4] 2004 4 0,3% 4(100%) 2(50%)
Parraetal.[7] 2007 8 0,4% 3(37,5%) 5(63%)
Kalisvaartetal.[8] 2009 32 2,5% 15(46,9%) 9(28,1%)
Notresérie 2017 27 1,8% 4(15%) 21(77%)
a Tauxd’incidencebrutedespatientsavecvessieneuroogiqueayantétéhospitalisés.
populationgénérale(2—7%)[15,16].Dansnotresérie,15% despatientsontprésentéuncarcinomeépidermoïde,cequi estcohérentaveclesdonnéesdelalittérature(Tableau2).
Outrelesfacteursderisqueclassiquescommunsàceuxde lapopulationgénérale,lesfacteursétiologiquesincriminés dans l’étiopathogénie de ces tumeurs sont les sondages vésicauxcontinuset/ouintermittents,lesinfectionsitéra- tivesdubasappareilurinaireetl’accumulationdelithiases [12],notammentaprèsuneévolutionlonguedelamaladie neuro-urologique (15 à 20 ans). Le sondage à demeure a étéclairement identifié commepourvoyeurdeTVdans la populationdeblessés médullaires,avecunrisquetumoral 25 fois plus élevé que dans la population générale. De plus, le sondage à demeure semble à lui seul être un facteur de risque de TV, et ce indépendamment de la lésionmédullaire[5—7].Enfin,lecathétérismeàdemeurea clairementétéidentifiécommefacteurderisquedetumeur épidermoïde [7]. Eneffet, l’inflammation chronique joue un rôle crucial dans l’étiopathogénie de ces tumeurs.
Certainsmarqueursdel’inflammation sont retrouvésdans ces tumeurs épidermoïdes, que ce soit au niveau vésical ouORL[17].Ainsi,commeletabacauniveaudelasphère ORL, le drainage continu est une source d’inflammation chronique au niveau vésical, pourvoyeur de ce sous type tumoralplusagressif.Cecin’apasétéretrouvédansnotre cohortedufaitdel’absencedepassédedrainagecontinu cheznos patients. Cependant,parmi les4 patients ayant présentéuneTVépidermoïde,2avaientunprofilàrisque: un patient présentait un passé de mictions par poussées
abdominalesavecpossibleshautespressionsvésicalesetun patientprésentaitunevessie«àrisque»avechyperactivité détrusoriennenoncontrôlée.
Lemodededécouvertelepluscommunétaitl’hématurie macroscopique,concernant 56 % des patients de l’étude, résultats semblables à la littérature [10]. La présence d’une hématurie macroscopique, même si elle n’est pas forcément signe de malignité dans la population neurologique où elle apparaît fréquemment (microtrau- matismes liés au cathétérisme intermittent et inflamma- tion chronique), ne doit jamais être négligée et doit conduire à une endoscopie et une imagerie au mini- mum.
La prévalence élevée de tumeurs vésicales, la gravité destypes histologiquesetletaux demortalité induit jus- tifient un suivi régulier et rigoureux des patients ayant uneatteintevésicale neurologique.EnFrance,leGENULF, groupe d’étude de neuro-urologie de langue franc¸aise, a proposé des recommandations de suivi des vessies neu- rologiques [18,19]. Concernant le risque néoplasique, il préconise,au-delàde15ansd’évolutiondel’atteinteneuro- gène,unesurveillanceparcystoscopieetcytologieurinaire tous les 2 ans, notamment en cas de patient non « à risque ». Les recommandations européennes et interna- tionales proposent aussi un suivi tous les 2 ans, et ce délai doit être raccourci en cas de vessie à risque [20].
Ànoter que la cytologieurinaire seule nepeut suffire et est controversée devant sa faible spécificité pour le dia- gnosticdetumeursépidermoïdes[16]etdevantlesartéfacts
induitsparleslithiasesvésicales,colonisationsbactériennes et/ouinfectionsfréquentesdanscettepopulation[21].De plus, dans notre série, la plupart des patients ayant pré- sentéune tumeurde vessieavaient unevessie équilibrée nonà risque,et2ontdéveloppéunetumeurépidermoïde agressive.Enfin,7patients (26%) ontprésentéuncancer avant15ans.Cesobservationspourraientjustifierdedéve- lopper des programmes de suivi d’imagerie, de cytologie urinaireouautre biomarqueursurinaires,etd’endoscopie plusprécoces,avant15ansetplusrapprochés,touslesans parexemple. Cependant,devant le nombre importantde patients suivis et les limites de faisabilité d’un tel suivi, lapiste des biomarqueursest sans doutecelleà dévelop- peretàprivilégier,àconditionqu’ilssoientinterprétables chezcespatients porteursd’inflammationet/ouinfection vésicalechroniques[22].
Les limites de cette étude sont son caractère rétros- pectif et monocentrique avec données manquantes et le faible effectif de patients. Un autre biais est la sélec- tion des dossiers uniquement sur les données de PMSI, avec probable biais de sélection. Ainsi, il serait inté- ressant de réaliser un travail multicentrique rétrospectif dans un premier temps, puis de mettre en place de fac¸on prospective une base de données, afin de mieux identifier les patients à risque, notamment de tumeurs agressives.
Conclusion
Notreétudea confirmé le taux élevéde tumeursde ves- sied’embléeinfiltrantes età différenciation épidermoïde dans la population de patients avec vessie neurologique, notamment les vessies à haut risque (SEP, spina bifida et blessésmédullaires),commedécritauparavantdanslalit- térature.Lecathétérismeàdemeuren’apasétéretrouvé commefavorisant cettedifférentiation épidermoïde,mais chezlamoitiédespatients,ilétaitretrouvéunevessie«à risque».Autotal,26%destumeursontétédiagnostiquées avant15ansd’évolutiondelapathologieneurologiquece quipeutjustifierunsuivirégulierparimagerie,endoscopie etcytologieurinaireprécocechezcespatients.
Déclaration de liens d’intérêts
Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.
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