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DES PARENTS SUR MESURE

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Lena était une petite fille tout à fait adorable... tant que ses parents lui obéissaient au doigt et à l’œil !

Mais ils le faisaient rarement !

Lorsque Lena (qui, en fait, s’appelait Helena) disait à son père :

« Papa, donne-moi cinq marks* pour que je m'achète une grosse glace ! » il lui répondait :

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« Non, tu en as déjà mangé trois et tu continues, tu vas avoir mal au ventre. » Ou quand elle priait poliment sa mère de cirer ses chaussures, celle-ci répliquait :

« Tu n’as qu'à le faire toi-même, tu es assez grande. »

Et si la fillette déclarait :

« J'ai décidé que cette année nous irions en vacances au bord de la mer », ils s'écriaient en chœur :

« Non, ce coup-ci, on préfère la montagne ! »

Cela ne pouvait vraiment plus durer ! Aussi Lena décida-t-elle un jour de faire appel à une fée – bonne ou mauvaise, au fond elle s'en

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moquait, du moment qu’elle jette de vrais sorts.

Mais allez donc trouver une fée dans une grande ville moderne ! C'est un drôle de casse-tête !

La petite fille traversa des dizaines de rues, déchiffrant les enseignes des magasins et les plaques des portes avec un peu de peine, car elle venait juste d'apprendre à lire.

On y lisait des choses comme « Maï-laine

», « Fruits exotiques », « Dentiste », « Avocat », « Masseuse diplômée », « Aurore et Cie », mais nulle part le mot « Fée ».

Lena aperçut un policier au coin d'une rue en train de dresser une contravention à une voiture mal garée.

Elle alla le voir et lui demanda :

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« S’il vous plaît, où peut-on trouver une vraie fée par ici ?

Un café ? répéta distraitement l'agent en continuant à écrire.

Non, une fée, qui jette de vrais sorts, expliqua la fillette.

Ah ! fit l'homme, une magicienne ! Attends une minute. »

Il termina d'abord d'écrire, glissa un papier derrière l'essuie-glace, sortit un calepin de sa poche et le feuilleta en marmonnant :

« Fakir... Fayot... Fécule... ah, c'est ici : Fée ! Francina Enigma, conseils sur les choses de la vie, sortilèges en tout genre, envoûtements et désenvoûtements sur mesure, reçoit à tout moment, 13, rue des Pluies, appartement sous les toits.

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- Et où est-elle, cette rue des Pluies ? s'informa Lena.

- Va tout droit, prends la deuxième rue à gauche, passe sous le tunnel, tourne à droite, reviens sur tes pas, puis fais trois fois un cercle, répliqua aimablement le policier... Mais tu devrais peut-être prévoir un parapluie !

- Merci », dit la fillette. Et elle se mit en route.

En suivant soigneusement ces instructions, elle trouva vite la rue qu'elle cherchait, qui était très facile à reconnaître puisqu'il y pleuvait tout le temps. Et comme elle n'avait pas de parapluie, elle arriva toute ruisselante devant le numéro 13.

C'était une maison bizarre, il faut

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bien l'admettre, car elle se composait d'un simple escalier de cinq étages dressé en plein air. Un couloir d'immeuble attendait tout en haut, posé comme ça, sur l'escalier.

Lena grimpa les marches et arriva devant une porte avec une petite plaque en cuivre qui portait l'inscription suivante :

Tu veux me voir,

Tu es au bon endroit ! Entre sans frapper.

« Comment cette fée peut-elle avoir que je viens la voir ? se demanda vaguement Lena. Oh, parce que c'est une fée, bien sûr ! »

Elle entra sans frapper.

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Et faillit presque tomber dans l'eau, car un lac bleu ciel s'étendait à ses pieds.

Elle aperçut une île, là-bas, dans le lointain, mais par chance, une barque oscillait mollement sur la rive, juste à sa portée.

Lena monta dedans et le bateau partit sans qu'elle ait besoin de ramer.

(Il n'y avait pas de rames de toute façon.) La vitesse augmenta ; fendait les vagues, projetant des jets d'eau de tous côtés comme un canot la proue à moteur (bien qu'il n'y ait pas non plus de moteur) et les cheveux d'Helena flottaient au vent.

Quelques minutes plus tard, la barque magique atteignait déjà l'île ; Lena sauta sur le rivage. La plage devint soudain le plancher d'une

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chambre garni d'un tapis, et dans cette chambre apparut une femme, qui prenait un café sur un guéridon à trois pieds.

La pièce était plutôt sombre, car seule l'éclairait la flamme vacillante

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des bougies fixées aux chandeliers des murs.

La pleine lune brillait par la fenêtre.

Un coucou sonna douze coups... en fait l'oiseau qui sortit de la petite maison n'était pas un coucou mais plutôt un hibou. Qui cria douze fois « hou-hou ! »

« Viens t'asseoir, mon enfant. Et parle ! dit la fée.

- Pourquoi est-il si tard ? demanda Lena.

- Parce qu'il est minuit. Ici, il est toujours minuit. Il n'y a pas d'autre heure. »

L'horloge, en effet, indiquait douze fois « douze » et aucun autre chiffre.

« C'est très pratique, lui expliqua l'inconnue. Tout le monde sait que

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minuit est l'heure des sortilèges, tu vois ce que je veux dire ? »

Lena hocha la tête d’un air hésitant : l'affaire ne lui semblait pas claire du tout...

« Bon, de quoi s'agit-il ? » s'informa Francina Enigma.

Lena s'assit devant le guéridon, sur la chaise libre, face à la fée, et l'observa avec curiosité. En fait, elle avait l'air d'une femme plutôt banale

- comme celles qu'on voit dans la rue - mais avec un petit quelque chose que Lena ne repéra pas tout de suite.

La fillette finit pourtant par s'en apercevoir : la fée avait six doigts à chaque main !

« Ne fais pas attention, conseilla Francina Enigma en surprenant son

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regard, les fées sont toujours un peu différentes des gens ordinaires, sinon elles ne seraient pas des fées, tu vois ce que je veux dire... »

Lena acquiesça de nouveau.

« Il s'agit de mes parents, expliqua- t-elle en poussant un soupir. Je ne sais plus quoi en faire ! Ils ne veulent absolument pas m'obéir...

- Ça, c'est trop fort ! observa la fée pleine de compassion. Et qu'attends-tu de moi ? - C'est parce qu'ils sont plus nombreux que moi, poursuivit la fillette, toujours à

deux contre un !

- Je n'y peux pas grand-chose, murmura la fée d'un air songeur.

- Et de surcroît, ils sont plus grands ! s'indigna Lena.

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- C'est souvent le cas, avec les parents, fit remarquer la fée.

- S’ils étaient plus petits, conclut Lena à voix haute, le problème du nombre serait déjà moins grave.

- Assurément ! »

Francina Enigma croisa ses douze doigts, ferma les yeux et réfléchit un moment.

Lena attendit.

« J'ai trouvé ! s'écria-t-elle enfin. Je vais te donner deux morceaux de sucre. Des sucres magiques bien entendu. Tu les jetteras dans la tasse de thé ou de café de tes parents, sans te faire remarquer. Ils ne souffriront pas du tout, rassure-toi, mais dès qu'ils les auront avalés, ils diminueront de moitié chaque fois qu'ils te

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désobéiront. De moitié à chaque fois, tu vois ce que je veux dire ? » Et elle sortit d'une mystérieuse boîte spéciale deux dés de sucre blanc qui semblaient tout à fait normaux et les poussa sur la table, en direction de la fillette.

« Merci beaucoup, lui dit Lena.

Combien coûtent-ils ?

- Rien du tout, mon enfant. La première consultation est toujours gratuite. C'est la deuxième qui vaut affreusement cher.

- Ça m'est égal, assura Lena. De toute façon, je n'aurai pas besoin de revenir. Bon... euh... merci bien, madame.

- Au revoir », répliqua la fée avec un drôle de sourire.

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Puis il y eut un bruit, un petit

« plop » léger, comme quand on débouche une bouteille, et Lena se retrouva brusquement chez elle, dans le salon. Ses parents étaient là et ne semblaient pas avoir remarqué l'absence de leur fille. Mais elle tenait toujours les deux sucres dans sa main, preuve qu'elle n'avait pas rêvé.

Sa mère, qui apportait la théière, retourna dans la cuisine chercher l'assiette de petits gâteaux.

Son père, pendant ce temps, se retira dans sa chambre pour enfiler sa veste d'intérieur.

Saisissant l'occasion, Lena jeta les deux morceaux de sucre dans les tasses des grandes personnes. Un ins-

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tant, elle fut prise d'un remords qu'elle chassa aussitôt.

« C'est leur faute, conclut-elle. En plus, ce truc magique n'agira pas s'ils ne me contrarient pas. Et s'ils le font quand même, tant pis pour eux ! »

Ensuite, on but le thé, et Lena pré- tendit qu'elle n'en voulait pas, qu’elle préférait la limonade.

« Comme tu veux, dit sa mère. Va en prendre une dans le frigo ! »

Jusqu'ici tout allait très bien.

Puis son père eut envie de regarder les informations, mais Lena réclama le dessin animé qui passait sur une autre chaîne.

« Je voudrais entendre les nouvelles

», répliqua son père en mettant le journal télévisé.

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Brusquement, on entendit un

« pschitt ! », comme une chambre à air crevée, et le père rapetissa, sembla soudain tout petit dans son fauteuil.

Un vrai Lilliputien !

Ses vêtements, bien sûr, n'avaient pas rétréci ; sa veste d'intérieur, sa cravate, sa chemise et son pantalon flottaient autour de lui. Il ne mesurait plus que quatre-vingt-douze centimètres, c'est-à-dire la moitié de sa taille d'autrefois ! On peut imaginer sa stupéfaction.

« Pour l'amour du Ciel ! s'écria Maman. Kurt, que se passe-t-il ? - Je n'en sais rien, répondit-il.

- Je me sens tout chose...

- Tu sembles si petit tout à coup !

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- Vraiment ? répliqua Papa sans y croire.

Petit comme quoi au juste ? - La moitié de la taille habituelle », constata-t-elle.

Le père se leva et se précipita vers la glace accrochée dans le couloir pour s'en convaincre lui-même. Ses vêtements traînaient sur ses talons ; le miroir étant devenu trop haut pour lui, sa femme dut venir le soulever.

« En effet, grommela-t-il en observant son reflet. C'est vraiment ennuyeux. Que vont dire mes col- lègues de bureau ? Moi qui allais justement passer chef de service ! »

Jusqu'ici, Lena s'était difficilement contenue, mais là, elle explosa. Elle se tordit de rire sur le canapé.

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d'un ton sévère en installant son mari sur un fauteuil. Cette affaire est très grave. C'est peut-être une maladie.

Nous devons tout de suite appeler le médecin pour qu'il passe en urgence ! - Non, répondit Lena qui pouf- fait malgré elle, ce n'est pas une maladie.

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- Qu'en sais-tu, petite sotte ! riposta Maman en attrapant le télé- phone.

- Non ! hurla la fillette. Non, non, et non ! Je ne veux pas que le

docteur vienne !

- Ce que tu veux ou ne veux pas n’a strictement aucune importance en ce moment ! cria Maman, furieuse.

C'est ton pauvre père qui compte ! »

Elle allait saisir le combiné, lorsque le sifflement bizarre se produisit de nouveau ; Maman rétrécit brusque- ment, ses vêtements s'éparpillèrent autour d'elle. Au lieu d'un mètre soixante-huit, elle ne mesurait plus que quatre-vingt-quatre centimètres !

« Qu'est-ce qui m'arrive... », balbu-

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tia-t-elle avant de perdre connaissance.

Papa sauta de son fauteuil et la rattrapa de justesse avant qu'elle ne s'écroule sur le sol où elle aurait pu se faire mal, même sans tomber de très haut.

« Hilda ! s'écria-t-il en lui tapotant les joues. Réveille-toi, ma chérie ! »

Elle ouvrit les yeux qui s'emplirent de larmes.

« Oh, mon amour, gémit-elle, com- ment veux-tu que j'aille faire les courses à présent ? Que vont penser les gens ?

- En tout cas, nous allons de nouveau bien ensemble ! dit Papa pour la consoler. C'est déjà quelque chose.

- Qu'est-ce que je vais me

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mettre ? se lamenta Maman. Même les affaires de Lena sont trop grandes pour moi maintenant !

- Nous verrons, ma chérie, nous verrons, répéta Papa en l'embrassant pour l'apaiser. Analysons méthodiquement le problème et nous trouverons sûrement une solution. »

Maman essuya ses larmes et regarda avec admiration son brave petit homme qui gardait la tête froide dans une situation aussi extraordinaire.

« Comment est-ce arrivé, Kurt ? Pourquoi si brusquement ?

- Voilà une question judicieuse, observa Papa en se grattant le men- ton.

- C'est arrivé parce que vous ne

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Ses parents la fixèrent avec incrédulité.

« Qu'est-ce que tu racontes, toi ? demanda Maman.

- C'est de la magie, expliqua Lena. Mais si vous faites tout ce que je vous dis sans jamais me contrarier, cela ne se produira plus.

- De telles choses n'existent pas, affirma Papa. C'est de la folie pure.

Nous vivons dans un siècle scientifique...

En tout cas, ma fille, si tu as vraiment fait cela, défais-le tout de suite !

- C'est votre faute à vous, rétorqua Lena, impitoyable. Pourquoi faut-il toujours que vous me désobéissiez ? »

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