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Brasilia : un patrimoine mondial en devenir local

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Academic year: 2022

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56 | 2006

Espace : échanges et transactions

Brasilia : un patrimoine mondial en devenir local

Brasilia: the local transformation of a world heritage

Marcia Regina De Andrade Mathieu et Ignez Ferreira Costa Barbosa

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/8806 DOI : 10.4000/gc.8806

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 15 janvier 2006 Pagination : 111-132

ISBN : 2-296-00586-1 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

Marcia Regina De Andrade Mathieu et Ignez Ferreira Costa Barbosa, « Brasilia : un patrimoine mondial en devenir local », Géographie et cultures [En ligne], 56 | 2006, mis en ligne le 29 avril 2020, consulté le 29 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/8806 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.

8806

Ce document a été généré automatiquement le 29 novembre 2020.

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Brasilia   :   un   patrimoine   mondial   en devenir   local

Brasilia: the local transformation of a world heritage

Marcia Regina De Andrade Mathieu et Ignez Ferreira Costa Barbosa

À l’inverse de nombreuses villes au passé colonial, Brasilia est une ville récente, construite dans la seconde moitié du XXe siècle. À l’époque de sa construction, le Brésil était divisé en deux zones dont  les superficies et les populations étaient disproportionnées. Si le littoral était très peuplé, l’intérieur du pays était pratiquement désert. Le transfert de la capitale de Rio de Janeiro vers l’intérieur s’est donc imposé comme un soutien à l’intégration nationale de régions marginalisées par leur isolement.

Dès l’origine, la nouvelle capitale se veut à la hauteur des ambitions du pays qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, entend s’affranchir du sous-développement.

Pour les concepteurs du projet, il s’agissait de créer une ville débarrassée des problèmes classiques des villes brésiliennes de l’époque liés à une urbanisation galopante et désordonnée, et à l’industrialisation récente du pays.

Le projet retenu fut celui de Lucio Costa : « le maquisard de l’urbanisme » comme il se définissait lui-même. L’urbaniste est convaincu que : « la ville ne doit pas être conçue comme un simple organisme capable de remplir d’une manière satisfaisante et naturelle les fonctions vitales propres à n’importe quelle ville moderne », comme il l’écrit dans le rapport de 1957 sur le Piano Piloto de Brasilia. Et il ajoute un peu plus loin : « la ville nouvelle ne doit pas être seulement urbs, mais civitas avec tous les attributs inhérents à une capitale » (Costa, 1957). Pour atteindre les objectifs proposés, le projet urbanistique se veut un modèle de gestion du territoire considéré comme innovant pour l’époque, il entend contrôler la production et la consommation de l’espace urbain de la ville.

Qu’est devenu le projet audacieux des créateurs quarante-quatre années après la fondation de la nouvelle capitale ? Certes, le plan de Lucio Costa a été classé patrimoine de l’Humanité et préservé en tant que tel, mais Brasilia ne se limite pas à l’espace

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classé. Contrairement à une opinion largement répandue. Brasilia est aujourd’hui une agglomération de trois millions d’habitants et la population pourrait atteindre cinq millions d’ici quelques années. La nouvelle capitale a débordé les limites qui lui étaient imposées par le plan urbanistique originel et S1étend même au-delà du quadrilatère du district fédéral (un rectangle de 5 800 km2 environ), débordant sur des communes voisines relevant d’autres structures administratives de la fédération dans l’État de Goias.

Ce développement spectaculaire, articulé au contexte très exceptionnel de la création de la ville, présente des aspects singuliers :

Une ville planifiée pour échapper aux modèles d’urbanisation du pays est pourtant devenue en moins de 40 ans une agglomération urbaine semblable à beaucoup de métropoles brésiliennes ;

Une ville de moins de 27 ans d’existence et encore incomplète est cependant classée patrimoine de l’Humanité.

Trois questions ressortent de ces apparentes contradictions :

Comment assurer la préservation du projet originel compte tenu de l’espace d’occupation limité ?

Comment concilier le projet originel d’un périmètre déterminé et la réalité d’une agglomération extensive ?

La sauvegarde du patrimoine de l’Humanité que constitue le Piano Piloto entre-t-elle en contradiction profonde avec la dynamique de l’agglomération urbaine ou au contraire en est-elle le moteur principal ?

Pour répondre à ces questions, nous montrerons d’abord comment l’agglomération va peu à peu se constituer, distinguant deux périodes principales, puis nous nous pencherons sur le rôle du Piano Pilota dans la dynamique urbaine.

 

Brasilia : un patrimoine urbanistique et culturel moderne, brésilien et mondial

Le site choisi pour devenir la nouvelle capitale, sur le plateau central du Brésil, à 1 000 m d’altitude, était propice à l’implantation du plan urbanistique imaginé par Lucio Costa et Oscar Niemeyer. Un étroit verrou rocheux allait permettre de construire un barrage créant un lac de grandes dimensions, le climat est doux, marqué par une saison des pluies d’octobre à mars et une saison sèche d’avril à septembre. Les températures varient entre 2 °C 1’hiver et 35 °C l’été. La formation végétale dominante est le cerrado qui se caractérise par une couverture herbeuse dense avec prédominance de graminées et une couverture ligneuse variante de 3 m à 5 m de hauteur couvrant 10 % à 60 % de la superficie. La densité démographique y est très faible. La région était occupée par des éleveurs de bétail dont les troupeaux itinérants se nourrissaient sur des pâturages naturels.

Le projet urbanistique est simple : deux axes, se croisant à angle droit, traversent le site et se l’approprient. Ces deux axes sont tracés en harmonie avec la topographie locale s’attachant notamment à faciliter l’écoulement naturel des eaux. Les secteurs résidentiels sont situés le long de l’axe nord-sud tandis que le centre administratif, le secteur culturel, le centre des divertissements, les secteurs bancaire et commercial, le

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secteur des bureaux et des professions libérales est situé de part et d’autre de l’axe transversal (Photo 1).

 Photo 1 : La cathédrale de Brasilia (O. Niemayer), en arrière-plan, le lac Paranoa

10  Le plan de Lucio Costa établissait quatre échelles : l’échelle monumentale ou collective, l’échelle résidentielle ou quotidienne, l’échelle grégaire ou de convivialité, et l’échelle bucolique ou échelle de loisirs. La relation entre ces échelles caractérisait l’originalité de l’habitat de la ville. Ainsi, le binôme privé/public trouvait sa solution, car l’espace privé était réduit au strict minimum, tout le reste était espace public.

11  Lors de sa création en 1957, l’État fédéral disposait d’un monopole de la terre et d’un contrôle de son usage, uniques dans le pays. Dès la mise en chantier de la nouvelle capitale, de nombreuses invasions de terres publiques ont servi à justifier la création d’établissements urbains officiels, appelés par la suite « vil1es satellites », qui n’étaient pas, à proprement parler, dans le plan initial. Certes, des villes, satellites étaient bien prévues dans le plan urbain de Brasilia, comme des localités urbaines autonomes périphériques au Plano Piloto, mais elles ne devaient apparaître que lorsque celui-ci serait complet et occupé.

12  L’afflux de courants migratoires vers la ville en construction intensifia le processus d’urbanisation du district fédéral et fit surgir les premiers noyaux urbains2 avant même l’inauguration de la capitale en avril 1960. Dans la décennie suivante, d1autres noyaux urbains similaires, en relation de complémentarité avec le Piano Piloto3, se sont créés.

Certaines des villes créées par les pouvoirs publics ont bénéficié de tracés urbanistiques, mais aucune n’est parvenue à reproduire la qualité de vie du Plano Piloto qui se caractérise entre autres par une faible densité de construction, 1’abondance des aires de loisirs, des centres culturels, des espaces verts et des services de santé.

13 Au milieu des années 70, un premier plan d’ordonnancement territorial pour le district fédéral fut élaboré : le PEOT, qui créait de nouvelles aires urbaines à l 1intérieur de la cuvette du lac Paranoa. Il avait pour mission de maîtriser la localisation des nouveaux

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noyaux, et de préserver le Plano Piloto de la densification et de l’occupation irrégulière, maintenant ainsi sa fonction exclusive de ville administrative et politique.

14  Dans les années 80, on observe une croissance accélérée de la population dans toutes les localités du district fédéral à l’exception du Piano Piloto. Deux villes satellites, Tagualinga et Cellândia, rassemblent désormais 28,7 % de la population totale du district fédéral. Cette conurbation dépasse celle du Piano Piloto et de ses annexes Guara et Cruzeiro qui ne compte que 21,1 % de la population totale du district fédéral. En 1987, Lucio Costa est appelé à définir de nouvelles aires résidentielles dans le Piano Pi loto. Ainsi apparut en 1987 le document intitulé : « Brasilia revisitée ».

15  La pression du marché pour l’occupation des zones libres et un changement de gabarit des immeubles poussèrent les pouvoirs publics à chercher un instrument plus puissant pour contenir la vague spéculative et le risque de voir détruit le projet urbain de la nouvelle capitale et les idéaux véhiculés par le Piano Piloto. La seule possibilité était le classement au patrimoine de l’Humanité.

16  Dans le dossier remis à l’UNESCO en 1987, Lucio Costa écrit : « Brasilia se présente aujourd’hui comme un territoire urbain hautement discontinu, débordant les limites de l’aire originelle connue comme le Piano Pilota et même celles du district fédéral ».

Brasilia est en effet un tissu urbain discontinu dans lequel se situent le Piano Pilota, siège du centre administratif et politique du pays, mais également les dix-neuf « villes satellites » du district fédéral ainsi que les autres onze noyaux urbains limitrophes de l’État de Goias qui abritent désormais ta majeure partie de la population4 (Figure 1).

 Figure 1 : District fédéral de Brasilia. Aire patrimonialisée

17  L’entrée en 1987 de Brasilia sur la liste des biens considérés comme patrimoines culturels de l’Humanité a pour ambition d’assurer le respect des principes urbanistiques et architecturaux du Piano Piloto, en tant que témoignage d’une proposition de ville concrétisant la pensée de son époque, en termes architecturaux et fondant son originalité sur la protection de l’environnement et la qualité de vie.

18  Alors que sa construction était loin d’être achevée, le classement de Brasilia eut des répercussions sur la structure de la ville elle-même. Loin d’inverser le processus de valorisation du Piano Piloto et de réduire la sélectivité de son occupation, le classement

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intensifia l’occupation des villes-satellites qui se valorisèrent elles aussi, expulsant à leur tour la part la plus défavorisée de leur population. Au lieu de diminuer, le processus de ségrégation sociospatiale s’intensifia. S’éloignant sans cesse du centre, les exclus durent chercher un logement dans les villes de l’État de Goias les plus proches du district fédéral. Dans le même temps, la classe moyenne envahissait les zones de protection environnementales proches du Piano Piloto où étaient construits illégalement ou au mépris de la loi des lotissements non autorisés dans la ville classée.

19  Il faut souligner que le classement de Brasilia est en rupture avec le classement des autres villes du Brésil. Jusqu’à maintenant, l’idée de patrimoine culturel était liée à la valeur historique et architecturale de villes et de monuments témoins du passé. Avec Brasilia, on passe à la sauvegarde du présent comme témoignage d’une époque encore en construction.

 

Brasilia : une vaste agglomération urbaine en

formation autour du patrimoine de l’Humanité

20  Les concepteurs du projet originel n’avaient pas cru nécessaire d’établir un plan de développement pour la région limitrophe du district fédéral. La question des rapports que le Piano Piloto pouvait établir avec d’autres centres urbanisés déjà présents sur le district fédéral, ou avec d’autres centres qui pourraient apparaître au-delà des limites du district, n’a pas été posée dès le départ comme elle aurait dû l’être. Bien qu’ils soient situés dans l’État de Goias, les noyaux urbains qui se sont développés dans les années 70 font néanmoins indiscutablement partie de l’agglomération de Brasilia. Ils constituent aujourd’hui la zone qu’on appelle l’Entorno.

21  Si, à l’intérieur du district fédéral l’occupation du sol est contrôlée et des restrictions sont imposées, les municipalités de l’Entorno n’ont pu mettre aucune limite à la parcellisation du sol. L’une des raisons est, qu’à la différence du district fédéral où les terres dans leur grande majorité sont publiques, les terres de l’Entomo sont des terres privées.

22  Une autre différence mérite d’être soulignée. Alors que la gestion urbaine du district fédéral est de la compétence du gouvernement du district fédéral, la gestion de l’Entorno est sous la responsabilité du gouvernement de l’État du Goias. À l’intérieur d’une même agglomération, la gestion urbaine relève donc de deux entités politiques différentes dont les intérêts sont parfois contradictoires.

23  L’Entorno est aujourd’hui composé de onze municipalités principales. Même si elles obéissent à des processus de formation différenciés, toutes sont intimement liées à la logique d’occupation du sol urbain du district fédéral. Si cette partie de l’agglomération dépend de la ville patrimoine de l’Humanité en matière d’emploi, de services et de loisirs, elle n’observe pas les mêmes principes urbanistiques et ne bénéficie pas, loin de là, de sa qualité de vie.

24  Durant ces dix dernières années, l’agglomération de Brasilia a connu une croissance annuelle de sa population de l’ordre de 3,72 % par an. Les projections nous montrent que la croissance doit se poursuivre sur le même rythme, voire s’accélérer dans les prochaines années. La population de la région de l’Entomo a crû, quant à elle, de 8 % entre 1991 et 2000, si bien que les déséquilibres mentionnés précédemment devraient s’accentuer. Avec une planification urbaine déficiente, une infrastructure minimale des

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services sociaux, la population de l’agglomération va tout naturellement chercher les services qui lui manquent dans le Piano Piloto.

25  Ainsi, l’extension de la ville et la formation d’une agglomération fragmentée sont étroitement liées au classement du noyau planifié. Le classement du Piano Piloto a entraîné la fermeture de la ville à la dynamique de croissance urbaine dans un contexte de forte croissance de population. Il a également entraîné une concentration des revenus élevés dans le périmètre classé. À l’intérieur de l’exigu périmètre planifié, il n’y avait pas l’espace nécessaire pour une ville informelle et irrégulière. Ainsi, la ville réelle s’est reproduite à l’extérieur du périmètre de la ville classée, dans les villessatellites et les municipalités des environs du district fédéral.

 

De la ville fermée à l’agglomération ouverte :

chronique d’un patrimoine urbain en cours

26  Au cours de ses quarante-quatre années d’existence, la ville s’est construite à partir de l’action planificatrice de l’État mais également sous l’action d’autres acteurs sociaux.

Dans un premier temps, l’État était seul responsable de l’élaboration et de l’imposition de nonnes de contrôle très rigides pour l’occupation du sol. Par la suite, de nombreuses revendications pour privatiser le territoire se sont exprimées avec vigueur, les divers acteurs locaux, essentiellement privés, exigeant toujours plus de flexibilité des normes de contrôle de l’usage et de l’occupation du sol (Ferreira Barbosa et Steinberger, 2003).

27  La reconnaissance des deux dimensions géopolitiques que nous venons de citer à savoir : l’État fédéral d’une part, les acteurs locaux publics et privés d’autre part, et la compréhension de l’interaction de ces forces antagonistes nous permettront d’évaluer leurs répercussions sur l’ensemble urbain de Brasilia et de comprendre la logique de la patrimonialisation de la ville planifiée. Si le Piano Pilota a pu être préservé jusqu’à aujourd’hui, c’est d’abord grâce à la mise en œuvre, durant la période d’étatisation du territoire du district fédéral, de mesures à caractère autoritaire. Après cette période d’étatisation, a émergé, à partir des années 90, une politique prônant la flexibilité de l’accès à la terre dans le district fédéral, sous l’influence d’acteurs privés locaux.

28  Faute d’une planification urbaine globale pour le district fédéral et pour l’ensemble de l’agglomération, l’État n’a pas su résister à l’émergence de cette demande de privatisation au-delà de l’espace classé. Les risques pesant sur la préservation du patrimoine de l’Humanité ont donc considérablement augmenté ces dernières années.

 

La période de l’étatisation : l’émergence du Piano Piloto comme patrimoine   national

29  Le projet de Lucio Costa était avant tout d’abriter le siège politique et administratif du pays dans un périmètre précisément circonscrit. Il reposait sur le monopole étatique de la propriété de la terre et sur le rôle de l’État comme acteur principal de son urbanisation. Celui-ci exerçait un contrôle rigide, notamment du périmètre urbain défini par Lucio Costa. Ce modèle faisait table rase des caractéristiques culturelles du lieu comme des personnes venues s’y installer. Ignorant les processus sociaux concrets préexistants ou accompagnant spontanément le développement d’une ville, la planification créait un espace neuf.

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30  Ce parti pris s’explique par le fait que le projet urbain de Lucio Costa était l’expression de l’idéal moderniste de la rationalité urbaine de l’époque : fonctionnel, monumental, massificateur et autoritaire. Considéré comme parfait pour répondre aux nécessités de la future capitale fédérale, ce plan exigeait donc le contrôle de toutes les variables qui pourraient le dénaturer ou le compromettre. C’est pourquoi l’État devait non seulement détenir l’ensemble des terres à urbaniser mais également avoir les instruments juridiques pour la planification, permettant le contrôle de l’utilisation et de l’occupation du sol. Il s’agit là d’une forme de « patrimonialisation » qui vise à maintenir les conditions présentes dans le futur. On peut dire que Brasilia naît comme patrimoine national et que les injonctions de l’urbanisation brésilienne tendent à la mettre en péril au fil du temps. L’entretien du monopole étatique des terres fut l’instrument de base de cette patrimonialisation et le classement en fut le complément.

31  Divers décrets-lois furent promulgués pour établir le monopole étatique de la terre. Ils prévoyaient notamment l’expropriation de toutes les terres appartenant à des particuliers. Cependant, à la fin des années 90 pour l’ensemble du district fédéral, 51 % seulement des terres privées avaient été intégralement expropriées, 16 % l’avaient été partiellement et 31 % appartenaient toujours à des particuliers.

32  Le contrôle étatique s’étendait également à la création de villessatellites. Le modèle de gestion de la nouvelle capitale empêchait la formation de quartiers spontanés et l’occupation irrégulière de terres à l’intérieur du périmètre du Piano Piloto. Cependant, avant même que Brasilia ne fût officiellement inaugurée, les très nombreux travailleurs qui arrivaient sur le chantier formèrent des campements provisoires à proximité. Pour garder le patrimoine que constituait la nouvelle ville, du point de vue urbanistique et politique, l’État transféra ces  travailleurs  dans des localités distantes, sans infrastructure, sans services ni fonctions économiques définies. Avec la création de ces noyaux urbains commencèrent à la fois le processus de ségrégation et d’expulsion sociospatiale et la formation de ce qui devait devenir l’agglomération de Brasilia.

33  Certains instruments juridiques de contrôle et de planification jouèrent un rôle important dans ce processus de gestion de ce patrimoine. Le code sanitaire et en particulier le Planidro (Plan directeur de l’eau, des égouts et de contrôle de la pollution du district fédéral de 1970), rendu nécessaire par les restrictions liées aux ressources hydrauliques peu nombreuses et vulnérables, limitèrent la croissance de la ville dans la cuvette du Paranoa et entraînèrent son expansion urbaine loin du Piano Pilote. En 1974, le PERGEB (Programme spécial de la région géoéconomique de Brasilia), issu des directives du IIe PND (Plan national de développement) mettait en évidence l’importance de Brasilia comme pôle régiona1 et le rôle du Piano Piloto comme espace de contention de la croissance démographique régionale. Il s’agissait de préserver le caractère politico-administratif et culturel de la capitale du pays. Cette sélectivité opposa le centre et la périphérie.

34  Le Piano Piloto concentrait pouvoir et fonctions économiques tandis que la grande majorité des autres villes étaient des cités dortoirs pour les classes à faibles revenus.

Comme il était à prévoir, cette ségrégation entraîna une survalorisation du centre.

Cependant, la spéculation foncière, à la recherche de valorisation future, toucha également la périphérie. Ce modèle de gestion a été appliqué par l’État d’une main de fer pendant près de 20 ans. Il concernait aussi des acteurs privés : l’industrie de transformation naissante et l’industrie de la construction civile. Les industriels nationaux du vitrage, du ciment, du fer et du bâtiment furent les grands bénéficiaires

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de ce gigantesque chantier auquel il faut associer, bien sûr, les innombrables travailleurs. Brasilia fut donc un grand chantier gouvernemental dans lequel l’État agissait simultanément comme auteur du projet, promoteur, financier et propriétaire du sol. Cette toute-puissance, certes discutable, permit au rêve des concepteurs du projet, de prendre forme selon le plan originel formulé dans le rapport Lucio Costa. Le contrôle sourcilleux que la puissance publique exercé durant deux décennies permit l’émergence et la consolidation de ce qui allait devenir un patrimoine unique et mondialement consacré.

 

La   période   de   flexibilisation   :   émergence   du   Piano   Piloto   comme cœur actif d’une vaste agglomération urbaine

35  Le temps allait imposer une évolution progressive du modèle de gestion territoriale. Le changement de statut du district fédéral, en particulier, qui conquit son autonomie politique en 1990, allait jouer en faveur d’une plus grande flexibilité des normes de contrôle de l’usage et de l’occupation du sol. La pression pour la privatisation des terres apparaît comme une réaction du marché immobilier au classement de la zone la plus valorisée de l’agglomération et peut être désignée comme une conséquence locale et régionale du classement.

36  Bien que le monopole de la terre dans le district fédéral soit, en principe, maintenu jusqu’à aujourd’hui, un certain nombre d’instruments juridiques et de planification furent créés à partir des années 90. Ils représentèrent un ajustement des normes en réponse aux pressions exercées en faveur de la privatisation de la terre et en faveur de la diversification des usages fonctionnels de certaines zones à l’intérieur du Piano Pilota et d’une façon générale du district fédéral.

37  Parmi ces instruments, il convient de citer :

La création des zones de protection environnementale (APAs) des rivières Sào Bartolomeo et Descoberto. Elles furent les premières de ce type à être institutionnalisées dans le pays par le Conseil national de l’environnement. Ces zones de protection environnementale furent ensuite ouvertes à l’occupation urbaine, mais il ne s’agissait en vérité que de la légitimation d’une situation de fait car il existait déjà d’innombrables occupations clandestines à l’intérieur de ces zones. Elles apparaissaient comme une alternative à l’occupation de la zone classée, valorisée, sélective et sujette à des normes de production et d’usage du sol urbain.

La modification du Piano Piloto de Lucio Costa dénommé : « Brasilia revisitée » (Décret 10.829-87). Elle définit de nouvelles aires résidentielles dans le Piano Pilota et le long des principaux axes routiers en fonction de la nécessaire expansion urbaine de la capitale. Si les lignes maîtresses de préservation du plan originel étaient bien maintenues, ces mesures représentaient en fait une négation de la préservation de la cuvette du Paranoa originellement posée dans le rapport de Lucio Costa et par le Planidro.

La régularisation de parcelles urbaines implantées en zone rurale sous la forme de lotissements urbains ou d’ensembles immobiliers. En 1989, ces lotissements illégaux sont au nombre de 170 dont 57 % sont dans des zones de protection environnementale. L’État manquant toujours des ressources pour financer l’habitat souhaitait, lorsque les conditions environnementales le permettaient, régulariser les lotissements illégaux dont la démolition aurait eu un coût élevé tant du point de vue financier que du point de vue social. Le reste devait être rasé. De fait, aucun de ces lotissements irréguliers ne fut démoli si bien qu’ils continuèrent à proliférer. En 1995, soit six ans plus tard, on en dénombrait un demi-millier.

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L’approbation du Plan directeur d’ordonnancement territorial (PDOT) en 1992, donnait aux particuliers la possibilité de diviser le sol en parcelles. En d’autres termes, le PDOT de 92 suspendait l’interdiction énoncée par la loi de 1956 d’aliéner les terres du district fédéral à des personnes physiques ou juridiques de droit privé.

38  Dans l’ensemble, ces instruments et d’autres, non cités ici, correspondent à une acceptation par l’État de la privatisation des terres (Ferreira, 1999). La privatisation du territoire du district fédéral inaugura une forme nouvelle de production de l’espace urbain, en dehors des paramètres légaux du marché, des normes urbanistiques et de la préservation environnementale. Dans cette entreprise convergèrent des intérêts locaux : essentiellement ceux de la classe moyenne et des entrepreneurs immobiliers et du bâtiment, le gouvernement local se contentant de régulariser des lotissements illégaux et de percevoir des impôts.

39  Cette nouvelle forme de production et de consommation du sol contraire à la planification initiale, y compris hors de la législation actuelle, s’oppose entièrement à la partie classée. Conséquence de la rigidité et de la limitation de l’occupation engendrée par le classement de la ville, cette forme de production du sol présente un risque pour la préservation du patrimoine, du fait de la pression de la demande. Dans la zone classée réside une petite fraction de la population de l’agglomération, mais ces trois millions d’habitants présents quotidiennement, exercent une pression sur les équipements. Durant cette période, on constate un affaiblissement de l’État et la

« montée en puissance » de l’initiative privée.

40  Les habitants des zones périphériques lointaines sont contraints à de très longs déplacements quotidiens vers le Piano Piloto, centre d’emplois et de services pour l’agglomération. On enregistre donc une augmentation spectaculaire de la circulation à l’intérieur du Piano Piloto aux heures de pointe. Ainsi, l’attraction exercée par cette ville classée sur l’ensemble de l’agglomération aligne Brasilia sur le commun des villes du Brésil. Ceci provoque un accroissement constant des transports publics et privés et une multiplication des aires de stationnement dans le centre-ville. La situation actuelle de ce système de transport est à saturation. Il convient de signaler que les voies de circulation dans le Piano Piloto font partie intégrante de la partie classée et ne peuvent donc être modifiées sans une autorisation des organismes responsables du patrimoine.

41  Durant la période de flexibilité, on a assisté à la privatisation croissante des rives du lac Paranoa qui est à proximité du Piano Piloto. À l’origine, ses rives étaient uniquement ouvertes à la circulation pédestre. Désormais, cette circulation est rendue impossible par la clôture des propriétés privées qui s’étendent jusqu’au bord de l’eau. On constate également une multiplication des digues et des installations de loisirs de sociétés privées. Cette privatisation va, elle aussi, à l’encontre du projet originel dans la mesure où il devait contribuer à l’équilibre environnemental de la ville et constituer une mise en valeur du Piano Piloto. On peut estimer que le lac fait partie du patrimoine et que la privatisation de ses rives affecte le site.

42  La logique de cette période ne représente pas seulement un risque pour la préservation du Piano Piloto en tant qu’ensemble architectural, mais elle fait peser un risque majeur sur la qualité de vie souhaitée par les concepteurs de la nouvelle capitale.

 

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Quel patrimoine pour demain ?

43  L’action autoritaire de l’État qui a limité l’expression des autres acteurs de l’urbanisation, ne fut pas suffisante pour empêcher que se manifestent à Brasilia les tendances  classiques  de   l’urbanisation   brésilienne   marquées  par   l’inégalité sociospatiale, le développement de périphéries, la formation désordonnée des agglomérations urbaines, la spéculation immobilière et l’occupation illégale de terres.

44  L’inscription en 1987 de Brasilia au patrimoine culturel de l’Humanité par l’UNESCO, qui se concrétisa par le classement de la ville par l’IPHAN (l’Institut brésilien du patrimoine historique et artistique national), répondait à la crainte que le Piano Piloto ne cède sous la forte pression exercée par la demande résidentielle et ne soit défiguré.

La conscience d’un patrimoine était liée à l’image d’un Piano Piloto siège de la capitale fédérale. Or cette conscience émerge au moment même où celui-ci s’affirme comme le cœur battant d’une agglomération vaste et dynamique. De fait, et paradoxalement, le respect des éléments de préservation du dessin urbanistique premier est le facteur principal de l’étalement urbain et de la création d’un environnement de vie difficile à l’échelle de l’agglomération.

45  Lorsque le Plana Piloto fermait modérément mais sûrement ses portes, les villes- satellites du district fédéral et de l’Entorno accueillaient les populations qui venaient frapper à la leur. Ce processus n’a fait que s’amplifier durant ces dernières années, atteignant des sommets inquiétants après l’inscription du Piano Pilota au patrimoine mondial. Face aux interrogations formulées en début d’article : comment assurer la préservation du projet originel compte tenu de l’espace limité d’occupation ? Comment concilier le projet originel d’un périmètre limité et déterminé et la réalité d’une agglomération en extension ? Il nous semble que la sauvegarde du patrimoine doit favoriser  l’épanouissement   durable   pour   l’ensemble   de   la   population   de l’agglomération de Brasilia et doit être facteur de développement et de construction identitaire. Une politique de droit au logement, de cohésion sociale et territoriale novatrice doit être trouvée, ce qui implique la recherche d’un développement socio- économique équilibré pour l’ensemble du territoire. Nous estimons que l’on peut assurer la continuité urbaine entre centre et périphérie à travers la continuité des échelles spatiales et la continuité des échelles humaines. En conséquence la question de l’équilibre et de la continuité des échelles urbaines mérite de figurer dans un plan de politique urbaine pour l’ensemble de l’agglomération.

46  En résumé, on ne peut pas dissocier la sauvegarde du patrimoine inestimable que constitue le Piano Pilota d’un projet urbain global de développement du district fédéral et de l’Entomo. Le guidage de l’expansion spatiale doit être à la fois socio-économique, politique et environnemental. Les constatations ci-dessus peuvent alimenter le débat qui présidera à la recherche de solutions. Comme le patrimoine en jeu que nous voulons préserver, elles devront être audacieuses.

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BIBLIOGRAPHIE

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Documents

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UNESCO Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel.

UNESCO Brasilia, Heritage Press Review Brasilian News Papers, avril 2001.

NOTES

1. L'inscription s'appuie sur deux critères décisifs : le critère I retenant que ; "la ville est un chef-

d'œuvre du génie créatif humain" et le critère IV, jugeant qu'elle est "un exemple d'un ensemble architectural exceptionnel illustrant une étape significative de l'histoire de l'humanité".

2. Sobradinho, Gama et Taguatinga: 128 700, 130 600 et 243 500 habitants aujourd'hui.

3. Dans les années suivantes, de nouvelles zones urbaines furent créées comme Samambaia : 164 100 habitants, Recanto das Emas 93 300, Santa-Maria : 98 600, Paranoa et Sao Sebastian : 119 100 et Riacho Fundo : 41 200 habitants.

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4. Outre la partie dénommée Piano Piloto, le district fédéral est découpé aujourd'hui en dix-neuf régions administratives : les RA. Celles-ci sont composées d'un noyau urbain qui en est le siège, mais aussi de terrains ruraux et elles peuvent comporter une ou plusieurs zones de protection environnementale. Certaines RA ont pour siège une ville-satellite, alors que d'autres sont composés de simples noyaux de peuplement.

RÉSUMÉS

Brasilia est une ville récente construite dans la seconde moitié du XXe siècle. Elle occupe une place importante et unique dans l’évolution de la pensée du mouvement moderne sur la ville, au Brésil et dans le monde. Cette place est confirmée dès 1987 avec l’inscription précoce par l’UNESCO de son centre-ville au patrimoine culturel de l’Humanité : le Piano Piloto1. Brasilia est un exemple très représentatif de l’articulation entre logique de patrimonialisation et processus de développement urbain que connaissent les villes contemporaines. La question foncière est au cœur de la problématique de préservation du patrimoine. Comment sauvegarder le dessin et le paysage de la partie centrale de la ville tels qu’ils ont été définis dans le projet originel de Lucio Costa ?, c’est-à-dire comment une ville inscrite dans un périmètre clairement délimité et se suffisant à lui-même, peut-elle permettre une dynamique urbaine à son agglomération, l’une des plus importantes du pays ? Si le Piano Piloto de Brasilia parait une image figée dans l’imaginaire collectif, l’agglomération, par contre, est en pleine évolution.

Brasilia is a recent city which was built in the second half of the XXth century. Its significant and unique position in the development of the Urban Modern Movement in Brazil and in the world was confirmed as soon as 1987 when its city centre, the Piano Piloto, was registered by UNESCO as a world heritage site. As such, Brasilia is illustrative of the adjustment/contradiction between patrimonial logic and urban development process which affects contemporary cities. The land issue is central in the preservation of the cultural heritage. How can the outline and the landscape of the central part of the city as defined in the original plan by Lucio Costa be preserved as a self-sufficient city within a limited area, while allowing the development of the urban dynamics of one of the greatest agglomeration of this country? Although the « Plano Piloto » for Brasilia seems to be completed in the collective imagination, the agglomeration is rapidly growing.

INDEX

Mots-clés : patrimoine, patrimoine urbain, gestion urbaine, occupation urbaine, ségrégation sociospatiale, préservation

Keywords : urban heritage, urban gouvernance, urban landuse, sociospatial segregation, preservation

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AUTEURS

IGNEZ FERREIRA COSTA BARBOSA NEUR 1 CEAM, Université de Brasilia UR 029- URBI- IRD

Références

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