CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE LA DÉGRADATION
DES GLUCIDES DANS LE JABOT DU COQ
I. --
MISE
ENÉVIDENCE
ET DOSAGE DESSTÉRÉOISOMÈRES
D ET L-LACTATESOdette IVOREC-SZYLIT M. SZYLIT Station de Recherches avicoles
Centre rzational de Recherches
zootechniques, Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise)
Laborataire de
Biologie !hysico-chimique
Faculté des
Sciences, Orsay (Seine-et-Oise)
SOMMAIRE
Bous avons étudié la
cinétique
de formation de l’acidelactique
dans lejabot
du coq. Les deux formesénantiomorphes
des sels de cet acide existent dans cet organe enquantités
voisines. Leurs concentrations augmententexponentiellement pendant
etaprès
le repas, tandis que lepH
du con-tenu du
jabot
s’abaisse simultanément. Desexpériences
dedigestion
in vivo et irz vitrosuggèrent
lerôle d’une flore bactérienne
responsable
de cettedégradation.
Cettedégradation
est inhibée par lesantibiotir¡ues.
La floremicrobienne, présente
dans lejabot,
est absente dans l’aliment.- - --
Les
travaux de Boi/rox(m!6z)
ontmontré
que lesglucides
sontdégradés
dansle jabot des oiseaux
avecformation d’acide lactique.
Nous avonsentrepris
untravail
dans le but de déterminer qui du jabot,
en tantqu’organe ayant
sesactivités
enzy-matiques
propres, ou de saflore bactérienne,
est àl’origine de l’apparition de l’acide lactique.
Nous avonségalement
tenucompte
durôle éventuel des
enzymesde
l’ali- ment.L’étude de la configuration de l’acide lactique
nouspermet de résoudre
enpartie
ceproblème.
On sait eneffet
queles tissus des animaux supérieurs
neforment
que
l’isomère I, contrairement
auxbactéries qui peuvent produire les antipodes
Det
I,.
Nous avonsdonc fait appel
àdes méthodes de dosages enzymatiques : elles
sont
les seules
àdiscriminer l’acide lactique L (!--) de
sonisomère lévogyre. En
outre leur
grande sensibilité
nouspermet de travailler
avecquelques
grammesde
contenude jabot
etde suivre aisément
l’évolutionde
laproduction d’acide lactique
au cours
du temps
sur un mêmeanimal.
MATÉRIEL ET TECHNIQUES
Deux séries
d’expériences
ont été effectuées :- Les unes sont
poursuivies
sur des coqs adultes élevés en cage individuelle et entraînés à consommerpendant
5 h un seul repas parjour.
Lacomposition
durégime
est donné dans le tableau i ; il renferme 35,5 p. 100 d’amidon et 4,9 p. 100 de sucres libres.L’aliment est extrait par
tubage
de chacun des animaux tous les 2jours.
Cesprélèvements
ont lieu au milieu et à la fin du repas
puis
toutes les heures consécutives au repaspendant
3 heures. L’acide
lactique
est dosé dans ces échantillons.- D’autres
expériences
sontpoursuivies
in vitro : on étudie l’influence du contenu dejabot prélevé
avant oupendant
le repas sur ladigestion
de l’aliment dans des conditions définies detempérature
et d’humidification.Dosage
de l’acidelactique
Le contenu du
jabot
estbroyé
ethomogénéisé (Ultra Turrax)
dans unesolution tampon de
triéthanolamine
(TEA)-HCl
Miio
àpH
9,5 à raison d’environ un ml par gramme de matière fraîche.La fraction non soluble est éliminée
après centrifugation.
L’échantillon estdéprotéinisé
par relar- gage au sulfate d’ammonium à 80 p. 100 de saturation.Après centrifugation,
l’acidelactique
estdosé dans le
surnageant.
A.
Dosage
de l’acide L(-i-) lactique : Ku B OWlTZ,
OT’F( 1943 )-
L’acide L
(!-) lactique
estoxydé
par lediphosphopyridine
nucléotideoxydé (DPN + )
enpré-
sence de
lacticodéshydrogénase
extraite du muscle dulapin (LDH ; Bœhringer-Sœhne)
suivantl’équation :
Dans des conditions définies de
température,
depH
et de concentration enDPN + ,
la vitesse de réduction du coenzyme nedépend
que de la concentration initiale dusubstrat,
celle del’enzyme
étant fixée.
Le DPNH est mesuré
spectrophotométriquement
à 3400A.
Nous établissons la courbe des vitesses initiales mesurées à 20°, pour différentes concentrations connues de substrat en utilisant lareprésentation
de LINEWEAVER-BURIi( 1934 ).
La concentration en I, lactate de nos échantillons s’obtient parinterpolation
de la courbeaprès
avoir déterminé la vitesse initiale dans des conditionsidentiques.
La cuve de mesure contient : 1
6
!.-moles
deDPN,
411,0 (Bochringer-Soehne),
0 , 25
à 3,75
>-moles
de I, lactate de calcium4 , I/3 H,O (Calbochiem),
230
>-moles
de TIsA àpH
9,5(Prolabo),
dans 2,2 ml d’eau bidistillée.
L’oxydation
du substrat est déclenchée enajoutant
0,7 y de LDH en solution danso, 05 ml
de tampon. L’accroissement de densité
optique
à 34001!
est mesuré toutes les 10 secondespendant
I minute et demie. Onadopte
pourchaque
valeur de la concentration lamoyenne de
d!uxdéterminations effectuées avec deux volumes différents d’échantillon. Ces concentrations calculées
en lactate de calcium sont
exprimées
enéquivalent
« acidelactique
».B.
Dosage
de l’acide D(―) lactique
La concentration en sels
correspondant
à cet acide est mesurée avec lalacticodéshydrogénase
de levure de
boulangerie
cultivée en anaérobiose stricte.LA B EYRIE,
SLOMINSKI etNASLIN (i 959 )
ont montré que le
ferricyanure
depotassium oxyde spécifiquement
les selsdextrogyres
de l’acidelactique
enpyruvate
enprésence
de cet enzyme.L’oxydation
estcomplète,
molécule àmolécule,
et ne fait pas intervenir de constante
d’équilibre
comme dans le cas de la détermination de l’acide Llactique.
La
disparition
duferricyanure (en
excès parrapport
à laquantité
de lactatesupposée
dansl’échantillon)
est suivie auspectrophotomètre
à 4200À jusqu’à
ce que la vitesse de variation de la densitéoptique
devienne constante et très faible.Le nombre de molécules de
ferricyanure disparues
E(Mole-1 .cm 2 )
= 1045 à 4200A)
nouspermet de calculer la concentration en acide
lactique
de nos échantillons(ferricyanure/acide
lac-tique
=2 ).
Conditions
expérimentales :
Dans une cuve de i cm de traversée
optique
on introduit : 3li -moles
deferricyanure
de K(Prolabo RP),
230
[L -moles
d’unmélange
dephosphates
àpH
7,3(Prolabo RP),
0 ,
2 ml de
préparation enzymatique.
La réaction est déclenchée par addition de l’échantillon. Le volume total est
égal
à 2,3 ml.Chaque
concentrationindiquée
est la moyenne de 2à 3 déterminations effectuées avec des volumes différents d’échantillon( 0 , 01
à 0,07ml).
Nous nous sommes assurés que les échantillons ne contiennent pas d’inhibiteur de ces 2enzymes.
De
plus
nous avons vérifié lastéréospécificité
stricte des 2lacticodéshydrogénases
dont nousdispo-
sons.
RÉSULTATS
a) Expérience in vivo
Après avoir mis
enévidence l’existence des deux formes eniantiomorphes de
l’acide lactique,
nous avonsétudié
lacinétique d’apparition de
ces corps.Les
con-centrations du
D etdu L lactate
audébut du repas
sontcelles dosées dans l’aliment.
Les valeurs des concentrations
enlactate de chacun des 4
coqs enfonction du temps
sontreprésentées dans la figure
i(courbes lA
etzB). L’évolution parallèle
des deux isomères
estfrappante : de plus, les concentrations observées
sont trèsvoisines.
L’augmentation
desconcentrations
enacide lactique
estaccompagnée
d’unebaisse sensible du pH (de 6, 1
à4 , 3 )
du contenudigestif (fig. 2 ).
b) ExPériences in vitro
Pour
étudier le rôle de la flore du jabot,
nous avonsdosé les formes
D etI,
dansl’aliment incubé
in vitro àqo°
enanaérobiose
etdans des conditions d’humi-
dificationanalogues
àcelles de l’aliment dans le jabot ( 70
p. 100eneau). Les dosages
révèlent
unevitesse d’apparition de l’acide
extrêmementlente. Il
estdonc
netque le jabot joue
unrôle essentiel
dansla dégradation des glucides alimentaires (fig.
i,courbes iC
etiD).
L’existence de quantités voisines
de D etI,
lactates dans le contenude jabot
ne
permet
pasde conclure
à unemême origine des deux stéréoisomères.
Nous avonseffectué d’autres expériences
poursavoir si le jabot intervient
par saflore bactérienne
ou
s’il faut
en outreenvisager
uneactivité enzymatique de
sestissus responsable
de l’apparition du L lactate. Les résultats de
cesexpériences
sontreprésentés dans
la figure 3.
Les
contenusdes q. jabots prélevés
aumilieu
du repas,lorsque la concentration
en acide
lactique
estnégligeable,
sont incubésdans des tubes
àessais
etanalysés
dans les
mêmesconditions que précédemment. Les concentrations
en D etL lactates augmentent
nettement au coursdu temps
et sontpeu différentes
entreelles. Le ré- sultat
estanalogue (courbe 3 b)
àcelui observé lors de la digestion
invivo.
Dans une
troisième expérience,
nouslavons le jabot de deux animaux à jeun depuis IQ heures.
Nous nous servonsde
cette eaurecueillie
partubage
pourhumidifier l’aliment. Cet aliment
estincubé in
vitro :les dosages
sur 2échantillons révèlent là
encoredes vitesses d’apparition de
mêmeordre pour les deux isomères.
Les résultats
sont trèsdifférents de
ceuxobtenus
enfaisant incuber l’aliment
avec
de l’eau : courbe
3a,identique
àI C
et ID.Ces résultats
noussuggéraient
unedégradation d’origine bactérienne des glu-
cides. Cette hypothèse
estvérifiée indirectement
parl’emploi d’antibiotiques dans
les conditions suivantes : l’eau recueillie après lavage du jabot d’un animal
àjeun
est
séparée
endeux parties. Chacune
estutilisée
pdurhumidifier l’aliment
commeprécédemment (exp.
n°3 ) mais dans
un cas nousajoutons de la pénicilline
àraison
de
10000unités
par gramme.Nous
dosons
leL-lactate
et mesuronsle pH
àdifférents temps : les résultats
figurent dans le graphique 4 . La présence de pénicilline inhibe la formation de l’acide
lactique
etle pH
est très peumodifié. Ces résultats
sontidentiques
à ceuxobtenus
avec
l’aliment incubé
avecde l’eau n’ayant
pas eude
contact avecle jabot.
DISCUSSION
Nos
résultats
nouspermettent de faire plusieurs observations :
La dégradation des glucides alimentaires
enacides
D etL lactiques n’a lieu
que si les aliments
ontété
en contactdirectement
ouindirectement
avecle jabot
et
n’ont
pasété additionnés d’antibiotiques.
Ces résultats ainsi
que laforme exponentielle des courbes d’apparition de l’acide lactique
enfonction du temps
noussuggèrent l’existence d’une flore bactérienne dans le jabot, susceptible de synthétiser les deux formes de l’acide lactique.
Nousne
pouvons cependant préciser si chaque isomère
estproduit
pardes bactéries diffé-
rentes ou sous uneforme racémique
par unemême bactérie.
Il semble
quel’intervention enzymatique du jabot
endehors de
saflore bacté- rienne soit négligeable :
eneffet les concentrations des deux isomères
sonttoujours
voisines
entreelles dans les expériences de digestion
invivo
etdans les expériences
de digestion in vitro.
L’augmentation de l’acide lactique
au coursdu temps
estcependant plus faible
lors des digestions in vitro que dans le jabot lui-même
pour un mêmeintervalle de
temps. Ceci
est sansdoute
laconséquence de conditions expérimentales qui
sontmoins favorables
audéveloppement des micro organismes
quecelles du jabot.
Les
travauxde S ANT IAG O
etREDEL ( 19 6 0 )
sont enaccord
avec nosrésultats.
Ces derniers
ontétudié la croissance bactérienne
au coursdu temps dans le jabot des volailles ; ils remarquent
unemultiplication intense des bactéries du genre Lacto- bacillus
etdes anaérobies pendant les trois premières heures qui suivent le début du repas puis
unephase de croissance pendant les cinq heures suivantes.
D’autre part les expériences de B OLTON ( 19 6 2 )
montrentégalement, bien que les animaux soient nourris pendant
untemps beaucoup plus court, que l’acide lac-
tique apparaît dans
les contenusdu jabot trois heures après le début du
repas.Il semble donc que les
sucres sontdégradés
enacide lactique pendant la phase de croissance des micro organismes.
Desexpériences
sont en coursafin de préciser
le schéma de la dégradation bactérienne des glucides dans le jabot des volailles.
Reçu pour publication
en mair 9 6 5 .
REMERCIEMENTS
Nous remercions M. M. IWATSUBO d’avoir
obligeamment
mis à notredisposition
la D-lactico-déshydrogénase
de la levure.SUMMARY
CONTRIBUTION TO THE STUDY OF BREAKDOWN OF CARBOHYDRATES IN THE CROP OF THE COCK 1
. DEMONSTRATION AND ESTIMATION OF D AND L STEREOISOMERS OF LACTATE
In order to define the
pattern
of breakdown ofcarbohydrates
in the crop of the cock the ki- netics of the formation of lactic acid was studied.Enzymic
methods were used which made it pos- sible todistinguish
between L-lactic acid and itslxvorotatory
D-isomer.Two series of
experiments
were done. One series was in vivo with adult cocks reared in indi- vidual cages and trained to eatfor 5 hours
aday.
Feed was withdrawnby
tube in the middle of thefeeding period,
at theend,
andduring
the 3hours afterfeeding.
The other series was in vitro : the influence of the
digestive
contents taken before orduring
the
feeding period
ondigestion
of the feed in controlled conditions oftemperature
andhumidity
was studied.
. The
following
results were obtaincd :1
. The two
enantiomorphic
forms of the salts of lactic acid werepresent
in similar amounts in the crop, and their concentrations increasedexponentially during
and afterthe feeding period (fig. I ).
ThepH
of the contents of the crop fell as lactic increased(fig. 2 ).
2
. ’I’he rate at which lactic acid
appeared
in the feed incubated in vitro wasnegligeable.
It in-creased
greatly
when the feed had been in contact with contents of the crop taken from a bird eitherfasting
or fed(fig. 3 ).
3
. The presence of antibiotics inhibited the formation of lactic acid
(fig. q).
The results
suggest
that the crop has a bacterial flora of its own,capable
ofsynthesising
thetwo forms of lactic acid. The effect of antibiotics shows that the microbial flora alone
plays
a rolein the breakdown of
carbohydrates.
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