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C es maladies infectieuses importées par les aliments.

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C es maladies infectieuses importées par les aliments.

Y. Buisson (1), J.-L. Marié (2) & B. Davoust (3)

(1) Institut de la francophonie pour la médecine tropicale, Ban Kaognoth, rue Samsènthai, BP. 9519, Vientiane, RDP Laos. E-mail : yves.buisson@auf.org (2) Secteur vétérinaire de Marseille, BP 48, 13998 Marseille Armées, France.

(3) Direction régionale du service de santé des armées de Toulon, BP 80, 83800 Toulon Armées, France.

Manuscrit n° 3210. “Santé publique”. Reçu le 31 décembre 2007. Accepté le 19 février 2008.

S ANTÉ PUBLIQUE

Summary: These infectious diseases imported with food.

People are sometimes frightened by food scares and foodstuffs are increasingly suspected of con- taining dangerous substances or infectious agents, as a result of the unprecedented development of the industry and food trade in the world. Rightly or wrongly, imported food is held responsible for the greatest risks. Importing an infectious disease along with food can be a source of danger, involving multiple agents, mainly bacterial (Salmonella, Campylobacter, Verotoxin producing Esche- richia coli, Listeria…), but also parasitic (Toxoplasma gondii, Cyclospora cayetanensis, Trichinella spp…), and viral (Norovirus, hepatitis A virus), as well as non conventional communicable agents and mycotoxins. Prevention of food risks means enforcing international regulations on the part of the 149 member states of the WTO, increasing vigilance with regard to illegal imports of food, systema- tically investigating collective food-borne outbreaks, and finally implementing controls according to the hazard analysis and critical control point (HACCP) method.

Résumé :

Les aliments font peur, de plus en plus souvent soupçonnés de receler des substances dangereuses pour la santé ou des agents infectieux en raison du développement irrépressible de l’industrie et du commerce alimentaires dans le monde. À tort ou à raison, les denrées alimentaires importées suscitent les plus grandes frayeurs. Le risque d’importation de maladies infectieuses par cette voie est bien réel, impliquant de multiples agents, principalement bactériens (Salmonella, Campylobac- ter, Escherichia coli producteurs de vérotoxine, Listeria), mais aussi parasitaires (Toxoplasma gondii, Cyclospora cayetanensis, Trichinella spp), viraux (Norovirus, virus de l’hépatite A), ainsi que des agents transmissibles non conventionnels et des mycotoxines. La prévention repose sur le respect d’une réglementation internationale par les 149 pays membres de l’OMC et la lutte contre les importations clandestines, une investigation systématique des foyers de toxi-infections alimentaires collectives et la mise en œuvre de contrôles suivant la méthode « HACCP ».

imported food-borne disease food hygiene emerging pathogen agents globalization prevention

maladies alimentaires d’importation hygiène des aliments agents pathogènes émergents mondialisation prévention

Introduction

L

es aliments que nous consommons peuvent contenir des substances ou des agents pathogènes dangereux pour la santé. Toxiques chimiques, bactéries, virus, prions, parasites, algues, champignons, organismes génétiquement modifiés (OGM), longue est la liste des dangers potentiels qui forcent à considérer le contenu de notre assiette avec circonspection.

La méfiance est accrue quand il s’agit de produits importés.

Le journal L’Expansion du mardi 21 août 2007 ne révélait-il pas tout récemment que certaines denrées d’origine chinoise contenaient des substances dangereuses pour la santé ? La liste a de quoi inquiéter : colorants interdits dans les sauces et les gâteaux de riz, moisissures cancérigènes sur les fruits secs, résidus d’antibiotiques dans des lots de miel et de poissons, traces de mercure sur des anguilles, sans oublier des OGM non autorisés dans les nouilles…

En se limitant aux seuls risques infectieux, cette revue aborde la question complexe du commerce international des aliments et envisage les agents pathogènes émergents, les aliments à risque ainsi que les mesures de prévention.

Les circuits d’approvisionnement en denrées alimentaires évoluent

L

a mondialisation a tué l’exotisme culinaire : on mange de tout partout. Certains restaurants font du label « cuisine internationale » un atout publicitaire. Les migrants apportent leurs coutumes alimentaires tout en adoptant progressivement celles des pays qui les accueillent. La mode des produits crus, peu transformés, réputés « naturels », fait rechercher de nou- veaux procédés de conservation pour garder les aliments plus longtemps. La diminution de l’intensité des traitements de conservation et l’accroissement de la durée de conservation des produits, constituent d’importants facteurs de risque (26).

Des tendances récentes en matière de protection de l’environ- nement conduisent à réduire au maximum les emballages des produits alimentaires. Ces initiatives peuvent cependant avoir un effet pervers, car la fonction première des emballages est de protéger le produit des contaminations extérieures.

De plus en plus à l’écoute des recommandations diététiques, les populations des pays développés veulent consommer tout au long de l’année une grande variété de fruits et de légumes qu’elles doivent importer des pays chauds (tropicaux) faute de pouvoir les produire sur place.

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Selon l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les perspectives d’accroissement de la population mondiale, de 2,5 milliards en 1950 à près de 10 mil- liards en 2050, s’accompagneront d’une réduction concomi- tante de la surface des terres cultivables de 0,5 à 0,2 hectare par habitant. Face à une demande croissante, la production mondiale d’animaux de boucherie augmente chaque année de 5 % pour les volailles, 3,1 % pour les porcs, 2,3 % pour les ovins et 0,5 % pour les bovins (données de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes).

En constante progression, le commerce international des den- rées alimentaires continue de se diversifier avec une implica- tion croissante des pays émergents (figures 1 et 2). Ainsi, les exportations de volailles, charcuteries, fruits de mer, épices et jus de fruits à partir de la Chine ont été multipliées par vingt au cours des 25 dernières années. De même, le Brésil est devenu premier exportateur mondial de jus d’orange con- centré et de viande bovine. Il est significatif de noter que les échanges de viandes et de conserves entre l’Union européenne et le reste du monde évoluent en faveur d’une augmentation des importations (figure 3). L’ascension du prix du pétrole a peu d’impact sur le transport par voie maritime des produits à longue conservation (appertisés, congelés ou surgelés).

En théorie, cette tendance ne peut qu’accroître les risques de maladies importées par les aliments. En pratique, il est très difficile d’estimer la part de morbidité et de mortalité par maladies d’origine alimentaire imputable aux produits d’importation. Les anadémies diffuses véhiculées par des pro- duits alimentaires exportés et parfois réexportés, beaucoup plus difficiles à identifier que les foyers classiques de toxi- infections alimentaires collectives (TIAC) bien limités dans le temps et dans l’espace, sont probablement sous-estimées, seules les plus importantes donnant lieu à une détection et à une investigation.

Par ailleurs, le trafic clandestin de viandes de brousse vers l’Eu- rope a pris ces dernières années des proportions nouvelles.

Ainsi, en Grande-Bretagne, en 2003, plus de 50 tonnes de vian- des interdites à l’importation ont été saisies, ne représentant, selon toute vraisemblance, qu’une infime fraction du trafic réel (12). Une enquête de l’AESA (Autorité européenne de sécurité alimentaire) estime à 2 000 tonnes annuelles le poids des impor- tations illégales de viande en bagage à main par les aéroports internationaux des 25 pays de l’Union européenne.

En sens inverse, il ne faut pas méconnaître l’introduction possible dans des pays en voie de développement de den- rées contaminées provenant de pays développés ; l’anadémie d’encéphalopathie spongiforme bovine en constitue un exem- ple emblématique.

Des risques infectieux multiples

L

e nombre d’agents pathogènes pouvant être responsa- bles de maladies transmises par les aliments importés est considérable. Certains d’entre eux, du fait de leurs propriétés biologiques, sont sélectionnés par les procédés de conserva- tion, de préparation industrielle et de conditionnement des aliments destinés à l’exportation. Il s’agit surtout de bactéries capables de résister à d’importantes variations de température et de pH ou à l’action de certains antibiotiques, mais aussi de virus et de parasites.

Infections bactériennes

Quatre ensembles d’espèces bactériennes prédominent large- ment et présentent une tendance inquiétante à résister aux anti- biotiques : les salmonelles, les campylobacters, les Escherichia coli producteurs de vérotoxines et Listeria monocytogenes.

Salmonelloses

Salmonella enterica reste la première cause d’infections d’ori- gine alimentaire en France, certains sérotypes ayant émergé au cours des dernières décennies. S. enteritidis, qui peut con- taminer le contenu des œufs au cours de leur formation dans l’oviducte et plus souvent la surface de la coquille lors de la ponte, a diffusé dans le monde entier au cours des années 1980 à la faveur d’une intensification de l’élevage industriel et du commerce international des volailles (24) (figure 4). Puis, c’est le sérotype Typhimurium (clone DT 104) qui a émergé

Figure 1.

Crevettes importées d’Inde et de Colombie.

Shrimps imported from India and Colombia.

Figure 2.

Chinchards (Trachurus capensis) congelés, importés de Namibie.

Frozen chinchards (Trachurus capensis) imported from Namibia.

Figure 3.

Évolution des échanges de viandes et conserves (en millions de tonnes équivalent carcasse) entre l’Union Européenne et le reste du monde

(source : Office de l’élevage).

Evolution of exchanges of meat and canned food (in million tons equivalent carcass) between the European Union and the rest of the world.

700 600 500 400 300 200 100 0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

exportations importations

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au cours des années 1990 et s’est répandu dans de nombreux pays d’Europe et d’Amérique du Nord grâce au commerce du bétail (9). Si les fromages au lait cru représentent aussi une source d’infections à l’étranger comme en France (10), les produits frais sont de plus en plus souvent à l’origine de sal- monelloses. Ainsi, en 1999 aux États-Unis, les CDC ont mis en évidence une épidémie diffuse due à S. newport, affectant 78 personnes dans 13 États et provoquant 2 décès. L’enquête a impliqué la consommation de mangues importées du Brésil (25).

Campylobactérioses

Les campylobacters sont la deuxième cause d’infections d’ori- gine alimentaire en France et dans la plupart des pays déve- loppés (22). Très répandus dans le monde animal, ils peuvent contaminer une grande variété d’aliments : lait cru et fromages non pasteurisés, viandes de bœuf et volailles, œufs, fruits de mer, etc. Il s’agit principalement de C. jejuni, fréquemment isolé chez les poulets, mais aussi de C. coli présent surtout dans la viande de porc. Le commerce international des volailles est considéré comme la principale source de diffusion de la campylobactériose. Les foyers identifiés sont souvent liés à la consommation de brochettes insuffisamment cuites, rançon du succès des barbecues, mais peuvent aussi être dus au lait cru, à l’eau et aux coquillages.

Syndrome hémolytique et urémique (SHU)

Les souches entéro-hémorragiques d’Escherichia coli ont émergé en 1982 avec le sérotype O157:H7. Commensales de la flore digestive des bovins, ces bactéries peuvent contaminer des aliments d’origine animale ou végétale. Les TIAC sont souvent consécutives à la consommation d’hamburgers insuf- fisamment cuits, de viande de poulet et de produits à base de lait cru de vache (5). Les infections à E. coli vérotoxinogène (VTEC) sont en recrudescence dans les pays anglo-saxons ainsi qu’en Italie. Ces souches sont à l’origine d’une propor- tion importante des redoutables SHU observés chez l’enfant de moins de cinq ans.

Listériose

Listeria monocytogenes était à l’origine d’environ 300 infec- tions par an en France dans les années 1980. Au cours des dix dernières années, l’incidence annuelle a diminué (1999 : 270 cas, 2000 : 261 cas, 2001 : 187 cas), cette baisse de l’in- cidence reflétant sans doute les mesures de maîtrise et de contrôle mises en place dans l’industrie agro-alimentaire et renforcées depuis 1998 (14, 15). L. monocytogenes est large- ment distribuée dans la nature, notamment chez les bovins et les ovins. Capable de se multiplier à basse température

(entre –2 °C et +45 °C), elle peut contaminer toutes sortes d’aliments, en particulier certains fromages au lait cru, les charcuteries, de nombreux légumes et plats cuisinés, le plus souvent à partir de l’environnement.

Infections parasitaires

Parmi les nombreux parasites transmissibles par les aliments, 3 sont principalement à redouter dans les denrées d’importa- tion : les toxoplasmes, les cyclospora et les trichines.

Toxoplasmose

Toxoplasma gondii est une coccidie, parasite intracellulaire obligatoire, cosmopolite, dont les hôtes définitifs sont les féli- dés. L’homme, hôte intermédiaire, se contamine dans près de la moitié des cas par consommation de viande ovine ou porcine mal cuite. Jusqu’à 80 % des carcasses d’ovins sont infestées en France (13). Le portage est asymptomatique chez l’animal et les adultes immunocompétents. Les toxoplasmoses congénitales précoces sont les plus graves. Toutefois, une série de 16 cas de toxoplasmose aiguë a été rapportée en Guyane française entre 1995 et 2002, chez des adultes immunocompé- tents ayant consommé de la viande de gibier insuffisamment cuite (7). La souche de toxoplasme qui circule dans la forêt amazonienne présente une pathogénicité élevée.

Cyclosporose

Cyclospora cayetanensis est un protozoaire sporulé, parasite de l’intestin grêle chez l’homme, sans réservoir animal connu et responsable de grandes anadémies d’origine hydrique (18).

En 1996, il a provoqué une épidémie diffuse en Amérique du Nord, affectant près de 1 500 personnes et liée à la consom- mation de framboises importées du Guatemala (6).

Trichinellose

Trichinella spp (dont T. spiralis) est un nématode qui infeste plusieurs espèces de mammifères. La transmission s’effectue par ingestion de tissu musculaire parasité. La recrudescence de la maladie humaine depuis 1975 en France et en Europe de l’Ouest est principalement liée à la consommation de viande chevaline importée d’Amérique du Nord, du Mexique et d’Europe centrale. En 25 ans, 7 épidémies ont été notifiées en France et 6 en Italie, représentant plus de 2900 cas, chaque carcasse de cheval ayant été consommée crue ou peu cuite par plusieurs centaines de personnes (3). La contamination humaine se fait aussi par ingestion de viande trichinée, crue ou peu cuite, de porc et de sanglier, en particulier dans les pays de l’Europe de l’Est (11). Une petite anadémie a été récemment rapportée, consécutive à la consommation de viande d’ours importée illégalement (2).

Infections virales

Les principaux virus pathogènes transmis par les aliments sont les Norovirus et le virus de l’hépatite A (VHA). Ces virus, non enveloppés, ont en commun la capacité de résister de façon durable dans l’environnement et dans les aliments.

Ceux-ci peuvent être contaminés dès le stade de la production, comme les coquillages bivalves filtreurs (huîtres, moules, prai- res, coques, palourdes) dont l’hépato-pancréas peut stocker en abondance des agents infectieux et qui sont souvent con- sommés crus ou peu cuits. La contamination peut survenir aussi lors des manipulations par des mains sales au cours de la préparation de crudités, de sandwiches, de glaces, etc.

Norovirus

Les Norovirus sont responsables de la grande majorité des gastro-entérites non bactériennes dans les pays développés.

En Suède, une épidémie liée à la consommation de framboises importées a été décrite (17). En Finlande, plusieurs épidémies liées à la consommation de fruits rouges congelés importés

Figure 4.

Poulets congelés importés d’Argentine.

Frozen chickens imported from Argentina.

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d’Europe de l’Est sont survenues depuis 1998 (23). Les virus, dispersés dans l’environnement via les excréments humains, contaminent d’abord l’eau, puis certains aliments. L’arrosage des légumes ou des fruits (en particulier les baies) avec de l’eau contaminée est souvent à l’origine d’épidémies.

Virus de l’hépatite A

Aux États-Unis, plusieurs épidémies d’hépatite A ont eu un grand retentissement par leur ampleur. Celle de 1997, affectant des établissements scolaires de 5 États, était due à la consom- mation de fraises congelées importées du Mexique (8). Celle de 2003 (plus de 700 cas, dont 3 décès en 3 mois) a touché 4 États : la source était une consommation d’oignons verts, également importés du Mexique (1). En Suède, l’augmentation inexpliquée de cas autochtones d’hépatite A, associée à une flambée épidémique mineure vers la fin du printemps 2001, a conduit à mener une étude cas-témoins. La consommation de salade roquette importée a clairement été associée à la maladie (OR : 9,1 ; IC95 % : 1,5 - 69). L’importation de légumes frais à partir d’une région où l’hépatite A est endémique vers une région indemne représente un risque permanent pour la santé publique (20).

Maladies à prions

Les agents transmissibles non conventionnels (ATNC) ou prions occupent une place privilégiée au sein des agents infec- tieux transmissibles par l’alimentation. L’émergence d’une épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) dite

« maladie de la vache folle » au Royaume-Uni depuis 1986, a révélé des pratiques d’utilisation des carcasses d’animaux trans- formées en farines pour alimenter le bétail. Chez l’homme, l’apparition d’une nouvelle forme de la maladie de Creutz- feldt-Jakob (nvMCJ) a suivi le développement de l’épizootie d’ESB, provoquant une crise économique et sanitaire sans pré- cédent dans toute l’Europe. Depuis 1996, 165 cas humains de nvMCJ ont été enregistrés au Royaume-Uni, 22 en France, 1 au Canada, en Irlande, en Italie et aux États-Unis. La source la plus probable de contamination humaine est la consommation de produits (matériaux à risque spécifié notamment) d’ori- gine animale infectés par l’ATNC de l’ESB. Les cas français sont expliqués en partie par l’accroissement des importations d’abats bovins britanniques entre 1988 et 1990, le temps moyen d’incubation de la nvMCJ étant estimé à 16 ans (4).

Intoxinations

Le risque d’élaboration de toxines bactériennes dans les aliments doit toujours être pris en considération : toxines botuliques produites par Clostridium botulinum, toxines émétisante et diarrhéique de Bacillus cereus, entérotoxines de Staphylococcus aureus. Plus difficiles à contrôler, les myco- toxines présentent aujourd’hui les plus grands risques. Ce sont des molécules organiques élaborées par des micromycètes, généralement des moisissures qui se développent au cours de stockages défectueux de produits destinés à l’alimentation de l’homme ou des animaux. Les plus redoutées sont les aflatoxi- nes formées sur les produits importés de pays tropicaux ou subtropicaux, notamment les céréales, les oléoprotéagineux (tourteaux d’arachide, de coton et de maïs) et les fruits (19).

Risques particuliers des aliments importés

T

ous les aliments ne sont pas à considérer comme égale- ment dangereux. Parmi les produits importés légalement, les aliments consommés après cuisson présentent un risque faible, mais il ne faut pas méconnaître de possibles contami-

nations croisées de produits crus (par exemple, les crevettes importées d’Asie contaminées par des salmonelles). D’autres aliments peuvent être ingérés plus ou moins cuits selon les habitudes des consommateurs (par exemple, les viandes de cheval ou d’ours infestées par les trichines).

Ce sont les aliments consommés crus qui exposent aux risques les plus importants : poissons crus importés d’Asie contaminés par des bactéries (Vibrio parahaemolyticus, V. cholerae, etc.) ou des parasites (Anisakia, Clonorchis sinensis, Opistorchis felineus, Gnathostoma spinigerum, Diphyllobotrium latum), mais aussi des crustacés, coquillages, fruits et légumes.

Ainsi, la consommation de salades importées a été identifiée à l’origine d’une épidémie d’infections due à Shigella sonnei survenue en 1994 en Norvège, en Suède et au Royaume-Uni et d’une épidémie d’hépatites A apparue en 2000 en Suède (16).

Les importations clandestines sont, par définition, à haut risque. En France, elles concernent principalement l’appro- visionnement illégal de restaurants africains ou asiatiques, mais aussi la consommation familiale de produits rapportés lors de voyages à l’étranger. Parmi les aliments dangereux figurent les viandes de brousse salées, fumées ou boucanées et consommées en brochettes ou en grillades. Ces procédés de conservation par la fumée ne sont pas efficaces à cœur et la cuisson insuffisante ne détruit pas les parasites (toxoplasmes, cysticerques, trichines, etc.). Certains virus, comme les agents des fièvres hémorragiques d’Ebola, de Marburg ou de Lassa, pourraient aussi être introduits par ces aliments, mais ce risque demeure théorique jusqu’à présent.

Que faire ? Réglementer, surveiller, contrôler

L

a globalisation des échanges transforme le monde en un vaste supermarché et accroît les risques de transmission d’agents infectieux des pays producteurs vers les pays con- sommateurs. La prévention repose sur une adaptation de la réglementation internationale, un renforcement de la vigilance et des contrôles.

Au niveau mondial, les échanges sont régis par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’accord SPS du 15 avril 1994 sur l’application des mesures sanitaires et phytosanitaires vise une harmonisation internationale des dispositions prises dans ces domaines, en application des normes de la Commission du Codex alimentarius et de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). En Europe, l’importation et l’exportation des produits sont basées sur le principe du libre échange.

Lorsqu’un impératif de santé publique l’exige, un État peut adopter des mesures restrictives en matière d’échanges, limitées au strict nécessaire et encadrées par les institutions communau- taires (pour les échanges avec un pays européen) ou par l’OMC (avec les autres pays). Il doit pouvoir justifier ces mesures en apportant les preuves de la dangerosité du produit incriminé.

Cela requiert un haut niveau de vigilance et l’investigation sys- tématique de tout foyer de TIAC afin de pouvoir neutraliser les sources de contamination et prendre les dispositions qui s’imposent lorsqu’il s’agit d’aliments importés.

L’organisation des contrôles doit aussi s’adapter à la com- plexité croissante des circuits d’exportation/importation. Ils s’appliquent tout au long de la chaîne, depuis le stade de pro- duction jusqu’au stade de distribution, suivant la méthode Hazard analysis and critical control point (HACCP). La pré- vention des maladies humaines d’origine alimentaire passe aussi par la maîtrise sanitaire des aliments et de l’eau consom- més par les animaux (27).

(5)

Conclusion

A

vec la mondialisation, nous partageons les mêmes ali- ments et les mêmes risques. Aussi, préoccupé par la qualité de son alimentation, le grand public est demandeur d’informations, de garanties d’innocuité et de traçabilité. Alar- mée par le traitement médiatique des crises sanitaires récentes, la population est devenue méfiante. Chaque consommateur doit pouvoir choisir ses aliments sans rien ignorer de leur origine, des méthodes de préparation et de conservation qui leur ont été appliquées.

Les médecins jouent un rôle essentiel pour relayer auprès de la population les messages de santé publique délivrés par les autorités sanitaires : éviter les fromages au lait cru pour les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées, net- toyer et désinfecter régulièrement son réfrigérateur, cuire à cœur les steaks hachés destinés aux jeunes enfants, etc.

Au bout de la chaîne, le grand public doit également appren- dre à assumer ses responsabilités, afin de ne pas compromet- tre tous les efforts réalisés en amont. Ainsi le respect de la chaîne du froid appliquée aux produits périssables depuis le supermarché jusqu’au réfrigérateur ménager, le respect des dates de péremption et l’entretien hygiénique des lieux de stockage des aliments, constituent des exigences essentielles qu’il ne faut pas perdre de vue. De même, la prudence impose de savoir résister à certaines tentations exotiques lorsque la qualité sanitaire de l’aliment n’est pas garantie.

Les échanges internationaux de denrées alimentaires vont encore s’accroître dans les années à venir et l’évolution des comportements alimentaires ne va probablement pas réduire les risques. Malgré toutes les précautions qui seront prises pour prévenir l’importation de maladies via les aliments, des accidents surviendront encore, car il est impossible, en matière de sécurité alimentaire, comme dans d’autres domaines, de garantir un risque zéro. Ainsi, le Japon, malgré un contrôle très poussé des denrées alimentaires importées, n’a pas pu prévenir l’introduction de raviolis chinois contaminés par un insecticide, à l’origine d’un grand nombre d’intoxications au début de l’année 2008.

À l’avenir, la confiance devant l’assiette ne pourra s’acquérir qu’au prix d’une vigilance sans faille des organisations inter- nationales, des États et des consommateurs eux-mêmes.

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