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Les réfugiés syriens, symbole des reconfigurations géopolitiques au Moyen-Orient

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La Syrie : quelles perspectives pour une sortie de guerre ?

Actes du colloque

organisé par l’IRSEM et l’université Paris IV Sorbonne en mars 2014

sous la direction de Jacques FRÉMEAUX, Professeur à l’université Paris IV Sorbonne, membre

de l’Institut universitaire de France, et de Pierre RAZOUX, Directeur de recherche à l’IRSEM

Cette étude constitue les actes de la journée d’études organisée conjointement le 21 mars 2014 par l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM), l’université Paris IV Sorbonne et l’Institut universitaire de France. Les articles et propos exprimés n’engagent que leurs auteurs et ne sauraient engager en aucun cas la responsabilité de l’IRSEM ou du ministère de la défense.

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R

EMERCIEMENTS

Les organisateurs remercient vivement Olivier FORCADE, Directeur de la Maison de la Recherche et Professeur à l’Université Paris IV Sorbonne, Tristan LECOQ, Inspecteur général de l’Éducation nationale et Professeur associé à l’Université Paris IV Sorbonne, Frédéric CHARILLON et Jean-François MOREL, Directeur et Secrétaire général de l’IRSEM, pour leur appui et leur soutien dans l’organisation de cette journée d’études. Un grand merci également au personnel de l’IRSEM et de l’Université Paris Sorbonne qui ont permis le succès de cette manifestation, ainsi qu’à Jonathan HASSINE, stagiaire à l’IRSEM, qui a retranscrit avec talent les interventions d’un certain nombre de contributeurs.

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S

OMMAIRE

Avant-propos ... 7

APPROCHE HISTORIQUE ... 9

De la Syrie mandataire à la crise syrienne ... 11

Henry LAURENS La Syrie au lendemain de l’indépendance ... 12

La Syrie des Assad ... 13

Les raisons profondes de la crise syrienne ... 14

Les facteurs structurels du conflit syrien ... 15

Isabelle FEUERSTOSS Aux sources du déclenchement de la contestation sociale ... 16

D’importantes fractures sociales ... 17

Transformation de la nature du soulèvement (tournant été 2012) ... 17

La géographie des clivages communautaires ... 20

Pour conclure ... 23

Le traitement international des conflits libano-syriens : approche historique et prospective ... 25

Jean-Baptiste BEAUCHARD Un bref retour historique : l’intervention internationale au Mont-Liban en 1860 ... 26

Une mise en perspective : le modèle libanais de traitement onusien du conflit syrien ... 28

Conclusion ... 30

APPROCHE POLITIQUE ... 33

Pour mieux comprendre l’échec de l’opposition syrienne ... 35

Samir AÏTA L’incapacité à contrer la stratégie du régime ... 35

L’incapacité à fédérer l’opposition armée ... 37

L’incapacité à s’entendre politiquement ... 38

L’incapacité à conserver le soutien de l’opinion publique internationale ... 38

Quelles perspectives ? ... 39

Genève 2 : l’option politique en péril... 41

Manon-Nour TANNOUS Faire avorter l’option de négociations ... 42

Faire face à l’autre ... 44

Faire de la nuisance une diplomatie... 46

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La dimension politique du conflit syrien ... 49

Frédéric PICHON La politique est aussi la continuation de la guerre par d'autres moyens ... 49

Un scénario à la Tchétchène ? ... 50

Le baathisme définitivement mort ... 51

APPROCHE GEOPOLITIQUE ... 53

La révolution syrienne phagocytée par le jeu des puissances ... 55

Karim Emile BITAR Traumatismes historiques ... 55

L’anti-impérialisme ou le grand alibi ... 56

Révolution populaire et guerres par procuration se superposent ... 57

Les raisons du soutien russe et iranien ... 58

La Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite en pointe ... 59

Hésitations israéliennes, embarras de Washington et retournement français ... 60

Les risques de déstabilisation des pays voisins ... 61

Les multiples dimensions du conflit syrien ... 69

Barah MIKAÏL L’échelle locale ... 69

L’échelle régionale ... 70

L’échelle internationale ... 71

L'impact régional du conflit syrien sur la donne géopolitique du Levant ... 73

Hicham MOURAD Exacerbation des tensions sectaires... 73

Renforcement des velléités autonomistes kurdes ... 73

La montée en puissance des acteurs du Golfe ... 74

Les réfugiés syriens, symbole des reconfigurations géopolitiques au Moyen-Orient ... 77

Jonathan HASSINE L’échec de la diplomatie humanitaire ... 77

L’insuffisance de l’aide en Syrie... 78

La précarité du statut des réfugiés syriens... 79

La dégradation des relations entre les réfugiés et leurs hôtes ... 80

Les réfugiés syriens, nouvel acteur ou nouvel enjeu sur l’échiquier régional ? ... 80

Pour conclure ... 86

TEMOIGNAGES ... 87

Georges MALBRUNOT ... 89

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L

ES REFUGIES SYRIENS

,

SYMBOLE DES RECONFIGURATIONS GEOPOLITIQUES AU

M

OYEN

-O

RIENT Jonathan HASSINE,

Étudiant à l’INALCO et stagiaire à l’IRSEM

Zone d’émigration, mais aussi d’immigration et de transit, le Moyen-Orient occupe une place singulière dans les mouvements – forcés ou non – de populations. Depuis 2011, les révolutions arabes ont généré de nouvelles dynamiques migratoires. Défi majeur posé aux États-nations de la région, elles sont également porteuses de reconfigurations socio-spatiales dans les lieux d’accueil. Si ces modèles varient fortement selon la voie empruntée par les différents processus révolutionnaires, une nouvelle communauté d’individus s’impose nettement dans ce champ en vaste recomposition : les réfugiés syriens. Entrée dans sa quatrième année « révolutionnaire » en mars 2014, la Syrie est devenue, dans le même temps, la première terre de déplacement forcé au monde, devant l’Afghanistan. Au mois de mars 2013, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recensait un million de réfugiés syriens. Il en dénombre aujourd’hui plus de trois millions, répartis essentiellement au Liban, en Jordanie, en Turquie et en Irak. Au total, si l’on inclut les déplacés internes , ce sont en fait plus de dix millions d’individus qui ont été forcés d’abandonner leurs foyers, soit presque la moitié de la population totale du pays.

Au-delà de ce constat humanitaire alarmant, il importe de revenir sur l’impact de l’exode syrien sur la redéfinition du paysage géopolitique régional. De fait, la portée de ce nouvel apport démographique sur les constructions nationales d’une part, et les stratégies étatiques d’influence à l’échelle régionale d’autre part, reste en grande partie négligée. Il s’agira ainsi de revenir en premier lieu sur l’échec de la communauté internationale à enrayer le déracinement massif de la société syrienne ; et ce afin d’examiner le passage d’« invités » à « indésirables » des réfugiés syriens auprès des communautés locales. Enfin, cet article propose d’aborder la question des réfugiés syriens sous l’angle des politiques d’accueil : représentations de souveraineté et de sécurité mais également réaction face aux subjectivités des Syriens eux-mêmes. Ambivalente, la présence syrienne semble servir aussi bien les objectifs des États hôtes qu’elle relève de logiques transnationales, posant en creux la question de l’État-nation au Moyen-Orient.

L’échec de la diplomatie humanitaire

En l’absence d’issue politique au conflit syrien, rien ne laisse présager l’endiguement d’une crise humanitaire qui commence de sourdre aux portes de l’Europe. Il n’existe pourtant aujourd’hui aucune perspective tangible de réconciliation. Sans surprise, les négociations de « Genève II », qui se sont tenues aux mois de janvier et février derniers entre le régime syrien et l’opposition, n’ont pas abouti. Les positions des parties en présence sont demeurées inconciliables, l’une exigeant que la lutte contre le « terrorisme » soit la condition préalable à tout règlement, l’autre se raccrochant à la potentialité d’une « instance transitoire de gouvernement ». Surtout, la décision de Bachar al-Assad de briguer un troisième mandat présidentiel a enterré les derniers espoirs d’un plan de paix qui n’aura jamais existé que sur le papier.

1 Ancien nom donné à la Syrie naturelle, dite la « Grande Syrie », qui regroupait la Syrie et le Liban actuels ainsi qu’une partie de la Palestine.

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Après deux ans d’encerclement, le siège de la ville de Homs a été levé le 7 mai 2014 et la majorité des rebelles évacués suivant l’accord passé entre l’opposition et le régime syrien.

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Confronté au jusqu’auboutisme du président syrien – réélu le 3 juin 2014 avec 88,7 % des voix – aussi bien qu’à l’émiettement de l’opposition, le médiateur mandaté par les Nations unies et la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, a dû se résoudre à présenter sa démission au mois de mai 2014. Et malgré l’urgence de trouver, à tout le moins, un compromis au plan humanitaire, ce dernier n’avait pu obtenir aucune avancée notable des deux parties.La levée partielle du siège de Homs en mars ainsi que l’acheminement de l’aide dans le camp du Yarmouk (en bordure de Damas) et à Alep, à mettre au crédit de « Genève II », ne sauraient en effet effacer le dramatique échec de la communauté internationale à faire respecter le droit humanitaire en Syrie . Certes la résolution 2139, adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité le 22 février 2014, symbolise la dernière tentative en date des grandes puissances de parvenir à une entente sur le dossier syrien. S’efforçant de rappeler les principes fondamentaux du droit international humanitaire et intimant aux différentes parties – en particulier au régime – d’autoriser « immédiatement un accès rapide, sûr et sans entrave aux organismes humanitaires des Nations unies et à leurs partenaires d’exécution », cette résolution ne comporte néanmoins aucun caractère contraignant pour Damas.

Alors que Bachar al-Assad continue de jouir du soutien inconditionnel de Moscou, pareilles exigences ont toutes les chances de rester lettre morte. Lors de sa visite officielle à Damas au mois de mars 2012, la secrétaire générale adjointe des Nations unies chargée des affaires humanitaires, Valérie Amos, réclamait d’ailleurs ces mêmes dispositions. Celles-ci furent également formulées dans l’un des six points du « plan Annan », pourtant accepté par la Syrie à cette période. Susceptible d’enrayer, en partie au moins, la perte de son capital humain, aucun progrès significatif n’a été enregistré depuis.

L’insuffisance de l’aide en Syrie

En dépit de ce constat alarmant, des millions de personnes en situation critique ne perçoivent toujours pas d’assistance en Syrie. Il importe de rappeler que seule une vingtaine d’organisations internationales sont autorisées à y œuvrer, dont la grande majorité était déjà habilitée par le régime avant le début du soulèvement4. En outre, celles-ci se voient contraintes de travailler sous la supervision du Croissant-Rouge arabe syrien (SARC), un impedimentum qui renforce les soupçons de collusion pesant sur cet organisme. Destinés à pallier l’absence quasi totale des agences humanitaires en zone rebelle, les réseaux de solidarité informels sont largement dépassés, notamment depuis les flambées de violences de l’été 2012 aux environs de Damas et à Alep.

Résultat de ces insuffisances, l’afflux continu de réfugiés met de plus en plus à mal les capacités d’absorption des sociétés d’accueil qui, à l’exception de la Turquie, étaient déjà en proie à un contexte socio-économique dégradé. Il convient effectivement de noter que cette crise humanitaire demeure, pour l’heure, essentiellement circonscrite aux pays frontaliers de la Syrie (à l’exception

4 L’arrivée en masse de réfugiés irakiens, dans les années 2000, avait convaincu Damas d’ouvrir davantage son territoire à l’aide humanitaire internationale. À la veille de la révolution en mars 2011, neuf agences onusiennes et huit ONG étrangères opéraient donc en Syrie, essentiellement auprès des Irakiens et des Palestiniens. Cf. Joseph Sassoon, The Iraqi Refugees: The New Crisis in the Middle East, I. B. Tauris, New York, 2011, p. 83.

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d’Israël5). Les déplacements interviennent donc dans un espace dépourvu de véritable régulation multilatérale. Guidées par un impératif de stabilité intérieure, les politiques nationales d’accueil s’accompagnent dès lors systématiquement d’une condition statutaire dramatique pour les personnes déplacées.

La précarité du statut des réfugiés syriens

Lors des premières vagues de l’hiver 2011-2012, les Syriens exilés avaient pourtant été accueillis à bras ouverts au Liban, en Jordanie et au Kurdistan irakien, en vertu de solidarités familiale, confessionnelle et ethnique. Quant à la Turquie, le gouvernement avait manifesté très tôt son souhait d’accueillir dignement les « frères6 » syriens. Leur afflux grandissant a peu à peu mis à mal cette hospitalité exemplaire. S’ils sont considérés comme des « invités » dans chacun des pays limitrophes de la Syrie, ces réfugiés ne bénéficient pour autant d’aucune protection juridique formelle. Aucun des quatre principaux pays d’accueil n’est en effet tenu d’appliquer la Convention de Genève de 1951. Le Liban, la Jordanie et l’Irak n’en sont pas signataires, tandis que la Turquie, elle, a émis une réserve essentielle lors de son adhésion en 1962, conditionnant son application aux « personnes qui sont devenues des réfugiés suite à des événements survenus en Europe7 ». Partant, la majorité des Syriens en exil demeurent largement tributaires de l’aide internationale et, comme les réfugiés irakiens avant eux, des procédures mises en œuvre par le HCR pour leur protection. Faute de moyens, les institutions internationales sont toutefois incapables de répondre efficacement à une crise humanitaire d’une telle ampleur. D’autant qu’au cours de l’année 2012, nombreux étaient ceux qui prédisaient la chute imminente de Bachar al-Assad. Il aura donc fallu attendre le début de l’année suivante pour qu’une assistance de longue durée soit envisagée par la communauté internationale. C’est à cette période que s’établissent des plans de relèvement visant aussi bien à autonomiser les réfugiés syriens qu’à venir en aide aux populations locales, touchées de plein fouet par ce nouvel apport démographique. La bonne volonté des bailleurs de fonds paraît s’être aujourd’hui notablement érodée.

5 Dès les premières escalades de violences en Syrie au printemps 2011, Israël a fait savoir qu’il maintiendrait sa frontière fermée dans le plateau du Golan. Depuis le début de l’année 2013, seuls quelque huit cents rebelles combattant dans la zone démilitarisée ou à l’est de la ligne Bravo (ligne orientale marquant la fin de la zone démilitarisée où sont les déployés les Casques bleus de la FNUOD) ont été transportés dans des hôpitaux de campagne ou publics pour y recevoir des soins avant d’être ramenés de l’autre côté de la frontière.

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C’est le vocable utilisé par le Premier ministre turc, lors des premières arrivées en juin 2011, pour qualifier les Syriens fuyant la répression du régime d’al-Assad. Thomas Seibert, « More than 1,000 Syrian refugees cross into southern Turkey », The National, 10 juin 2011.

7

Convention de Genève relative au statut des réfugiés, Déclarations et Réserves, disponible en ligne :

https://treaties.un.org/Pages/ViewDetailsII.aspx?&src=TREATY&mtdsg_no=V~2&chapter=5&Temp=mtdsg2&la ng=fr#EndDec

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La dégradation des relations entre les réfugiés et leurs hôtes

Organisée au mois de janvier 2014, la conférence de « Koweït 2 » n’a réuni que 2,5 milliards de dollars sur les 6,5 réclamés par l’ONU. Et seul un quart du budget alloué aux plans de réponse pour la Syrie et les pays voisins a été financé à ce jour.

Alors que deux tiers des réfugiés syriens vivent en dehors des camps, les ONG doivent non seulement déployer une multitude de services pour en atteindre le maximum, mais veiller également à ce que les communautés locales ne soient pas délaissées. De plus en plus, elles n’ont en fait d’autre choix que de prioriser leurs programmes de secours au détriment de ces dernières, mettant ainsi en péril une coexistence relativement pacifique jusqu’à présent. Ce déséquilibre de l’aide est en effet particulièrement difficile à admettre auprès des populations les plus déshéritées, mais aussi parmi les autres communautés de réfugiés, Palestiniens et Irakiens en tête. Souvent considérés comme responsables des difficultés structurelles des États hôtes, ces « frères syriens », à qui l’on souhaitait la bienvenue il n’y a pas si longtemps, font désormais l’objet d’un ressentiment croissant. Un ressentiment alimenté, de surcroît, par l’éviction des nationaux sur les marchés du travail et de l’immobilier. Volontiers relayés par les presses locales, les États hôtes eux-mêmes mettent parfois à profit cette animosité pour justifier leur propre impéritie. Outre les tensions sociales qu’il génère, l’établissement des réfugiés s’effectue de fait dans un contexte de forte politisation où les intérêts nationaux l’emportent généralement sur la dimension humanitaire.

Les réfugiés syriens, nouvel acteur ou nouvel enjeu sur l’échiquier régional ?

Les politiques d’accueil reflètent autant les relations entre l’État hôte et les parties au conflit syrien qu’elles répondent aux préoccupations de gouvernements soucieux de garantir la stabilité de leur territoire.

Les limites du volontarisme turc

En cela, la Turquie se distingue de ses voisins par son volontarisme exacerbé qui l’a amenée à prendre en charge directement l’installation des réfugiés. Depuis le mois de juin 2011, vingt-deux camps, pour la plupart répartis le long de la frontière syrienne, ont été aménagés par les autorités turques. Ayant déjà dépensé plus de deux milliards de dollars pour leur entretien, Ankara a choisi de miser sans réserve sur l’aide humanitaire en vue de façonner l’insurrection syrienne organisée depuis son territoire et de conforter ainsi sa stratégie d’influence régionale dans le dossier syrien. Il n’est pas anodin que la création, en juillet 2011, de l’Armée syrienne libre (ASL) ait été proclamée depuis un camp de réfugiés situé à proximité de la ville d’Antakya. De même, le fait que le Conseil national syrien ait vu le jour, le 2 octobre suivant, à Istanbul, illustre la volonté de l’État turc de se placer à la proue des amis de la « Syrie d’après », c’est-à-dire de la Syrie post-Assad. En témoigne également la véhémence du Premier ministre, Recep Tayyip Erdoğan, qui condamne, une semaine auparavant, les agissements de Bachar al-Assad, ne manquant pas de lui prédire un destin comparable à celui des dictateurs tunisien et égyptien.

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À l’inverse des autres pays d’accueil, la plupart des organisations humanitaires, y compris le HCR, se sont vu accorder un rôle très marginal dans l’aide apportée aux réfugiés, notamment dans les camps. Jusqu’à l’automne 2012, il leur était même impossible d’y mettre en œuvre leurs programmes de secours. Afin d’exercer un contrôle étroit sur chacune des structures d’accueil, les autorités turques ont confié leur gestion à la Direction des catastrophes et des situations d’urgence (AFAD), une agencée créée en 2009 et placée directement sous la tutelle du Premier ministre. L’approche volontariste, voire unilatéraliste d’Ankara découle en fait d’une stratégie duale remontant à l’accession au pouvoir du Parti pour la justice et le développement (AKP), en 2002. Forte de son dynamisme économique, la Turquie d’alors aspire à une nouvelle politique étrangère fondée sur la consolidation de nouveaux partenariats avec son voisinage proche et lointain. Cette diplomatie de bon voisinage est cependant bouleversée par les révolutions arabes. Après quelques hésitations, le Premier ministre pense avoir trouvé en ces mouvements la fenêtre d’un leadership régional qu’il se cherchait depuis un peu moins d’une décennie. Entre temps, l’action humanitaire était apparue comme l’un des vecteurs essentiels de ce rayonnement. L’agence d’aide au développement étatique, la TIKA, avait été dotée de nouveaux moyens pour satisfaire des ambitions fondées sur deux cercles : le monde musulman et l’Afrique. La posture du système Erdoğan vis-à-vis des réfugiés syriens apparaît ainsi à la confluence de ces deux paradigmes stratégiques. Les limites de ce « néo-ottomanisme » s’avèrent aujourd’hui criantes. C’est peu de dire qu’en Égypte et en Syrie, le soutien turc n’a pas eu les effets escomptés. Quant à l’installation durable des réfugiés syriens, elle est de plus en plus mal perçue par la population locale qui les accuse de capter les aides publiques et de favoriser la présence jihadiste sur le sol national. De mauvaises perceptions exacerbées, de surcroît, par les tensions croissantes entre des exilés en majorité sunnites et les quelques 500 000 alévis de la région du Hatay8, mais aussi par l’établissement d’une zone kurde autonome de l’autre côté de la frontière. En dépit de cet activisme tous azimuts, la Turquie a néanmoins su se prémunir de retombées trop importantes de la crise syrienne et jouit toujours d’une relative stabilité. Et ce alors que la présence syrienne met continûment à l’épreuve celle des trois autres principaux pays d’accueil.

La fragilité de la posture jordanienne

Terre d’asile du monde arabe, la Jordanie avait, avant même le début du soulèvement syrien, la proportion du nombre de réfugiés par rapport à sa population totale la plus élevée au monde9. Il ne fait aucun doute que les autorités voient d’un très mauvais œil l’afflux de Syriens dans le pays. S’étant vu refuser le statut légal de « réfugié », ces derniers sont soumis au système de parrainage (kafâla) inspiré des monarchies pétrolières du Golfe et mis en place par le ministère de l’Intérieur au printemps 2011 : aucun Syrien ne peut franchir la frontière sans qu’une famille jordanienne ne se porte garante à son sujet. Loin de se tarir, le flot de réfugiés connaît une forte augmentation au printemps et à l’été 2012. Le gouvernement jordanien adopte dès lors un ton résolument alarmiste en vue d’attirer davantage l’attention des bailleurs de fonds internationaux. Symbole de l’expérience de la royauté en matière d’accueil, un discours similaire avait été adopté lors de l’arrivée en masse

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La région du Hatay correspond à l’ancien sandjak d’Alexandrette, intégré en 1925 à l’État d’Alep sous l’autorité mandataire de la France. En juillet 1939, Paris a cédé ce territoire à la Turquie en échange de sa neutralité durant la Seconde Guerre mondiale.

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des réfugiés irakiens au milieu des années 200010. Soucieux de ne pas éprouver trop avant le tissu social jordanien, le roi Abdallah II se résout même, après de multiples tractations, à autoriser la création en juillet 2012 d’un premier camp à Za’atari où sont systématiquement dirigés les Syriens dépourvus d’un garant (kafîl)11.

C’est désormais la montée en puissance jihadiste chez les voisins syrien et irakien qui préoccupe Amman au plus haut point. En avril 2014, « l’État islamique » (EI)12 annonçait que la Jordanie pourrait être la prochaine cible de son expansion dans la région. Cette menace rhétorique a pris une tout autre dimension à mesure que les combattants sunnites progressaient sur le territoire irakien, pour finalement s’emparer, le 22 juin, de Tarbil, principal poste frontière entre l’Irak et la Jordanie. Ce nouveau rapport de forces, conjugué à la présence de quelque 2 000 Jordaniens dans les rangs de groupuscules jihadistes, dont l’EI, ravive les craintes des autorités jordaniennes quant à de nouvelles vagues d’attentats, à l’instar de celle de 2005. En outre, il est également à craindre que cette dynamique favorise le réveil de certaines cellules terroristes basées sur le sol jordanien ainsi que le recrutement de franges marginalisées de la population locale.

L’afflux massif des réfugiés syriens pose deux problèmes de taille pour la stabilité du pays. Il contribue, d’une part, à la paupérisation de la population jordanienne et, partant, à la constitution d’un terreau fertile pour l’enrôlement de jihadistes potentiels. D’autre part, les services de sécurité jordaniens redoutent que les terroristes ne se fassent passer pour des réfugiés au passage à la frontière afin de perpétrer des attentats contre les intérêts du royaume. Un risque qui pourrait être accru par de nouvelles vagues de réfugiés irakiens, si la situation devait se dégrader un peu plus dans la région d’al-Anbar (notamment en raison d’une contre-attaque massive de l’armée régulière irakienne, appuyée par les États-Unis et/ou l’Iran). Il n’est donc pas surprenant que la Jordanie cherche activement à resserrer son partenariat militaro-sécuritaire avec les États-Unis et l’Arabie saoudite ; voire avec Israël, l’un de ses meilleurs alliés objectifs sur le dossier syrien. Mais l’enjeu, pour la monarchie, consiste également à gérer au mieux l’installation des réfugiés syriens, aussi bien au plan humanitaire que sécuritaire. En vue de recevoir des finances supplémentaires de la part des pays du Golfe, le roi Abdallah II a dû se résoudre, depuis 2012, à ce que son royaume serve de convoi effectif d’armes en direction de certains groupes opposés au régime syrien13. Selon la rhétorique gouvernementale, Amman prône pourtant une politique de non-interférence dans les affaires syriennes.

10

En 2008, les autorités jordaniennes s’étaient même hasardées à exagérer l’ampleur du nouvel afflux de réfugiés originaires d’Irak, et ce en vue d’utiliser l’excédent des fonds récoltés à des réaménagements sans lien direct avec ces derniers. Cf. Joseph Sassoon, op. cit., p. 38.

11

Le 30 avril 2012, un deuxième camp d’envergure a ouvert ses portes en Jordanie. D’une capacité totale de 130 000 personnes, le camp d’Azraq accueille désormais les nouveaux arrivants en provenance de Syrie. 12 Anciennement connu sous le nom d’EIIL (État islamique en Irak et au Levant, d’ISIS (acronyme anglais) ou de Da’ich (acronyme arabe), l’EI résulte de la fusion, en avril 2013, de l’État islamique en Irak (branche irakienne dissidente d’Al-Qaida centrale) et d’une scission du Jabhat al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda centrale). Dirigé par Abu Bakr al-Baghdadi, cette organisation salafo-jihadiste est une coalition hétéroclite regroupant quelque 10 000 jihadistes irakiens ou étrangers. Du fait de ses succès en Irak et en Syrie, l’EIIL a pris le nom d’État islamique le 29 juin 2014 et a proclamé l’établissement d’un califat sur les territoires conquis.

13

Cf. Jalal al-Husseini, « La Jordanie face à la crise syrienne », Pas de printemps pour la Syrie. Les clés pour

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De fait, si le royaume jordanien se montre officiellement peu désireux de participer à la lutte contre Bachar al-Assad, il n’en demeure pas moins victime de ses faiblesses structurelles et dépend, pour une grande part, de l’aide en provenance des pays de la péninsule Arabique, tous partisans plus ou moins actifs de la chute du président syrien.

Par ailleurs, dès le printemps 2013, Amman s’était décidé à reprendre en main l’installation des réfugiés sur son territoire en renforçant son dispositif de sécurité dans le camp de Za’atari, où près d’un quart d’entre eux réside14. Dans le même temps, des programmes spécialement dédiés à l’amélioration des relations entre les Syriens exilés et leurs hôtes ont été mis en œuvre en partenariat avec les institutions internationales.

Aux yeux du pouvoir en place, les moyens déployés restent néanmoins insuffisants pour préserver la fragile paix sociale. Il a ainsi été décrété au mois de mars 2014, en guise de réponse, que les organisations humanitaires dédient au moins 30 % de leur action aux communautés hôtes en difficulté. Et il est fort probable, compte tenu des récentes évolutions, que la surveillance des frontières et des réfugiés syriens soit considérablement renforcée durant l’été 2014.

Quoi qu’il en soit, de telles dispositions révèlent bien la fébrilité de la monarchie jordanienne qui redoute que les réfugiés n’agissent comme un catalyseur des problèmes internes ou encore comme un vecteur de diffusion du salafo-jihadisme dans la société jordanienne. Pour l’heure, celle-ci peut au moins se féliciter que les tensions entre Jordaniens et Syriens n’aient pas dégénéré en violence armée. Il faut dire que, outre son homogénéité confessionnelle, le royaume hachémite n’est pas soumis à la même grille de lecture du conflit syrien que le Liban.

Le Liban à l’épreuve de ses divisions face aux réfugiés syriens

Officiellement, le pays du Cèdre accueille désormais plus d’un million de réfugiés syriens, soit un quart de la population totale d’avant-crise. Malgré cela, les autorités libanaises persistent dans leur refus de mettre sur pied des camps ou des centres de transit – expression plus politiquement correcte, mais dont la différence avec les premiers s’avère en fait très cosmétique. Il faut y voir la résurgence du spectre de l’implantation palestinienne, encore associée, dans l’imaginaire collectif libanais, à la guerre qui a ravagé le pays de 1975 à 1989. La coalition gouvernementale, formée en février 2014, perpétue de ce fait l’approche sécuritaire adoptée depuis le début de la crise syrienne et entretient une vive méfiance à l’égard de toute initiative susceptible de faciliter l’établissement durable de ces populations exilées.

Malgré de profondes divisions au sein des instances dirigeantes, un relatif consensus prévaut sur la préservation de la stabilité du Liban. Outre la crainte d’une déstabilisation de l’équilibre confessionnel, le bloc du 8-Mars15 redoute que l’afflux de réfugiés, majoritairement sunnites16, ne

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Entretien avec Iris Blom, coordonnatrice principale des activités du HCR dans le camp de Za’atari, 22 mai 2013.

15 Créé en 2005, le bloc du 8-Mars est une coalition politique traditionnellement dite « pro-syrienne », c'est-à-dire favorable au régime de Bachar al-Assad. Elle regroupe les principaux partis chiites comme le Hezbollah et Amal mais également des partis d’autres obédiences tels que le Courant patriotique libre (chrétien) ou le Parti démocratique libanais (druze).

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mette à mal la politique nationale de « dissociation17 » – pourtant déjà battue en brèche par la participation du Hezbollah à la répression orchestrée par le régime baasiste. Quant à l’alliance du 14-Mars18, elle se montre de plus en plus préoccupée par la présence syrienne. Un nombre croissant de réfugiés, séduit par des courants plus extrémistes prêchant la guerre sainte contre Damas, échappe à son contrôle, notamment dans les gouvernorats du Liban-Nord et de la Bekaa.

A contrario, du fait de la résilience du régime et du pourrissement de la situation de l’autre côté de la frontière, certains d’entre eux pourraient s’en remettre au maintien du pouvoir en place, introduisant de nouvelles lignes de fracture sur le territoire libanais.

Face à ces risques de déstabilisation, il n’est pas surprenant que le ministre de l’Intérieur libanais, Nuhad Machnuq (appartenant au Courant du futur), ait annoncé le 31 mai 2014 que les réfugiés syriens du Liban qui retourneraient en Syrie perdraient désormais systématiquement la protection que leur a accordée le HCR. Quelques jours auparavant, environ 40 000 d’entre eux s’étaient rendus à l’ambassade de Syrie à Beyrouth afin de participer en avance au scrutin présidentiel syrien. Une dizaine de milliers d’autres avaient déjà fait l’aller-retour à Damas pour faire de même19. À la veille des élections, il s’agissait donc d’éviter autant de nouveaux mouvements importants de populations vers la Syrie, expression d’un soutien, au moins apparent, au pouvoir central, que de nouvelles tensions entre pro- et anti-Assad sur le sol libanais. Cette décision marque un tournant majeur dans la politique d’accueil de l’État libanais, lequel avait maintenu jusqu’à présent ses frontières ouvertes. Premier outil de coercition visant l’arrivée des réfugiés syriens, celle-ci fragilise un peu plus la condition statutaire des Syriens exilés, d’ores et déjà délaissés par les pouvoirs publics. Beyrouth a en effet choisi de sous-traiter l’assistance des « invités » syriens aux ONG internationales et aux réseaux de solidarité informels. Livrées à elles-mêmes, les municipalités et les structures locales de bienfaisance sont de plus en plus acculées. Les réfugiés n’ont donc bien souvent d’autre choix que de rechercher la solidarité de leurs coreligionnaires. Considérés comme une force nouvelle dans le jeu politique libanais, ils sont de fait renvoyés, dès leur arrivée, au seul horizon d’appartenance prévalant au Liban : la communauté. À l’épreuve de ses propres divisions, le gouvernement participe involontairement à la polarisation sectaire de l’échiquier libanais autour de la crise syrienne.

Il serait toutefois simpliste de réduire les relations entre les Syriens et leurs hôtes au prisme confessionnel. Notons d’abord que la hantise de l’installation pérenne des réfugiés sur le sol national pénètre tous les secteurs de la société libanaise, indépendamment du milieu social ou du facteur religieux. Surtout, si les démonstrations de solidarité communautaire ont joué à plein jusqu’au début de l’année 2013 dans le gouvernorat du Liban-Nord, elles ont par la suite atteint leur limite. Cette générosité exceptionnelle ne pouvait en effet durer indéfiniment dans une région en majorité certes sunnite, mais qui compte 40 % des individus vivant sous le seuil de pauvreté au Liban20.

17

Issue de la Déclaration de Baabda adoptée le 11 juin 2012 par les différents partis libanais, la politique de « dissociation » est censée garantir la neutralité et la non-ingérence du Liban vis-à-vis de la guerre qui fait rage en Syrie.

18

Formée en 2005, l’alliance du 14-Mars est une coalition politique opposée au régime de Bachar al-Assad et regroupant essentiellement des partis sunnites et chrétiens. Son leader est Saad Hariri, issu du Courant du futur (sunnite) et fils de Rafiq Hariri, ancien président du conseil assassiné en février 2005.

19

Entretien avec Jean-Paul Cavalieri, représentant adjoint du HCR au Liban. 20

IRIN, « UN: To avoid tensions with refugees, Lebanese hosts need support », 28 janvier 2013, disponible en ligne : http://www.irinnews.org/fr/report/97354/un-to-avoid-tensions-with-refugees-lebanese-hosts-need-support

(13)

85

Réticent à l’idée de voir se créer des centres de transit, le « parti de Dieu » a dû se rendre à des arguments humanitaires et accepter de fait l’établissement de camps de fortune aux alentours des villages de la Bekaa et du Liban-Sud, soit au cœur même de ses intérêts21. La seule dimension politico-communautaire ne saurait donc rendre compte de la complexité de la question des réfugiés syriens, laquelle renvoie inévitablement aux réalités socio-économiques du pays.

Cette interpénétration explique d’ailleurs en partie pourquoi, malgré la volatilité du contexte libanais, il n’y a pas eu de violences institutionnalisées par les différents partis politiques. À cet égard, le Hezbollah, nonobstant sa supériorité matérielle, a tout intérêt à ce qu’un front « intérieur » ne s’ouvre pas, au moment où il s’engage pleinement aux côtés des troupes loyalistes de l’autre côté de la frontière. Il n’en demeure pas moins que la présence syrienne, ferment majeur de divisions au sein de la population, est vouée à accroître indéniablement les risques de débordement de la guerre syrienne au Liban. Un point de vue que semblent partager les autorités du Kurdistan irakien.

Les réfugiés syriens au cœur des virtualités nationales kurdes

Au nom d’une solidarité ethnique transfrontalière, le président du gouvernement régional du Kurdistan irakien (KRG), Massoud Barzani, avait fait rapidement le choix de prendre en charge les réfugiés kurdes de Syrie. Les premiers à prendre la route de l’exil furent ainsi autorisés à s’établir en communauté dans la ville de Dahuk et ses banlieues. À l’instar de la Jordanie, le dirigeant s’était décidé, dès le mois d’avril 2012, à mettre sur pied le camp de Domiz, le premier d’une série de huit structures d’accueil mises en place par le KRG. L’exode continu de ces populations a toutefois alimenté la crainte d’une importation du conflit syrien dans une région dont l’homogénéité ethnique l’a relativement préservée des violences communautaires sévissant aussi bien en Irak qu’en Syrie. En conséquence, les autorités kurdes ont décidé de fermer le principal point de passage à la frontière, de mars à juillet 2013, et d’empêcher les résidents des huit camps de circuler librement dans la région autonome.

De fait, l’exode des Kurdes syriens a pris une dimension géopolitique importante aux yeux du Parti démocratique kurde (PDK, dont est issu le président Barzani) qui voit dans la fuite des « frères » de Syrie la remise en question d’un hypothétique « grand Kurdistan » transfrontalier. Mais si cette politique constitue un des moyens de juguler la perte du capital humain de ce Kurdistan théorique, elle s’inscrit également dans la lutte d’influence que se livrent le PDK et le Parti de l’union démocratique (PYD), lui-même affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), dans le « Kurdistan syrien ». Disposant de relais au sein de l’Armée syrienne libre, Massoud Barzani voit d’un mauvais œil la mainmise du PYD sur l’administration autonome de transition proclamée unilatéralement par les Kurdes de Syrie le 12 novembre 201322. Dans l’esprit du KRG, la dégradation des conditions de vie de ces derniers pourrait les encourager à rejeter la tutelle du PYD et à se tourner vers d’autres formations politiques, plus alignées sur le courant barzaniste.

21

C’est le Hezbollah qui avait refusé l’idée des camps de transit en mars 2012, arguant la menace de voir se créer de potentielles « poches de résistance armée » au sein même du territoire libanais.

22

Cette administration recouvre trois zones situées au nord et au nord-est de la Syrie : Afrin, Kobani, et la Jazira.

(14)

Pour conclure

Où qu’ils se trouvent, les réfugiés ne sont donc jamais envisagés sous le seul angle humanitaire, mais se voient plutôt considérés comme une nouvelle force politique par les États de la région. De par les enjeux dont elle est porteuse, cette nouvelle « communauté diasporique23 » bouleverse les alliances traditionnelles, comme au Kurdistan irakien et au Liban. En cela, ces derniers contribuent à esquisser les nouveaux contours des relations entre les protagonistes du champ de bataille syrien et leur voisinage immédiat. En outre, chaque pays d’accueil n’a eu d’autre choix que d’ajuster son positionnement sur l’échiquier politique régional en tenant compte de la présence syrienne. Une telle polarisation démontre d’ailleurs, à elle seule, la centralité de la Syrie dans la redéfinition en cours du Moyen-Orient. Et il y a fort à parier que les Syriens exilés continueront de remodeler le paysage géostratégique régional pour les années, voire les décennies à venir, tant leur retour s’avère aujourd’hui plus qu’incertain. Face au fardeau qu’incarne l’exode du peuple syrien pour la région, il est donc urgent que la communauté internationale presse davantage les parties au conflit pour négocier un accès humanitaire sans entrave à l’ensemble du territoire syrien. Malgré la radicalisation d’une grande partie de l’opposition et l’ascension de l’État islamique, les perceptions occidentales doivent évoluer. Bien sûr, l’accueil de centaines de milliers de réfugiés dans des pays tiers est inenvisageable tout comme il serait préjudiciable à la reconstruction de l’État-nation syrien. Mais il apparaît nécessaire de trouver un compromis quant à des solutions de longue durée. Au nom de ses valeurs comme pour ses propres intérêts, l’Europe devrait ouvrir davantage ses portes aux demandeurs d’asile et prendre une part plus active dans la résolution du drame humain qui se joue de l’autre côté de la Méditerranée. Sous peine d’entretenir un peu plus la déstabilisation de l’espace moyen-oriental tout entier, livré à lui-même face au déracinement de la société syrienne.

23

Compte tenu de l’ampleur de l’exode syrien et de la difficulté que posera la reconstruction de l’État-nation syrien – quel qu’il soit –, on peut raisonnablement affirmer que les réfugiés syriens sont amenés à former une nouvelle communauté diasporique au Moyen-Orient, voire au-delà.

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