Comité d’honneur (au 01.01.2015) :
Jean Andreau, Alexandre Farnoux, Ian Morris, Georges Rougemont, Catherine
Virlouvet
Comité de Rédaction (au 01.01.2015) :
Marie-Françoise Boussac, Roland Étienne, Jean-François Salles, Laurianne
martinez-sève, Jean-Baptiste Yon
Responsable de la Rédaction : Marie-Françoise Boussac
Adjoint : Jean-Baptiste Yon
Maison de l’Orient et de la Méditerranée — Jean Pouilloux 5/7 rue Raulin, F-69365 Lyon Cedex 07, France
marie-francoise.boussac@mom.fr www.topoi.mom.fr
www.persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/topoi
Diffusion : De Boccard Édition-Diffusion, 11 rue de Médicis, F-75006 Paris
Topoi. Orient-Occident Supplément 13, Lyon (2015)
ISSN : 1764-0733
Illustration de couverture : statue votive du prince sidonien Baalshilem, Bostan ech-Cheikh, Musée National de Beyrouth, inv. 12454 (Ph. Archives Maurice Dunand, DGA, Beyrouth).
Illustration du dos : stèle funéraire de Sarapiôn, Borj al-Chamali (région de Tyr), Musée National de Beyrouth, inv. 3272 (Ph. Julien Aliquot).
Ouvrage publié avec le concours
de la Société des Amis de la Bibliothèque Salomon Reinach
Comité d’honneur (au 01.01.2015)
:
, Ian
arnouxF
, Alexandre
ndreauJean A
M
orris, Geor
ges R
ougemont, Catherine
irlouvetV
Comité de Rédaction (au 01.01.2015)
:
tienneÉ
, Roland
oussacMarie-Françoise B
, Jean-François
S
alles
, Laurianne
on, Jean-Baptiste Y
ève-s
artinezm
Responsable de la Rédaction : Marie-Françoise B
oussac
Adjoint : Jean-Baptiste
Y
on
Maison de l’Orient et de la Méditerranée — Jean Pouilloux
5/7 rue Raulin, F-69365 Lyon Cedex 07, France
marie-francoise.boussac@mom.fr
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www.persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/topoi
Diffusion : De Boccard Édition-Dif
fusion, 11 rue de Médicis, F-75006 Paris
Topoi. Orient-Occident
Supplément 13, Lyon (2015)
ISSN : 1764-0733
Illustration de
couverture :
statue votive
du prince
sidonien Baalshilem,
Bostan
Maurice
(Ph. Archives
. 12454
Beyrouth, inv
National de
ech-Cheikh, Musée
Dunand, DGA, Beyrouth).
Illustration du
dos : stèle
funéraire de
Sarapiôn, Borj
al-Chamali (région
de Tyr),
Aliquot).
Musée National de Beyrouth, inv. 3272 (Ph. Julien
Ouvrage publié avec le concours
de la Société des Amis de la Bibliothèque Salomon Reinach
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Jean Andreau, Alexandre Farnoux, Ian Morris, Georges Rougemont, Catherine
Virlouvet
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Marie-Françoise Boussac, Roland Étienne, Jean-François Salles, Laurianne
martinez-sève, Jean-Baptiste Yon
Responsable de la Rédaction : Marie-Françoise Boussac
Adjoint : Jean-Baptiste Yon
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Illustration de couverture : statue votive du prince sidonien Baalshilem, Bostan ech-Cheikh, Musée National de Beyrouth, inv. 12454 (Ph. Archives Maurice Dunand, DGA, Beyrouth).
Illustration du dos : stèle funéraire de Sarapiôn, Borj al-Chamali (région de Tyr), Musée National de Beyrouth, inv. 3272 (Ph. Julien Aliquot).
Ouvrage publié avec le concours
de la Société des Amis de la Bibliothèque Salomon Reinach
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:
, Ian
arnouxF
, Alexandre
ndreauJean A
M
orris, Geor
ges R
ougemont, Catherine
irlouvetV
Comité de Rédaction (au 01.01.2015)
:
tienneÉ
, Roland
oussacMarie-Françoise B
, Jean-François
S
alles
, Laurianne
on, Jean-Baptiste Y
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artinezm
Responsable de la Rédaction : Marie-Françoise B
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Adjoint : Jean-Baptiste
Y
on
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5/7 rue Raulin, F-69365 Lyon Cedex 07, France
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fusion, 11 rue de Médicis, F-75006 Paris
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Illustration de
couverture :
statue votive
du prince
sidonien Baalshilem,
Bostan
Maurice
(Ph. Archives
. 12454
Beyrouth, inv
National de
ech-Cheikh, Musée
Dunand, DGA, Beyrouth).
Illustration du
dos : stèle
funéraire de
Sarapiôn, Borj
al-Chamali (région
de Tyr),
Aliquot).
Musée National de Beyrouth, inv. 3272 (Ph. Julien
Ouvrage publié avec le concours
Topoi Suppl. 13 (2015)
p. 3-4
Topoi Supplément 13
LA PhéniCie heLLéniStique
Actes du colloque international de toulouse
(18-20 février 2013)
édités par Julien a
liquotet Corinne B
onnetSommaire
Julien aliquot et Corinne Bonnet, « Introduction » 5-7
Cités et royaumes, des Achéménides à Rome
Catherine apicella et Françoise Briquel chatonnet, « La transition institutionnelle
dans les cités phéniciennes, des Achéménides à Rome » 9-29 Sabine Fourrier, « Chypre, des royaumes à la province lagide :
la documentation phénicienne » 31-53 Catharine C. lorBer, « Royal Coinage in Hellenistic Phoenicia :
Expressions of Continuity, Agents of Change » 55-88 Jean-Baptiste Yon, « De Marisa à Byblos avec le courrier de Séleucos IV.
Quelques données sur Byblos hellénistique » 89-105
Villes et campagnes du pays phénicien
Hélène sader, « Les territoires des cités phéniciennes
entre continuité et changement » 107-121 Élodie guillon, « Les rapports entre les cités phéniciennes et leurs arrière-pays
en Phénicie du Nord » 123-153
Tomasz WaliszeWski et Urszula Wicenciak, « Jiyeh (Porphyreon).
Nouvelles découvertes sur le territoire de Sidon à l’époque hellénistique » 155-179 Rolf A. stuckY, « Dorf und Stadt. Griechische Präsenz an der phönizischen Küste
während der Perserzeit und im frühen Hellenismus » 181-205
Topoi Suppl. 13 (2015) p. 3-4
Topoi
Supplément 13
LA Phéni
Cie he
LLéni
Stique
Actes du colloque international de toulouse
(18-20 février 2013)
édités par Julien a
liquot et Corinne B onnet
Sommaire
Julien a liquot et Corinne B onnet , « Introduction » 5-7Cités et royaumes, des Achéménides à Rome Catherine a picella et Françoise B riquel c hatonnet , « La transition ins
titutionnelle Achéménides à Rome » dans les cités phéniciennes, des
9-29 : , « Chypre, des royaumes à la province lagide ourrier Sabine F la documentation phénicienne
»
31-53 : , « Royal Coinage in Hellenistic Phoenicia orBer Catharine C. l Expressions of Continuity, Agents of Change
»
55-88 . , « De Marisa à Byblos avec le courrier de Séleucos IV on Jean-Baptiste Y Quelques données sur Byblos hellénistique »
89-105
Villes et campagnes du pays phénicien
Hélène s
ader
, « Les territoires des cités phéniciennes entre continuité et changement
»
107-121 re-pays , « Les rapports entre les cités phéniciennes et leurs arriè uillon Élodie g en Phénicie du Nord
»
123-153 , « Jiyeh (Porphyreon). icenciak et Urszula W ski aliszeW W Tomasz Nouvelles découvertes sur le ter
ritoire de Sidon à l’époque hellénistique »
155-179 hen Küste , « Dorf und Stadt. Griechische Präsenz an der phönizisc tuckY s Rolf A. während der Perserzeit und im frühen Hellenismus
» 181-205 Topoi Suppl. 13 (2015) p. 3-4
Topoi Supplément 13
LA PhéniCie heLLéniStique
Actes du colloque international de toulouse
(18-20 février 2013)
édités par Julien a
liquotet Corinne B
onnetSommaire
Julien aliquot et Corinne Bonnet, « Introduction » 5-7
Cités et royaumes, des Achéménides à Rome
Catherine apicella et Françoise Briquel chatonnet, « La transition institutionnelle
dans les cités phéniciennes, des Achéménides à Rome » 9-29 Sabine Fourrier, « Chypre, des royaumes à la province lagide :
la documentation phénicienne » 31-53 Catharine C. lorBer, « Royal Coinage in Hellenistic Phoenicia :
Expressions of Continuity, Agents of Change » 55-88 Jean-Baptiste Yon, « De Marisa à Byblos avec le courrier de Séleucos IV.
Quelques données sur Byblos hellénistique » 89-105
Villes et campagnes du pays phénicien
Hélène sader, « Les territoires des cités phéniciennes
entre continuité et changement » 107-121 Élodie guillon, « Les rapports entre les cités phéniciennes et leurs arrière-pays
en Phénicie du Nord » 123-153
Tomasz WaliszeWski et Urszula Wicenciak, « Jiyeh (Porphyreon).
Nouvelles découvertes sur le territoire de Sidon à l’époque hellénistique » 155-179 Rolf A. stuckY, « Dorf und Stadt. Griechische Präsenz an der phönizischen Küste
während der Perserzeit und im frühen Hellenismus » 181-205
Topoi Suppl. 13 (2015) p. 3-4
Topoi
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LA Phéni
Cie he
LLéni
Stique
Actes du colloque international de toulouse
(18-20 février 2013)
édités par Julien a
liquot et Corinne B onnet
Sommaire
Julien a liquot et Corinne B onnet , « Introduction » 5-7Cités et royaumes, des Achéménides à Rome Catherine a picella et Françoise B riquel c hatonnet , « La transition ins
titutionnelle Achéménides à Rome » dans les cités phéniciennes, des
9-29 : , « Chypre, des royaumes à la province lagide ourrier Sabine F la documentation phénicienne
»
31-53 : , « Royal Coinage in Hellenistic Phoenicia orBer Catharine C. l Expressions of Continuity, Agents of Change
»
55-88 . , « De Marisa à Byblos avec le courrier de Séleucos IV on Jean-Baptiste Y Quelques données sur Byblos hellénistique »
89-105
Villes et campagnes du pays phénicien
Hélène s
ader
, « Les territoires des cités phéniciennes entre continuité et changement
»
107-121 re-pays , « Les rapports entre les cités phéniciennes et leurs arriè uillon Élodie g en Phénicie du Nord
»
123-153 , « Jiyeh (Porphyreon). icenciak et Urszula W ski aliszeW W Tomasz Nouvelles découvertes sur le ter
ritoire de Sidon à l’époque hellénistique »
155-179 hen Küste , « Dorf und Stadt. Griechische Präsenz an der phönizisc tuckY s Rolf A. während der Perserzeit und im frühen Hellenismus
4 sommaire
Culture matérielle et koinè hellénistique
Jessica L. nitschke, « What is Phoenician about Phoenician material culture
in the Hellenistic period ? » 207-238 Ida oggiano, « Le sanctuaire de Kharayeb et l’évolution
de l’imagerie phénicienne dans l’arrière-pays de Tyr » 239-266 Sandrine Élaigne, « La vaisselle de table en Phénicie à l’époque hellénistique » 267-294
Hélène eristov, « Le décor des maisons hellénistiques de Beyrouth » 295-314
Mémoires de la Phénicie hellénistique
Corinne Bonnet, « Le siège de Tyr par Alexandre et la mémoire des vainqueurs » 315-334
Giuseppe garBati, « Le relazioni tra Cartagine e Tiro in età ellenistica.
Presente e memoria nel tophet di Salammbô » 335-353 Julien aliquot, « Bibulus, fondateur de Byblos » 355-365
Maurice sartre, « Conclusions » 367-374
Julien aliquot, « Index » 375-396
4 sommaire
Culture matérielle et
koinè hellénistique
Jessica L. n itschke, « What is Phoenician about Phoenician material cu lture ? » in the Hellenistic period
207-238 , « Le sanctuaire de Kharayeb et l’évolution ggiano Ida o de l’imagerie phénicienne dans
l’arrière-pays de Tyr »
239-266 stique » , « La vaisselle de table en Phénicie à l’époque helléni laigne Sandrine É 267-294 » , « Le décor des maisons hellénistiques de Beyrouth ristov Hélène e 295-314
Mémoires de la Phénicie hellénistique
Corinne Bonnet
, « Le siège de Tyr par
Alexandre et la mémoire des vainqueurs »
315-334 Tiro in età ellenistica. , « Le relazioni tra Cartagine e ti arBa Giuseppe g Presente e memoria nel
tophet di Salammbô
»
335-353 » , « Bibulus, fondateur de Byblos liquot Julien a 355-365 Maurice s artre , « Conclusions » 367-374 Julien a liquot , « Index » 375-396 4 sommaire
Culture matérielle et koinè hellénistique
Jessica L. nitschke, « What is Phoenician about Phoenician material culture
in the Hellenistic period ? » 207-238 Ida oggiano, « Le sanctuaire de Kharayeb et l’évolution
de l’imagerie phénicienne dans l’arrière-pays de Tyr » 239-266 Sandrine Élaigne, « La vaisselle de table en Phénicie à l’époque hellénistique » 267-294
Hélène eristov, « Le décor des maisons hellénistiques de Beyrouth » 295-314
Mémoires de la Phénicie hellénistique
Corinne Bonnet, « Le siège de Tyr par Alexandre et la mémoire des vainqueurs » 315-334
Giuseppe garBati, « Le relazioni tra Cartagine e Tiro in età ellenistica.
Presente e memoria nel tophet di Salammbô » 335-353 Julien aliquot, « Bibulus, fondateur de Byblos » 355-365
Maurice sartre, « Conclusions » 367-374
Julien aliquot, « Index » 375-396
4 sommaire
Culture matérielle et
koinè hellénistique
Jessica L. n itschke, « What is Phoenician about Phoenician material cu lture ? » in the Hellenistic period
207-238 , « Le sanctuaire de Kharayeb et l’évolution ggiano Ida o de l’imagerie phénicienne dans
l’arrière-pays de Tyr »
239-266 stique » , « La vaisselle de table en Phénicie à l’époque helléni laigne Sandrine É 267-294 » , « Le décor des maisons hellénistiques de Beyrouth ristov Hélène e 295-314
Mémoires de la Phénicie hellénistique
Corinne Bonnet
, « Le siège de Tyr par
Alexandre et la mémoire des vainqueurs »
315-334 Tiro in età ellenistica. , « Le relazioni tra Cartagine e ti arBa Giuseppe g Presente e memoria nel
tophet di Salammbô
»
Topoi Suppl. 13 (2015)
p. 315-334
Le Siège De tyR PAR ALexAnDRe
et LA MéMoiRe DeS VAinqueuRS
introduction
1La périodisation traditionnelle de l’histoire hellénistique s’adosse à la
représentation de la conquête de l’Orient par Alexandre comme un tournant qui
conduit à l’« hellénisation » des régions placées sous la tutelle gréco-macédonienne
2.
Une telle vision est aujourd’hui débattue
3. En effet, que l’on adopte un point de
vue politico-institutionnel, économique ou culturel, on a de bonnes raisons de
remettre sérieusement en question l’idée d’une césure forte. Pour les mêmes
raisons, le concept même d’« hellénisation » ne satisfait plus guère les historiens
de l’époque hellénistique, à la recherche de nouveaux descripteurs pour rendre
compte des dynamiques évolutives qu’ils observent et s’efforcent d’interpréter
4.
Il est vrai qu’évaluer la portée des conquêtes d’Alexandre n’est pas chose aisée
et appelle une analyse nuancée, faisant la part des éléments de continuité et de
rupture, appréhendant les interactions culturelles avec des outils d’une certaine
finesse que les historiens vont volontiers chercher du côté de l’anthropologie et
de la sociologie appliquées à d’autres périodes, même très récentes, de l’histoire
des sociétés. Les royaumes phéniciens, intégrés dans l’empire achéménide
depuis le
viesiècle av. J.-C., mais ouverts sur le monde méditerranéen depuis
1. Les analyses ici présentées sont prolongées dans un livre paru en 2014 : Les enfants
de Cadmos. Le paysage religieux de la Phénicie hellénistique.
2. Pour une première discussion concernant cette question, voir grandjean et al. 2008.
Stimulant aussi pour réfléchir sur la texture de l’époque hellénistique, ma 2008.
3. Briant et joannès 2006.
4. Pour un état de la question, voir grandjean et al. 2008, p. 285-305. Pour une
approche plus approfondie, Bichler 1983 ; canFora 1987 ; Funck 1996.
Topoi Suppl. 13 (2015) p. 315-334
Le Siège
De
tyR
PAR
AL
exAn
DRe
inqueuRS
VA
DeS
oiRe
éM
M
et LA
intr oduction 1 La périodisation traditionnelle de l’histoire hellénistique s’adosse
à la tournant qui comme un par Alexandre de l’Orient la conquête représentation de
conduit à l’« hellé nisation » des régions placées sous la tutelle gréco-macédonienne 2
. point de adopte un que l’on effet, . En 3 aujourd’hui débattue vision est Une telle
vue politico-institutionnel, économique ou
culturel, on a de bonnes raisons
de mêmes Pour les césure forte. l’idée d’une en question remettre sérieusement
raisons, le concept même d’« hellénisation » ne satisfait plus guère les
historiens pour rendre descripteurs de nouveaux la recherche hellénistique, à de l’époque
compte des dynamiques évolutives qu’ils observent et s’ef forcent d’interpréter 4
. aisée pas chose d’Alexandre n’est des conquêtes la portée vrai qu’évaluer Il est
et appelle une analyse nuancée, faisant la part des éléments de continuité
et de d’une certaine des outils culturelles avec les interactions rupture, appréhendant
finesse que les historiens vont volontiers
chercher du côté de
l’anthropologie et très récen périodes, même à d’autres sociologie appliquées de la
tes, de
l’histoire pire achéménide dans l’em phéniciens, intégrés Les royaumes des sociétés.
depuis le vi e siècle av. J.-C., mais ouverts sur le monde médi terranéen depuis 1. Les analyse s ici présentées sont prolongées dans un livre paru en 2014 : Les
enfants de Cadmos. Le paysage religieux de la Phénicie hellénistique.
2. Pour une première discussion concernant cette question, voir g randjean et
al. 2008. 2008. a Stimulant aussi pour réfléchir sur la texture de l’époque hellénistique, m
3. B riant et j oannès 2006. 4. Pour un état de la question, voir g randjean et al. 2008, p. 285-305.
Pour une 1996. unck 1987 ; F anFora 1983 ; c ichler approche plus approfondie, B
Topoi Suppl. 13 (2015)
p. 315-334
Le Siège De tyR PAR ALexAnDRe
et LA MéMoiRe DeS VAinqueuRS
introduction
1La périodisation traditionnelle de l’histoire hellénistique s’adosse à la
représentation de la conquête de l’Orient par Alexandre comme un tournant qui
conduit à l’« hellénisation » des régions placées sous la tutelle gréco-macédonienne
2.
Une telle vision est aujourd’hui débattue
3. En effet, que l’on adopte un point de
vue politico-institutionnel, économique ou culturel, on a de bonnes raisons de
remettre sérieusement en question l’idée d’une césure forte. Pour les mêmes
raisons, le concept même d’« hellénisation » ne satisfait plus guère les historiens
de l’époque hellénistique, à la recherche de nouveaux descripteurs pour rendre
compte des dynamiques évolutives qu’ils observent et s’efforcent d’interpréter
4.
Il est vrai qu’évaluer la portée des conquêtes d’Alexandre n’est pas chose aisée
et appelle une analyse nuancée, faisant la part des éléments de continuité et de
rupture, appréhendant les interactions culturelles avec des outils d’une certaine
finesse que les historiens vont volontiers chercher du côté de l’anthropologie et
de la sociologie appliquées à d’autres périodes, même très récentes, de l’histoire
des sociétés. Les royaumes phéniciens, intégrés dans l’empire achéménide
depuis le
viesiècle av. J.-C., mais ouverts sur le monde méditerranéen depuis
1. Les analyses ici présentées sont prolongées dans un livre paru en 2014 : Les enfants
de Cadmos. Le paysage religieux de la Phénicie hellénistique.
2. Pour une première discussion concernant cette question, voir grandjean et al. 2008.
Stimulant aussi pour réfléchir sur la texture de l’époque hellénistique, ma 2008.
3. Briant et joannès 2006.
4. Pour un état de la question, voir grandjean et al. 2008, p. 285-305. Pour une
approche plus approfondie, Bichler 1983 ; canFora 1987 ; Funck 1996.
Topoi Suppl. 13 (2015) p. 315-334
Le Siège
De
tyR
PAR
AL
exAn
DRe
inqueuRS
VA
DeS
oiRe
éM
M
et LA
intr oduction 1 La périodisation traditionnelle de l’histoire hellénistique s’adosse
à la tournant qui comme un par Alexandre de l’Orient la conquête représentation de
conduit à l’« hellé nisation » des régions placées sous la tutelle gréco-macédonienne 2
. point de adopte un que l’on effet, . En 3 aujourd’hui débattue vision est Une telle
vue politico-institutionnel, économique ou
culturel, on a de bonnes raisons
de mêmes Pour les césure forte. l’idée d’une en question remettre sérieusement
raisons, le concept même d’« hellénisation » ne satisfait plus guère les
historiens pour rendre descripteurs de nouveaux la recherche hellénistique, à de l’époque
compte des dynamiques évolutives qu’ils observent et s’ef forcent d’interpréter 4
. aisée pas chose d’Alexandre n’est des conquêtes la portée vrai qu’évaluer Il est
et appelle une analyse nuancée, faisant la part des éléments de continuité
et de d’une certaine des outils culturelles avec les interactions rupture, appréhendant
finesse que les historiens vont volontiers
chercher du côté de
l’anthropologie et très récen périodes, même à d’autres sociologie appliquées de la
tes, de
l’histoire pire achéménide dans l’em phéniciens, intégrés Les royaumes des sociétés.
depuis le vi e siècle av. J.-C., mais ouverts sur le monde médi terranéen depuis 1. Les analyse s ici présentées sont prolongées dans un livre paru en 2014 : Les
enfants de Cadmos. Le paysage religieux de la Phénicie hellénistique.
2. Pour une première discussion concernant cette question, voir g randjean et
al. 2008. 2008. a Stimulant aussi pour réfléchir sur la texture de l’époque hellénistique, m
3. B riant et j oannès 2006. 4. Pour un état de la question, voir g randjean et al. 2008, p. 285-305.
316 c. Bonnet
toujours, constituent dès lors, pour l’historien désireux de ressaisir la portée des événements de l’année 332, un terrain d’enquête particulièrement stimulant, mais
aussi ardu 5. Que se passe-t-il au juste lorsqu’Alexandre, après la victoire d’Issos,
arrive aux portes d’Arwad et traverse la Phénicie pour se rendre en Égypte ? En quels termes peut-on restituer et évaluer la portée de ces événements ? Le premier écueil est documentaire : disparue la littérature phénicienne, et en l’absence de tout témoignage épigraphique pertinent, le silence des vaincus retentit comme un défi. Il oblige à bâtir l’enquête sur les seuls échos de la mémoire des vainqueurs : les Grecs, et dans leur sillage les Romains, ont en effet le monopole des récits de conquête de la Phénicie. Grecs et Romains parlent d’Alexandre en Phénicie, non pas comme les « poilus » de 14-18, dans leurs lettres ou carnets rédigés au cœur même des tranchées, ou encore dans des mémoires de guerre livrées peu après le retour de la paix, mais par le biais d’une historiographie tardive qui a des accents d’épopée. Certes, ces récits puisent parfois à des sources très proches d’Alexandre, mais ils participent, chacun à sa façon, à la fabrication d’une légende édifiante et
héroïsante qui prend des libertés avec l’histoire 6. En généralisant à peine, on peut
dire que la conquête de l’Orient par Alexandre est présentée comme un tournant politique et culturel majeur, qui confère à l’hellénisme une dimension universelle.
Or, comme l’a bien montré Jan Assmann 7, la mémoire culturelle applique au
flux des événements divers filtres qui opèrent à partir d’un programme, que l’on qualifiera de mémoriel, susceptible d’induire des distorsions considérables dans la réception à long terme des événements. Dans le cas d’Alexandre, qu’il s’agisse d’Arrien, soucieux de précision, notamment dans les choses militaires, ou de Diodore, Plutarque, Quinte-Curce et Justin, pour ne citer que les principaux relais des faits qui nous intéressent, ils adoptent tous un point de vue unilatéralement grec et donnent à voir un conquérant légitime, voire exemplaire. Certaines de ces sources concèdent davantage que d’autres à la rhétorique et à la morale, à l’anecdote et à l’héroïsation du grand conquérant, sans renoncer à montrer les aspérités ou excès du personnage, mais aucune ne prend véritablement en compte
le point de vue des « autres » 8. Face à une telle situation documentaire, il ne reste
5. L’ouvrage de grainger 1992 ne répond pas vraiment aux attentes. Cf. le sévère
compte rendu de macadam 1993. Voir la problématisation de millar 1983 et 1987
(repris dans millar 2006, p. 3-50).
6. La question de la Quellenforschung des témoignages relatifs à la conquête de la Phénicie par Alexandre ne sera pas approfondie ici ; elle l’est dans le chapitre concerné du livre cité à la n. 1. Sur ces sujets, on consultera pearson 1960 ; hamilton 1969 ;
goukosWkY 1978-1981 ; atkinson 1980 ; pÉdech 1984 ; prandi 1985 ; BosWorth
1988 et 1996 ; BaYnham 1998 ; Bounoure et serret 1992 ; hammond 1993 ; YardleY
et heckel 1997 ; auBerger 2001 ; jouanno 2002 ; squillace 2004 ; prandi 2013.
7. assmann 2010 (édition originale allemande de 1992).
8. Sur la manière dont les modernes, aux xviie-xviiie siècles, ont envisagé la question
des sources relatives à Alexandre, voir le récent ouvrage de Briant 2012.
316 c . Bonnet
toujours, constit
uent dès
lors, pour
l’historien désireux
de ressaisir
la portée
des
stimulant, mais
d’enquête particulièrement
un terrain
l’année 332,
événements de
aussi ardu
5. Que
se passe-t-il
au juste
lorsqu’Alexandre, après
la victoire
d’Issos,
Égypte ?
rendre en
pour se
la Phénicie
et traverse
portes d’Arwad
arrive aux
En
premier
? Le
événements
de ces
la portée
et évaluer
peut-on restituer
quels termes
écueil est
documentaire :
disparue la
littérature phénicienne,
et en
l’absence de
vaincus retentit
silence des
pertinent, le
oignage épigraphique
tout tém
comme un
vainqueurs :
mémoire des
de la
seuls échos
sur les
bâtir l’enquête
oblige à
défi. Il
les Grecs,
et dans
leur sillage
les Romains,
ont en
effet
le monopole
des récits
de
Phénicie, non
d’Alexandre en
Romains parlent
Grecs et
la Phénicie.
conquête de
pas comme
les « poilus
» de
14-18, dans
leurs lettres
ou carnets
rédigés au
cœur
peu après
guerre livrées
mémoires de
dans des
ou encore
tranchées,
même des
le
accents
a des
tardive qui
d’une historiographie
le biais
mais par
la paix,
retour de
d’épopée. Certes,
ces récits
puisent parfois
à des
sources très
proches d’Alexandre,
fabrication d’une
à la
sa façon,
chacun à
participent,
mais ils
légende édifiante
et
on peut
généralisant à peine,
. En
6l’histoire
libertés avec
prend des
héroïsante qui
dire que
la conquête
de l’Orient
par
Alexandre est
présentée comme
un tournant
une dimension
confère à l’hellénisme
majeur, qui
culturel
politique et
universelle.
applique au
mémoire culturelle
, la
7Assmann
montré Jan
l’a bien
Or, comme
flux des
événements
divers filtres
qui opèrent
à partir
d’un programme,
que l’on
distorsions considérables
d’induire des
mémoriel, susceptible
qualifiera de
dans
qu’il s’agisse
des événements. Dans le cas d’Alexandre,
la réception à long terme
d’Arrien, soucieux
de précision,
notamment dans
les choses
militaires, ou
de
principaux relais
que les
ne citer
Justin, pour
Quinte-Curce et
Diodore, Plutarque,
des faits
qui nous
intéressent, ils
adoptent tous
un point
de vue
unilatéralement
voire exemplaire.
conquérant légitime,
voir un
donnent à
grec et
Certaines de
et à
la rhétorique
d’autres à
e que
concèdent davantag
ces sources
la morale,
à
montrer les
renoncer à
conquérant, sans
du grand
à l’héroïsation
l’anecdote et
aspérités ou excè
s du personnage, mais aucune ne prend véritabl
ement en compte
documentaire, il
telle situation
à une
. Face
8»
des « autres
de vue
le point
ne reste
5. L’ouvrage de g rainger 1992 ne répond pas vraiment aux attente s. Cf. lesévère et 1987 1983 illar la problématisation de m Voir 1993. dam a ac m compte rendu de (repris dans m illar 2006, p. 3-50). 6. La question de la Quellenforschung des témoignages relatifs à la conquête de
la concerné le chapitre l’est dans ; elle approfondie ici sera pas Alexandre ne Phénicie par du livre cité à la n. 1. Sur ces sujets, on consultera p earson 1960 ; h amilton 1969
; orth osW ; B 1985 randi ; p 1984 Édech ; p 1980 tkinson ; a 1978-1981 kY oukosW g 1988 et 1996 ; B aYnham 1998 ; B ounoure et s erret 1992 ; h ammond 1993 ; Y ardleY et h eckel 1997 ; a uBerger 2001 ; j ouanno 2002 ; s quillace 2004 ; p randi 2013. 7. a ssmann
2010 (édition originale allemande d e 1992). 8. Sur la manière dont les modernes, aux xvii e -xviii e siècles, ont envisagé
la question 2012. riant B des sources relatives à Alexandre, voir le récent ouvrage de
316 c. Bonnet
toujours, constituent dès lors, pour l’historien désireux de ressaisir la portée des événements de l’année 332, un terrain d’enquête particulièrement stimulant, mais
aussi ardu 5. Que se passe-t-il au juste lorsqu’Alexandre, après la victoire d’Issos,
arrive aux portes d’Arwad et traverse la Phénicie pour se rendre en Égypte ? En quels termes peut-on restituer et évaluer la portée de ces événements ? Le premier écueil est documentaire : disparue la littérature phénicienne, et en l’absence de tout témoignage épigraphique pertinent, le silence des vaincus retentit comme un défi. Il oblige à bâtir l’enquête sur les seuls échos de la mémoire des vainqueurs : les Grecs, et dans leur sillage les Romains, ont en effet le monopole des récits de conquête de la Phénicie. Grecs et Romains parlent d’Alexandre en Phénicie, non pas comme les « poilus » de 14-18, dans leurs lettres ou carnets rédigés au cœur même des tranchées, ou encore dans des mémoires de guerre livrées peu après le retour de la paix, mais par le biais d’une historiographie tardive qui a des accents d’épopée. Certes, ces récits puisent parfois à des sources très proches d’Alexandre, mais ils participent, chacun à sa façon, à la fabrication d’une légende édifiante et
héroïsante qui prend des libertés avec l’histoire 6. En généralisant à peine, on peut
dire que la conquête de l’Orient par Alexandre est présentée comme un tournant politique et culturel majeur, qui confère à l’hellénisme une dimension universelle.
Or, comme l’a bien montré Jan Assmann 7, la mémoire culturelle applique au
flux des événements divers filtres qui opèrent à partir d’un programme, que l’on qualifiera de mémoriel, susceptible d’induire des distorsions considérables dans la réception à long terme des événements. Dans le cas d’Alexandre, qu’il s’agisse d’Arrien, soucieux de précision, notamment dans les choses militaires, ou de Diodore, Plutarque, Quinte-Curce et Justin, pour ne citer que les principaux relais des faits qui nous intéressent, ils adoptent tous un point de vue unilatéralement grec et donnent à voir un conquérant légitime, voire exemplaire. Certaines de ces sources concèdent davantage que d’autres à la rhétorique et à la morale, à l’anecdote et à l’héroïsation du grand conquérant, sans renoncer à montrer les aspérités ou excès du personnage, mais aucune ne prend véritablement en compte
le point de vue des « autres » 8. Face à une telle situation documentaire, il ne reste
5. L’ouvrage de grainger 1992 ne répond pas vraiment aux attentes. Cf. le sévère
compte rendu de macadam 1993. Voir la problématisation de millar 1983 et 1987
(repris dans millar 2006, p. 3-50).
6. La question de la Quellenforschung des témoignages relatifs à la conquête de la Phénicie par Alexandre ne sera pas approfondie ici ; elle l’est dans le chapitre concerné du livre cité à la n. 1. Sur ces sujets, on consultera pearson 1960 ; hamilton 1969 ;
goukosWkY 1978-1981 ; atkinson 1980 ; pÉdech 1984 ; prandi 1985 ; BosWorth
1988 et 1996 ; BaYnham 1998 ; Bounoure et serret 1992 ; hammond 1993 ; YardleY
et heckel 1997 ; auBerger 2001 ; jouanno 2002 ; squillace 2004 ; prandi 2013.
7. assmann 2010 (édition originale allemande de 1992).
8. Sur la manière dont les modernes, aux xviie-xviiie siècles, ont envisagé la question
des sources relatives à Alexandre, voir le récent ouvrage de Briant 2012.
316 c . Bonnet
toujours, constit
uent dès
lors, pour
l’historien désireux
de ressaisir
la portée
des
stimulant, mais
d’enquête particulièrement
un terrain
l’année 332,
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aussi ardu
5. Que
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lorsqu’Alexandre, après
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leur sillage
les Romains,
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le monopole
des récits
de
Phénicie, non
d’Alexandre en
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Grecs et
la Phénicie.
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pas comme
les « poilus
» de
14-18, dans
leurs lettres
ou carnets
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ou encore
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à la
sa façon,
chacun à
participent,
mais ils
légende édifiante
et
on peut
généralisant à peine,
. En
6l’histoire
libertés avec
prend des
héroïsante qui
dire que
la conquête
de l’Orient
par
Alexandre est
présentée comme
un tournant
une dimension
confère à l’hellénisme
majeur, qui
culturel
politique et
universelle.
applique au
mémoire culturelle
, la
7Assmann
montré Jan
l’a bien
Or, comme
flux des
événements
divers filtres
qui opèrent
à partir
d’un programme,
que l’on
distorsions considérables
d’induire des
mémoriel, susceptible
qualifiera de
dans
qu’il s’agisse
des événements. Dans le cas d’Alexandre,
la réception à long terme
d’Arrien, soucieux
de précision,
notamment dans
les choses
militaires, ou
de
principaux relais
que les
ne citer
Justin, pour
Quinte-Curce et
Diodore, Plutarque,
des faits
qui nous
intéressent, ils
adoptent tous
un point
de vue
unilatéralement
voire exemplaire.
conquérant légitime,
voir un
donnent à
grec et
Certaines de
et à
la rhétorique
d’autres à
e que
concèdent davantag
ces sources
la morale,
à
montrer les
renoncer à
conquérant, sans
du grand
à l’héroïsation
l’anecdote et
aspérités ou excè
s du personnage, mais aucune ne prend véritabl
ement en compte
documentaire, il
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à une
. Face
8»
des « autres
de vue
le point
ne reste
5. L’ouvrage de g rainger 1992 ne répond pas vraiment aux attente s. Cf. lesévère et 1987 1983 illar la problématisation de m Voir 1993. dam a ac m compte rendu de (repris dans m illar 2006, p. 3-50). 6. La question de la Quellenforschung des témoignages relatifs à la conquête de
la concerné le chapitre l’est dans ; elle approfondie ici sera pas Alexandre ne Phénicie par du livre cité à la n. 1. Sur ces sujets, on consultera p earson 1960 ; h amilton 1969
; orth osW ; B 1985 randi ; p 1984 Édech ; p 1980 tkinson ; a 1978-1981 kY oukosW g 1988 et 1996 ; B aYnham 1998 ; B ounoure et s erret 1992 ; h ammond 1993 ; Y ardleY et h eckel 1997 ; a uBerger 2001 ; j ouanno 2002 ; s quillace 2004 ; p randi 2013. 7. a ssmann
2010 (édition originale allemande d e 1992). 8. Sur la manière dont les modernes, aux xvii e -xviii e siècles, ont envisagé
lesiègedetYrparalexandreetlamÉmoiredesvainqueurs 317
à l’historien qu’à faire le deuil d’une histoire qui, comme l’a fait Nathan Wachtel
pour les Indiens du Pérou
9, aurait l’ambition de bousculer la logique et la vision
des vainqueurs, et à s’armer pour questionner les procédés narratifs et idéologiques
qui sont à l’œuvre dans les sources grecques et romaines. En d’autres termes, ce
sont les représentations de la conquête de la Phénicie qu’il s’agit d’explorer et de
comprendre.
Une tâche de cette nature suppose de se doter d’une boîte à outils pour
décoder les récits de conquête, qui déploient tantôt le registre de la diplomatie et
des négociations, tantôt celui de la violence, entre prouesses et cruautés. Comme
l’a récemment souligné Pascal Payen, dans son livre sur Les revers de la guerre
10,
l’écriture de la guerre fait référence à une activité ressentie à la fois comme naturelle
et pathologique, à savoir l’exercice de la violence des hommes sur les hommes.
Elle investit le champ de l’action politique, qui se veut rationnelle, et celui des
sentiments, qui basculent aisément dans le tragique. C’est pourquoi les vaincus,
même si l’historiographie ne leur prête pas voix, sont présents dans les récits et
posent même cruellement la question de la légitimation de la violence, en première
instance celle des envahisseurs, mais aussi celle des résistants. Dans le cas de la
conquête de la Phénicie par Alexandre, même si les sources classiques tendent à
la présenter comme une libération du joug perse, le long et apocalyptique siège
de Tyr, sur lequel nous allons revenir, est là pour rappeler qu’Alexandre incarne
bien l’impérialisme des Grecs, qu’il s’agit effectivement d’annexer et de coloniser
un territoire et un peuple étrangers. L’irruption de nouveaux maîtres venus de
l’extérieur, parlant une autre langue, vénérant d’autres dieux, ayant d’autres usages,
entraîne nécessairement des mutations d’une certaine profondeur et ce que Serge
Gruzinski, en travaillant sur le Mexique espagnol, entre
xvieet
xviiiesiècle, appelle
une « colonisation de l’imaginaire »
11. Ses travaux très stimulants, qui constituent
un terme de comparaison nécessairement imparfait, mais néanmoins instructif,
invitent à ne pas figer le regard sur la nouvelle hégémonie qui se met en place,
mais à scruter aussi les nouveaux agencements culturels qui très vite émergent.
La recomposition du tissu politique, social et culturel après la conquête donne
ainsi naissance à de nouveaux paysages, originaux et imprédictibles
12. On glissera
donc aussi, dans notre boîte à outils, le concept de middle ground, si brillamment
illustré par Richard White dans son étude des rapports entre « Indiens, empires et
9. Wachtel 1971. Pour un renversement de perspective analogue, voir aussi Briant
2003 et, dans le cadre de la région des Grands Lacs au Canada, White 2009 (édition
originale parue à Cambridge en 1991).
10. paYen 2012. Du même auteur, voir aussi paYen 2002.
11. gruzinski 1988. Voir aussi, dans une perspective similaire, gruzinski 1999, 2008 et
2012.
12. Pour approfondir cette question et la notion de paysage, je renvoie à mon livre :
Bonnet 2014. le siège de tYr par alexandre et la mÉmoire des vainqueurs 317 à l’historien qu’à faire le deuil d’une histoire qui, comme l’a fait Nathan W
achtel la vision logique et bousculer la l’ambition de , aurait 9 Pérou Indiens du pour les
des vainqueurs, et à s’armer
pour questionner les procédés
narratifs et
idéologiques En d’autres et romaines. sources grecques dans les à l’œuvre qui sont
termes, ce s’agit d’explorer Phénicie qu’il de la la conquête de représentations sont les
et de comprendre. Une tâc he de cette nature suppose de se doter d’une boîte à outils
pour diplomatie et de la le registre déploient tantôt conquête, qui récits de décoder les
des négociations , tantôt celui de la violence, entre prouesses et cruautés.
Comme guerre de la revers sur Les son livre Payen, dans souligné Pascal l’a récemment
10
, naturelle fois comme à la activité ressentie à une fait référence la guerre l’écriture de
et pathologique, à savoir l’exerc ice de la violence des hommes sur les
hommes. rationnelle, et se veut politique, qui de l’action le champ Elle investit
celui des pourquoi les tragique. C’est dans le basculent aisément sentiments, qui
vaincus, dans les sont présents pas voix, leur prête l’historiographie ne même si
récits et première violence, en de la la légitimation question de cruellement la posent même
instance celle des envahisseurs, mais aussi celle des résistants. Dans le cas
de la tendent à classiques les sources même si par Alexandre, la Phénicie conquête de
la présenter comme une libération du joug perse, le long et apocalyptique
siège incarne rappeler qu’Alexandre là pour , est allons revenir lequel nous , sur de Tyr
bien l’im périalisme des Grecs, qu’il s’agit ef fectivement d’annexer et de
coloniser maîtres venus de nouveaux L’irruption peuple étrangers. et un un territoire
de usages, ayant d’autres d’autres dieux, langue, vénérant une autre l’extérieur, parlant
entraîne nécessairement des mutations
d’une certaine profondeur et
ce que
Serge appelle siècle, e xviii et e xvi espagnol, entre le Mexique travaillant sur Gruzinski, en
une « colonisatio n de l’imaginaire » 11 . Ses travaux très stimulants, qui
constituent mais néanmoins nécessairement imparfait, de comparaison un terme
instructif, se met hégémonie qui la nouvelle regard sur figer le ne pas invitent à
en place, vite émer qui très agencements culturels les nouveaux scruter aussi mais à
gent. conquête donne après la et culturel ique, social tissu polit position du La recom
ainsi naissance à de nouveaux paysages, originaux et imprédictibles 12 . On
glissera brillamment , si ground de middle le concept boîte à outils, dans notre donc aussi,
illustré par Richard White dans son étude des rapports entre « Indiens, empires et 9. W achtel 1971. Pour un renversement de perspective analogue , voir aussi B
riant Canada, W Lacs au des Grands la région cadre de dans le 2003 et,
hite
2009
(édition originale parue à Cambridge en 1991).
10. p
aYen
2012. Du même auteur, voir aussi p aYen 2002. 11. g ruzinski 1988. Voir aussi, dans une perspective similaire, g ruzinski 1999, 2008 et 2012. 12. Pour approfondir cette question et la notion de paysage, je renvoie à mon livre : 2014. onnet B
lesiègedetYrparalexandreetlamÉmoiredesvainqueurs 317
à l’historien qu’à faire le deuil d’une histoire qui, comme l’a fait Nathan Wachtel
pour les Indiens du Pérou
9, aurait l’ambition de bousculer la logique et la vision
des vainqueurs, et à s’armer pour questionner les procédés narratifs et idéologiques
qui sont à l’œuvre dans les sources grecques et romaines. En d’autres termes, ce
sont les représentations de la conquête de la Phénicie qu’il s’agit d’explorer et de
comprendre.
Une tâche de cette nature suppose de se doter d’une boîte à outils pour
décoder les récits de conquête, qui déploient tantôt le registre de la diplomatie et
des négociations, tantôt celui de la violence, entre prouesses et cruautés. Comme
l’a récemment souligné Pascal Payen, dans son livre sur Les revers de la guerre
10,
l’écriture de la guerre fait référence à une activité ressentie à la fois comme naturelle
et pathologique, à savoir l’exercice de la violence des hommes sur les hommes.
Elle investit le champ de l’action politique, qui se veut rationnelle, et celui des
sentiments, qui basculent aisément dans le tragique. C’est pourquoi les vaincus,
même si l’historiographie ne leur prête pas voix, sont présents dans les récits et
posent même cruellement la question de la légitimation de la violence, en première
instance celle des envahisseurs, mais aussi celle des résistants. Dans le cas de la
conquête de la Phénicie par Alexandre, même si les sources classiques tendent à
la présenter comme une libération du joug perse, le long et apocalyptique siège
de Tyr, sur lequel nous allons revenir, est là pour rappeler qu’Alexandre incarne
bien l’impérialisme des Grecs, qu’il s’agit effectivement d’annexer et de coloniser
un territoire et un peuple étrangers. L’irruption de nouveaux maîtres venus de
l’extérieur, parlant une autre langue, vénérant d’autres dieux, ayant d’autres usages,
entraîne nécessairement des mutations d’une certaine profondeur et ce que Serge
Gruzinski, en travaillant sur le Mexique espagnol, entre
xvieet
xviiiesiècle, appelle
une « colonisation de l’imaginaire »
11. Ses travaux très stimulants, qui constituent
un terme de comparaison nécessairement imparfait, mais néanmoins instructif,
invitent à ne pas figer le regard sur la nouvelle hégémonie qui se met en place,
mais à scruter aussi les nouveaux agencements culturels qui très vite émergent.
La recomposition du tissu politique, social et culturel après la conquête donne
ainsi naissance à de nouveaux paysages, originaux et imprédictibles
12. On glissera
donc aussi, dans notre boîte à outils, le concept de middle ground, si brillamment
illustré par Richard White dans son étude des rapports entre « Indiens, empires et
9. Wachtel 1971. Pour un renversement de perspective analogue, voir aussi Briant
2003 et, dans le cadre de la région des Grands Lacs au Canada, White 2009 (édition
originale parue à Cambridge en 1991).
10. paYen 2012. Du même auteur, voir aussi paYen 2002.
11. gruzinski 1988. Voir aussi, dans une perspective similaire, gruzinski 1999, 2008 et
2012.
12. Pour approfondir cette question et la notion de paysage, je renvoie à mon livre :
Bonnet 2014. le siège de tYr par alexandre et la mÉmoire des vainqueurs 317 à l’historien qu’à faire le deuil d’une histoire qui, comme l’a fait Nathan W
achtel la vision logique et bousculer la l’ambition de , aurait 9 Pérou Indiens du pour les
des vainqueurs, et à s’armer
pour questionner les procédés
narratifs et
idéologiques En d’autres et romaines. sources grecques dans les à l’œuvre qui sont
termes, ce s’agit d’explorer Phénicie qu’il de la la conquête de représentations sont les
et de comprendre. Une tâc he de cette nature suppose de se doter d’une boîte à outils
pour diplomatie et de la le registre déploient tantôt conquête, qui récits de décoder les
des négociations , tantôt celui de la violence, entre prouesses et cruautés.
Comme guerre de la revers sur Les son livre Payen, dans souligné Pascal l’a récemment
10
, naturelle fois comme à la activité ressentie à une fait référence la guerre l’écriture de
et pathologique, à savoir l’exerc ice de la violence des hommes sur les
hommes. rationnelle, et se veut politique, qui de l’action le champ Elle investit
celui des pourquoi les tragique. C’est dans le basculent aisément sentiments, qui
vaincus, dans les sont présents pas voix, leur prête l’historiographie ne même si
récits et première violence, en de la la légitimation question de cruellement la posent même
instance celle des envahisseurs, mais aussi celle des résistants. Dans le cas
de la tendent à classiques les sources même si par Alexandre, la Phénicie conquête de
la présenter comme une libération du joug perse, le long et apocalyptique
siège incarne rappeler qu’Alexandre là pour , est allons revenir lequel nous , sur de Tyr
bien l’im périalisme des Grecs, qu’il s’agit ef fectivement d’annexer et de
coloniser maîtres venus de nouveaux L’irruption peuple étrangers. et un un territoire
de usages, ayant d’autres d’autres dieux, langue, vénérant une autre l’extérieur, parlant
entraîne nécessairement des mutations
d’une certaine profondeur et
ce que
Serge appelle siècle, e xviii et e xvi espagnol, entre le Mexique travaillant sur Gruzinski, en
une « colonisatio n de l’imaginaire » 11 . Ses travaux très stimulants, qui
constituent mais néanmoins nécessairement imparfait, de comparaison un terme
instructif, se met hégémonie qui la nouvelle regard sur figer le ne pas invitent à
en place, vite émer qui très agencements culturels les nouveaux scruter aussi mais à
gent. conquête donne après la et culturel ique, social tissu polit position du La recom
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illustré par Richard White dans son étude des rapports entre « Indiens, empires et 9. W achtel 1971. Pour un renversement de perspective analogue , voir aussi B
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hite
2009
(édition originale parue à Cambridge en 1991).
10. p
aYen