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Investissements directs étrangers et développement local : les limites des politiques d’attractivité

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Academic year: 2022

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L'objectif de cet article est de montrer que les politiques d'attractivité ne sauraient à elles seules constituer le contenu d'une politique industrielle suffisante pour développer les territoires. En effet, elles constituent l'instrument privilégié de l'approche par les avantages comparatifs dans un environnement international caractérisé par la mise en concurrence de pays d’inégal développement et de transformation des configurations institutionnelles. Or, aujourd'hui, la compétitivité est plutôt déterminée par les avantages absolus des pays, et, dans ce contexte, les politiques d'attractivité doivent être construites dans une perspective d’enracinement des activités productives dans des territoires.

C'est pourquoi dans une optique de long terme, on ne saurait aborder la question des investissements directs étrangers (IDE) et de leur impact sur les territoires d'accueil sans s'arrêter sur la question de la création de ressources spécifiques.

La mondialisation est présentée aujourd’hui comme un phénomène inéluctable et irréversible et peu d’auteurs envisagent une trêve ou une atténuation de ce processus (1). Dans ce contexte, les politiques industrielles des Etats se réduisent de plus en plus à la définition de la meilleure politique d’attractivité (2). Doit-on passer du modèle de l’Etat- entrepreneur à celui de l’Etat-responsable de marketing et communication ? En effet, les Etats se concurrencent à force de surenchère pour offrir aux investisseurs les meilleures conditions d’attractivité, et, à l’intérieur de chaque Etat, les territoires se concurrencent pour attirer les investissements étrangers.

L’enchevêtrement des concurrences externes et internes peut conduire à une situation défavorable pour l’ensemble. Les projets d’intégration régionale multiplient encore ces processus concurrentiels. Les Etats partenaires à l’accord sont en concurrence avec les autres régions économiques intégrées et les autres Etats, mais aussi chaque Etat de l’Union se trouve en concurrence avec ses partenaires, et à l’intérieur de chaque Etat, les régions infra-nationales sont également mises en concurrence…

Cet article va donc s’interroger sur les limites des politiques d’attractivité basées sur les incitations dans un contexte de globalisation dont une des

Malika Hattab- Christmann

LEREPS

(hattab@univ-tlse1.fr)

(1) Boyer R. atténue cependant la portée de cette thèse dans La mondialisation, au- delà des mythes, éd. La Découverte, 2000.

(2) Michalet C.A. (2000), la Séduction des nations ou comment attirer les investissements,Paris, Economica.

et développement local : les limites

des politiques d’attractivité

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manifestations est la transformation progressive du rôle traditionnel de l’Etat- nation dans le domaine productif. Le retour vers le local pour la définition d’objectifs territoriaux, bien qu’il s’inscrive dans le processus actuel de recomposition des espaces nationaux induit par la globalisation, est lu et vécu par les acteurs comme l’opportunité de mettre en œuvre une politique de développement local endogène durable.

– Celle-ci doit nécessairement s’inscrire dans un temps long en définissant des objectifs qui intègrent une triple dimension, économique, sociale et environnementale. Dans cette perspective, le rôle de l’Etat demeure essentiel.

– Elle doit prendre en compte l’hypothèse que le territoire est un construit qui naît de la volonté partagée des acteurs localement situés de participer à un projet commun. La stabilité des formes de coordination entre les acteurs nécessite que soit prise en compte la triple dimension du développement endogène durable.

– Les politiques d’attractivité doivent donc intégrer cette triple dimension en appelant l’insertion de capitaux extérieurs sans destructuration du tissu local et des objectifs locaux de développement local durable.

On tentera donc de définir les contours d’une politique d’enracinement dont les fondations sont nécessairement construites par un investissement massif dans la création de connaissances et de savoir. Notre démarche prendra pour acquis les relations entre l’économie spatiale et régionale et l’économie industrielle qui a tendance à absorber progressivement l’économie internationale du fait du poids déterminant des firmes transnationales. En effet, la science économique s’est développée de manière fragmentée pour aboutir à une recherche compartimentée, de telle sorte qu’on ne peut aborder scientifiquement un problème ou une question économique que de manière parcellaire. Ainsi la problématique de l’attractivité résulte :

– des études en économie internationale sur notamment les liens entre IDE et commerce international dans un contexte de libéralisation des échanges,

– des études en économie industrielle sur les motivations des firmes qui investissent à l’étranger,

– de l’économie régionale qui analyse l’impact des IDE sur les territoires d’accueil.

Sans vouloir résoudre la question de “l'inter-disciplinarité” intra- économique, nous ferons appel à tous les apports qui peuvent enrichir le débat. Cela nécessite que soit prise en compte également la multidimensionnalité de l'environnement dans lequel s'insère l'action économique.

1. Nécessité et limites des politiques d’attractivité 1.1. Les fondements des politiques d’attractivité

Dans le contexte généralisé de mondialisation et de globalisation, la plupart des pays, qu’ils soient développés ou en développement, cherchent

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à attirer les IDE à l'intérieur de leurs frontières. En effet, à la phase historique (1960-1970) où l’Etat primait sur le marché en mettant les firmes en concurrence et en leur imposant des conditions d'activité relativement strictes conformes aux objectifs de développement national a succédé la phase actuelle (1980-1990) où ce sont les groupes qui mettent les territoires en concurrence en les considérant comme autant de localisations substituables. Les mouvements de libéralisation et de déréglementation destinés à créer un cadre favorable à l'accueil des IDE se sont traduits par une subordination des Etats aux marchés dominés le plus souvent par les firmes globales (3).

Parallèlement, les Etats-nations mettent en place des processus d’apprentissage de nouvelles normes et de nouvelles formes d’organisation plus proches du marché, que ce soit sous la pression des organisations internationales ou celle des accords d’intégration régionale. Lorsque la stabilité socio-économique et politique est réalisée dans un contexte d’ouverture, la problématique de l’attractivité devient un impératif (4) pour tous les pays. En effet, l'insertion internationale, mesurée par une batterie d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs, ne passe pas seulement par les échanges de biens et de services. Le commerce international est de plus en plus dominé par les échanges intra-firmes, et l'accroissement des flux commerciaux entre Etats se résout donc en grande partie à des échanges entre les filiales d'un même groupe (5).

Pour les pays en développement, les IDE sont une source de financement extérieur privé importante car ils sont attachés à des anticipations de profit à long terme. Ils sont donc par définition moins volatils que les investissements de portefeuille et porteurs d'avantages plus concrets comme le transfert de technologies, de compétences, de capacités d'innovation, de réseaux internationaux de commercialisation, de recettes fiscales, de pratiques d'organisation et de gestion, d’emploi et donc de développement économique (6).

Dans cette nouvelle configuration de l'environnement et dans un contexte de transformation du rôle de l'Etat et d'accroissement de la concurrence, la seule politique industrielle qui resterait possible consiste à mettre en place ou à renforcer des facteurs d'attractivité compétitifs (Andreff, 1999 ; Michalet, 1999, 2000). Les politiques d'attractivité sont conçues comme un moyen de créer et de renforcer les avantages comparatifs des Etats. Elles résultent le plus souvent des recommandations de la Banque mondiale (FIAS) (7) et sont sensiblement les mêmes pour tous les pays (8). Parmi les facteurs d’attractivité, l’investisseur va comparer : les coûts salariaux, les disparités sectorielles de taux de profit, la taille du marché et son taux de croissance, les écarts technologiques, les coûts de transport, les droits de douane, les normes (travail, environnement), etc., mais aussi la présence ou pas de ressources spécifiques.

La plupart des pays ont mis en place une soixantaine de mesures incitatives, ce qui accentue la convergence des pratiques. Elles peuvent

(3) Bourguinat H.(1998), l'Economie morale. Le marché contre les acquis, Editons Arléa.

(4) Michalet C.-A.

(1999), « Un nouvel impératif de la politique industrielle dans la globalisation : l’attractivité », in Bouet A. et Le Cacheux J. (éd.), Globalisation et politiques économiques, Paris, Economica.

(5) Le commerce intra- firmes représente environ 50 % du commerce mondial.

(6) Cependant, une étude récente du FMI établit un bilan mitigé pour ne pas dire négatif de ces impacts attendus sur les économies d’accueil ; voir FMI, Finance et développement,mai-juin 2001.

(7) Foreign Investment Advisory Service, Banque mondiale.

(8) Andreff W. (1999),

«Peut-on empêcher la surenchère des politiques d'attractivité à l'égard des multinationales» in Bouet A. et Le Cacheux J. (éd.), Globalisation et politiques

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s’accompagner d’accords bilatéraux sur l’investissement entre les pays d’accueil et les pays d’origine, de conventions fiscales et d’accords d’intégration régionale (9).

1.2. La nature des politiques d’attractivité

Les politiques d’attractivité cherchent à valoriser plusieurs aspects liés aux déterminants des IDE : infrastructures de communication et de télécommunications, offre de ressources humaines, environnement industriel favorable, proximité institutionnelle, incitations financières, incitations fiscales, caractéristiques du cadre de vie, etc.

Les mesures incitatives sont nombreuses et variées (assouplissement du dispositif de contrôle, création de zones franches, libéralisation des systèmes de paiement, convertibilité des monnaies locales, assouplissement des procédures administratives, libéralisation des politiques économiques concernant la circulation des IDE, privatisation, élargissement des droits de propriété des investisseurs étrangers…).

Selon leur nature, elles concernent soit l’aspect financier, soit l’aspect réglementation.

Du point de vue financier, les incitations correspondent soit à une offre de biens publics, exigeant donc un investissement sur le long terme, soit à un manque à gagner ou à un déboursement (incitations fiscale et financière).

Du point de vue de la réglementation, elles peuvent avoir tendance à remodeler les règles pour les rendre compatibles avec les exigences des grandes firmes. Parallèlement, la concurrence internationale impose sur les marchés le respect d’un ensemble de normes, ce qui exige l’apprentissage de nouvelles règles.

1.2.1. Politiques d’incitation L’offre de biens publics

Il s’agit des investissements dans le domaine des infrastructures de communication et des télécommunications et des investissements dans le domaine de la connaissance et de la formation dans le sens qui semble le mieux répondre aux besoins de court terme des firmes transnationales. La construction d’un environnement offrant un cadre de vie agréable et riche est également propice dans le choix d’implantation. Oman (2000) souligne que la concurrence des Etats pour améliorer les fondamentaux, notamment par une offre accrue de main-d’œuvre qualifiée, pour adapter les infrastructures de communication et de télécommunication aux besoins des firmes globales, renforce l’économie du pays d’accueil et profite aux salariés.

Dans ce cas, il l’assimile à un jeu à somme positive, car ce qui est bien pour les firmes permet également d’améliorer la situation des salariés du pays d’accueil (10).

Dans un grand nombre de pays en développement, l’offre de biens publics concerne en priorité l’offre d’infrastructures de communication et de

économiques, Paris, Economica.

(9) Hattab-Christmann M. et Isla A. (2001),

« Politiques d’attractivité versuspolitique d’ancrage : le pouvoir contraignant des règles internationales », Communication au colloque du GRECOS, Marrakech, octobre 2001.

(10) Cependant, les politiques d’éducation et de formation doivent

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télécommunication et l’offre de sites industriels, mais peine à répondre dans l’urgence à la mise en place de centres de recherche qui permettraient de valoriser les compétences locales disponibles.

Les incitations financières et fiscales

Selon la CNUCED, les pays pratiquant les incitations et la gamme des incitations offertes ont beaucoup augmenté au cours de la dernière décennie.

Les pays en voie de développement recourent plus aux incitations fiscales qu’aux incitations financières contrairement aux pays de l’OCDE qui disposent de ressources plus importantes mais qui ne peuvent adopter des programmes d’incitations fiscales sans l’approbation de leur Parlement, ce qui rend les procédures longues.

Les incitations fiscales sont davantage utilisées dans les pays riches dans la concurrence entre territoires infra-nationaux. En effet, lors d’une décision d’investissement, le choix de la région est déjà arrêté et les incitations feront pencher la balance vers tel ou tel territoire.

Parmi les incitations fiscales, la diminution du taux de base de l’impôt sur le bénéfice des sociétés est la plus fréquente, suivie des exonéra- tions temporaires d’impôts et des exemptions et ristournes de droits de douane.

Elles peuvent être utilisées pour opérer une attractivité sélective vers certains secteurs comme l’électronique, les hautes technologies ou vers certaines régions défavorisées. Elles constituent dans ce cas un moyen de contourner l’accord sur les TRIMS qui interdit d’exiger, en contrepartie des IDE, un pourcentage minimum d’exportations par rapport aux importations. Cet accord, en allégeant les contraintes des firmes globales, a retiré aux PVD en particulier la maîtrise de l’impact des IDE sur leur balance commerciale et sur la promotion de leur développement.

Comme Brewer et Young (1997) (11), Oman (2000) considère que les mesures ciblées sont les plus efficaces, car elles visent à instaurer ou restaurer un équilibre dans la répartition des IDE entre les territoires et à promouvoir l’exportation. En effet, elles constituent dans ce cas un instrument visant à accompagner une politique industrielle et un plan d’aménagement du territoire.

Les incitations financières sont souvent versées pour attirer les IDE sans contrepartie. On peut s’interroger alors sur le risque que constitue ce type d’engagement financier.

L'amélioration de la compétitivité-coût peut être obtenue également en maintenant bas le coût du travail non qualifié, accentuant ainsi les disparités salariales entre le Nord et le Sud et au sein des pays du Sud. Ainsi naît le paradoxe du “dumping social” induit par les règles du jeu des pays riches qui exigent parallèlement l'introduction d'une clause sociale dans les accords de l'OMC.

rester cohérentes avec les besoins de long terme de l’économie locale sous peine de compromettre son futur.

(11) Brewer T.M. and Young S. (1997), Investment Agenda and the international Agenda, The World Economy, vol. 20, n° 2.

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1.2.2. Politiques fondées sur l’apprentissage de règles internationales et régionales

Elles permettent de concilier les intérêts des firmes et des territoires sur le plan purement économique.

Elles concernent également les règles de fonctionnement du marché et l’extension des droits de propriété. Avec les ajustements structurels dans les pays en développement et la transition vers l’économie de marché des PECO, on observe une convergence du traitement accordé au IDE dans l’ensemble des pays du monde. Libéralisation et déréglementation sont devenues les maîtres-mots de la nouvelle configuration institutionnelle, que ce soit à travers les plans d’ajustement structurel ou les politiques de mise à niveau induites par les accords euro-méditerranéens. Le caractère irréversible de ces accords et des réformes qui en découlent est vu par les investisseurs internationaux comme un réducteur d’incertitude. Sur le fond, les règles internationales et régionales sont complémentaires dans la construction d’un cadre institutionnel et d’un environnement propice à la concurrence. Dans le domaine des IDE, les règles tendent à privilégier la protection des investisseurs étrangers, laissant aux Etats-nations une faible marge de manœuvre dans la définition d’objectifs locaux adaptés aux spécificités du milieu. Ces règles sont renforcées par les accords bilatéraux sur l’investissement (ABI) dont les termes et les contraintes sont dictés par les pays d’origine des investisseurs (12). Certains comme le Chili n’ont pas souhaité lever les restrictions à la propriété étrangère dans tous les secteurs et pratiquent un accueil sélectif des IDE.

1.3. Limites des politiques d’attractivité

Pour la majorité des auteurs, les incitations sont un aspect important de l’attractivité, mais qui ne peut jouer favorablement qu’en couplage avec d’autres avantages pour les pays à niveau de développement comparable présentant donc des fondamentaux comparables. Comme le souligne Andreff (1999), les incitations occupent le dernier rang dans les déterminants des choix de localisation mais sont prises en considération pour trancher entre des localisations jugées équivalentes. Pour Michalet, « toutes les enquêtes montrent que dans le cas d’investisseurs sérieux, la présence d’un système d’incitations est une composante très subalterne de la décision de localisation».

– D’une part, on observe une certaine homogénéité des politiques d'attractivité par groupe de pays à niveau de développement comparable, mais aussi entre pays de niveau de développement inégal, de telle sorte qu'elles sont rarement déterminantes dans les choix de localisation. Lorsque des territoires pratiquent une surenchère dans l’offre d’infrastructure publique, ils participent à un renforcement de la compétition et doivent de ce fait rechercher de nouveaux critères de distinction. Les incitations financières notamment, lorsque leur volume est négocié (13) par les firmes transnationales auprès des administrations compétentes, ne forceront

(12) Ils définissent les juridictions compétentes et les indemnisations en cas de conflit, le libre transfert des bénéfices, etc.

(13) Le pouvoir de négociation des firmes

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l’adhésion que si les fondamentaux sont globalement satisfaisants. Il s’agit là de domaines où la concurrence entre les Etats peut se révéler très vive et être en défaveur des pays en développement. Dans ce cas, la guerre de surenchère peut devenir coûteuse pour tous les concurrents (dilemme du prisonnier) (Oman, 2000) et atteindre le résultat paradoxal que le niveau des incitations est si élevé qu’il peut soit affecter gravement les finances publiques pour un projet dont le pays d’accueil ne maîtrise pas l’impact sur l’économie (14), soit susciter un doute sur la stabilité du pays et sur la crédibilité de ses dirigeants (15).

– D'autre part, les politiques d'incitation doivent intégrer le fait que les modes de production et d'internationalisation ont profondément évolué, notamment sous l'effet conjugué des progrès dans les technologies de l'information et des moyens de communication. L'activité de production consiste de plus en plus aujourd'hui à combiner des compétences spécialisées (16). Les activités ne sont plus découpées selon une logique technique et de rendement, mais en fonction d'une logique de création de ressources spécifiques (17). Le coût du travail non qualifié ne joue que pour le processus de délocalisations-relocalisations d’activités intensives en travail non qualifié, mais n’intervient pas dans l’attractivité des activités intensives en savoir et connaissances qui sont aujourd’hui déterminantes. En effet, les firmes qui poursuivent des stratégies verticales et pour lesquelles la minimisation des coûts est prioritaire sont de plus en plus rares et sont essentiellement dans les secteurs textile-confection, de la chaussure et des jouets (18).

– De plus, certains investissements directs étrangers ont des déterminants spécifiques du type d’activité concernée. Ainsi, par exemple, les industries fortement polluantes comme le papier, les produits pétroliers, la chimie, l’électricité, l’activité minière (Janicke, 1997) seront plus sensibles aux règles dans le domaine de la pollution dans leur choix d’implantation. Doit-on pour autant relâcher les normes dans ce domaine pour attirer ce type d'industries ?

– Enfin, l'action sur les facteurs d'attractivité consiste uniquement à attirer des flux, mais rien ne garantit que les IDE ne seront pas volatils, provoquant ainsi une instabilité permanente de l'activité économique. En effet, les stratégies globales permettent aux firmes-réseaux de s'émanciper des territoires et d'adopter des localisations flexibles en fonction des capacités de réponse de leur environnement à leurs besoins en évolution. Pour mesurer le niveau de nomadisme sur un territoire donné, on pourrait par exemple comptabiliser la durée d’implantation des firmes étrangères en tenant compte à la fois de leur secteur d’activité, de leur marché et du facteur déterminant dans leur choix d’implantation.

Il n'est donc pas suffisant d'entreprendre des politiques coûteuses d'incitation pour attirer des flux d'IDE, encore faut-il trouver les moyens de les pérenniser sur les territoires d'accueil.

transnationales est d’autant plus grand que leur mobilité est grande.

(14) Michalet (1999).

(15) Oman Charles (2000), Concurrence fiscale et IDE,OCDE, 2000.

(16) Moati P., Mouhoub E.M. (1994),

« Information et organisation de la production : vers une division cognitive du travail », Economie appliquée, n° 1.

(17) Mouhoud E.M.

(1996), « Régionalisation, globalisation et

polarisation de l'économie mondiale : quelle place pour les pays en développement ? », Région et développement.

(18) Michalet (1999).

(8)

C’est pourquoi le concept de « marketing des territoires » nous semble inapproprié,

– d’une part, parce qu’il faut distinguer ce qui relève du marketing de ce qui relève de la qualité du produit, c’est-à-dire ce qui relève de la qualité intrinsèque d’un territoire et de l’adéquation de ses attributs aux besoins des firmes. Le marketing et le packaging jouent en général pour apporter une différenciation sur des produits relativement proches,

– d’autre part, parce que l’utilisation des techniques de marketing suppose une connaissance du marché du produit et une maîtrise du retour sur investissement. Les activités de promotion qui intègrent un contenu informatif dans une recherche de firmes ciblées à faible mobilité, compte tenu des potentialités et des attentes des territoires, semblent mieux indiquées.

Aussi, à une action destinée à agir sur les flux, pourraient se superposer des politiques structurelles dans le but d'augmenter le stock d'IDE et d’en maîtriser autant que faire se peut les affectations sectorielles.

2. Vers des politiques fondées sur l’apprentissage de règles territoriales

Notre hypothèse est que le territoire peut produire des règles spécifiques qui déterminent une attractivité sélective et un enracinement des activités. En effet, parallèlement au mouvement de mondialisation, on observe aujourd’hui une double recomposition de l’espace national.

Les accords régionaux d’intégration régionale, dont la forme la plus récente associe pays développés et pays en développement (ALENA, Accords euro-méditerranéens), ont pour objectif d’internaliser les interdépendances stratégiques dans de multiples domaines entre plusieurs pays à niveau de développement inégal et dont les intérêts ne sont pas nécessairement convergents dans le court terme et incertains sur le long terme (19).

On observe dans la période récente l’émergence de dynamiques qui placent le local comme le niveau de création du projet de développement.

En effet, sous la pression des critères de convergence internationaux, les difficultés de l’Etat-nation ont conduit à une décentralisation et à une régionalisation de la gestion des biens collectifs comme les infrastructures de communication, l’éducation et la formation, l’aide au développement, etc.

Les politiques d’attractivité se conjuguent alors au niveau local pour attirer les IDE dans les différents territoires. De nouvelles concurrences apparaissent entre les territoires infra-nationaux. Ce sont les territoires qui prennent en charge la conduite du développement local. La notion de gouvernance locale naît de la redéfinition de la gouvernance nationale.

Le projet de développement local étant conçu dans le long terme, il doit nécessairement s’appuyer sur un ancrage, un enracinement des activités qui deviennent un élément essentiel du territoire.

(19) Boyer R. (2000).

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2.1.1. La problématique de l’ancrage territorial

Comment les territoires peuvent-ils gérer, contrôler leur devenir ? Les approches récentes en économie régionale mettent l’accent sur la proximité institutionnelle, organisationnelle et géographique des acteurs qui favorise l’émergence de dynamiques locales de développement endogène.

Il s'agit de construire ou de consolider des avantages spécifiques dont l'objectif est d'enraciner des activités sur des territoires. On complète ainsi un dispositif basé sur l'approfondissement des facteurs d'attractivité dont les effets sont observables à court et moyen terme par une approche en termes d'ancrage territorial qui relève plutôt de processus dynamiques de long terme.

Toute construction territoriale résulte d'une histoire, d'une communauté de destins entre les acteurs. C’est de la poursuite d’un projet commun que la notion de territoire prend son sens. Elle exige une coordination de l’action des différents acteurs locaux (institutions, entreprises, centres de recherche, associations…) pour permettre une exploitation optimale de toutes les synergies, de toutes les externalités positives et une atténuation de toutes les externalités négatives.

Afin de concilier politique d’attractivité et développement local, il est nécessaire de rechercher les facteurs d’enracinement, c’est-à-dire les conditions préalables qui expliquent une fusion des objectifs de la firme et de l’espace dans lequel elle s’insère.

Les théories de la localisation industrielle ont beaucoup évolué depuis le début du siècle (20). Le problème du choix de localisation industrielle se résumait en un calcul d’un point optimum de transport et en l'étude du rôle des agglomérations (Weber, 1929). Puis on s’orienta vers le recours aux aires géographiques (Lorsch, 1954). Avec North (1955) on prend en compte les facteurs technologiques, commerciaux, culturels et institutionnels pour bâtir une modélisation en concurrence imparfaite (différences spatiales avec étude du développement polarisé autour de bases économiques). Enfin, plus récemment, les concepts de districts industriels marshalliens, de SPL (21) (systèmes productifs locaux), l’analyse de la proximité (Pecqueur, 1996), l’ancrage territorial et la gouvernance locale (22) ont défini les contours de la « nouvelle économie régionale » qui prend en compte l’articulation local-global dans les dynamiques territoriales.

Cette évolution dans l’analyse des choix de localisation permet de définir trois logiques de localisation qui correspondent à trois modes de développement territorial (23).

L’agglomération se définit par un regroupement d’activités hétérogènes.

Elle peut être expliquée par la recherche d’une proximité et d’une disponibilité d’infrastructures essentielles (foncier, ports, etc.).

La spécialisation autour d’une production unique ou dominante se traduit par une concentration géographique d’activités complémentaires (une industrie et des sous-traitants). Dans ce cas, c’est la recherche d’externalités positives en termes de main-d’œuvre peu ou pas qualifiée, d’un savoir-faire

(20) Basle M. (2000),

« Compétition entre les différents niveaux de gouvernement dans l’offre d’attractivité locale en Europe », in

Vinokur C. (2000), l’Interdépendance des niveaux de décision, Paris, Economica.

(21) Courlet C., Pecqueur B. (1998), in Abdelmalki L., les Nouvelles logiques du développement,Paris, L’Harmattan.

(22) Colletis G., Gilly J.P., Pecqueur B., Perrat J., Zimmermann J.B.(1996), Firmes et territoires : entre nomadisme et ancrage, Espace et Sociétés.

(23) Colletis G., Gilly J.P. et alii,

« Constructions territoriales et

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local, d’un réseau de sous-traitants potentiels, d’un « environnement industriel favorable » qui constitue l’élément essentiel de l’attractivité. Elle implique une accumulation et un enrichissement de compétences particulières localisées.

La spécification se caractérise par un ensemble de compétences qui peuvent être combinées selon différents processus. C’est la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée, d’universités et de laboratoires de recherche, l’implication des institutions dans les dynamiques de développement local qui seront déterminantes. C’est la densité des coopérations entre ces acteurs qui favorise la dynamique du développement local.

2.1.2. Evolution des modèles d’attractivité

Ces formes de développement territorial permettent de définir deux modèles d’attractivité (Basle, 2000) :

1. le modèle basé sur l’offre d’infrastructures publiques ;

2. le modèle d’offre publique de création de coordinations locales.

Il nous semble que loin de s’opposer, ces modèles correspondent à deux paliers du développement territorial.

Dans une première phase, les territoires construisent des infrastructures publiques qui augmentent directement la productivité (réseaux de transport, aménagements fonciers, éducation, culture, santé, sécurité…) et produisent des économies d’agglomération. L’offre de biens publics doit permettre de valoriser des avantages sur le long terme en anticipant les besoins locaux et étrangers dans un contexte d’incertitude de l’environnement international, notamment en dynamisant des ressources dormantes pour les transformer en compétences actives. Le challenge peut être de transformer un désavantage (chômage de diplômés) en avantages (compétences). Le modèle basé sur l’offre d’infrastructure publique semble dépassé pour les économies des pays développés mais est en cours pour les pays en développement.

Dans le modèle contemporain d’attractivité, les collectivités territoriales offrent un ensemble coordonné de ressources spécifiques. L’action portera sur des actifs technologiques (centres de recherche, créateurs, concepteurs, ingénieurs, en relation de coopération avec les institutions locales dont le rôle est de créer les conditions favorables à l’innovation). Dans ce modèle, ce sont les compétences scientifiques, les représentations mentales scientifiques, techniques et culturelles partagées localement qui constituent les facteurs d’attractivité du territoire. Le rôle des acteurs publics locaux est de favoriser les coordinations entre acteurs afin de renforcer le capital informationnel et relationnel.

On voit donc que cette nouvelle forme d’attractivité est étroitement liée au choix de formation et de recherche effectué dans le passé. Les ressources résultent de l’intensification des relations entre acteurs, des formes d’organisation locale, du projet collectif défini par tous les acteurs.

dynamiques

économiques », Sciences de la sociétén° 48, octobre 1999.

(11)

2.2. Nécessité de coordinations locales

La coordination entre les acteurs peut être spontanée et résulter de l’histoire des acteurs sur le territoire et de leur capital relationnel ou nécessiter une action publique organisée.

Spontanée, elle peut se concevoir généralement lorsque le territoire coïncide avec une aire géographique circonscrite dans les limites d’une communauté ethnique, culturelle, religieuse, ou d’un ensemble d’acteurs ayant adhéré à une même convention. Ainsi, lorsque le temps et l’histoire forgent l’identité d’un territoire à travers l’enracinement de valeurs communes, les aspirations individuelles ne sauraient être définies indépendamment de celles du groupe d’appartenance. Cependant, la perméabilité des territoires et les différents tracés administratifs des régions ont eu tendance à réduire la proximité initiale entre les différents acteurs, nécessitant ainsi un processus d’apprentissage permanent d’intégration de nouveaux acteurs qui peuvent poursuivre des objectifs plus ou moins divergents selon la nature de leur lien avec le territoire pendant une période transitoire.

Construite, elle résulte de l’action publique organisée qui structure le territoire et les modes de coordination entre acteurs en formalisant notamment des objectifs qui les fédèrent. Cela revient donc à construire une proximité institutionnelle et organisationnelle entre des acteurs localement situés afin de tisser des relations basées sur l’optimisation des complémentarités des ressources locales. Cette démarche nous apparaît essentielle, notamment si elle permet la rencontre productive entre les transferts d’épargne des travailleurs à l’étranger et les compétences activées.

Cette construction nécessite l’implication de tous les acteurs (entreprises, chercheurs, institutionnels, associations, etc.). C’est de la densité du

« maillage » entre les acteurs localement situés (24) que peut naître une véritable dynamique de construction d’un territoire défini comme un ensemble de ressources spécifiques (25).

Dans l'approche territoriale de Gilly, Zimmermann, Colletis, Leroux (2000), la prise en compte des deux dimensions sociale et environnementale est implicite mais pas clairement intégrée. En effet, elles n'apparaissent dans leurs études qu'à travers le traitement des conflits qui peuvent apparaître entre acteurs, et donc leur résolution va dépendre du type de gouvernance territoriale. En effet, les interactions entre acteurs localement situés portent sur la résolution de problèmes économiques, sociaux et environnementaux.

Des conflits peuvent apparaître lorsqu’il n’y a pas consensus sur les différents aspects de la durabilité du développement local. Ce sont les rapports de force, le pouvoir de négociation des différents acteurs qui peuvent conduire à une solution en faisant émerger de nouvelles normes, de nouvelles règles qui orienteront le processus de développement local dans ses aspects multidimensionnels.

(24) Au niveau des régions administratives, cette dynamique doit être accompagnée par les institutions locales à la fois privées et publiques dont le rôle devient alors de provoquer, d’animer et de soutenir des réseaux d’acteurs.

(25) Gilly P., Zimmermann J.B., Leroux et alii, op. cit., p. 8.

(12)

(26) Sachs I., « Vers l’éco- socio-économie », in l’Economie repensée,Paris, Syros, 2000.

(27) Le tourisme durable participe de cette approche et permet d’illustrer une partie de cette problématique.

(28) Passet R. (2000), l’Illusion néo-libérale, Paris, Odile Jacob.

2.3. Vers la notion de développement local durable

L’idée du développement local durable est née du constat de la double incapacité du marché et de l'Etat d'assurer l'égalité des chances pour tous les territoires, et particulièrement pour les régions rurales géographiquement marginalisées ainsi que les quartiers urbains socialement défavorisés. « Elle trouve ses racines dans l’éco-développement et ne constitue pas un modèle théorique, mais une méthode qui consiste à formuler dans des contextes concrets des propositions concrètes (26). »

Le développement territorial durable ne peut se concevoir sans intégrer sa dimension humaine et environnementale et se construit nécessairement dans une optique de durabilité. En d’autres termes, il nous apparaît que la définition même d’un territoire s’insère dans une problématique de développement durable fondé sur la construction de ressources spécifiques dans lesquelles on peut insérer la prise en compte non seulement de l’économique mais aussi de l’environnement et du social. Dans ce contexte, le territoire peut à son tour produire des règles spécifiques qui détermineront la nature de son attractivité, et donc le type d’investissement direct étranger dont les objectifs se confondent avec ceux du territoire (27).

Il s’agit donc de susciter un processus d’apprentissage non seulement des acteurs locaux mais aussi des investisseurs étrangers. Cette problématique nécessite l’adhésion des acteurs locaux à une « convention de développement local durable » où le calcul coût-avantage serait entrepris sur un espace- temps inter-générationnel. La construction d’acteurs locaux exige une prise de conscience de chacun de ce qu’il est, de ce qu’il sait, de ce qu’il peut, de ce qu’il cherche à construire et à transmettre aux générations futures.

Elle exige le dépassement d’une vision individualiste et a temporelle d’un homo-economicusdésincarné et la prise en compte d’un individu (28) citoyen.

Le rôle des associations locales de développement est essentiel, mais il ne saurait être limité à un substitut du marché ou de l’Etat, notamment dans la construction des bases de savoirs et des compétences qui constituent le socle des avantages spécifiques des pays.

Dans une optique de durabilité, l’urgence est de bâtir une véritable politique de formalisation et de protection des savoirs et savoir-faire locaux.

Celle-ci exige la réalisation d’un bilan patrimonial des ressources historiques, culturelles, artisanales et naturelles à préserver. L’apprentissage des règles internationales et régionales doit s’accompagner d’une consolidation des ciments locaux produits de l’histoire des hommes sur leur territoire.

Conclusion

Cet article a cherché à contribuer modestement à un débat qui ne manquera pas de se développer dans le contexte actuel de transformations rapides de l’environnement international. Il ouvre des pistes plus qu’il

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n’apporte de réponses à la question du développement local qui constitue un enjeu majeur pour les pays du Sud. « L'ordre entre les hommes – occasionnel ou durable – découle d'une image commune de leur destinée

et d'un projet acceptable par tous » (29). (29) Perroux F. (1982), Dialogue des monopoles et des nations,Presses universitaires de Grenoble.

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