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Wole Soyinka, Aké. Séquence 4 : rites et magie d'afrique.

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Wole Soyinka, Aké.

Séquence 4 : rites et magie d'Afrique.

Etude de texte n° : 7, depuis la page 267 : « N'était qu'elle fût plus petite, la tête de Père était presque identique à celle du Chanoine » … jusqu'à la page 284 incluse (fin du chapitre IX).

Rite initiatique sous l'égide du grand-père d'Isara : d' « omo » (enfant) à « Akin » (homme).

Présentation et problématisation :

Le narrateur évoque les principaux CHANGEMENTS qu'il a connus durant ses jeunes années à partir du chapitre VII ; or certains sont particulièrement importants et le font brutalement évoluer vers un stade psychologique (cf notre EdT 6) et statutaire nouveau qui le rapproche d'une progressive sortie de l'enfance ou de la prime jeunesse. C'est le cas dans ce long passage que nous avons sélectionné et qui occupe dix-huit pages du chapitre IX ; il en compte une quarantaine et est entièrement consacré à Isara, ville originaire d'Essay, lui-même cousin et ami de l'Odemo (titre des rois yorouba) où la famille Soyinka se rend pour l'odun (fête du Nouvel An). Wole constate un fort décalage entre l'Aké d'Abeokuta et Isara qui est une ville beaucoup plus pauvre, moins propre et surtout où les traditions ancestrales, voire superstitieuses sont bien plus présentes. Ainsi Chrétienne Sauvage craint-elle que ses enfants ne soient empoisonnés, ne serait-ce que du toucher d'une poignée de main et se méfie-t-elle des pratiques locales « magiques ». Wole y découvre aussi une vie rurale plus pratique que celle qu'il mène habituellement (cf. l'épisode du champ, du serpent et des frelons en compagnie d'un ami de la famille, Broda Pupa).

Notre extrait concerne le troisième temps de ce séjour : « l'initiation » (au sens fort du terme) de Wole sous la direction de son grand-père paternel qu'il appelle « Père » (conformément à la tradition).

Voyons-en la structure : il y a d'abord la description du grand-père (p. 267 et 268), puis une longue conversation avec lui (p. 269 à 276) qui porte sur le présent et l'avenir immédiat de Wole et qui l'éclaircissent (ainsi que le lecteur) sur les réalités sociologiques et scolaires du Nigéria dans ces années 40 (cf. le bas de la p. 272 : … « tu as exactement huit ans et demi. » : donc nous sommes en 1942-43, puisque Wole Soyinka est né en 1934). Après une brève évocation d'Isara (p. 276 - 277) et des lieux occupés par la famille, mais aussi de leurs activités sociales lors de leur séjour, vient la grande scène du rite initiatique (p. 278 à 281) que subit Wole avant l'aube, en l'absence de ses parents (mais dont on devine qu'ils sont de connivence avec le grand-père) : on lui incise chevilles et poignets pour y insérer des couleurs, coutume culturelle ou ethnique qui marque ses origines familiales et par conséquent son appartenance au clan paternel. C'est aussi un mesure prophylactique afin de le protéger dans son futur éloignement familial pour ses études.

S'en suit une nouvelle conversation (p . 282 à 284) avec son grand-père qui poursuit l'initiation en lui faisant plusieurs recommandations indiscutables avant de laisser Wole se relever et réfléchir.

Les dernières lignes du chapitre laisse à penser que ce fut une réussite : « Et tandis que je me levais, je me sentis sourire largement, car j'étais sûr que Père ne croyait pas que je le comprendrais. » (p.

284).

Mais qu'a-t-il pu vraiment comprendre, alors qu'il n'avait que huit ans et demi ? Et qu'est-ce que le narrateur adulte quarante ans plus tard comprend-il lui-même en recomposant cette conversation et cette grande scène d'initiation ? Se pose aussi la question de la compréhension et de la réception du lecteur étranger à la culture yorouba … A l'intérieur du récit et au-delà, vis-à-vis de la destinée de l'auteur dont sont narrés ici les prémices, quels sont les enjeux de ce véritable rite de passage que franchit ici Wole ? Et comment le déploiement de cette nouvelle scène au sein de l'autobiographie se révèle-t-il plus littéraire que strictement mémoriel ?

N. B. : Nous avons choisi de ne pas scinder cette séquence narrative qui a besoin de conserver son unité pour être parfaitement comprise. Nous n'en relèverons que ce qui nous paraît essentiel vis-à- vis du thème de l'enfance et du récit autobiographique d'Aké.

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I – La figure du grand-père, « Père » :

Son portrait est fait du point de vue du petit garçon au début de notre extrait (p. 267 et 268) et émaillé de remarques et de comparaisons qui peuvent sembler pleines d'humour en raison de la naïveté et des références de Wole ; par exemple, au sujet de la tête de son grand-père : « Elle semblait dure (…) je croyais vraiment que pas même un coup de fusil ne pourrait y pénétrer, qu'une balle rebondirait simplement sur sa fonte arrondie, hermétique. » Mais le ton est admiratif :

« l'énergie dont elle rayonnait », « chaque pouce de son corps rayonnait d'une telle puissance qu'il dominait aisément tous ceux qui l'approchaient. » : impression fondée sur un véritable charisme ou simplement sur la petite taille de Wole ? Quoi qu'il en soit, il incarne une figure de résistance vis-à- vis du prosélytisme de sa belle-fille (cf. le 2e & de la p. 268 et surtout la 1ère phrase de la p. 269 :

« Pour l'instant cependant Père semblait demeurer indifférent à la parole de Dieu. », cette remarque pouvant aussi bien émaner de Chrétienne Sauvage que du petit Wole). Le grand-père concentre en sa personne toute la culture yorouba et représente, presque sous une forme allégorique, sa dimension ancestrale, transtemporelle, immémorielle (nous le développerons dans notre II). Il est d'ailleurs le seul à appeler Essay par son vrai prénom « Ayo » pour « Ayodele », de la même manière qu'il nomme Chrétienne Sauvage « Eniola » (cf. p. 275) ; il est à la fois le chef du clan et le représentant d'un passé et de coutumes toujours vivaces (nous le préciserons en III). A ce titre il interroge sa descendance, en l'occurrence son petit-fils, manifestant par là son intérêt et sa bienveillance. Leur échange dialogué, qui apparente à nouveau les pages 269 à 276 à un véritable scène où leurs propos se voient rapportés au style direct, est dominé par le thème de l'éducation, ou plus exactement de l'instruction de Wole, et connaît plusieurs étapes : il porte d'abord sur les bagarres d'enfants et l'éventuelle faiblesse de Wole par rapport à ses camarades ; « Père » écoute avec « un amusement secret » (p. 270) son petit-fils ; on devine qu'il s'amuse du raisonnement de Wole et de la pertinence de ses questions et observations et s'abstient de tout jugement explicite, sauf quand Wole fait allusion à l'affaire de la provocation des adultes qui a provoqué la raclée administrée au pauvre Dipo : « - Tu comprendras ça plus tard. Ils ont essayé de faire une bonne chose, mais ils s'y sont mal pris. ». Puis le dialogue reprend au sujet de l'avenir scolaire de Wole (p. 272) et de l'intention d'Essay-Ayo d'envoyer Wole au Lycée National, « l'école des Blancs d'Ibadan », car « Ayo ne croit pas qu'il faille laisser les enfants mûrir dans leur corps avant de forcer leur esprit. » (milieu p. 272 ; remarque très étonnante : c'est comme si le grand-père était un lecteur d' Emile et un disciple de Rousseau à l'inverse d'Essay !). Wole croit deviner que le grand- père s'inquiète de son départ de la famille (milieu de la p. 273), alors qu'il s'agit du décalage d'âge et de situation qu'il y aura entre le jeune Wole et les lycéens (cf. toute la page 274 avec le savoureux jeu de mots sur « Commandé / Comme Amendé ») ; en effet c'est une façon de faire comprendre à Wole son statut social très privilégié, mais aussi la difficulté qu'il y aura d'être confronté à des élèves qui seront souvent des adultes avec des difficultés et des préoccupations bien plus grandes que celles de Wole. Dans ces conditions quelle place pourra-t-il se faire ? Le grand- père poursuit alors vis-à-vis de Wole « inquiet » ce qui pourrait être considéré comme une leçon d'humanité (bas de la p. 275) aux échos anthropologiques et moraux très accentués ; on comprend qu'il cherche autant à l'avertir qu'à le prémunir, ce qui n'est pas sans annoncer le rite qu'il va imposer à Wole, mais dans le but de le protéger. En effet, Père est éminemment une figure tutélaire :

« - O-ho, vous pensez que je vous fais tous venir ici pour le Nouvel An sans veiller sur vous ? (…) Le monde est plus vaste que le monde des chrétiens, ou que le monde des livres. (…) Nous avons affaire ensemble demain. ».

Surgit ainsi une attente, un suspens, aussi bien pour le petit garçon que pour le lecteur ; le rythme de la lecture épouse le rythme du récit : « Maintenant je crois qu'on va faire ça demain. (…) Demain. Mais tu reviendras dormir ici ce soir. Allez. » Et s'en suit un blanc qui signale une ellipse temporelle.

Lors du rite initiatique, c'est encore le grand-père qui dirige les opérations, surveille son petit-fils, l'exhorte au courage et le maintient (cf. bas de la p. 280, haut de la p. 281). Une fois l'épreuve passée, il complimente son petit-fils, puis se livre à une série de recommandations qui ont valeur

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de commandements qu'autorise son double statut d'ancêtre et de maître de cérémonie (nous y reviendrons).

Malgré la dimension exotique et ethnique très affirmée dans ce passage (cf. notamment les nombreuses formules en yorouba du grand-père) le lecteur peut être frappé par la reprise de thèmes et de motifs épiques et mythologiques qui participent fortement de la littérarité du texte : en effet s'il s'agit au départ d'un souvenir, c'est son écriture a posteriori qui lui donne une acuité et une précision que le temps avait sans doute altérées, ainsi que le choc nocturne ressenti par Wole.

Pourtant, telle une justification, la voix narrative affirme : « Pour une raison inconnue (…) chacun de mes sens était douloureusement aiguisé et le moindre détail (…) prenait une vie propre » … (p.

282). Mais dans le cadre du récit autobiographique, cette « vie propre » qui permet à l'auteur de

« revivre » ce moment si important à ses yeux et au lecteur de l'éprouver en imagination, est bel et bien permise par la littérature.

II – Epopée et mythologie :

Le grand-père est lié à la mythologie yorouba. Wole nous l'apprend lui-même : … « je savais qu'il appartenait à ce royaume de croyances qui comptait aussi parmi ses sujets les ogboni d'Aké, les prêtres et les prêtresses des différents cultes et mystères contre lesquels Chrétienne Sauvage et ses coreligionnaires marchaient » … (haut de la p. 268). Ainsi prend-il au place dans le monde du paganisme et des cultures ancestrales africaines ; le séjour à Isara fait entrer Wole dans un tout univers que celui de la mission d'Aké. La voix narrative le confirme sur le mode humoristique convoquant un registre épique à nouveau proche de l'héroïcomique : « Au fond de mon cœur je craignais pour Père. Je ne voyais pas comment en définitive, il échapperait à l'assaut des forces d'Aké lorsque celles-ci se refermeraient sur lui » … (2e & p. 268). Ainsi est-ce comme si la foi chrétienne entrait en conflit avec les croyances païennes ; relire ainsi en haut de la p. 269, depuis

« Lorsque je lui racontai l'incident des abeilles » … jusqu'à « - Oui. Ce n'est pas vrai ? » Surgit dans ce passage le dieu yorouba Ogun (« Ogun protège les siens »), référence mythologique extrêmement importante qu'honore le clan paternel, qui frappe l'imagination de Wole et qui domine toute l'oeuvre de Soyinka selon le critique James Gibbs (Wole Soyinka, Basingstoke, Macmillan Modern Dramatists, 1986). Ogun, c'est le dieu du fer, des arts du feu, des guerriers et des chasseurs ; divinité aussi bien agressive que tutélaire dont se réclame le grand-père et au nom duquel on peut deviner que se déroulera la cérémonie nocturne qui visera à donner force et protection à Wole.

D'ailleurs, nous l'avons vu, il est beaucoup question de bagarres, de luttes, de violence dans le dialogue que mène le grand-père avec son petit-fils dont il s'agit de mesurer la force et les capacités de défense et de résistance vis-à-vis de ce qui l'attend dans le cadre d'une nouvelle institution scolaire. Déjà dans cet échange de paroles, « Père » a le comportement du vieux sage, de l'initiateur, de celui qui sait, mais veut connaître son disciple (un peu comme le vieux magicien Merlin avec le jeune Arthur dans les romans de la Table ronde). Il s'agit bien de préparer un CHANGEMENT d'état, en l'occurrence un départ, donc un écart de la famille alors que Wole est encore très jeune. Il se substitue ici au véritable père qui n'est plus ni HM ni Essay, mais « Ayo » donc le fils, puisque c'est lui qui symboliquement est ici le « Père ». Et son discours est ancré dans l'univers épique de la bataille : « Ayo est comme ça, plein d'ambition pour toi. Il veut envoyer son fils à la bataille et, crois-moi, le monde des livres est un champ de bataille ; c'est même un champ de bataille plus dur que ceux auxquels nous avons été habitués. » (p. 274 ; voilà qui créera peut-être un écho dans l'esprit de nos étudiants de CPGE !). « Le succès dans l'étude des livres ne font que créer d'autres batailles. « (haut de la p. 275 ; réflexion à valeur prémonitoire quand on connaît la carrière de Soyinka ?). Le discours du grand-père va se clore sur la méchanceté d'hommes ennemis, suscitée par « l'envie », et qui incite Wole autant à se méfier qu'à se préparer au combat de l'existence qui l'attend. Lui-même se présente comme un survivant (cf. le bas de la p. 275) et est comparé par le narrateur à « un coq de combat » ; or le coq est justement l'un des animaux attribués au culte d'Ogun ! L'épreuve initiatique qui attend Wole se situe donc dans ce contexte

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métaphoriquement et explicitement épique, mais aussi mythologique. Elle se vit d'ailleurs telle une une souffrance particulièrement aiguë , mais qui fait accéder le « héros » à un autre statut.

III – Initiation et formation :

L'initiation de Wole qui repose sur une tradition yorouba incarnée par la grand-père correspond à un rite de passage à l'âge d'homme et accélère la transition de l'enfance vers l'adolescence, même si Wole n'a pas encore 9 ans. Elle est narrée avec soin via les perceptions de Wole et force détails qui rythment ses différentes et successives étapes. Ainsi se voit ménager une attente pleinement partagée par le lecteur : qu'est-ce qui va arriver à Wole ? A quoi correspondent ce réveil nocturne et ces différents préparatifs ? La tension, qui ira crescendo, s'accentue page 278 avec la description des personnages présents, des objets et ustensiles, l'élaboration de ce qu'on peut considérer comme une mise en scène de la cérémonie qui va suivre avec en particulier le placement du futur et obéissant initié. Le lecteur comme Wole sont, grâce à l'habileté du narrateur, plongés dans une atmosphère mystérieuse. On est bien au « royaume des croyances » évoqué p. 268 et présidé par le grand-père, sorte de grand prêtre au regard hypnotique et à la parole autoritaire (cf. le haut de la p.

279). Un défi est ainsi lancé au jeune garçon : ne pas pleurer. Wole se souvient alors de ses pleurs lors du décès de sa petite sœur Folasade et la réponse de son grand-père aux impénétrables formules yorouba confère une dimension ésotérique à l'ultime préparatifs de l'initiation (cf. bas de la p. 279, haut de la p. 280). Les deux pages qui suivent (280 et 281, depuis « Il fit un bref signe de tête à l'inconnu. » jusqu'à « Père les raccompagna et referma la porte ») développe le douloureux récit des gestes qui s'exercent sur le corps de Wole ; lui-même ne comprend pas au départ ce qui lui arrive, ni le lecteur d'ailleurs et il faut l'ensemble du récit de ces deux pages pour prendre conscience que ses chevilles puis ses poignets sont successivement incisés afin que diverses et définitives couleurs y soient insérées. En effet, la narration est faite suivant le rythme des impressions extrêmement douloureuses de l'enfant et c'est son point de vue sensoriel, et non intellectuel, qui est privilégié et qui met la sensibilité du lecteur en accord avec celle de l'enfant scarifié. L'appréhension de ce passage cause en effet une vraie difficulté culturelle pour qui ignore ou réprouve de telles pratiques dont on pourrait effectivement penser qu'elles s'apparentent à une sorte de torture, d'autant que personne n'a expliqué à Wole ce qui l'attendait. Mais la voix narrative nous rassure : « Lorsque ce fut fini, je n'arrivais pas à croire que tout se fût passé si rapidement. Delors le soleil commençait à projeter des ombres sur le seuil. » (bas de la p. 281). L'épreuve a été réussie comme en témoignent les parole du grand-père qui lui a dit qu'il est devenu un « Homme » (selon la note du traducteur ) : « - Wole, tu as été fort. Tu t'es comporté comme un vrai Akin. » (haut de la p. 282).

S'en suit un discours didactique et instructif que l'initié est maintenant capable d'entendre. Il prend la forme de recommandations qui sont autant de commandements que « l'Akin » devra désormais respecter et dont l'unité est assurée par une exhortation à avoir une confiance inébranlable en soi- même et en un sorte d'instinct : il s'agit de se fier uniquement à soi-même, à son « esprit » sans jamais se rendre à la vox populi. On retrouve aussi la dimension épique évoquée précédemment à le retour du thème du « combat » (p. 283) qu'il s'agit de toujours accepter : « Où que tu te trouves, ne te sauve pas du combat. » Le grand-père pense singulièrement au nouveau cadre scolaire qu'est susceptible d'intégrer Wole et dans lequel il sera confronté à des camarades bien plus grands que lui et sans doute agressifs. Au nom d'Ogun, le dieu protecteur du clan, qui n'est pourtant pas explicitement cité, mais présent en filigrane, il s'agit de donner à l'enfant sur le plan psychologique et symbolique le plus possible de force, de bravoure possible, de confiance en lui. C'est une transmission héréditaire, d'ascendant à descendant, d'Akin à Akin, couronnée par la formule :

… « ceci ne concerne que nous deux. » (bas de la p. 283).

Wole l'assure de sa compréhension et de son obéissance avant que le grand-père n'achève l'entretien sur son refus de répondre aux sempiternelles questions de Wole d'une façon qui prête à sourire : « Ayo m'avait averti, et Eniola aussi. (…) fais attention, il va t'assommer de questions. » ( !, p. 284). Il lui donne aussi quelques conseils sanitaires pour pouvoir se relever et marcher

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prudemment, mais le plus important réside dans la conclusion du chapitre que nous donne la narrateur : « Et, tandis que je me levais, je me sentis sourire largement, car j'étais sûr que Père ne croyait que je le comprendrais. » (bas de la p. 284). Qui parle ici ? Qui sait ? Est-ce l'enfant Wole ou l'adulte Soyinka ? Comment comprendre ce sourire et qu'a-t-il vraiment compris ? Qu'il avait toutes les raisons d'être fort et de croire en lui-même, en ses ressources, en son avenir ? La question reste ouverte, mais laisse entrevoir chez le petit Wole un étonnant courage et une remarquable maturité. Les enfants peuvent donc avoir une endurance, une capacité de résistance et de compréhension beaucoup plus sûres que les adultes ne le croient …

Conclusion :

Nous avons essayé de montrer en quoi ce passage était non seulement très important dans la vie de Wole Soyinka, mais aussi dans son autobiographie d'où le soin (et la réussite) apporté à l'écriture de ce souvenir qui semble rester si vif et qui a nécessité ce long développement devant lequel le lecteur a été tour à tour intrigué, effrayé, mais aussi amusé et intéressé sur de multiples plans ; culturel, psychologique et littéraire.

Du point de vue identitaire, c'est un passage essentiel qui rattache Wole au clan paternel Ijebu des Yorouba d'Isara et donc à toute une filiation africaine païenne à laquelle il s'agit de rendre hommage en dépit de son éducation chrétienne à forte inspiration britannique et anglicane.

En ce qui concerne le thème de l'enfance, ce moment est aussi une scène de passage, de transition entre deux étapes de l'existence, dans un cadre culturel précis, sous l'égide d'une figure paternelle initiatrice qui cherche à faire évoluer et grandir l'enfant vers un autre état …

Prolongements :

Les effets de cette initiation se font sentir aux pages 356 à 360, au chapitre XIII, où Wole parti à Ibadan pour passer les examens d'entrée au Lycée National, est confronté au juju (mauvais sort) de deux élèves de son ethnie ijebu-yorouba. Citons par exemple : « Je pensais à Bukola, l'àbiku, et je passai mes doigts sur mon propre poignet que le visiteur de Père avait incisé pour introduire dans mon sang de mystérieuses potions. » (bas de la p. 357), ou encore ce dialogue :

« - Mes mains à moi ne vont pas se dessécher, dis-je avec fierté sans même y penser. - Ah bon ? me répondit-on en ricanant. Ton père t'a « cuit et salé » sans doute ? - Non, pas mon père. Mais mon grand-père. / Cette réponse me valut immédiatement des regards étranges. » (haut de la p.

360).

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