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LES MANQUES À L INTÉGRITÉ SCIENTIFIQUE ET MÉDICALE

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LES MANQUES À L’INTÉGRITÉ SCIENTIFIQUE ET MÉDICALE

Jean-Paul Sculier

De Boeck Supérieur | Cahiers de psychologie clinique

2015/1 - n° 44 pages 13 à 34

ISSN 1370-074X

Article disponible en ligne à l'adresse:

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http://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2015-1-page-13.htm

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Pour citer cet article :

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Sculier Jean-Paul,« Les manques à l’intégrité scientifique et médicale », Cahiers de psychologie clinique, 2015/1 n° 44, p. 13-34.

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Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur.

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L’ÉTHIQUE ET LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE

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À L’INTÉGRITÉ SCIENTIFIQUE ET MÉDICALE

Jean-Paul SCULIER

1

Résumé Les manquements à l’intégrité scientifique sont en pleine augmentation. Ils ont plusieurs formes : fraudes aux données (fabrication, falsification, vol, embellissement, réten- tion de données), plagiats, occultation de conflits d’intérêt, fraudes aux auteurs. L’ampleur du phénomène, ses origines, sa prévention et sa répression sont analysés en fonction de données de la littérature.

mots-clés Fraudes, intégrité scientifique, plagiat, conflits d’intérêt, faux auteurs.

AbstRAct Breaches of scientific integrity are in full growth.

They have several forms: data fraud (fabrication, falsification, theft, embellishment, data retention), plagiarism, undisclosed conflicts of interest, authors fraud. The magnitude of the phe- nomenon, its origins, its prevention and repression are ana- lyzed taking into account the literature on the topic.

KeywoRds Frauds, scientific integrity, plagiarism, conflict of interest, false authors.

1 Service des Soins Intensifs et Urgences Oncologiques &

Oncologie Thoracique, Institut Jules Bordet, Centre des Tumeurs de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), Belgique

Adresse de correspondance : Pr Jean-Paul SCULIER Service des Soins Intensifs et Urgences Oncologiques &

Oncologie Thoracique Institut Jules Bordet Centre des Tumeurs de l’Université Libre de Bruxelles (ULB) 1 rue Héger-Bordet, B-1000 Bruxelles, Belgique

e-mail : sculier@bordet.be

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Les problèmes liés au manque d’intégrité scientifique et médicale se multiplient dans la littérature médicale depuis une vingtaine d’années. Ils vont de l’occultation de conflits d’intérêts à la falsification des données et jettent un énorme discrédit sur la communauté médicale. En partant de nos pré- cédentes publications (1-4), nous allons passer en revue toute la problématique en l’illustrant de récentes publications.

Les mauvaises conduites

Les mauvaises conduites sur lesquelles nous allons nous concentrer sont celles en rapport avec l’intégrité scientifique dans le domaine de la médecine et des sciences dites de la santé. Même si tout cela est probablement lié, nous ne nous parlerons pas dans cet article d’autres mauvaises conduites comme la charlatanerie ou l’escroquerie dans la pratique de ces professions ou comme les comportements malhonnêtes observés dans la vie privée des acteurs de ces professions.

Nous couvrirons essentiellement celles en rapport avec la pro- duction et la transmission des connaissances dans le cadre de la recherche permettant à la science d’avancer, avancées per- mettant aux professionnels d’améliorer leur pratique.

Avant tout, il convient de faire la différence entre les er- reurs et les fautes. Si toutes transmettent de faux messages, les premières sont commises de bonne foi. Tout chercheur a fait des erreurs sans s’en rendre compte au départ et a pu parfois s’améliorer en les identifiant et les reconnaissant. Les erreurs font partie des tâtonnements liés au processus d’acquisition des connaissances. Par contre, les fautes sont commises vo- lontairement et relèvent donc d’un comportement frauduleux et donc répréhensible. Il faut faire remarquer d’emblée que la formation éthique et méthodologique du chercheur joue un rôle important dans la prise de conscience de certaines fraudes. Ainsi les jeunes au début de leur carrière d’auteur ne réalisent-ils pas toujours la gravité du plagiat.

Les fautes dont les conséquences pour la science sont les plus graves sont les fraudes aux données, générant de fausses données, portant atteinte à la vérité scientifique et pouvant être à la base de décisions médicales dangereuses. Les fraudes aux données regroupent la fabrication (invention de données),

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la falsification, le vol (que certains apparentent à une sorte de plagiat), l’embellissement (résultant d’une manipulation des données) et la rétention (non-communication de données).

Une revue systématique avec une méta-analyse des résultats de 18 enquêtes disponibles (5) a montré combien ces fraudes étaient importantes. Deux % des scientifiques interrogés admettent avoir fabriqué, falsifié ou embelli leurs données à certains moments de leur carrière. Par contre, 16 % affirment avoir constaté de telles pratiques chez des collègues de leur entourage. Il est possible que ces chiffres sous-estiment la réalité quotidienne. Il existe de beaux exemples bien docu- mentés, comme le cardiologue Darsee à Havard, le chirurgien Wakefield à Londres, l’anesthésiste Reuben à Boston, l’anes- thésiste Boldt en Allemagne, le cardiologue Poldermans et le psychologue Stapel aux Pays-Bas, l’anesthésiste Fujii au Japon ou les biologistes cellulaires Sasai et Obokata dans ce même pays. Tous ces cas ont engendré des scandales qui ont défrayé la presse médicale et même la presse grand public.

L’embellissement des données consiste à manipuler les analyses des études pour présenter les résultats ou les conclu- sions de façon plus attrayante. Lorsqu’elle est intentionnelle (mais comment savoir ?), cette pratique est évidemment frau- duleuse. À titre d’exemple, citons une recherche (6) où les auteurs ont comparé, à celui décrit dans le protocole acces- sible dans les registres, l’objectif primaire d’études randomi- sées publiées en 2008 dans dix journaux de référence dans le domaine de la cardiologie, de la gastroentérologie et de la rhumatologie. Sur 147 essais enregistrés, l’objectif primaire du protocole n’est pas celui rapporté dans l’article et dans ce cas, dans 86 % des études, on a favorisé un objectif associé à un test statistiquement significatif. La sélection a posteriori de l’objectif principal de l’étude selon les résultats est une pratique fréquente de l’embellissement. D’autres exemples sont la surinterprétation de découvertes significatives dans les petits essais, la sélection des bons résultats pour les résumés, les analyses de sous-groupes réalisées sans test d’interaction, l’attribution d’une valeur excessive à des analyses de sous- groupes, des analyses inappropriées de sous-groupes, des rap- ports sélectifs sur des sous-groupes, certains résultats obtenus à des moments particuliers, la réalisation d’analyses post hoc dissimulées, etc.

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La rétention des données est difficile à évaluer. Lorsqu’elle est partielle, elle s’apparente à l’embellissement. Les en- quêtes menées aux États-Unis sur les pratiques de l’industrie avec saisie de documents ont bien mis en évidence cette pra- tique comme l’illustre l’enquête de la FDA (Food and Drug Administration) dans le domaine des antidépresseurs (7). En comparant aux publications les 74 études d’enregistrement présentes dans les dossiers soumis, 37 donnaient des résultats positifs dont toutes ont fait l’objet d’une publication sauf une.

Les autres, à l’exception de 3, ont été soit non publiées [22], soit publiées en étant présentées comme positives [11] par des manœuvres d’embellissement.

D’autres fautes qui ne perturbent pas la vérité scientifique mais sont également répréhensibles sont la fraude aux auteurs, le plagiat et l’autoplagiat, et les fraudes liées aux conflits d’in- térêt. Les fraudes aux auteurs sont très fréquentes (2). Elles consistent à ne pas citer les vrais auteurs des travaux dans les articles et les communications. Les règles sont bien établies par l’ICMJE (International Committee of Medical Journal Editors). De plus en plus les journaux demandent d’ailleurs à chacun des auteurs de préciser sa contribution. Deux grandes fautes sont possibles. Soit on peut être mentionné comme auteur sans avoir pris part de façon significative au travail.

C’est le cas quand on veut ajouter dans la liste des auteurs un nom prestigieux (auteur honorifique ou « potiche ») pour accroître les chances d’acceptation … ou un jeune collabora- teur pour le pousser dans sa carrière ou un collègue dont on veut obtenir des avantages. Soit on est omis alors que l’on a fait tout ou partie du travail (auteur fantôme ou « nègre »).

C’est typiquement le cas de l’industrie pharmaceutique qui, comme l’a montré le scandale des coxibs, anti-inflammatoires responsables de complications cardiaques graves, fait écrire des articles en achetant des grands professeurs pour qu’ils acceptent d’en être les auteurs (8).

Le plagiat consiste à s’attribuer tout ou partie d’un article d’autres auteurs sans le mentionner que ce soit au niveau des données, du texte ou des idées. C’est une pratique très courante.

Le site français, Archéologie du “copier-coller” (http://archeo- logie-copier-coller.com/), en fait un beau recensement avec commentaires dans tous les domaines. La pratique du plagiat a poussé récemment le président du conseil d’administration de

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l’ULB (Université Libre de Bruxelles) à démissionner. L’au- toplagiat ou duplication est une forme particulière du plagiat, consistant à multiplier la publication d’un même travail. C’est une façon malhonnête d’améliorer son curriculum vitae.

Les conflits d’intérêt sont définis selon l’encyclopédie Wikipedia comme “une situation délicate dans laquelle une personne ayant un poste de confiance, tel qu’un avocat, un médecin, un homme politique, un cadre ou un dirigeant d’en- treprise a des intérêts professionnels ou personnels en concur- rence avec la mission qui lui est confiée. De tels intérêts en concurrence peuvent mettre en difficulté cette personne pour accomplir sa tâche avec impartialité. Même s’il n’y a au- cune preuve d’actes préjudiciables, un conflit d’intérêt peut créer une apparence d’indélicatesse susceptible de réduire la confiance en la capacité de cette personne à assumer sa res- ponsabilité”. La non déclaration d’un conflit d’intérêt, qu’il soit de nature commerciale, professionnelle ou académique, est une attitude frauduleuse. C’est une situation fréquente (3).

Les études ont montré que les liens d’intérêt d’un auteur avec l’industrie pharmaceutique conduisaient souvent à un embel- lissement des articles. Ainsi par exemple dans le domaine de la prévention cardiovasculaire par les médicaments hypocho- lestérolémiants que sont les statines, la sponsorisation par l’industrie d’une étude d’évaluation économique de l’effet du médicament est toujours en faveur du médicament alors que c’est beaucoup moins le cas si elle est réalisée de façon indé- pendante (9).

L’ampleur du phénomène

Depuis une vingtaine d’années, on assiste à une explosion des publications sur le sujet : description de cas, enquêtes, rétracta- tions. S’il existe, comme nous l’avons déjà évoqué, assez bien de publications sur des histoires bien documentées de man- quement à l’intégrité, notamment avec des récidivistes, peu de séries sont cependant disponibles. Au Danemark, il existe un registre national des cas de fraudes (10). On y a estimé la fréquence des cas confirmés de 1 par 1.000.000 d’habitants par 5 ans. Entre 1993 et 1997, il y a eu ainsi des condamna- tions pour fabrication [1], faux auteurs [1], falsification de la

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description méthodologique [1], et problème d’auteur [1]. Un journaliste d’investigation (11) a recensé en Flandre 16 cas de plaintes fondées depuis l’instauration des conseils univer- sitaires d’intégrité scientifique dans les années 2000. On n’a que des données partielles sur le type de fraudes sanction- nées : 1 plagiat à l’université d’Anvers et 1 aussi à la VUB, 1 plagiat et 1 falsification à l’université de Gand, 12 cas non détaillées à la KUL.

Les rétractations d’articles dans les revues scientifiques et médicales sont un bon indice du problème, même si elles ne sont pas toutes dues à des fautes. Un total de 2.047 articles en langue anglaise (12) ont été rétractés dans PubMed au 3 mai 2012. Seulement 21,3 % de ces rétractations ont été attribuées à une erreur pour 67,4 % à une mauvaise conduite, le reste ayant été réalisé sans explication. Les causes de rétractations pour fraudes incluent la fraude aux données [43,4 %], la dupli- cation [14,2 %] et le plagiat [9,8 %]. Le premier cas remonte à 1977 pour un article publié en 1973. Alors que le nombre de rétractations pour erreur n’est qu’en augmentation modeste, une augmentation dramatique des rétractions pour fraudes a été observée au cours des dix dernières années, passant à 400 en 2007 contre 150 entre 2002 et 2006 et moins de 50 an- térieurement. Celles pour plagiats et duplications semblent un phénomène plus récent, ne s’accélérant que depuis 2005.

Les États-Unis, l’Allemagne, le Japon et la Chine sont les pays d’origine des auteurs dont le plus de publications ont été rétractées pour fraude. La Chine et l’Inde dépassent les États-Unis pour le nombre de plagiats rétractés. L’intervalle entre le moment de la publication et la rétractation est plus long en cas de fraude. Les cas de rétractions multiples pour de mêmes auteurs sont souvent liés à des fraudes. Les jour- naux considérés comme les plus fameux sont les plus touchés par les phénomènes de rétractation. Les mêmes auteurs (13) ont publié un indice de rétraction qui est presque parfaitement corrélé avec le facteur d’impact de la revue. Les raisons pour les rétractations ne sont pas toujours très claires et la gestion de l’article loin d’être optimale. Pour les 244 cas observés sur l’année 2008 (14), la notice formelle de rétractation n’a pu être obtenue dans 9 cas et la cause de la rétractation dans 21 articles. Les principales raisons données pour expliquer la rétractation sont l’erreur (28 %), le plagiat (20 %), la fraude

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(14 %) et la duplication (11 %). L’article original ou sa source a pu être identifié dans 233 rétractations (95 %) et dans 22 % de ces publications initiales, il n’y avait pas mention de la rétractation.

Les enquêtes sont une source de renseignements. Elles consistent à demander à des chercheurs qualifiés ou à des doctorants s’ils ont commis des fautes ou s’ils ont été témoins de mauvaises conduites. Une revue systématique de ces en- quêtes, publiée en 2009 (5), a tenté de quantifier les phéno- mènes de fabrication et de falsification. Les chiffres rapportés basés sur des auto-déclarations anonymes sous-estiment vrai- semblablement la réalité. Il n’y a pas non plus d’évaluation de la qualité méthodologique de ces enquêtes, imposant une cer- taine prudence quant à leur interprétation et à leur agrégation.

Les résultats interpellent cependant. Un total de 21 enquêtes publiées sur une vingtaine d’années et pour la plupart d’ori- gine anglo-saxonne ont été retenues pour la revue systéma- tique dont 18 ont pu faire l’objet d’une méta-analyse. De 0,3 à 4,9 % des scientifiques interrogés admettent avoir falsifié ou fabriqué (invention) des données ou altéré ou modifié (embel- lissement) les analyses pour améliorer le résultat final avec une moyenne pondérée de 1,97 % [intervalle de confiance à 95 % ou IC 95 % : 0,86 - 4,45]. Si on se restreint aux termes falsification ou fabrication de données, la moyenne est à 1,06 % [IC 95 % : 0,31 - 3,51. Par contre, lorsque la ques- tion porte sur l’observation personnelle de telles fautes chez des collègues, les taux montent respectivement à 14,12 % [IC 95 % : 9,91 - 19,72] et 12,34 % [IC 95 % : 8,43 - 17,71].

Les fautes étaient significativement plus fréquentes lorsque les enquêtes ciblaient le monde de la recherche clinique et des médecins que celui de la recherche biomédicale. Dans l’en- quête réalisée dans les universités flamandes (11), 12 % des 2 548 scientifiques contactés fin 2012 ont renvoyé le formu- laire dûment complété. 7,9 % des sondés (toutes catégories confondues) rapportent avoir eux-mêmes falsifié ou fabriqué des données et 47,3 % avoir été témoin de telles pratiques.

En ce qui concerne l’embellissement des travaux, 26,5 % rapportent avoir éliminé des données qu’ils considéraient fausses, 20,2 % avoir interprété de façon douteuse les résultats et 3,2 % avoir passé sous silence les études qui contredisent leurs données. 4,1 % répondent avoir changé la méthodologie

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de leurs études sous la pression de leur source de financement.

Les mauvaises conduites semblent donc fort répandues dans notre pays.

Les fraudes aux auteurs dans la publication scientifique sont un phénomène très fréquent contre lequel les éditeurs de jour- naux et les comités de rédaction luttent avec un certain succès d’après les dernières enquêtes. Une enquête (15) conduite en 2008 auprès des auteurs correspondants de 896 articles pu- bliés dans 6 grandes revues de médecine en langue anglaise a révélé une prévalence de 21 % de fraudes aux auteurs, chiffre en diminution par rapport à la même enquête conduite en 1996 [29,2 %]. Les fréquences des auteurs honorifiques (les potiches qui n’ont pas contribué à l’article) et des auteurs fan- tômes (les nègres qui n’apparaissent pas malgré une contribu- tion majeure) sont respectivement de 17,6 % et de 7,9 %. Le phénomène est plus fréquent pour les articles originaux que pour les revues ou les éditoriaux.

Pour les conflits d’intérêt, si l’on peut suspecter une sous- déclaration dans la littérature, il y a peu de données quan- titatives sur le sujet contrairement à la plupart des autres types de fraudes. Une étude (16) a été réalisée en Amérique du Nord sur les orthopédistes avec la collaboration de cinq grands fabricants de prothèses articulaires. Les auteurs ont comparé pour l’année 2008 les déclarations de conflits d’inté- rêts des médecins ayant un rôle actif dans le congrès annuel, que ce soit dans l’organisation ou comme présentateur, aux avantages financiers qu’ils avaient pu recevoir des fabricants.

Sur 344 paiements, 245 [71 %] avaient été déclarés. Pour les conflits directement en rapport avec les présentations réali- sées pendant le congrès, le taux de déclaration était de 79 % [165 sur 208] ; pour ceux indirectement en rapport avec les présentations et pour ceux sans rapport, ils étaient respective- ment de 50 % [16 sur 32] et de 49 % [29 sur 59]. Une analyse multivariée a montré que les déclarations étaient plus fré- quentes en cas de sommes importantes, en cas de versement directement au médecin ou cas d’avantages en nature. Sur les 36 médecins qui n’avaient pas déclaré leurs conflits d’inté- rêt et ont accepté de se justifier, les explications principales étaient l’absence de rapport avec l’objet de la présentation [39 %] ou une mauvaise compréhension des documents de déclaration à remplir [14 %]. La culture de la déclaration de

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ses conflits d’intérêt est meilleure en Amérique du Nord qu’en Europe comme le suggère un travail réalisé dans le domaine de l’oncologie (17). Le recours de l’industrie pharmaceutique à des leaders d’opinion, médecins réputés, pour transmettre des messages en faveur de ses médicaments est une pratique fréquente et souvent occulte comme le montre une étude réalisée sur les expanseurs en réanimation (18). Ces leaders d’opinion, sous couvert de leur aura scientifique, ont noyé la littérature de revues et d’éditoriaux pour assurer la promotion des amidons sans mentionner leurs liens d’intérêts avec les fabricants de ces produits. En ce qui concerne les recomman- dations ou consensus de pratique clinique, une étude, réalisée également en cancérologie (19), en a revu les publications sur dix ans de 2003 à 2013 (142 publications) en rapport avec les conflits déclarés par les auteurs, les sources de financement, le recours à des écrivains professionnels et les médicaments recommandés. S’il y a une nette augmentation du taux de dé- claration des conflits d’intérêt individuels des auteurs passant de 11 % en 2003 à 93 % en 2013, les sources de financement de la réalisation des recommandations n’est mentionnée que dans 45 % des articles dont 65 % par l’industrie. Les médi- caments recommandés étaient significativement corrélés aux déclarations de conflits d’intérêt des auteurs avec la firme pharmaceutique les commercialisant.

Origine des mauvaises conduites

La recherche scientifique vise à améliorer nos connaissances et à mieux approcher la vérité. Par définition donc, les collè- gues chercheurs et le public s’attendent de la part du scienti- fique à un travail intellectuellement honnête et à une conduite exemplaire. Cet aspect moral est tacite et il est fait a priori confiance aux auteurs sur l’honnêteté de leurs travaux. Et pourtant, comme nous l’avons vu, c’est loin d’être le cas en pratique et les mauvaises conduites jettent une suspicion sur beaucoup de résultats de la recherche.

Les explications à ce phénomène sont multiples. Une des principales est la nécessité de publier pour survivre et par sur- vivre, il faut entendre poursuivre sa carrière ou obtenir les fonds nécessaires au maintien et au fonctionnement d’une

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équipe de recherche ou d’un laboratoire. Le dicton « publier ou périr » résume très bien la situation de nombreux chercheurs et il faut une haute conscience morale et un certain désintérêt matérialiste pour respecter les règles en toutes circonstances.

Citons un exemple très récent. Une équipe française sort à peine un article dans la revue en ligne PLOS one (20) qu’une campagne de presse est lancée annonçant une véritable révo- lution dans le dépistage du cancer bronchique. Les auteurs ont recherché, chez des sujets à haut risque atteints d’une bron- chopneumopathie obstructive chronique (BPCO), des cellules cancéreuses dans le sang dans le cadre d’un dépistage par tomodensitométrie thoracique. La série compte 168 patients sans anomalie radiologique et suivi prospectivement. Cinq de ces malades vont à un moment avoir le test positif, à savoir l’apparition dans le sang de cellules néoplasiques détectées au microscope alors que leur tomodensitométrie est normale.

Tous les cinq vont voir apparaître un nodule pulmonaire dans les 1 à 4 ans suivant la positivité du test. Ils seront tous opérés et les nodules s’avéreront cancéreux. Il n’y a pas de récidive postopératoire après un suivi d’un an. Je suis directement contacté par un journaliste du journal Le Soir pour donner mes commentaires, après avoir pris rapidement connaissance des travaux de l’équipe française. Je suis d’emblée étonné qu’ils rapportent dans leurs publications n’avoir aucun conflit d’intérêt alors que cette étude a été réalisée dans le cadre d’un partenariat « public-privé » avec une société de tests diagnos- tiques. De plus, l’annonce ne mentionne pas les travaux pré- alables de l’équipe qui avait pratiqué ce test en préopératoire chez des patients porteurs d’un cancer bronchique au stade précoce (21). Sur 208 patients, le test est positif dans 36 % des cas et la présence de cellules cancéreuses circulantes en grand nombre s’avère de mauvais pronostic. Il y a donc à la fois une manœuvre d’embellissement devant la presse et une occultation des conflits d’intérêt commerciaux. Une analyse similaire sera publiée plus tard par le Panorama du médecin (22). En rapportant leurs résultats comme spectaculaires et particulièrement innovants, les auteurs veulent augmenter leur renommée, très probablement pour faciliter l’octroi de crédits pour leur laboratoire.

Plus grave est la fraude aux données. Une étude étatsu- nienne portant sur 40 cas bien documentés de falsification,

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fabrication ou plagiat commis entre 1980 et 2011 (23) a ré- vélé que la pression à publier était en cause dans un tiers des cas. Une enquête réalisée au MD Anderson, l’hôpital cancéro- logique de Houston, a montré qu’un cinquième des jeunes qui réalisent des travaux subissent des pressions de leur patron pour publier des résultats non reproductibles (24) et un tiers avoue avoir dû orienter leurs travaux vers des résultats souhai- tés par leur supérieur. Dans l’étude réalisée dans les universi- tés flamandes (11), sur les 315 participants, 4,1 % ont déclaré avoir eux-mêmes modifié la méthodologie ou les résultats de leur publication sous la pression exercée pour l’obtention de fonds et avoir observé une telle attitude chez 17,7 % des collè- gues de leur entourage direct. La plupart [64 %] sont d’accord que la pression à la publication est une cause majeure aux mauvaises conduites.

Une autre explication donnée fréquemment est le désir de s’enrichir. C’est particulièrement le cas pour les fraudes liées aux conflits d’intérêt. Des affaires judiciaires (8) et des aveux (25) ont révélé combien l’industrie pharmaceutique pouvait payer cher à titre personnel des médecins renommés pour faire la promotion de ses médicaments. En effet, l’industrie ne fait pas que financer en tout ou en partie des études cliniques pour mettre sur le marché des médicaments ou en élargir les indications. Elle utilise aussi des personnalités médicales pour influencer ses confrères, par exemple en signant des articles dans des revues dites prestigieuses ou en intervenant dans des symposiums qu’elle organise. Ces personnalités sont quali- fiées d’opinion leaders, nom venant directement du langage du marketing. Les opinions leaders sont d’ailleurs évalué par les ventes qu’ils génèrent. Par exemple, une firme organise dans le cadre d’un congrès un symposium satellite sur un su- jet en rapport avec un de ses produits. L’opinion leader sera un des orateurs et sa présentation sera revue, voire préparée par la firme, créant ainsi en plus une fraude aux auteurs. La firme invitera au congrès des praticiens à condition d’assis- ter au symposium satellite. Ensuite les ventes du médicament dans les hôpitaux ou les quartiers où ces praticiens exercent, seront évaluées. Si elles augmentent, la valeur de l’opinion leader grandira. Ces personnalités médicales, utilisées en fait comme des visiteurs médicaux, reçoivent divers avan- tages financiers : voyages luxueux, honoraires de prestation,

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honoraires de consultance, cadeaux, options sur action, etc.

Pour donner une idée des montants perçus, la grande presse a estimé à 350 à 1.000 € la réunion d’experts pour des études cliniques, autour de 750 € la demi-journée de consultance, de 2000 à 100.000 € le rapport d’expertise et de 500 à 2.000 € (voire beaucoup plus) une intervention dans un symposium international. Les sommes augmentent évidemment avec la notoriété de l’expert. Ces experts se feront aider souvent sans le déclarer, créant ainsi une fraude aux auteurs, et n’hésitent pas à pratiquer des manœuvres d’embellissement pour pré- senter plus favorablement les effets des médicaments pour la promotion desquels ils sont largement payés.

Des raisons psychologiques jouent également comme la soif de la notoriété, la volonté de convaincre, le besoin de dominer dans sa profession. Dans l’étude états-unienne des 40 cas mentionnés plus haut (23), un fauteur sur 2 était psy- chologiquement égocentrique (narcissique) et décrit comme brillant, arrogant, sûr de soi, avide de succès scientifique, ai- mant le luxe. Un auteur espagnol (26) a même décrit pour ces fraudeurs un nouveau désordre psychologique qu’il appelle le rédacteur pathologique (« pathological publishing »). Ce sont des scientifiques qui veulent à tout prix publier dans des revues à haut facteur d’impact et sont prêts à de nombreuses tricheries pour arriver à leur fin. Les critères suivants pour- raient être utiles pour les détecter : empressement excessif pour montrer et diffuser ses articles et en faire la publicité en utilisant de façon compulsive les indicateurs bibliométriques (facteur d’impact, index H, profils divers, etc.) ; falsification, invention et embellissement des données pour obtenir plus de publications ou publier dans des revues avec un facteur d’im- pact supérieur ; falsification de son curriculum vitae (CV) et duplication d’articles et présentations ; introduction dans son CV comme articles originaux de papiers qui n’en sont pas (critiques de livres, résumés de réunions, etc.) ; croire à ses propres tricheries et les défendre contre toute évidence.

La naïveté peut expliquer certaines fraudes. C’est le cas du manque de rigueur de certains étudiants qui doivent faire à tout prix un mémoire pour obtenir leur diplôme ou défendre une thèse de doctorat pour la suite de leur carrière. Non convain- cus par l’importance de la recherche, ils se livrent à des ma- nœuvres d’embellissement comme l’élimination de données

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qui dérangent leurs résultats ou sélectionnent les expériences qui vont le sens voulu. Aux États-Unis, une grande enquête réalisée chez plus de 2 000 psychologues travaillant en milieu académique (27)a révélé que près de 80 % des sondés admet- taient avoir commis des irrégularités dans leur travail scienti- fique. Beaucoup trouvent leur attitude défendable même s’ils reconnaissent le caractère douteux de certains comportements.

Pour une meilleure intégrité

Pour améliorer l’intégrité dans la recherche scientifique, des actions doivent être prises dans trois domaines : prévention, dépistage, répression.

La prévention repose essentiellement sur la formation et le changement du système. L’éducation des jeunes qui se lancent dans une carrière scientifique et médicale est essen- tielle. Ils doivent d’une part savoir ce qu’est un comportement frauduleux avec ses conséquences et d’autre part pouvoir les détecter lors de ses lectures et dans les réunions scientifiques auxquelles ils assistent. Une formation à la recherche incluant tous ces aspects est indispensable et il faut initier les candidats à la méthodologie pour leur permettre de pouvoir se faire leur propre jugement critique. C’est loin d’être le cas actuellement.

Lorsque j’ai évoqué la problématique dans une commission facultaire en proposant d’imposer aux doctorants la réussite de l’examen du certificat de médecine factuelle dispensé pendant les masters de spécialité en médecine, j’ai eu la désagréable impression d’être considéré comme un sectaire ! L’encadre- ment des travaux par des patrons intègres, y compris en termes de conflits d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, est indis- pensable. Le patron (ou promoteur ou mentor) doit être un exemple moral pour ses disciples qui l’ont choisi pour s’initier à la recherche et puis pour la développer. Il doit leur inculquer le sens des vraies valeurs et les encourager quand ils n’ob- tiennent pas les résultats qu’ils espéraient. Rappelons qu’une étude négative en sciences et en médecine a autant de valeurs qu’une étude positive et que ce qui est important est la repro- ductibilité des résultats au cours d’expériences successives. Les laboratoires pharmaceutiques ont constaté que la plupart des résultats rapportés dans les publications d’études précliniques

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ne sont pas reproductibles (28-30). Lorsqu’ils sont intéressés par un travail, la première action de ces laboratoires est de reproduire dans leur propre structure de façon indépendante les expériences et les résultats ne s’avèrent reproductibles que dans moins de 20 % des cas, ce qui sous-entend que la majori- té des publications en recherche préclinique sont fausses. Ces taux élevés se retrouvent aussi dans les enquêtes menées en milieu académique, par exemple absence de reproductibilité en cancérologie expérimentale une fois sur deux (24).

Le système doit également être changé pour diminuer le risque de dérives, au niveau d’une part des mécanismes d’at- tribution des fonds pour la recherche et d’autre part des règles de promotion académique. Ce changement implique des ré- formes structurelles sur le financement public de la recherche, l’organisation de l’attribution des crédits, le système d’éva- luation des demandes et des chercheurs, la mise en valeur de la recherche fondamentale, l’organisation des laboratoires et équipes de recherche, une meilleure planification de la carrière des chercheurs qui devrait être moins dépendante de l’obten- tion assez aléatoire de crédits à court terme. Ces changements sont coûteux et les économies demandées à tout niveau ne vont pas dans la bonne direction en mettant des pressions par- fois insoutenables sur les équipes de recherche. Un exemple de dérive est le recours par facilité voire par paresse intellec- tuelle aux indices bibliométriques (1) pour évaluer la qualité d’un chercheur. Ces indices n’ont pas été inventés avec cet objectif et de nombreuses mises en garde ont été publiées à ce sujet (31;32). L’évaluation d’un chercheur, que ce soit pour l’obtention de crédits ou une promotion de carrière, doit être qualitative et représente donc un travail beaucoup plus impor- tant que le bête recours à des indices calculés automatique- ment. Un autre exemple de perversion du système est la non séparation dans le CV des articles et communications faites pour ou avec l’industrie pharmaceutique de ceux purement académiques. En effet, l’industrie a des moyens énormes et elle peut faciliter les publications et en assurer leur diffu- sion dans des proportions que les académiques ne peuvent atteindre. Ces travaux devraient avoir une place à part dans les CV et ne pas être traités au même niveau que les académiques qui sont de meilleurs témoins du travail personnel du cher- cheur et de sa véritable valeur.

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Une meilleure organisation de la recherche est nécessaire.

Des mesures antifraudes (30) ont été proposées comme le dé- veloppement de la recherche collaborative à large échelle, l’en- registrement dans des registres indépendants, des protocoles de recherche y compris fondamentale et préclinique, la mise à disposition en ligne des données brutes des études, le dévelop- pement d’une culture de reproductibilité axée sur la validation externe des résultats obtenus, l’amélioration de la standardi- sation des protocoles de recherche et des publications avec définition de critères a priori, des politiques précises concer- nant les conflits d’intérêt. Pour les études cliniques réalisées par l’industrie pharmaceutique, certains vont jusqu’à proposer qu’elles soient réalisées par des sociétés indépendantes, que l’accès à l’ensemble des données obtenues soit garanti, que les essais soient financés par des fonds publics (33).

Les journaux médicaux, éditeurs et comités de rédaction, ont un rôle également important. En effet, ils peuvent imposer des règles de conduite. Des codes d’éthique ont d’ailleurs été rédigés par les associations d’éditeurs et de rédacteurs comme l’ICMJE (34) ou le COPE (Committee on Publication Ethics).

Une étude réalisée en 2012 (35) montre qu’une minorité seule- ment des revues médicales éditent des règles pour les auteurs.

Sur 399 journaux biomédicaux à impact élevé, seuls 140 [35,1]

donnent des définitions explicites des mauvaises conduites que les auteurs qui leur soumettent des manuscrits doivent éviter.

La falsification des résultats est explicitement mentionnée par 113 journaux [28,3 %], la fabrication de données par 104 [26,1 %], le plagiat par 224 [56,1 %], la duplication par 242 [60,7 %] et les manipulations d’images (embellissement) par 154 [38,6 %]. Les procédures enclenchées en cas de décou- verte de mauvaises conduites sont décrites sur 179 [44,9 %] des sites web des revues, notamment en ce qui concerne la rétrac- tation (30,8 %). Une minorité de journaux [112 soit 28,1 %]

utilisent les services de logiciels pour détecter les plagiats.

Les journaux doivent aussi améliorer leur propre conduite et mieux se conformer à la déclaration d’Helsinki résultant du code de Nuremberg et qui impose au chercheur de publier l’entièreté des résultats des études qu’ils ont réalisées, que ceux-ci soient positifs, négatifs ou non conclusifs. Une étude bien réalisée devrait être en principe acceptée mais dans la réalité, les grandes revues considèrent la probabilité qu’elle a

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d’être citée plutôt que sa qualité intrinsèque. Par ce comporte- ment déviant, elles n’encouragent pas les auteurs à conserver une attitude irréprochable. La preuve en est faite par la très belle corrélation linéaire entre le facteur d’impact et l’indice de rétractation comme nous l’avons décrit plus haut.

Des codes de conduite ont également été édictés par cer- taines sociétés scientifiques et autorités académiques avec une situation très variable en Europe d’un pays à l’autre (36). Il existe des codes rédigés par des institutions comme l’European Research Council ou l’European Science Foun- dation. Seuls certains pays scandinaves (Norvège, Danemark) ont un cadre législatif. D’autres comme le Royaume Uni ou l’Allemagne ont développé des recommandations applicables à toutes les institutions du pays sans avoir force de loi. Pour des pays comme la Belgique ou la France, des codes sont pro- posés par des institutions académiques comme le CNRS dont peuvent s’inspirer les universités et autres entités qui prennent également parfois en compte les systèmes utilisés à l’étranger.

Enfin, certains pays, comme l’Italie, n’ont pas de recomman- dations et les problèmes doivent se gérer à l’échelon local.

En Belgique, l’Académie royale de Médecine a émis un code d’éthique (37) mais il ne s’agit que de recommandations.

Le dépistage des fraudes est évidemment important mais difficile à réaliser. Pour les plagiats et les duplicats, il existe des logiciels que les autorités, les universités, les sociétés scientifiques et les journaux biomédicaux peuvent utiliser.

Certains sont gratuits comme 3YA utilisant google (http://

michel.bernard.online.fr/plagiat/) ou baldr (http://wassner.

blogspot.fr/2014/05/baldr-loutil-anti-fraude-anti-plagiat.

html) ou commerciaux AntiPlag (www.plagscan.com) ou Noplagiat (http://www.noplagiat.com/). Pour les déclara- tions de conflits d’intérêt, on peut rechercher si la déclara- tion dans un article est en accord avec celles rapportées dans d’autres articles ou dans des communications de l’auteur ou consulter les sites où les autorités ont obligé l’industrie phar- maceutique à rapporter les avantages accordés aux médecins comme la base de données publique Transparence – Santé en France (www.transparence.sante.gouv.fr) ou le site du gou- vernement américain (http://cms.gov/openpayments/).

Les fraudeurs doivent savoir que leurs actes ne resteront pas impunis s’ils sont découverts. Le monde scientifique est

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encore très mal encadré en termes de procédures pour les enquêtes et les sanctions en cas de culpabilité. L’idéal est d’avoir une législation couvrant cette matière, comme c’est le cas aux États-Unis avec l’ORI (Office of Research Inte- grity). En Europe, seuls certains pays scandinaves (Norvège, Danemark) ont un cadre législatif (36). Ce sont souvent les autorités académiques ou ordinales (pour les médecins) qui doivent gérer ces situations à condition qu’elles en soient informées car les journaux et les sociétés scientifiques n’ai- ment pas rapporter les manquements aux employeurs des fau- tifs. À titre d’exemple, en Belgique, citons l’ULB qui a créé un Conseil à l’intégrité (38) chargé d’examiner les plaintes concernant des manquements et de proposer d’éventuelles mesures aux autorités de l’Université selon une procédure bien précise. Selon le dicton « Tricheur un jour, tricheur tou- jours » qui semble se vérifier du moins dans les quelques cas décrits dans la littérature comme le suggère le grand nombre de rétractations qui suivent les enquêtes approfondies sur des cas suspects (39), il conviendrait de réexaminer l’ensemble de la carrière d’un fraudeur, ce qui est rarement fait vu l’absence de personnes compétentes et dédiées à cette fonction qui peuvent y mettre le temps nécessaire. Il faudrait également établir des listes noires de grands fraudeurs pour leur interdire pendant un certain temps l’accès à la publication biomédicale.

La communauté scientifique devrait être informée. Saluons à cette fin le rôle pionnier de sites comme retractionwatch (www.retractionwatch.com), archéologie du copier-coller (voir supra) ou les bulletins d’Hervé Maisonneuve qui n’hé- site pas à aborder la problématique frauduleuse (http://www.

redactionmedicale.typepad.com/).

En guise de conclusion

Les manquements à l’intégrité en recherche scientifique et médicale sont un problème grave. Leur augmentation crée une grave crise de confiance envers les chercheurs. Ils sont de type variés : fraudes aux données (fabrication, falsification, vol, embellissement, rétention de données), plagiats, occulta- tion de conflits d’intérêt, fraudes aux auteurs. Tous doivent être combattus sans relâche mais cette lutte pour être efficace

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nécessite des changements structurels et législatifs. Pour les pays de l’Union européenne, un cadre légal par une directive permettant une meilleure homogénéisation entre pays dans la lutte contre la fraude scientifique constituerait une avancée majeure pour obtenir plus d’honnêteté en recherche scienti- fique.

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