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Mais les roses rouges

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Le mois prochain :

LE SECRET des roses rouges

par

LÉO GESTELYS

...Assise sur le banc de pierre, dans la charmille, Elisabeth de Fertière entendit un frémissement dans les branches. Un beau cavalier s'approcha et prit la main qu'on ne songeait pas à lui dérober. Il la porta à ses lèvres, la couvrit de baisers fervents.

Dans l'engourdisse- ment étrange q u i t'envahissait, Elisabeth s'entendit prononcer cette phrase : « Unis pour toute l'existence.

mon bien-aimé »...

Etait-ce vraiment un rêve ?

Elisabeth est fiancée à Jacques Davresnes, son cousin, futur no- taire. Son père tient beaucoup à ce qu'il l'épouse, mais elle n'a pour ce jeune homme trop pratique aucun élan du cœur.

Plusieurs é v é n e- ments imprévus vont faire irruption dans la vie d'Elisabeth...

La découverte, dans le coffre secret du gre- nier, du journal d'Eli- sa : ce grand amour malheureux qu'a con- nu jadis une de ses aïeules. va troubler profondément l'âme d'Elisabeth.

Puis c'est Jean, le jeune innocent, persé- cuté par la Thibaude, sa marâtre, qui trou- ve au château de la Fertière une protec- trice inespérée...

Le jeune cavalier in- connu, qui a fait dan- ser Elisabeth (elle a goûté à ce bal un bonheur étrange), se- rait-ce l'amour ? Le véritable ?

Mais les roses rou- ges gardent un lourd secret. Maxime et Lisbeth pourront - ils rompre le mauvais charme ?

ÉDITIONS DES REMPARTS

LYON

1. Lise BLANCHET : L'inconnu du Prieuré 2. Claude ARLET : Le Plus Beau Trésor du Monde 3. Michel PERRY : Le Manoir des Illusions 4. Lise BLANCHET : La Fille du Gondolier 5. Claude ARLET : Le Chant de l'Adieu 6. Michel PERRY : Sortilèges du Matin 7. Ombline DE LA VILLEON : La Tour du Bonheur 8. Claude ARLET : Les Yeux de Velours 9. Lise BLANCHET : Rêve d'Amour 10. J. MAUFARGE : L'Oiseau Blessé 11. Léo GESTELYS : L'Amour fait son choix 12. Claude ARLET : Les Beaux Jours reviendront 13. A. de VILLIERS : Maïva

14. Léo GESTELYS : L'inoubliable Serment 15. O. DE LA VILLEON : Claudie et son Aviateur 16. J. MAUFARGE : La Maison sur la Montagne

NOUVELLE SERIE : 17. Lise BLANCHET : La Mariée de Minuit 18. Claude ARLET : La Cendrillon de Saint-Vincent 19. Léo GESTELYS : L'Amour veillait

20. J. MAUFARGE : La jeune prisonnière 21. MADA : Son cœur avait choisi...

22. ANN et GWEN : Le Lac d'Amour 23. Claude ARLET : La Poupée de satin bleu 24. Lise BLANCHET : Le Mystère de Red Manor 25. Léo GESTELYS : La Symphonie du Bonheur 26. Liliane ROBIN : Le Collier d'émeraudes 27. J. MAUFARGE : Fragile bonheur 28. Lise BLANCHET : Le Vagabond mystérieux 29. Christian DÉE : Cœur ombrageux 30. Denise-Ch. CRASSIER : L'oiseau des Iles.

31. Lise BLANCHET : Le prince au cœur fidèle.

32. Claude ARLET : La solitaire de la lande.

33. Ombline DE LA VILLEON : Croisière d'espérance.

34. MADA : Le Manoir des cœurs inquiets.

35. Catherine DE BEDOUVET : La rose de Noël.

36. M. DE PERETTI : Le Biscuit de Saxe.

37. Lise BLANCHET : L'étang au diadème.

38. Claude ARLET : L'Amour conduit la barque.

39. J. MAUFARGE : Le manoir des Trois Seigneurs.

PROCHAINEMENT :

40. Léo GESTELYS : Le secret des roses rouges.

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LE MANOIR Trois Seigneurs

DES

par J. MAUFARGE

Parti aux colonies pour y faire fortune, Renaud d'Arcel re- vient le cœur plein d'espoir : il va pou- voir enfin épouser celle qu'il aime, Béa- trice de Bléhant.

Mais ce n'est point Béatrice qui attend le jeune homme à la gare, le jour de son arrivée : c'est Dora l'orpheline, chargée d'une triste mission : annoncer que Béatrice ne lui est pas restée fidèle ; elle s'est fian- cée avec un riche in- dustriel, beaucoup plus âgé qu'elle, André Dunoyer.

Penaud repart, dé- sespéré et furieux. Il insulte même la pe- tite Dora, messagère de son malheur.

...Dora est devenue la secrétaire, intelli- gente et dévouée, de l'excellent Dunoyer, qui l'apprécie beau- coup et lui témoigne une affection pater- nelle. Béatrice songe surtout à la vie mon- daine.

Dans une station de sports d'hiver, en Suisse, le hasard va remettre en présence Renaud et Dora. La jeune secrétaire, plei- ne de charme et d'es- prit, fait sur Renaud une impression pro- fonde. Mais elle, elle n'a pas oublié l'insulte de jadis.

...Dora est victime d'un accident prémé- dité... L'amour réuni- ra-t-il enfin ceux qui se déchirent l'un l'autre et semblent fuir le bonheur ?

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LE M A N O I R

DES TROIS SEIGNEURS

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J. MAUFARGE

L E M A N O I R

DES TROIS SEIGNEURS

ÉDITIONS DES REMPARTS 38, RUE DES REMPARTS- D'A INA Y, LYON

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I

La locomotive haletait de son souffle rauque en montant la pente rude et lâchait derrière elle de gros panaches de fumée noire. A mesure que le train ahanait le long des courbes, le paysage se modifiait : tantôt il se resserrait entre les murailles des entablements, tantôt il s'élargis- sait sur une vallée luxuriante où essaimaient les robes multicolores des troupeaux. Et tout au long du val, les villages serrés groupaient leurs toits rouges.

Seul dans son compartiment de première classe, Renaud d'Arcel regardait à perte de vue les tableaux changeants de la nature. Depuis si longtemps qu'il ne les avait vus ! Pourtant, comme le train s'élevait sur la hau- teur, le regard du jeune homme parut se con- centrer. Ses yeux bruns, jusqu'alors amusés par la vue changeante des choses, s'écartèrent du panorama et se fixèrent sur un point vague à l'intérieur du compartiment. Un songe intérieur semblait seul les animer.

Un coup de sifflet de la locomotive et tout changea. Renaud se dressa, descendit en hâte

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du filet ses deux valises et, debout, se précipita vers la portière. A travers les buissons précé- dant la gare de Vaucanson, il venait d'aperce- voir, sur la route longeant la voie, une auto gris clair. Ses traits bistrés se foncèrent un peu plus et un vaste sourire dilata sa bouche.

« Elle est venue m'attendre », murmura-t-il.

Le mot balbutié exprimait tout son amour, toute sa joie et son espérance. Le convoi ralentit et, pour être plus sûr de ne pas perdre une mi- nute, Renaud baissa la vitre et, de l'extérieur, ouvrit le compartiment. Puis il prit ses deux valises et sauta sur le quai.

L'air vif de la montagne fouetta son visage.

Autrefois, quand il venait du « bas pays », il le respirait toujours avec une sensation d euphorie.

Aujourd'hui, il n'y fit même pas attention.

Ses bagages à la main, il hâta le pas vers la sortie.

— Monsieur Renaud ! En voilà une surprise ! C'était Méric, le jardinier du château. Il rece- vait les billets des voyageurs. — Eh bien, on ne vous attendait pas... conti- nua-t-il. Vous avez une mine splendide, Monsieur Renaud, à croire que les pays d'Afrique vous font du bien. Vous avez forci, ma parole. Autre- fois vous étiez maigre comme un cent de clous.

Tandis qu'aujourd'hui !... Jamais on ne pense- rait, à vous voir, que vous avez supporté le climat et les fatigues des tropiques. Le brave François tenait entre ses mains la main libre de Renaud.

— Et vous, mon bon Méric, vous avez donc repris du service ? — Pour quelques jours seulement... Le chef de gare a une entorse et il m'a demandé de venir l'aider. Alors, vous comprenez, entre anciens collègues, il faut bien se rendre des services.

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D'ailleurs, là-haut, au château, rien ne cloche : j'avais fini de repiquer les plants de fleurs et mes allées étaient propres et ratissées.

Le brave homme parlait d'abondance. Il le connaissait bien, Renaud d'Arcel. Homme d'équipe durant vingt ans à Vaucanson, il avait épousé Marie, la cuisinière du château, avait vécu dans la vieille demeure et, à sa retraite, quinze ans plus tard, en était devenu le jar- dinier. Il en savait donc tous les secrets, comme il en connaissait les moindres recoins. N'avait-il pas été là pour aider sa femme à soigner le comte Hector, grand mutilé de la guerre de 14, et ne lui avait-il pas fermé les yeux sur son lit de mort ? Quarante ans vécus au manoir d'An- cel !

Il avait servi le jeune Renaud, orphelin chétif qu'on avait dû, pour ses études, mettre à la pension des Pères, et que l'on gorgeait de bons plats et de gâteries, à chaque vacance, afin qu'il devînt plus fort.

Après sa sortie de l'Ecole Centrale, alors qu'on s'attendait à le voir prendre une situation dans quelque usine, Renaud, jeune ingénieur, comme sur un coup de tête, était brusquement parti pour les pays exotiques, laissant du jour au lendemain, à ses vieux serviteurs, la garde et l'entretien du château.

Le vieux François avait bien deviné la raison de ce brutal coup de tête : l'amour voué à la belle Béatrice, une cousine très éloignée, fière, ambitieuse, décidée à ne prendre pour mari qu'un homme susceptible de lui passer ses caprices. « La légende des Trois Seigneurs » ressuscite, avaient bien souvent dit Marie et François à la veillée. Comme il y a des siècles, notre maître a jeté son dévolu sur une trop belle

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dame. Mais réussira-t-il comme l'autre Renaud, son ancêtre ? >

Déjà le jeune homme avait repris en mains ses deux valises et, visiblement, semblait pressé de quitter Méric.

— Laissez donc vos bagages, Monsieur Re- naud. Je vous les monterai ce soir avec une brouette. C'est trop lourd pour vous. Vous arri- vez fatigué. Et puis, rien ne vous presse. Je ne vous ai même pas demandé si vous étiez con- tent de vos affaires ?

— Oui, tout va bien. Je vous raconterai cela...

Allons, à ce soir, François. Je vais vite monter là-haut, me laver, me changer et partir aux Trois Seigneurs.

L'homme le regarda consterné.

— Vous avez bien le temps.

— Pas du tout... D'ailleurs, au moment de descendre du train, j'ai vu une auto s'arrêter devant la gare. Ce doit être celle de Mlle Béatrice.

Elle m'attend.

— Ah !... Cela m'étonnerait... Attendez donc, je vais voir.

Et, plantant là le voyageur, il traversa la salle d'attente

« Pourvu qu'il n'aille pas faire de sottise ! » grommela-t-il entre ses dents.

François se souvenait trop bien de ce qui s'était passé six ans avant. Autant le jeune homme était d'un naturel calme dans les actes habituels de la vie, autant il se laissait emporter dès qu'il s'agissait de Béatrice. Les deux châ- teaux des Trois Seigneurs et d'Arcel étaient à courte distance l'un de l'autre. Et dès leur plus jeune âge, les deux enfants, trop isolés pour trouver d'autre compagnie, avaient partagé leurs premiers jeux. Sauf par les jours de très mau- vais temps, ils passaient leurs journées ensem-

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ble, dans l'une ou l'autre demeure. La pension pour l'un, le collège pour l'autre n'avaient pas interrompu leurs relations. Les vacances les avaient chaque année réunis. Et ainsi était né chez Renaud un sentiment violent et quasi ex- clusif. Devant le charme et la beauté de la blonde fille, le cœur du garçon s'était épris to- talement. Il avait été son chevalier servant, presque son esclave. Il avait cédé aux fantaisies de la lointaine et exigeante cousine. Avec l'âge, cette amitié fervente n'avait fait qu'augmenter et insensiblement était devenue de l'amour.

Non un amour paisible mais une sorte de pas- sion que rien ne parvenait à contrecarrer. Quelle influence, d'ailleurs, eût pu détourner l'orphe- lin ? Qui aurait osé lui montrer que Béatrice n'était qu'une intrigante ? En ce qui concernait son amie d'enfance, Renaud était intraitable.

Injures et coups pleuvaient sur celui qui avait l'impudence de médire d'elle, de l'accaparer ou, plus tard, de la courtiser. Au début, cette jalousie avait fait sourire le baron Hector et les parents de Béatrice. Ils ne voyaient là qu'amourettes d'enfants, sans con- séquence. D'ailleurs, la situation de M. d'Arcel était trop ébranlée pour que la famille de Béa- trice pût s'en contenter.

Mais plus tard, lorsque Renaud, devenu orphe- lin, avait ostensiblement montré qu'avec l'âge rien n'était changé dans ses sentiments, une in- quiétude était née : il s'avérait que la jeune fille, dont le caractère dominateur et insatiable se révélait au grand jour n'accepterait pas de de- venir la châtelaine d'Arcel ; on l'avait donc ser- monnée ; elle ne devait pas persister à se laisser courtiser par le futur ingénieur. « Bah ! répon- dait-elle, quelle importance ! Pour l'instant, il me distrait et il me sort. Quand il se prononcera

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ouvertement, je saurai bien lui dire ce que je pense. »

C'est ce qui s'était produit. Mortifié par la façon hautaine dont Béatrice avait reçu sa de- mande, Renaud s'était raidi.

— Vous ne me trouvez pas assez riche, avait- il répondu. Qu'à cela ne tienne. Je vous aime trop pour renoncer à vous à cause de mon man- que d'argent. J'émigrerai et, dans quelques an- nées, je reviendrai riche. Promettez-moi de m'at- tendre.

— Si ce n'est que cela... Partez, je vous atten- drai... à la condition toutefois que ce ne soit pas trop long..

Avait-il remarqué le ton léger et l'air mo- que ur de sa bien-aimée ? Il avait une telle con- fiance en elle qu'il la crut sincère. Et il partit.

Tout cela, qu'il avait appris après le départ de Renaud au fur et à mesure des racontars mo- queurs de Béatrice, revenait subitement à l'es- prit de Méric pendant qu'il traversait la salle d'attente. Pourquoi son maître serait-il arrivé justement aujourd'hui et sans prévenir Marie, ni lui, si ce n'était pour faire quelque éclat mal- heureux ? Il fallait absolument déjouer ce pro- jet possible.

Il s'avança jusqu'à la porte d'entrée, reconnut l'auto et sa conductrice. Il fut bientôt rassuré.

— C'est bien ce que je pensais, Monsieur Re- naud, lança-t-il au jeune homme qui s'avançait.

Ce n'est pas Mlle Béatrice, mais Mlle Dora. Et, mentalement :

— Tant mieux... et tant pis pour cette pauvre petite. C'est elle qui essuiera le premier feu. Devant l'affirmation de Mérie, d'Arcel s'était arrêté net, comme brisé par sa déception.

— Comment ? La laideronne ? prononça-t-il à mi-voix, en même temps que ses sourcils se

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fronçaient et qu'il se demandait la raison de la venue de Dora.

— Il ne faut pas dire cela, Monsieur Renaud.

On voit qu'il y a des années que vous êtes parti.

S'il y a une laideronne au château des Trois Seigneurs, ce n'est pas elle, je vous l'assure, et vous le constaterez vous-même. Mlle Théodora est une perle. Ce n'est jamais d'elle que vous viendra le moindre ennui.

La remarque du jardinier ne fit qu'accroître la mauvaise humeur de l'ingénieur. Laissant là ses valises, il sortit de la salle d'attente. Devant lui, debout à côté de la voiture, se tenait une grande jeune fille, presque une enfant. Elle por- tait une robe de tulle blanc d'une extrême élé- gance qui, aux yeux de quiconque, eût paru ridicule pour venir, même en auto, attendre quelqu'un à la gare. Renaud ne la remarqua pas. Mais ce qu'il observa, c'est que cette tenue, claire et éclatante dans le soleil, faisait ressortir le teint mat du visage, les cheveux trop raides, tirés en arrière à la garçonne, les gestes disgra- cieux et gauches qu'elle fit en se tournant vers lui, enfin les yeux bleu foncé dont la dou- ceur tranchait avec les traits encore lourds, mais dont l'éclat semblait terni par une sorte de crainte panique.

Lorsqu'elle vit Renaud, avec son masque furieux, avancer vers elle, elle ne put soutenir le regard des deux yeux noirs et durs qui la dardaient.

— Bonjour, Dora, dit-il sèchement. C'est vous qui êtes venue ? Pourquoi pas Béatrice ?

Avant qu'elle ait pu reprendre son aplomb, il continuait d'un ton inquiet. — Il ne lui est rien arrivé, j'espère ? — Voulez-vous me demander si elle est ma- lade ?

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Evidemment.

— Rassurez-vous, elle se porte bien.

— Alors, pourquoi n'est-elle pas là ? Elle le voyait si profondément remué à l'idée que Béatrice n'était pas venue pour l'accueillir à son arrivée, qu'elle sentit sa panique redou- bler. Comment le prévenir de ce qui se passait ? Elle cherchait les mots qui ne le blesseraient pas, qui ne l'atteindraient pas trop douloureu- sement. Elle ne les trouvait pas. Alors, elle prit un faux-fuyant.

— Renaud... il ne faut pas venir aux Trois Seigneurs aujourd'hui.

Ces paroles, qui n'expliquaient rien, redou- blèrent l'émoi de l'ingénieur. — Qu'est-ce que cela veut dire ? Je ne com- prends pas... Un malheur est-il arrivé ?

L'insistance presque violente de la question ne fit qu'augmenter la détresse de la jeune fille.

Puisque toutes les précautions qu'elle prenait n'aboutissaient qu'à rendre d'Arcel plus pres- sant, elle perdit la tête.

— Pour vous, oui, un malheur est arrivé.

J'avais supplié Béatrice de ne pas vous laisser revenir ici sans vous prévenir. Peut-être auriez- vous retardé votre retour... Elle ne m'a pas écoutée.

Renaud était devenu blême : il pressentait une catastrophe que la gaucherie et l'émotion visible de Dora ne faisaient que rendre plus obs- cure et donc plus grave. — Alors, parlez, dépêchez-vous, gronda-t-il d'une voix brutale. Vous voyez bien dans quel état vos imprécisions me mettent. Elle n'osait toujours pas avouer la vérité.

— Je sais, Renaud. C'est pour cela que je suis venue... afin que vous ne vous trouviez pas seul quand vous sup porterez le choc...

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Perdant toute patience, il la saisit par le bras et la secoua rudement.

— Enfin parlerez-vous, petite sotte ? jeta-t-il.

les dents serrées par la colère. A ce moment, Méric intrigué par les cris, sor- tit. On venait d'annoncer le train descendant vers la grande ligne et il était allé ouvrir la voie.

Il vit le geste emporté de Renaud et la détresse de Dora. Alors, sans se rendre compte qu'il se mêlait d'une affaire qui ne le concernait en rien, il s'adressa au jeune homme.

— Pourquoi la secouez-vous ainsi, Monsieur Renaud ?... Vous ne voyez donc pas que cette petite s'est dévouée pour vous et que vous la faites trembler de peur ? Ce qu'elle n'ose pas vous avouer, c'est moi qui vous le dirai, puisque tout à l'heure, vous n'avez pas deviné mes allu- sions... Elle vous supplie de ne pas monter aux Trois Seigneurs, parce qu'aujourd'hui, on y fête les fiançailles de Mlle Béatrice.

— Méric ! reprocha Dora, vous n'auriez pas dû...

— Vous voyez bien qu'il le fallait... Que se- rait-il arrivé sans cela ?

Arcel, blanc comme un linge, avait chancelé et s'était appuyé à la portière ouverte de la voi- ture.

— Vous dites ? Ses fiançailles ? bredouilla-t-il.

Puis, se reprenant :

— Avec qui ?

— Avec M. André Dunoyer, le richissime pa- tron de la nouvelle usine de Bornièrès. Vous avez dû la voir en passant.

Renaud cherchait dans son esprit le nom cité.

— Dunoyer... Dunoyer... dit-il un instant après, celui qui a déjà monté l'affaire de Trou- hans ? Mais il a près de cinquante ans ?

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— Au bas mot, Monsieur Renaud. Seulement, il possède quelques dizaines de millions et c'est ce qu'il fallait a Mlle Béatrice.

L ingénieur eut un ricanement de dépit.

— Mais ceci, alors ? Qu'est-ce que ça signifie ? Il prenait son portefeuille dans sa poche et en tirait un télégramme soigneusement plié qu'il tendit à Théodora.

D'une main tremblante, elle repoussa le pa- pier.

— C'est moi qui vous l'ai envoyé, Renaud, répondit-elle d'une voix éteinte par l'émotion, tandis qu'elle levait vers le voyageur ses beaux yeux teintés de violet et semés de pigments d'or. — Vous ?... Pour quelle raison ?

— Je ne voulais pas que vous arriviez en France sans qu'une pensée affectueuse vous y accueillît.

Il éclata d'un rire sonore et injurieux.

— Fille folle et fantasque, s'écria-t-il, vous ne vous êtes donc pas rendu compte du mal que vous pouviez faire ? Vous deviez bien deviner à qui j'ai immédiatement attribué « la pensée fidèle qui était auprès de moi à l'arrivée ». Y avez-vous seulement pensé ? — J'ai cru bien faire.

Renaud haussait les épaules et se tournait furieux, lorsqu'à côté de lui, François Méric mur- mura quelques mots inintelligibles. — Que d ites-vous ? interrogea l'ingénieur.

— Que c'est tout à fait la résurrection de la légende des Trois Seigneurs. — Allez-vous être aussi stupide que Théo- dora ? Je commence à en avoir assez de cette histoire ridicule. Et je vous promets que vous pouvez me croire. S'il a plu à Béatrice de violer, comme son aïeule, la parole donnée, moi, je ne serai pas aussi sot que mon ancêtre Renaud. Et

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vous, Théodora, si vous avez espéré la même chose que la Théodora de jadis, je vous assure que vous vous êtes grandement trompée. Je ne suis ni un poète, ni un chevalier et je n'épou- serai pas l'actuelle laideronne, vous m'entendez bien. Je ne pousserai pas le dépit jusque là. La colère prévue par Méric éclatait. Mais au lieu de la coupable, c'était l'innocente petite cou- sine qui en faisait les frais. Sous l'outrage, elle pâlit atrocement et ses yeux se mouillèrent. — Oh ! Renaud... Renaud ! balbutia-t-elle, prête à défaillir. Méric en eut pitié et s'approcha d'elle.

— Ce n'est pas bien, Monsieur Renaud, ce que vous venez de faire. C'était...

Il ne put terminer sa phrase. A cent mètres à peine, la locomotive du train descendant annonçait son arrivée. Aussitôt, il s'échappa, prit son fanion et courut vers le quai. Derrière lui, d'Arcel courait à son tour.

— Prévenez le contrôleur : je monte sans billet. Je paierai dans le train. Je continue sur Marseille.

A peine la rame immobilisée, l'ingénieur sauta dans le premier compartiment venu. Il était temps : déjà le coup de sifflet du chef de gare donnait le signal du départ. Au même moment, une silhouette toute blan- che surgissait sur le quai. — Renaud ! Renaud ! cria-t-elle.

Mais le convoi était en marche et personne ne se montra à aucune portière. Pourtant, Dora demeurait là, inerte, gardant un dernier espoir de voir un visage paraître, une main s'agiter vers elle. En vain : la haie de buissons qui lon- geait la voie masqua vite le train et bientôt le dernier fourgon disparut.

Alors l'infortunée ne chercha plus à retenir

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ses larmes. Qui les aurait vues dans la petite gare où les voyageurs étaient rares ? Et qui au- rait deviné le drame qui venait de se passer ? Seul Méric en fut le témoin.

— Venez, Mademoiselle Dora. Ne vous laissez pas abattre, dit celui-ci.

Il l'entraîna dans son petit bureau, ouvrit un placard et en sortit un flacon et un petit verre. — Tenez, avalez cet alcool. Il vous fera du bien. C'est un cordial que j'ai apporté du ma- noir d'Arcel.

En tremblant, elle prit le verre, essaya de le porter à ses lèvres. Ses sanglots l'en empêchè- rent. Elle subissait encore le contre-coup de la scène, ne voyait qu'une chose, le visage furieux de Renaud, ne pensait qu'à ce départ brutal, sans adieu, sans explications. Pour elle, Arcel était parti vers l'inconnu et sans doute pour toujours. Et cette fuite, par sa faute, parce qu'elle avait voulu bien faire... Avait-elle été assez sotte !

— Mademoiselle, insistait François.

Elle ne l'écoutait pas, elle ne l'entendait pas.

Elle demeurait figée dans son idée, dans ce re- proche que, comme un lamento, elle se faisait à elle-même.

— Je ne savais pas... Je croyais que c'était mieux de venir le prévenir, murmura-t-elle entre deux spasmes. — Oui, c'était mieux, affirma Méric. Si vous n'étiez pas venue, personne ne l'aurait empêché de monter aux Trois Seigneurs... Pas même moi... Et il y aurait eu un malheur, j'en suis sûr... Seulement, ma pauvre Mademoiselle, c'est vous qui avez écopé pour l'autre.

— Et il est parti !...

— Cela aussi vaut mieux. Vous n'avez pas remarqué ? J'ai donné le coup de sifflet dès que

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M. Renaud eut fermé sa portière. C'était avant l'heure, mais tant pis. J'avais trop peur qu'il ne revînt sur sa décision. Et alors, que serait-il advenu ? Vous vous seriez peut-être sacrifiée pour rien. En écoutant le brave homme, Dora avait relevé la tête et calmé ses sanglots.

— Peut-être avez-vous eu raison, François...

Pour moi, tant pis si j'ai été assez durement malmenée. Je resterai la petite orpheline sans...

Elle avait un air lamentable, avec ses joues et son nez rougis et boursouflés par les larmes, ses yeux délavés par le désespoir.

Emu de nouveau, Méric saisit la petite main fine et la blottit dans les siennes, larges, rudes et calleuses.

— Il ne faut pas vous en faire, Mademoiselle Dora. Nous autres, les hommes, nous sommes tous les mêmes. Jeunes, nous sommes fous et emballés. Plus tard, la vie nous apprend à com- prendre...

Il s'arrêta un instant et tapota la minuscule main prisonnière. — Et nous revenons... M. Renaud reviendra...

comme les autres.

Elle comprit l'intention du vieux jardinier et leva vers lui un regard calmé et reconnaissant.

— Merci, Méric, de votre encouragement.

Vous m'avez comprise... J'aimais beaucoup M. Rènaud. Il avait toujours été doux et bon avec moi, autrefois. C'était le seul qui ne se moquait pas de ma laideur, ni de ma pauvreté.

De cela, je lui étais reconnaissante... j'en gardais le souvenir jusqu'au fond de moi... J'avais l'im- pression, en pensant à lui, qu'il me protégeait, qu'il me soutenait contre les moqueries et les vexations.

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COLLECTION MIRABELLE Direction littéraire : 31, rue de la Fonderie, Toulouse.

Inscrit sous le n° 388 du registre des travaux des Editions des Remparts, 38, rue des Remparts-d'Ainay, LYON

Directeur responsable : Jean Liard.

951. — imp. Bellecour (S.N.E.P.) Lyon. — C.O.L. : 31.1258.

Dépôt légal : 1 trimestre 1956.

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

sur un support imprimé, conformément à la loi n° 2012-287 du 1er mars 2012 relative à l’exploitation des Livres Indisponibles du XXe siècle.

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La couverture reproduit celle du livre original conservé au sein des collections de la Bibliothèque nationale de France, notamment au titre du dépôt légal.

*

La société FeniXX diffuse cette édition numérique en vertu d’une licence confiée par la Sofia

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