FACULTE DE
MEDECINE ET DE PHARMACIE
DE BORDEAUXANNEE 1898-1899 i\'o
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE SÉMÉIOLOGIQUE
DE
U mil IIITE RUl
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 7
Décembre 11198
PAR
Pierre-ÏVÏarie 33
A.GORe <
Né àGarparet-sur-Mer^Finistère), le25 mai1872
Élève duService de Santé de la Marine
<o
Examinateurs dela Thèse:>
MM.PITRES professeur.... Président.
MORACHE professeur....\ SABRAZÈS agrégé Juges.
LEDANTEC agrégé )
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront
faites
surl«s
diverses parties de l'Enseignement
médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU MIDI — PAUL
CASSIGNOL
91 — RUE PORTE-DIJEAUX — 91
1898
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DE NABIAS,doyen. — M. PITRES, doyen
honoraire.
t*n«ri5S$B5UB6tt
MM. MIGÉ \
AZAM Dupny MOUSSOUS
Professeurs honoraires.
MM.
\ PICOT.
Clinique interne
j
PITRES. , \ DEMONS.
Clinique externe
j
LANKL0NGUE Pathologie et théra¬peutique générales.
VERGEIA
.Thérapeutique
AltNOZAN.
Médecineopératoire. MASSE.
Clinique d'accouche¬
ments LEFOUR.
Anatomie pathologi¬
que COYNE.
Anatomie BOUCHARD.
Anatomie générale et
histologie VIA1JUT.
Physiologie JOLYET.
Hygiène LAYET.
AGUÉ&B5S 85A'
SKCTION DE MÉDECINE (PatholotJ MM. CASSA ET.
'|
AUCHÉ.
SABRAZÈS.
Médecine légale Physique Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique desmaladies chirurgicales des en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicale des
maladiesdesenfants Chimiebiologique...
B5X851&CICI5 : ie interne etMédecine
MM. LE DANTEC HOBBS.
MM.
MORACIIE.
BERGON1É.
BLAREZ.
GU1LLAUD.
FIGUIER.
DE-NABIAS.
FERRÉ.
BADAL.
PIECIIAUD.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS.
DENIGÈS.
légale.)
(MM. BINAUD.
Pathologieexlerne< BRAQUEHAYE ( CHAYANNAZ.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS
Accouchements.IMM. CHAMBRERENT FIEUX.
Anatomie,
SECTION DES SCIENCESANATOMIQUES ET H H YS101.0 G1Q U E S
JMM.
PR1NCETEAU
|1Physiologie MM. PAC110N.
Histoire naturelle. TtFll.RE.
CANNIEU.
SECTIONDES SCIENCESPHYSIQUES
Physique MM.
SIGALAS. | Pharmacie....
< 4)1 KM C48.81 â» ii 85 SI85 XT A I 25 Clinique desmaladies cutanées et
syphilitiques
Clinique desmaladies desvoies urinaires
Maladies du larynx,des oreilles etdu nez Maladies mentales
Pathologie interne Pathologie externe Accouchements Chimie
Physiologie.
Embryologie Pathologie oculaire
Conférenced'Hydrologie,etMinéralogie
Le Secrétaire de la Faculté:
M. BARTHE.
85S :
MM. DUBREUIUII.
POUSSON.
MOURE.
RÉGIS.
RONDOT.
DENUCÉ.
CHAMBRERENT.
DUPOUY.
PACHON.
CANNIEU.
LAGRANÂE.
CARRES.
REM A IRE.
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté aarrêté que les opinions émisesdans
les
Thèsesquilui sontprésentéesdoivent être considérées commepropresàleursauteurs,
et
qu'elle n'entend leurdonnerniapprobation ni improbation.
A MES PA RENTS ET A MES AMIS
A tous ceuxquise sont
intéressés
àmoi
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR PITRES
DOYEN HONORAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
MEMBRE CORRESPONDANT DE LA SOCIÉTÉ DEBIOLOGIE
INTRODUCTION
Après les discussions qui, depuis deux ans, ont été sou¬
levées autour de la main dite succulente, il nous a
semblé
qu'uneétude d'ensemble, qui n'en avait
pasencore été faite,
pouvait présenter
quelque intérêt. Notre but
aété simple¬
ment de montrer, en nous appuyant sur un
certain nombre
d'observations, les unes déjà
publiées, les autres inédites
recueillies par M.
Sabrazès et
par nous, quela main succu¬
lente n'est pas une
et qu'elle peut présenter des modalités
variables avec les affections dans
lesquelles elle
semontre
:syringomyélie, hématomyélie, poliomyélite chronique, hémi¬
plégie,
myopathie progressive, névrite radiculaire.
Passant à la question du
diagnostic,
nousrapprocherons
de la main.succulente
l'œdème bleu des hystériques et la
main
parfois spéciale de certains rhumatisants chroniques.
Enfin nous effleurerons la
question
encorecontroversée
de la
pathogénie.
Avant d'entrer dans notre sujet, nous
adressons tous nos
remerciements à nos maîtres des
hôpitaux, de la Faculté et
de l'École du Service de santé de la
Marine.
M. le
professeur agrégé Sabrazès nous a donné l'idée pre¬
mière de cettethèse et c'est sous sa
direction
que nousavons
rédigé lesobservations originales
quecontient notre travail;
il ne nous a ménagé ni son
temps, ni
sesconseils, nous lui
en témoignons toute
notre reconnaissance.
Que M. le professeur Pitres, dont nous avons eu le bonheur d'êtrel'élève, veuille bien recevoirl'expression de nos senti¬
ments de respectueuse gratitude pour l'honneur qu'il nous faitaujourd'hui en acceptant
la présidence
de notre thèse inaugurale.CHAPITRE PREMIER
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Le 23 mars 1897, Marinesco, dans sa
thèse inaugurale inti¬
tulée « Main succulenteet atrophie
musculaire dans la syrin- gomyélie
»,écrivait
: «Je me propose,dans
cetravail, de
montrer
qu'il
existe au coursde la syringomyélie des
troubles
trophiques vaso-moteurs particuliers qui, associés
à
l'atrophie musculaire qu'on rencontre souvent dans cette
affection, assurent à la main un
cachet si spécial qu'on peut
faire aisémentle diagnostic
de la syringomyélie
sansavoir procédé à
un examencomplet du malade. Aussi, jus¬
qu'à plus
ample informé, je considère que cette main
appartient enpropre
à la syringomyélie et, pour caractériser
ce type,
j'adopte le
nomqui m'a été suggéré par mon cher
maître, M. Marie,
celui de main succulente». Marinesco
enrichissait ainsi la séméiologiô de
la main d'un type
nou¬veau qui devait
prendre
rang avecla main de Morvan, la
main chiromégalique et
la main de Raynaud dans le cadre
delà
neuropathologie.
Ces troubles trophiques
de la main consistent en un
œdème dur ne laissant pasde
godet à la pression, envahis¬
sant la facedorsale de la main et la
racine des doigts. La
peau est froide et
sèche, cyanotique et lisse. Les doigts sont
fuselés. Les éminences thénar et
surtout hypothénar sont
- 10 -
atrophiées. La main,
déjetée
vers lebord
cubital, est en extension plusoumoins prononcée sur le poignet.Déjà les vieux auteurs avaient décrit l'œdème dur du dos de la main accompagné de cyanose; mais011 avait toujours
considéré cet œdème comme un trouble trophique d'ordre
banal et nul n'avait songé à lui attribuer une valeurséméio-
logique. Marinesco,
s'appuyant
sur quatre observations de syringomyélie,en faisait un signepatliognomonique
de cette affection. Mois la main succulente n'entra pas deplain-pied
dans le domaine nosologique. L'importance
diagnostique
que lui attribuaitson créateur ne fut pas admise sans con¬
teste et Marinesco eut à lutter bientôt contre MM. Gilbert et Garnier, Miraillé, Crocq fils, et surtout Déjerinequi, par des observations nombreuses, vinrent ébranler sa conception
et montrer qu'en
dehors
de la syringomiélie il peut se pro¬duire des troubles trophiques et vaso-moteurs rappelant parfois à s'y
méprendre
la main succulente.C'est ainsi, que le
8
juin 1897, MM. Gilbert etGarnier rap¬portaient à la
Société
de Biologie un casd'hémiplégie
ancienne avec main succulente mais sans atrophie muscu¬
laire.
Le 12juin, M.
Déjerine
communiquait à la Société de Bio¬logie également trois cas de
poliomyélite
chronique, dont un suivi d'autopsie,où
la main succulente étaitaccompagnée d'atrophie musculaire
type Aran-Duchenne. Il rapportait en même temps un cas deparalysie
infantile chez une jeunefille deson service: la
paralysie
adébuté
à dix-huit mois et afrappé
les membres inférieurs
qui présentent sur la face dorsale du pied desaltérations
analogues à cellesqu'on
observe chez ses
poliomyélitiques.
Le 26juin, M. Miraillé a
rapporté
à la même Société un cas demyopathie atrophique
progressive, type Landouzy- Déjerine, avec main succulente.Le 17 juillet, M. Marinesco riposte et il présente à la Société de Biologie « plusieurs malades destinés à montrer les différences qui séparent la main succulente propre à la
- il —
syringoinyélie de types plus
oumoins analogues mais appar¬
tenant à d'autres affections».
Ilénumère alors les trois élé¬
ments essentiels qui
entrent dans la constitution de la main
succulente: 1° œdème, 2°
atrophie musculaire, 3°extension
de la main sur le poignet
(attitude de main de prédicateur),
et déclare que
le malade de M. Garnier
neprésente pas le
type
de la véritable main succulente parce que l'atrophie
manque,
quant
auxmalades de M. Déjerine et de M. Miraillé
ils n'offrent nullement l'attitude
de main de prédicateur.
M. Déjerine,
dans la séance du 24 juillet, en réponse à
M. Marinesco, rapporte une
observation de syringomyélique
chez
lequel, les troubles moteurs'et sensitifs étant les mômes
des deux côtés, il existe
cette particularité
quela main
succulente existe seulement
du côté où l'attitude de main de
prédicateur
est à peine ébauchée.
Enfin, M. Grocq
fils, dans la séance du 26 février 1898 de la
Société belge de
neurologie,
prouvepar une observation de
syringomyélie à marche descendante que l'atrophie ne doit
pas
fatalement entrer
enligne de compte dans la main suc¬
culente.
Cetexposé
rapide des discussions dont la main succulente
a été l'objetnous prouve
suffisamment que sa place n'est pas
encorebien établieet
qu'au terme de
«main succulente » ne
répond pas un
tableau bien défini, identique à lui-même. Il
importe donc
de continuer cette étude.
CHAPITRE II
Affections dans
lesquelles
onrencontre la
main dite succulente.
1°
Syringomyélie.
ObservationI
(Sabrazès et Dagorn)
(Prise à l'hôpital Saint-André,
consultation de M. Sabrazès.)
Histoire de la maladie.— JeanH..., âgé de
soixante-six
ans,natif
de Bordeaux qu'il a
toujours habité,
a eu uneenfance exempte de
maladie. A dix-huit ans, comme il
exerçait le métier de charretier, qui
l'exposaitaux
refroidissements, il constata de la faiblesse et des four¬
millementsdans la main gauche; le
matin il éprouvait de là difficulté à
remuer les doigts. Jamais il
n'a ressenti de douleur. L'atrophie muscu¬
laire, quiintéresse
le membre supérieur
enentier, se développa progres¬
sivement etàvingt-cinq ans
la colonne vertébrale se voûta à son tour
toujours sans
douleur. Quand les mêmes phénomènes se montrèrent
dansla main droite, c'est-à-dire
sept
ouhuit
ansaprès le début de la
maladie, JeanH...
fut contraint d'abandonner son métier. Les membres
inférieurs n'ont pas été
notablement atteints jusqu'à l'année dernière ; le
maladea pufaire, à
pied, à cette époque, 36 kilomètres en une journée
sans fatigue
notable. La tuméfaction
quenous constatons aujourd'hui
surla facedorsale delamain gauche
et des doigts
acommencé il y a
trente ansd'abordpassagère,
puis permanente.
- u -
Antécédentspersonnels.—La santé générale a toujours été excel¬
lente à partun peu de constipation,
quelques
crampesd'estomac.
Trans¬piration abondante de la tête, pas de
transpiration exagérée des pieds.
Engelures fréquentes pour lesquelles
le malade
est venu sefaire soi¬
gner àdiverses reprises à
l'hôpital.Saint-André.
Marié à trente-sept ans, Jean H... eut trois
enfants; le premier
estmortà six mois,le deuxième àquatre ans
neuf
mois (ducroup), le
troi¬sièmevit encore ; c'est unjeune homme de
vingt
ans, que nous avonsvu; pastrès vigoureux, mais se portant
bien
et neprésentant
aucun trouble nerveux.Antécédents héréditaires. — On ne commit pas de maladie sembla¬
ble dans la famille. Le père, mort à soixante-dix-neuf ans, était un vieil alcoolique, mais ne s'était livré àla boisson
qu'après la naissance
du malade. La mère est morte à quarante-huit ans, hydropique. Frère
mort d'une maladie inconnue. Sœur âgée de soixante-onzeans, encore, existante, toujours dépourvue
d'appétit, mais
pasmalade.
Etatactuel, G novembre 1898. —L'examen de la facene révèle rien d'anormal, elle n'estpas amaigrieetprésente
J.es
apparencesd'une bonne
santé. Aucune modification dans sa musculature ni danssa sensibilité.
L'acuité visuelle estbonne, le malade lit bien sans lunettes, les pupilles
sont égales, ellesréagissent
parfaitement
àla lumière
et àl'accommo¬
dation. Champ visuel normal.
Lalangue ne présente pas de trace
d'hémiatrophie. Le
sensdu goût
estintact ainsi que celui de l'audition ;l'odorat est un peu
émoussé; le
malade mouche beaucoup.
Ce quifrappe surtout,
c'est l'état des membres supérieurs. Le sujet
étant debout,les brastombent le long du corps inertes, les deux mains
en extensionsurle poignetdans une position intermédiaireà la prona¬
tion et à la supination. Dans
la marche, les mains
sontballantes,
por¬tées un peu plus en dehors
de l'axe du
corps et ensupination plus
accentuée. Dansl'attitude du serment, on voitseproduire dans les deux
mainsdes mouvementsinvolontaires,irréguliers, de flexion, d'extension,
delatéralitése passantdans
la main
etdans les doigts.
On en compte52environ par minute. Ces secousses
lentes
etde faible amplitude
rap¬pellent tout à fait les mouvements qu'on observe dans les mains des lépreux. Nous netrouvons cependant ni sous la peau ni au niveau des
oreiLes de nodules pouvantfairepenser à des lépromes.
— 15 —
Le malade,originaire
de Bordeaux, l'a toujours habité
;il n'a jamais
eu deplaques ni
taches
surle
corps.Les nerfs cubitaux ont peut-être
un volume un peu plus
considérable
quenormalement
;ils sont plus
consistants, mais ils ne sontpas
moniliformes
;à gauche, le nerf cubital
présente, avant
de pénétrer dans la gouttière du coude,
unrenflement
fusiformeindolore. L3 pincement de ce
nerf,
àgauche
commeà droite,
le laisse insensible etnedétermine pasderetentissement
dans les doigts.
Examen de la main gauche. — La
particularité qui attire le plus
l'attention, c'est le boursouflement en massedont elle est le siège. On
dirait que le tissu
cellulaire sous-cutané
aété injecté. La
peauest
•re¬marquablement
lisse
etluisante, et cela à partir du pli du poignet
jusqu'au bout
des doigts, surtout
surla face dosale. Elle
a uneteinte
violacée, asphyxique, surtoutau
niveau des deux dernières phalanges.
Pas de douleur spontanée ni
provoquée
parla pression
;seulement
unesensation permanente de
froid
sansphénomène de l'onglée.
La mensuration au niveau dela tête des métacarpiens nous
donne
22centimètres à gauche, 20
centimètres à droite
;à la racine du mé¬
dius, 9 cent. 1/2 à gauche, 9
centimètres à droite;
auniveau de la
deuxième phalange du
médius, 9 centimètres à gauche, 8 cent. 1/2 à
droite; à la troisième phalange, 0 cent.
1 /2 à gauche, 6 centimètres à
droite.
La lignecubitale, la
main étant
enpronation, est légèrement excavée ;
la ligne de profil de
l'index est également
un peurentrante, mais
beaucoup moins que
la ligne de l'auriculaire. La face dorsale de la main
est le siège d'un gonflement
qui n'est
pasà proprement parler de
l'œdème; lapression légère
détermine l'apparition d'une tache blanche
qui disparait rapidement,
mais la pression forte produit un godet
véritable. Cette tuméfaction du dos de la main efface
complètement les
détails de structure: le relief destendons extenseurs n'est
plus visible,
la saillie des veines a aussidisparu et les
fossettes qui séparent les têtes
métacarpiennes sont
comblées,
cequi donne à la main un aspect
potelé.
La face palmaire est
également tuméfiée, mais les plis sont moins
effacés. Les muscles des éminences thénar et hvpothénar
sont complè¬
tement atrophiés, la main est
plate, simiesque.
Cette main a les caractèresd'une main gelée.
Elle est extrêmement
— 16 -
froideau toucheret le froidaugmentel'aspect cyanotique demêmeque l'attitude tombante. La chaleur du lit diminue la tuméfaction et la cyanose au dire du malade ; sous soninfluence la température de la main s'élève, mais, ramenée aux conditions extérieures, celle-ci se
refroidit bien vite: la température locale prise en ce moment sur la face dorsale donne27°.
Les doigts ont tous la forme de fuseauxallongés. Le pouce est en
extension, sa pulpe regardant l'axe de la main; l'index, le médius, l'annulaire sont légèrement infléchis; le petit doigt, en rectitude dans
l'abduction, forme avecl'annulaire un angle assez ouvert. La peau y présente les mêmes caractères qu'à lamain ; elle est lisse, luisante, froide, cyanosée, de plus elle semblecomme collée aux os. Les ongles
sont malades depuis deuxans; l'altération a débuté parle petit doigt;
actuellement cetongle est considérablement déformésaufau niveau du quart supérieur de la lame unguéale.Le reste est surélevéavec épaissis-
sement considérable du limbe corné. Il est strié transversalement,
incurvé
hippocratiquement;
la lame cornée dans sa partie malade aperdu son lustre, elle a une couleur gris brunâtre avec des points noirâtres dans les sillons transversaux. Hyperkératose du lit. Cet ongle de l'auriculaire va s'effilant àl'extrémité, ainsi que le bout du
doigt,
qui est considérablement déformé; le malade a eu du reste unesuppuration avec untrajet fistuleuxily a deux ans (panaris analgé¬
sique).
On lui a fait des pansements phéniqués pendant plusieurs mois: lepanari a guéri au prix dedéformations,
qui sont les suivantes : 1° présenced'une cicatrice un peudéprimée sur le bord externe du petit doigt, adhérente profondément; 2° mouvements anormauxà l'union de lapremière et de ladeuxième, cette secondephalange est très réduite ; 3° attitude vicieuse de la première et la deuxième phalange; 4° déjette-ment en dehors de la deuxième etde latroisième
phalange.
L'attitude vicieuse au niveau del'articulationphalango-phalanginienne
est telle qu'onpeut couder cette articulation à 100°, sans déterminerla moindre douleur.Al'annulaireetaumédius lesonglessont
hippocratiques
;ils présentent des sillons transversaux et des cannelures longitudinales exagérées.L'ongle a perdu sa teinte rosée, la lame unguéale est blanc grisâtre
vers le quart supérieur, et rouge violacédans les autres parties." Le
— 17 —
repli sus-épidermique est irrégulier et desquamé. L'ongle de l'index présente des altérations plus accusées: 1° il estinforme, ce n'est plus qu'un moignon; 2° la lame unguéale a perdu son poli et présente
des sillonstransversaux irréguliers. Le lit présente une hyperkératose marquée. Il est cassant et indolore, pas de chute spontanée. Le pouce
présente des altérations au début.
Main droite. —Elle se différencie de la maingauche par un gonfle¬
ment moins marqué, par le déjettementsur le bord cubital qui y est plus accusé, par l'extension plus marquée de la mainsur le poignet, par la flexion vers la paume,de la deuxième ettroisièmephalange(mainen
griffe).
Sauf l'attitude des phalanges et l'état potelé moindre, on y rencontre les mêmes déformations qu'à gauche. Une pression forte s'accompagne d'un godet persistant. Les téguments de la main ont moins de souplesse et moins de tendance à combler le godet. Le refroi¬dissement parait aussi marqué à droitequ'à gauche, la cyanose est moins accentuée. 11 existe de plus au niveau de cette main des ecchy¬
moses, résultats de petits traumatism.es; c'est ainsi qu'à la base du premier métacarpien existeune petite tache
lenticulaire,*
ainsi qu'à laracine du médius. Ces petites plaies disparaissent assez vite au dire du
malade. La main estplate dans sa paume,grâce àl'atrophie de l'émi-
nence thénar et surtout hypothénar. Les ongles présententà peu près
les mêmes déformations quecelles qu'on observeau pouce gauche.
Cage thoracique et membres supérieurs. — Sinous
déshabillons le
malade, les membressupérieurs et le thorax étant àdécouvert,
notre attention estattirée par unedéformation considérable de lacage thora¬cique. En avant, noustrouvons unthorax excavé en bateau,
plus sail¬
lant à gauche; en arrière, unecyphose
cervico-dorsale
àgrande
cour¬bure, accompagnée d'une scoliose dorso-lombaire peu accusée, à
concavitédroite. Toutes ces déformations sesont produites sans déter¬
miner la moindre douleur.
La musculature estprofondémentatteinte. Le
grand rond, le grand
dorsal, lessus et sous-épineux, le deltoïde sont trèsatrophiés,
etles
pectoraux, dont il ne reste que quelques vestiges, sontextrêmement
tendus. Les muscles des gouttières paraissentconservés.
Aux avant-bras,on estfrappé par l'atrophie
musculaire intéressant
lesextenseurs; les divers autres groupes
musculaires
sontégalement
Dag. 2
— 18 -
atrophiés, en
particulier les muscles cubitaux, mais le groupe des mus¬
clesépicondy
liens est relativement épargné.
Lesbras, quoique
grêles, sont moins atrophiés
:les biceps ont une
saillie notable, tandis queles
triceps,
mouset flasques, sont très réduits.
Cette atrophie
des membres supérieurs s'accompagne d'attitude
vicieuse desjointures;
le coude est ankylosé, l'épaule présente égale¬
ment une certaine immobilité résultant
d'ankylose fibreuse; la tète
humérale roule cependant sous
le doigt. Les muscles de l'avant-bras et
lebiceps sont le siège
do contractions fîbrillaires.
Etat
fonctionnel.
—Le haussement des épaules est assez notable, le
maladeportela
main derrière le dos facilement, mais il lui est impossi¬
ble de laplacer sur
la tète. Le bras peut s'écarter du tronc d'un angle
de701, laflexion de
l'avant-bras
surle bras arrive à l'angle droit. Le
membre étantdans l'extension, le malade ne peutopposer aucune
résis¬
tance àla flexion. L'avant-bras est généralement en
pronation. Les
mouvementsspontanés
de supination sont très restreints, et la supina¬
tionau lieud'avoir pourcentre
de mouvement l'articulation du coude
exige pour se
produire
unmouvement de rotation de tout le membre.
Lamain elle-même ne possédant que
quelques mouvements de flexion
etd'extensioninsignifiants, le
malade
nepeut s'en servir ni
pourmanger,
nipour
s'habiller
;les mouvements des doigts sont perdus.
Au niveau des membres supérieurs,
la
peau neprésente
pasd'épais-
sissement marqué,pas
d'œdème,
un peude
rougeurviolacée
auxpoi¬
gnets. A gauche, à
quatre travers de doigt au-dessus de l'olécrane et à
lapartie
postérieure,
ontrouve
unetumeur allongée, lobulée, ayant les
dimensionsd'une figue et
présentant la consistance molle du lipome. A
deux travers de doigt au-dessus de
l'épitrochlée,
onrencontre de même
un autre lipomedu
volume d'un haricot. Le bras droit présente au
même niveau unetumeur semblableà lapremière que nous venons
de
décrire à gauche. Lapeau
qui
recouvre ceslipomes est pigmentée et un
peuérythémateuse; on y remarque
de plus
unesaillie anormale des
orificesglandulaires.
L'examenélectriquedes
muscles, pratiqué
parM. le professeur Ber-
gonié, a donné
les résultats suivants
:Conservation de l'excitabilité faradique pour tous
les muscles de
l'épaule, du bras et
de l'avant-bras; inexcitabilité des éminences thénar
9^..1 ek 9/ &îakfc liruxZxik-- Tkv Z 1,oZ)t>-exMoXu>n_^
— 19 —
et hypothénar,
des interosseux palmaires et dorsaux, des lombricaux.
Mêmesréactions à gauchequ'à
droite.
Conservation de l'excitabilité faradique pour tous
les muscles des
membresinférieurset lesmuscles desgouttières.
Conservation de l'excitabilitéfaradiquepourle
nerf médian
autiers
moyen du bras et
le radial. Inexcitabilité à
peuprès complète du cubi¬
tal. Mêmesréactionspourles deux membres.
Excitabilité normale des
nerfaux membresinférieurs.
Courants galvaniques. —
Impossible de trouver
uneréaction de
dégénérescence nette sur
les membres, même les plus atrophiés. Inexci¬
tabilitégalvanique de tous
les muscles ayant perdu leur excitabilité
faradique.
Sensibilité. 1° Membre supérieurgauche. —
Contact bien
perçuet
bienlocalisésur toute lasurface du membre,moins
l'auriculaire et l'an¬
nulairequi sont
anesthésiques.
Piqûre :
analgésie
sur toutel'étendue de la main, au bras et à
l'avant-bras, sensibilitéd'autant
plus émoussée qu'on
serapproche de
l'extrémité du membre.
Température:
thermanesthésie
auchaud depuis le tiers moyen du
bras
jusqu'au
boutdes doigts.
Lasensibilité aufroid estsimplement
émoussée.
2°Membresupérieur droit. —
Contact et piqûre très bien perçus.
Température :
sensibilité
aufroid et
auchaud émoussée.
Membres inférieurs. —
Pendant la marche, le malade traîne le pied
droit et fauche dece côté;il use sa chaussure
surtout à droite et à la
pointe. Genu
valgum remontant à l'enfance. La station sur un pied est
impossible,. le malade peut
setenir debout les yeux fermés, mais la
démarche est incoordonnée dans les mêmes
conditions.
A l'inspection des
membres,
ontrouve quela partie antérieure des
cuisses estnotablement amaigrie et
particulièrement à droite; la mensu¬
ration à 10centimètresde l'extrémité
supérieure de la rotule donne 35
centimètres à droite et 30 àgauche.
Les mollets ont
unrelief normal :
33centimètres des deuxcôtés. A la
jambe,
ontrouve une excavation
tibiale sous-rotulienneintéressant le tiers
supérieur du tibia beaucoup
plus accuséeà
gauche qu'à droite. Cette déformation s'explique par un
allaitement défectueux, le malade
ayant été sevré à cinq mois. La peau
de laface internedelajambe
droite présente un aspect ichthyosique.
— 20 —
Aux pieds, onremarque que les orteils sont en extension légère par leurpremièrephalangeet trèslégèrement infléchis par leur troisième.
Les deux gros orteils sont un peu plus enextension queles autreset leurs tendons extenseurs fontun relief très apparent qui persiste tou¬
jours pendant lesmouvements de flexion etd'extension des orteils. Les onglessont dystrophiés, particulièrement au gros orteil droit ; l'ongle épaissi présente des sillons transversaux etsetermine parunecarapace cornée de couleur brune. Lepetit doigt, l'annulaire, le médius du pied droit sontle siège de cors. Pas de kératose plantaire; jamais de mal perforant, jamais de bulles pemphigoïdes. La sensibilitéaucontact, à la piqûre,à la température, est normalesur toute l'étendue des membres inférieurs; chatouillement plantaire un peu plus vif à gauche qu'à droite.
Appareilcirculatoire. —Au cœur les bruits sont sourds ; on n'y
trouve ni souffle, ni bruit degalop. Le pouls, assezfort, est unpeuiné¬
gal. La tension estplus forte àgauche qu'àdroite. On compte 76 pulsa¬
tions à la minute.
Rien aux poumons, rien au foie; alternative de constipation et de diarrhée.
Urines normales : ni sucre,ni albumine; les mictions nesont pastrop fréquentesetsefont un peu attendre.
Réflexes : périostiquenul au membre supérieur droit; conservé à gauche; abdominaux nuls,testiculaires nuls. Réflexes rotuliens : nor¬
mal à droite
(mais
un peupluslong àdisparaître),
vif à gauche. Pas de trépidation épileptoïde.Observation II
(Résumée).
(Crocq fils,Société belge de neurologie. Séance du 26février 1898.)
Un cas de syringomyélie à marche descendante.
Mme D..., âgée de soixanteans. Début il y a douze ans, par des troubles de la mobilité siégeant dans le bras et l'épauleet un amaigris¬
sement notable des muscles des épaules. Depuis trois ans les bras sont inertes. Ily aenviron cinq ans, la flexiondes avant-bras sur les bras
— 21 —
fut atteinte, elle diminua progressivement jusqu'à devenir impossible, puisl'extension des doigts fut gênéeetpar suite de la prédominance des musclesantagonistes, les fléchisseurs, les doigts se replièrent de plus en
plus. Ily atroisans, on ne constatait àlamain aucune atrophie, Mais
bientôt après, ilyadeux ans et demi, des troubles nouveaux se mani¬
festèrent, la sensibilité àla chaleur et àla douleur s'affaiblit progres¬
sivement jusqu'à disparaître complètement; les mains devinrent le siège d'un œdème notable
(la
pression du doigtylaissait ungodet).
Enmême temps, l'atrophie musculaire s'accentua sensiblement, les bras s'immobilisèrent deplus en plus, l'extension des avant-bras etla flexion des doigts devinrentplus marquées, les contractions fibrillaires furent plus manifestes. Actuellementl'atrophieest très prononcée, mais ellese localiseencoredans les muscles entreprisau début, les éminences thénar
et hypothénarparaissent indemnes. L'examen électrique des muscles
confirmel'examen clinique.
Observation III
(Résumée).
Syringomyélie. Main succulente unilatérale siégeant du côté
où la main de prédicateur est à peine esquissée (j).
Femme de cinquante-septans. Début à
trente-neuf
ans.Etat actuel,
10juillet 1897. Atrophie symétriqueet
totale des muscles des membres
supérieurs, mains, avant-bras, bras etépaules.
Adroite, main de
prédicateur classique avec flexionàangle droitdu métacarpe
surla face
dorsale du poignet. De ce côté, les radiaux et
le long supinateur sont
conservés. A gauche, la main de prédicateur est
beaucoup moins
accusée, et la flexion dorsale du poignet à peine
marquée. Le coude
gauche est ankylosé et il en estde même
pourl'épaule droite. Les
réflexes olécraniens sont abolis. Les membres inférieurs sont intacts.
Exagération très marquée des
réflexes patellaires,
avectendance
au clonus du pied. Cypho-scoliose.Diminution marquée de l'ouverture
palpébrale avec myosis sans signe
d'AR. La sensibilité thermique et
(*) Observation publiéeparCharcot,en
1889. Leçons du mardi, t. II.
p.509.
douloureuse est abolie sur toute l'étendue des membres
supérieurs,
la moitié supérieure
des faces antérieure et postérieure du tronc.
Lasensibilitétactile est intacte sur tout le corps. Les
sphincters sont
intacts. Contractions fibrillaires dans les radiaux etle long
supinateur
du côté droit. Mains : la main droite est squelettique,
blanche,
sans tracede cyanose, sanstrace d'oedème dur
ou mou,les doigts sont
minces, sans gonflementaucun,sans
coloration blanche, leur
peaun'est
ni lisse,niluisante. La main gauche est un
typa de main succulente, de
main potelée ;
elle
estcyanosée,
saface dorsale est gonflée, dure,
élastique,ne gardantpas
l'empreinte du doigt. Les veines et les tendons
ne sont plus visibles. Les
doigts sont boudinés, leur face dorsale est
cyanosée,
gonflée
etdure. La
peaude la face dorsale de la main et des
doigts est lisse, luisante et
sèche. Cette main est notablement plus
froide quela droite.
Tâchons de tirer do nos observations line description d'ensemble. L'attitude de la main est souvent
spéciale, elle
est déjetée sur
le bord cubital et la main est
enextension
dorsale sur le poignet
(main de prédicateur). Ce caractère
n'est pas constant
et souvent
onle voit plus accusé du côté
où il n'ya pas de
main succulente,
commele prouvent notre
observation et celle de Déjerine.
Un caractère constant est l'œdème total ou
partiel de la
moin, visible surtout sur laface dorsale et empiétant
surles
doigts plus ou moins.
Cet œdème est généralement dur,
nelaissant pas
de godet à la pression du doigt. Cependant,
une pressiontrès forte donne lieu à
unefossette d'ailleurs
peu Considérable etqui secomble rapidement.
Les détails de structure du dos de la main sont effacés,
on ne voit plus
le relief des extenseurs et les veinosités
disparaissentpartiellement
outout à fait. Les dépressions
interdigitales ne
sont plus visibles à la flexion des doigts et
sontremplacées par
des fossettes qui siègent à la racine des
doigts. En somme,la main est potelée. La coloration de la
peau a
subi aussi des modifications; elle présente le plus
ordinairement une teinte violacée cyanotique,
surtout à la
— 23 —
facedorsale dela
main et des doigts. Cette teinte cyanotique
peut
varier d'intensité; la position verticale et tombante des
mainsl'exagère,
de même
quela température ambiante; elle
augmente avec
le froid, elle diminue avec la chaleur. La peau
dela main estluisante,
lisse
autoucher, elle est sèche et
froide.
L'atrophie musculaire porte sur les éminences thénar,
hypothénar et les interosseux. Cette atrophie donne à la main
une
configuration spéciale. La ligne cubitale de l'auriculaire
est excavée au lieud'être convexe,
il
enest de même pour la
ligne
radiale de l'index
: cequi fait que les lignes partant
delà deuxième et de la
cinquième articulations métacarpo- phalangiennes
aulieu de se diriger obliquement en haut, en
s'écartant de l'axe de
la main, tendent,
aucontraire, à se rapprocher
enremontant vers le poignet. A la face palmaire,
l'atrophie fait disparaître les saillies musculaires et donne à
la main un aspect
simien. Nous ferons remarquer qu'il
existe des cas de main
succulente
sansatrophie des muscles
de la main. Ce
caractère n'est donc
pasconstant : l'observa¬
tion deCrocq surun cas
de syringomyélie à marche descen¬
dante en est la preuve.
Lesdoigts sont
modifiés dans leur forme; la tuméfaction
dont ils sontle siège
à leur racine et
surune partie variable
de leurétendue, leur donne une
forme en radis ou en fuseau
plus
oumoins allongé. La peau, lisse et luisante comme à la
face dorsale de la main,
semble comme collée à l'os sous-
jacent.
Il n'est
pasrare d'y rencontrer des cicatrices dues à
d'anciens
panaris analgésiques.
Enfin, les
ongles participent pour une part plus ou moins
gronde aux
lésions trophiques. Altérés dans leur forme,
dépolis et friables, on y rencontre des sillons transversaux
etdes cannelures
longitudinales exagérées. Le lit de l'ongle
est souvent
hyperkératosique. Nous sommes loin du « type
spécial qu'on retrouvera semblable à lui-même chez tous les
malades atteints de
cette affection ({) ». L'atrophie muscu-
(L Mamnf.sco,Thèse
de Paris 1897.
— 24 —
laire, la main de prédicateur peuvent faire défaut dans la
syringomyélie
comme nous venons de le voir. Nous ne nous étonnerons donc pas si nous ne les retrouvons pas toujours dans les affectionsque nous allons passer en revue,2°
Hématomyélie.
Observation IV (Sabrazès et
Dagorn)
(Priseàl'hôpital Saint-André, consultation de M. Sabrazès).
Marie D..., estâgée de
cinquante-sept
ans, la maladie adébuté ily a trente-deuxans.Antécédents héréditaires. — Lepère, mortde la variole à soixante- cinq ans, était un peu impatient, maissans tare nerveuse et n'ajamais
eu de maladie ressemblantà celle de la malade. La mère a toujours
été très vigoureuse, obèse même, maispas hydropique; elle est morte à soixante-dix-huitans d'une fluxion depoitrine. La malade n'a eu qu'un'e
sœurmorte à six ans d'une fièvre typhoïde. Parmi les collatéraux,nous
netrouvons nonplusrien de semblable. Les frères du père, morts àun
âge très avancé, laissentuneprogéniture nombreuse et vigoureuse. Pas d'alcoolisme, pas de trace desyphilis dans la famille.
Antécédents personnels. — Née à Toulouse, la malade a eu une enfance maladive. A quatre ans, elle eut le carreau, la santé générale
fut si mauvaise que les médecins la condamnèrent;envoyée à lacampa¬
gne, on lui appliqua derrière l'oreille un cautère qui provoqua une exsudation considérable de sérosité et amena, au dire de la malade, une amélioration qui se poursuivit jusqu'à guérison
complète. A six
ans, elle étaitrétablie et pouvait entrer en classe.L'enfance
se passa sans autre affectionqu'une rougeole bénigne.A onze ans,Marie D... est réglée et les menstrues ont
toujours été
régulières etabondantesjusqu'à laménopause qui s'est faite il
ya qua¬treans à l'âge decinquante-trois ans.
Mariée
àdix-sept
ans,elle
accou¬chedeuxans après sans difficulté d'une
fille actuellement âgée de trente-
cinq ans, etqui seporteà merveille, comme nousavons pu
le constater.
A vingt et un ans* fausse couche
de trois mois, occasionnée
par une— 26 —
chute dans l'escalier.A vingt-cinq ans, quatre
jours avant le début de
la maladie actuelle, accouchement du dernier
enfant, aujourd'hui âgé
de trente-deux ans, bien constitué et exempt
de ^troubles de la motilité
et de la sensibilité.
C'est ici que commence
la maladie qui
nous occupe, nouslaissons la
parole àla
malade. Elle
nousraconte
quequatre jours après son der¬
nier accouchement elle quittait le lit pour
reprendre
sesoccupations
quandune
voisine vint lui insinuer
que sonmari la trompait quotidienne¬
ment.Cettenouvelle bouleversasur-le-champla
malade
etamena,dit-elle,
une congestion intense
du
cerveau.Elle continua néanmoins à s'occuper
desonménage etplongea ses
mains dans de l'eau froide qui lui servait au
nettoyage de verres.
Elle les
ymaintint pendant quelques minutes,
mais ausortir de l'eau, un frisson général la
prit
enmême temps
qu'elleressentit dans les mains
unesensation de grand froid. Aussitôt
elle futobligée dese mettreau
lit, toujours préoccupée
parles com¬
mérages desa voisine et,
le soir, quand le mari rentra,
unevive al¬
tercation eut lieu entre les époux, si
bien
quela malade eut
unecrise de nerfs avec sensation de strangulation mais sans
perte de
connaissance;ellenous raconte de plus que son
mari fut obligé de lui
mettreune cuiller dansla bouche pour
l'empêcher de
semordre. La
scènese termina par une
crise de larmes du mari,
cequi eut le don de
fléchirla colère dela malade, mais elle sortit
de
sacrise courbaturée,
anéantie, continuant à
ressentir des troubles dans les deux mains, mais
surtout dans la main gauche. Ces
troubles consistèrent
enfourmille¬
ments, enun affaiblissement telque
dès le lendemain la main gauche
devenue impotente ne
pouvait servir
auxtravaux du ménage et
obligeait ta
malade
àavoir
recoursà la bonne volonté d'une voisine
pour lapeigner.
Ces phénomènes de la main gauche continuèrent à
progresserlentement
et,
aubout d'un mois, le toucher émoussé donnait
lasensation de corps
volumineux
aucontact des objets. La main droite,
relativementrespectée
primitivement, fut le siège des mêmes troubles
un mois après. Tout
cela évolua
sansdouleur.
Quelques années après, —
la date exacte n'en peut être précisée,
— apparut ungonflement des deux mains, gonflement qui fut d'abord
transitoire et plus
considérable
enhiver qu'en été et qui finit
pardeve¬
nir permanent.
Il
y aenviron dix
ans,la colonne vertébrale se voûta
— 27 —
sans déterminer de douleur et.en même temps, la maladeremarqua queles
muscles des épaules
etdes bras avaient diminué de volume
;la
force musculaire paraît cependantavoir été conservée.
Lamalade consulta àdifférentes reprises des médecins et des
empiri¬
ques. Lesuns
l'envoyèrent dans les stations d'eau minérales, l'électrisè-
rent, les autreslui conseillèrentl'immersion des mains dans du sang'
de
bœuf, dans du vinvieux; d'un côté commede l'autre, l'effet thérapeu¬
tiquefut
nul.
Unefois cependant, elle eut l'espoir de guérir. Pendant
son séjour à
Castelmontralquier (Cahors), elle alla consulter le curé de
Boulac quijouissaitcomme
guérisseur d'une renommée fameuse. Le bon
curé luiprépara une
infusion dans laquelle entraient toutes sortes d'her¬
bes etde racines
(oseille, épinards, chicorée
sauvage,etc.), auxquelles
on ajoutait du
café, du jus de citron, de l'huile de ricin. La médication
faténergique,car uneéruptionse montra sur
l'abdomen et la malade
secrut améliorée. C'estainsi qu'elle put
tricoter
unjupon,
cequi lui était
impossible auparavant.
Malheureusement, le curé mourut et ne put
continuer sa curemerveilleuse.
Etatactuel. 10 novembre1898. L'œilvif, les joues
colorées, l'embon¬
point dénotent une
santé robuste. La parole est facile et la langue ne
présente ni de déviation
ni d'atrophie. Pas de trouble dans la muscula¬
ture de la face. Lamusculature desyeux est
intacte, les pupilles sont
égales, réagissent àla lumière et à l'accommodation. Champ visuel nor¬
mal. Legoût, l'odorat,
l'audition sont
normaux.A la région frontale,
traces de cicatricesconsécutives àdes plaies
produites
pardes chutes
ac¬cidentelles.
Examende la colonne vertébrale et du thorax. —
A l'examen
durachis, on remarque : 1° une
cyphosecervico-dorsale à grandecour-
bure ; 2° uneinflexion très légère
à gauche, dans la moitié supérieure
de la colonne dorsale ; 3° courburede
compensation à droite, dans la
moitié inférieure delacolonnedorsale.
En arrière, l'hémithorax
droit est plus saillant que le gauche. Les
deux épaules sont
surélevées.
En avant, thorax en bateau,
la région scapulaire tombant en avant
de 3 centimètres; l'hémithorax
gauche est plus saillant que le droit. Le
creux sus-clavieulaire est excavéde 2
centimètres
aumoins et forme
uneloge triangulaire
limitée
enarrière par le trapeze. Le creux sous-
claviculaire est aussi très accusé.