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H1N1, pandémie, France et Big Pharma

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1564 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 août 2010

actualité, info

H1N1, pandémie, France et Big Pharma

Triste tendance masochiste tricolore à l’auto- flagellation ? Exercice critique et démocra- tique de «retour sur expérience sanitaire» ? On penchera ici pour la deuxième proposi- tion. En France, un rapport1 d’une commis- sion sénatoriale d’information vient de fournir une première analyse, décapante et virulente, de la politique gouvernementale d’ac quisi- tion des vaccins contre le virus A(H1N1). En clair, décryptage des rapports établis tout au long de l’année 2009 (et jusqu’au début 2010) entre le gouvernement français et les princi-

pales multinationales pharmaceutiques pro- ductrices de vaccins.

Nous ne sommes pas ici dans le genre de l’«investigation journalistique». Ce volumi- neux document est le fruit des travaux offi- ciels menés par une commission enquêtant sur «le rôle des firmes pharmaceutiques dans la gestion par le gouvernement de la grippe A (H1N1)». Entre le 23 mars et le 30 juin 2010, cette commission a procédé à une cin- quantaine d’auditions au cours desquelles elle a entendu une soixantaine de personna-

lités. Elle a aussi effectué cinq déplacements en Europe dont un, hautement fructueux, en Pologne. Les auteurs analysent tout par- ticulièrement les raisons qui ont conduit au fiasco le plan national français «Pandémie grippale». Ils dénoncent au premier chef le développement d’une «stratégie vaccinale figée par des contrats déséquilibrés et rigi des qui ont imposé au gouvernement des achats démesurés : 94 millions de doses dont 50 mil- lions ont pu être résiliées en janvier. Et il faut ajouter à cela une série de contraintes aussi problématiques que difficilement accepta- bles : impossibilité de réviser les contrats en fonction de l’évolution du schéma vaccinal, prise en charge par l’Etat des conséquences de la responsabilité des laboratoires du fait des produits défectueux, calendriers de livrai- son purement indicatifs, limitations de la res- ponsabilité contractuelle des fournisseurs.»

Et encore : «La stratégie vaccinale définie en mai et juin 2009 par le gouvernement français était dictée par la nécessité d’être en état de faire face à toutes les hypothèses d’évolution de la pandémie. A mesure que les incertitudes se réduisaient, elle aurait dû pouvoir s’adapter en conséquence, peut-on lire dans ce rapport. C’était malheureusement totalement impossible, car les contrats de fournitures de vaccins – largement sembla- bles d’ailleurs à ceux qui ont été conclus par d’autres Etats – interdisaient tout change- ment de cap. En matière de stratégie vacci- nale, le gouvernement français (…) s’est trou- vé enfermé dans une situation dont il n’a pu sortir que par la résiliation des contrats. Si la situation était devenue dramatique, il n’au- rait pas obtenu en temps et en heure les vac- cins nécessaires et se serait trouvé sans moyen de réagir devant une catastrophe sanitaire.

Elle a heureusement évolué dans l’autre sens et la catastrophe n’est "que" financière.»

Comme la plupart des pays industriels de l’hémisphère Nord, la France s’est adressée à des fournisseurs (Sanofi, Novartis, Baxter, GlaxoSmithKline) aux compétences indus- trielles reconnues et susceptibles d’obtenir rapidement des autorisations communau- taires de mise sur le marché des nouveaux vaccins. Pour les auteurs du rapport sénato- rial français, cet «oligopole de fait», associé à la pression mise sur les gouvernements som més de se décider en urgence, a fait que toutes les conditions étaient réunies pour donner l’avantage aux producteurs ; et ce d’autant plus que les Etats européens ont – pourquoi ? – fait le mauvais choix de négo- cier leurs contrats en ordre dispersé.

En France, le coût total des vaccins contre le nouveau virus H1N1 initialement estimé à 807 millions d’euros a, après négociations journal de la grippe mexicaine

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 25 août 2010 1565 sur les résiliations, été ramené à 389 millions

d’euros ; quant au coût total du plan vaccinal il est passé de 1291 à 602 millions d’euros.

Le rapport sénatorial français cite d’autre part le bulletin d’information économique Vaczine Analytics-Export React daté du 28 janvier 2010. Ce document indique que Glaxo SmithKline a livré 130 millions de doses de vaccins pandémi ques au dernier trimestre 2009, pour un montant de 1,3 mil- liard de dollars de chiffre d’affaires net ; No- vartis vaccines and diag nostics (ex Chiron) a fait progresser ses ventes de 38% entre 2008 et 2009 et vendu 100 millions de doses de vaccins pandémiques pour un milliard de dollars ; Sanofi Pasteur aurait enregistré plus de 250 millions de doses de comman- des pour 2009-2010 et réalisé en 2009 des ventes d’un montant de deux à trois mil- liards de dollars. Au total, les ventes supplé- mentaires dues aux vaccins H1N1 représen- teraient cinq à six milliards de dollars en 2009, chiffre à rapprocher du montant du marché mondial des ventes de vaccins en 2008, soit dix-sept milliards de dollars.

Sur le fond, les auteurs tirent sans aucun doute la leçon essentielle en écrivant : «Il n’est pas admissible que des autorités, char- gées d’assurer une mission de service public d’une importance vitale, soient à la merci des fournisseurs de vaccins». Dont acte. Que faire ? Et qu’a fait la Suisse ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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