2406 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 12 décembre 2012
Il s’agit d’une patiente de 62 ans, sui
vie depuis 30 ans, mère de famille très attentionnée (trois enfants adultes), dont le mari est retraité d’une place d’armes. Non fumeuse, elle est en excel lent état général et n’a consulté que pour de sim
ples problèmes de médecine générale (bou
chons de cérumen, affections virales, lom
balgies après jardinage, brûlures et plaies simples). Elle est ménopausée depuis l’âge de 59 ans. Au moment des faits, elle n’avait plus consulté depuis quatre ans.
Dans le courant de l’automne, sa fille té
léphone au cabinet pour dire que sa mère fait une dépression. Et qu’elle ne tient plus son ménage ! Un rendezvous lui est alors donné et, lorsque la patiente est vue en con
sultation, elle est tout sourire, se déclare cer
tes fatiguée, mais ne présente aucune plainte somatique, ni une thymie dépressive.
Pendant plusieurs mois, elle a régulière
ment rendu visite à sa mère en EMS ; celle
ci est décédée à 94 ans, il y a quatre mois.
A demimot, elle évoque un raslebol à l’égard de son mari, qui est exigeant, mais qui se repose totalement sur elle pour la gestion du ménage, y compris les paiements, impôts, etc.
A l’examen clinique, la patiente pèse 70 kg pour 168 cm (IMC 24,8 kg/m2), la TA est à 120/85 mmHg, le pouls est régulier à 72/
minute et le bilan sanguin ne révèle rien de particulier (tableau 1).
Au vu de ces résultats, une crise existen
tielle (syndrome du nid vide, conflit latent avec le mari, perte de sa mère) est évoquée et un entretien de famille proposé. Lors de
cet entretien, les enfants disent ne plus re
connaître leur mère, qui reste au lit le matin et ne prépare plus correctement les repas.
La fille se demande si sa mère n’est pas en train de débuter une maladie d’Alzheimer. Le test de la montre, effectué devant eux, est réussi (figure 1). En plus d’entretiens de sou
tien, un médicament fortifiant est prescrit à la patiente. Quelque temps plus tard, la pa
tiente revient pour un contrôle, disant que son mari est plus participatif et plus préve
nant. Mais la fille téléphone à nouveau pour dire qu’à la maison, c’est la catastrophe !
Au début de l’année suivante, un examen neuropsychologie approfondi conclut à un possible syndrome athymhormique a. Les examens complémentaires décidés après cet examen, (CTscan natif et IRM cérébrale) mettent en évidence une volumineuse tu
meur frontobasale interhémisphérique de 7 cm de diamètre, compatible avec un ménin
giome de type microkystique. A noter qu’à aucun moment la patiente n’a présenté de céphalées ou de crise d’épilepsie, et qu’elle ne s’est jamais plainte d’anosmie.
La patiente est transférée dans un service de neurochirurgie où l’on pose le diagnostic de méningiome olfactif avec extension supra
sellaire, traité chirurgicalement par cranio
tomie frontoorbitozygomatique droite. Au troisième jour postopératoire, on note l’ap
parition d’une hydrocéphalie tétraventricu
laire, nécessitant la mise en place d’une dé
rivation ventriculopéritonéale. Depuis lors, la patiente a perdu l’odorat et le goût, mais ne présente pas de troubles visuels. Un nou
vel examen neuropsychologique pratiqué quatre mois après l’intervention montre un léger dysfonctionnement exécutif. La pa
tiente tient à nouveau son ménage à la grande satisfaction de sa famille !
questions au spécialiste Quels examens d’imagerie sont les plus utiles dans cette situation ?
Chez une patiente présentant des trou
bles neurologiques progressifs, sans aggra
vation subite et sans perte de connaissance, l’examen d’imagerie le plus utile est une IRM cérébrale.
Que doit savoir le médecin de premier recours à propos du méningiome ?
Le méningiome est la plus fréquente des tumeurs intracrâniennes bénignes, repré
sentant entre 20 et 30% de toutes les tu
meurs intracrâniennes. Son incidence an
nuelle est de 2,3 pour 100 000 personnes.
Il est plus fréquent chez la femme, avec un ratio de 2:1, et l’âge moyen au moment du diagnostic est de 60 ans. La latence d’ap
parition des méningiomes est de l’ordre de 2030 ans.1,2 Le méningiome prend son origine des cellules méningothéliales de la membrane arachnoïdienne et se présente ainsi le plus souvent avec une base d’im
plantation durale. La localisation la plus fré
quente est la convexité, suivie de la région parasagittale, puis l’aile du sphénoïde, la ré gion parasellaire, la gouttière olfactive, l’angle pontocérébelleux, la base du crâne et, rarement, les ventricules.3
Les manifestations cliniques les plus fré
quentes sont les maux de tête, traduisant une hypertension intracrânienne, les crises d’épilepsie et les déficits neurologiques
Un train peut en cacher un autre
court-circuit
I. Nemitz B. Jenny
Dr I. Nemitz
FMH Médecine générale Ch. Crittet 3
1470 Estavayer-le-Lac Dr Benoit Jenny Service de neurochirurgie HUG, 1211 Genève 14
Coordination rédactionnelle Dr Pierre-Alain Plan
Rev Med Suisse 2012 ; 8 : 2406-7
Figure 1. Test de la montre
a Un des syndromes cliniques relatifs aux troubles de la moti- vation.
Hémoglobine 161 g/l (120-160 g/l) Glycémie à jeun 5,62 mmol/l (4,2-6,1 mmol/l) Créatinine 81,3 mmol/l (l 80 μmol/l) Gamma-GT 30,9 UI/l (l 50 UI/l) Ferritine 109 ng/ml (30-240 ng/ml) TSH 2,57 mU/l (0,3-4,9 mU/l) Urines sp
Tableau 1. Résultats du bilan san- guin effectué en octobre
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Bibliographie
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En savoir plus à propos de l’apathie :
• Chanachev A, Berney A. L’apathie, un syndrome trans nosographique : diagnostic différentiel et prise en charge. Rev Med Suisse 2010;6:326-9.
progressifs. Ces derniers dépendent de la localisation du méningiome près des zones éloquentes, et comprennent des hémiparé
sies, des déficits sensitifs, une incoordination des mouvements, mais aussi des trou bles de la personnalité en cas de compression des lobes frontaux, classiquement par un volu
mineux méningiome de la gouttière olfactive.
Il existe trois grades histologiques du mé
ningiome selon la classification de l’Organi
sation mondiale de la santé : bénin (grade I), atypique (grade II) et anaplasique ou malin (grade III). La grande majorité des ménin
giomes sont de grade I, avec un taux de ré
cidives l 20% à dix ans ; leur pronostic est excellent et les patients chez qui la résec
tion est complète (comprenant la base d’im
plantation durale) peuvent être considérés comme guéris. Les méningiomes atypi ques représentent 20 à 35% des méningiomes, avec un taux de récidives de 60% à dix ans.
Enfin, l’incidence du méningiome anapla
si que est de 4% environ, et le taux de réci
dives de 70% à cinq ans.4
Quelle est la fréquence d’apparition d’une hydrocéphalie après une inter
vention neurochirurgicale, en particu
lier après l’exérèse d’un méningiome ? Le risque de développer une hydrocé
phalie après résection d’une tumeur intra
cérébrale est très faible. Dans le cas d’un volumineux méningiome supratentoriel exer
çant une distorsion cérébrale importante avec compression des foramen de Monroe, une hydrocéphalie peut se développer ; il en va de même en cas de méningiome de la fosse postérieure avec compression du quatrième ventricule.
Quelle est la place du médecin de premier recours pour le suivi après une telle intervention ?
Dans la période postopératoire immédiate, le médecin de premier recours doit essen
tiellement s’assurer du bon état général des patients, en restant attentif au suivi de la ci
catrisation de la plaie. Toute rougeur, tumé
faction progressive de la peau ou écoule
ment anormal doit être référé sans délai au neurochirurgien. Il peut s’agir d’un problè me infectieux ou d’un écoulement de liquide céphalorachidien en relation avec une étan
chéité incomplète de la fermeture durale, souvent remplacée par une plastie en cas de résection de la base d’implantation du
rale du méningiome. Des symptômes pro
gressifs tels que des céphalées, somno
lence, troubles neurologiques progressifs, peuvent également être des signes indiquant une hydrocéphalie secondaire ou l’appari
tion d’un hygrome sousdural. Occasionnel
lement, les patients peuvent présenter une épilepsie postopératoire, en particulier en cas de méningiomes paramédians de la ré
gion centrale.
Pour le suivi à long terme, la fréquence du suivi radiologique doit se faire en colla
boration avec le neurochirurgien ; une IRM est généralement effectuée à trois mois de l’intervention, puis à intervalles de six mois, un an ou deux ans.
Quelles sont les étiologies du syn
drome apathique (athymhormique) ? Une réduction significative de l’activité psychomotrice est l’un des signes les plus fréquemment observé chez les patients souf
frant de maladies cérébrales. L’apathie, ou syndrome athymhormique («Thymie» humeur et «hormie» élan vital), est due principale
ment à un dysfonctionnement des régions préfrontales avec lésion des ganglions de la base,5,6 ainsi que du cingulum antérieur.7
L’apathie fait partie du tableau clinique de différentes maladies telles que les démen
ces 8 et les troubles neuropsychiatriques.
Elle se manifeste aussi au cours de la mala
die d’Alzheimer 9 et de la maladie de Parkin
son,10 ainsi que lors de lésions hémorra
giques ou tumorales frontales.
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Interrogez le spécialiste de votre choix. Posezlui des questions directement en lien avec un problème de médecine de premier recours auquel vous avez été confronté.
Des informations complémentaires concernant la rubrique sont disponibles sur le site de la Revue Médicale Suisse (http://rms.medhyg.ch/courtcircuit.pdf) Envoi des textes à : redac@revmed.ch (avec mention «rubrique courtcircuit»)
Comité de lecture : Dr Gilbert Abetel, Orbe ; Dr Patrick Bovier, Lausanne ; Dr Vincent Guggi, Payerne ; Dr Philippe Hungerbühler, YverdonlesBains ; Dr Ivan Nemitz, EstavayerleLac ; Dr PierreAlain Plan, Grandson
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