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La disparition du symptôme

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1224 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 28 mai 2014

Nous pourrions peut-être comparer plus ou moins la disparition d’un symptôme donné à ce qu’on a appelé «le syndrome de la dis- parition de l‘ennemi».

Si un ennemi se pointe à l’horizon ou, tout proche, semble déjà sévir, cela nous oblige à mettre en place des mesures dé- fensives et à garder sans relâche un état d’alerte. Alors que si cet ennemi disparaît ou se révèle soudain purement fantomati- que, nous pouvons muer notre état d’alerte en un état de relâchement imprégné de passivité, voire de négligence.

En général, dans un contexte patholo- gique avéré, il existe plus d’un seul symp-

tôme. On peut même se référer le plus sou- vent à une constellation de symptômes, où peut-être le plus voyant ne serait pas l’ex- pression de la menace réelle représentée par la maladie en cause.

Un symptôme «vedette» pourrait être la douleur. Eh bien, voilà que soudain, en cours de thérapie, cette douleur, qu’elle soit tout à fait localisée ou non, s’atténue de beaucoup ou même disparaît de la scène.

Rien de plus souhaitable et de plus réjouis- sant, pourrait-on penser. Néanmoins, cela pourrait donner lieu à des prises de posi- tion, tant du côté du patient que de celui du médecin, imprégnées de perplexité et de confusion : la maladie dans son ensemble existe-t-elle encore ? Ou est-elle guérie pré- maturément ? Voire, a-t-elle vraiment existé ? Qu’on le veuille ou non, tout le tableau cli- nique est bouleversé et, au lieu d’engendrer espoir et satisfaction, il serait apte à engen- drer paradoxalement de la surprise et de l’inquiétude.

Tout d’abord, il faudrait tenir compte davantage tant de la structure anonyme im- pliquée dans tout diagnostic que de ce qui pourrait par contre être sous l’égide de l’histoire personnelle d’un patient. Et quand on aborde cette histoire individuelle, il ne faudrait peut-être pas se limiter à des évé- nements macroscopiques la concernant, mais aussi supposer une possible influence d’événements internes au patient lui-même, se référant alors à des doléances survenues dans son passé personnel, à prendre comme d’éventuels signes précurseurs de la cons-

tellation symptomatique présente.

Entrerait aussi en ligne de compte le jeu

«dialectique» constant entre mémoire et oubli, où l’on se souviendrait non seule- ment via une mémoire entendue au sens général, mais également via une mémoire spécifiquement émotionnelle ou sensitive.

Une considération identique peut, cela va de soi, être établie en ce qui concerne l’oubli.

L’oubli en soi, étendu à plusieurs niveaux autoperceptifs, peut représenter autant un avantage qu’un désavantage. On peut par exemple trop facilement oublier l’impact tant sensitif qu’émotionnel d’un trauma- tisme, d’ailleurs d’un traumatisme subi de

plein fouet comme d’un trau- matisme esquivé de justesse.

Comme on peut n’avoir fixé de ce traumatisme que quelques fragments, par exemple sensi- tifs, en ayant effacé de sa mémoire l’impact traumatique dans son intégralité. Il y a en tout cas ce qu’on pourrait qualifier respec- tivement d’espace et de temps symptomati- ques. Des régions du corps impliquant au- tant, peut-être, un vécu autoperceptif préa- lable, qui se prêteraient davantage à des manifestations subjectives relatives à toute une série de symptômes. Des zones du corps impliquant aussi la latéralité ou le fait de se référer au haut ou au bas de son propre organisme. Jusqu’à en arriver éven- tuellement à certaines préférences ou, au contraire, à certaines mauvaises disposi- tions à l’égard de parties ou de fonctions de son propre corps.

Bref, il pourrait y avoir une plus grande ou une moins grande «disponibilité» symp- tomatique de la part d’une partie ou d’une autre du corps vis-à-vis du développement et de l’intensité d’une gêne, d’un malaise, voire d’une souffrance persistante.

Il n’est pas exclu, en outre, que l’entou- rage du patient puisse influencer l’intensité du vécu subjectif d’un symptôme, comme peut le faire la concomitance d’une tendan- ce de l’humeur à l’anxiété ou à la dépres- sion, ou au contraire une tendance à un optimisme naïf.

On peut, de plus, s’habituer à une symp- tomatologie donnée, surtout si elle est dis- crète et chronicisante, de telle manière qu’elle peut devenir quelque peu rassurante au lieu d’être vraiment menaçante. On peut même, à la limite, supposer que l’on se sentirait davantage en possession d’une véritable

identité personnelle en étant à la merci de certains symptômes qu’anonymisé à l’ex- trême dans le cadre d’une norme établie par le contexte socioculturel.

Des symptômes sont même aptes à four- nir au patient en cause l’impression d’être en proie à une excitation stimulante, alors que le retour dans le cadre d’une norme égalitaire pourrait être ressenti comme un facteur d’inhibition et de soumission à des règles de bienséance. Une maladie avec ses symptômes peut apparaître entre autres comme un signe de l’apparition d’un dé- sordre, d’un état d’incohérence et de révolte contre une physiologie passe-partout, alors que le retour à l’ordre, à la soumission à la norme, pourrait fantasmatiquement équi- valoir à un fuyard rattrapé.

Quant au «dialogue» entre le patient et son médecin, il faut évidemment souligner le fait que tout symptôme dont le malade est porteur en représente la matière pre- mière. En revanche, la disparition déjà, et encore davantage surtout la disparition quelque peu imprévue ou prématurée de plus d’un symptôme peut endommager ce langage de référence qui justement relie le malade à son médecin.

Tout cela non pour attribuer une possi- ble valeur aux symptômes d’une maladie, presque équivalents alors à l’addiction à une drogue, mais pour souligner que la dis- parition des symptômes d’une pathologie donnée devrait être bien préparée à l’avance, en l’élaborant plutôt comme un avancement dans la vie du malade que comme un re- tour en arrière.

Pr Georges Abraham Avenue Krieg 13 1208 Genève

La disparition du symptôme

… L’oubli en soi peut représenter autant un avantage qu’un désavantage …

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