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Comment les étudiants en formation STAPS s approprient-ils le numérique en situation d intervention?

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Academic year: 2022

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1. Introduction

1.1. Le développement du numérique en question

Le développement du numérique dans nos sociétés est une révolution compa- rable à celle de l’imprimerie au XVe siècle (Serres, 2012). Son intégration à l’école apparaît en effet comme une évolution incontournable, renvoyant à l’utilisation de technologies vidéos et informatiques que les enseignants et les élèves doivent s’approprier (Simonian, 2019). Selon Sève & Terré (2018), « les outils numériques offrent à l’enseignant un gain de temps aussi bien pour la préparation de la leçon que pour sa mise en œuvre ou le traitement des résultats (après la leçon) » (p. 18). Ils ouvriraient de nouveaux possibles, en termes d’organisation temporelle, spatiale et sociale de la leçon d’EPS, mais aussi de régulation des apprentissages des élèves. Le numérique semble notamment favorable en termes de motivation, d’apprentissage moteur et d’évaluation (Dauphas, Lacroix & Tomaszower, 2018).

Néanmoins, l’avènement du numérique à l’école s’accompagne aussi d’une analyse critique (Amadieu & Tricot, 2014), concernant notamment l’investis- sement qu’il requière, les problèmes logistiques qu’il pose. Surtout, il reste essentiel de « subordonner les outils technologiques à l’aventure intellec- tuelle et non l’inverse » (Meirieu, 2012, p.8). En EPS, au-delà du risque de réduction du temps de pratique des APSA, nombreux sont les auteurs qui avancent que le numérique n’est pas éducatif en lui-même, mais qu’il peut le devenir à certaines conditions. En particulier, si ces outils enrichissent les traditionnelles fiches d’observation et augmentent les possibilités d’action de l’enseignant durant la leçon, ils ne dédouanent pas pour autant d’une réflexion sur les «clés de lecture» du geste par les élèves (Sève & Terré, 2018).

1.2. Le Feedback vidéo en EPS

Le numérique a fait l’objet de trois principales catégories de propositions professionnelles: (a) l’utilisation de fichiers Excel ou de diaporamas interac- tifs; (b) l’utilisation d’applications numériques; (c) l’utilisation de la vidéo.

Concernant le dernier point, le développement technologique des caméras

compactes intégrées aux tablettes numériques et aux smartphones ouvre de nouveaux possibles pour l’enseignement de l’EPS (Tixier & Dejean, 2014).

Plus précisément, les logiciels et applications (Kinovea, Dartfish, Coach’s Eye…) offrent un accès facile à une diversité de fonctionnalités, dont celle de fournir à l’élève un feedback (FB).

Le Feedback (FB) « représente l’information concernant la différence entre l’état d’un objectif et la performance » (Schmidt, 1993, p.254) qui permet une régulation de l’activité. Il existe deux sources de feedback: le FB intrin- sèque, provenant des propres canaux perceptifs du sujet, et le FB extrin- sèque (ou augmenté), fourni par une source externe. Le FB vidéo permet à l’apprenant de visionner sa propre performance directement à l’issue de celle-ci et ainsi de la comparer à la représentation mentale du mouvement qu’il s’était construite suite à la démonstration ou la consigne.

Force est de constater que les articles scientifiques et professionnels concer- nant l’usage du FB sont encore rares en EPS. Mérian et Baumberger (2007) ont pourtant montré que la vidéo facilitait l’apprentissage lors d’une tache en gymnastique (tour d’appui avant à la barre fixe) et en saut en hauteur (saut Fosbury). Potdevin, Bernaert, Huchez et Vors (2013) ont quant à eux mis en évidence une augmentation de la motivation des élèves ainsi que des progrès moteur dans le cadre d’un dispositif intégrant le FB vidéo en gymnastique (appui tendu renversé en classe de sixième).

1.3. Le FB vidéo dans les activités

d’opposition : le cas des étudiants STAPS

Plusieurs études ont été menées en prenant comme support l’activité d’étu- diants STAPS. A ce titre, Phraramin, Barthes et Blandin (2016) ont comparé les effets de plusieurs modalités de restitution d’un FB vidéo sur l’amélio- ration des décisions d’étudiants non spécialistes de seconde année STAPS en rugby, soulignant notamment l’intérêt des échanges collectifs lors de l’observation vidéo et d’un commentaire oral du formateur ajouté aux images.

Le Paven, Kerivel, Kermarrec et Tanguy (2019) se sont quant à eux intéressés à la façon dont des étudiants en deuxième année de licence STAPS s’appro- priaient l’usage de tablettes numériques à des fins d’amélioration de leur pratique d’une activité sportive collective (le futsal), incluant une pratique

Comment les étudiants en formation STAPS s’approprient-ils le numérique en situation d’intervention ?

Le cas du feedback vidéo dans les activités de raquette

Mots clés : activités de raquette - numérique - feedback vidéo - intervention - formation STAPS

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d’intervention. Les résultats soulignent notamment l’intérêt d’un engage- ment dans un cycle de formation long, afin d’avoir l’opportunité d’expéri- menter et d’approfondir concrètement dans le cadre de projets co-construits au sein de collectifs stables.

Ces recherches ont été menées dans des APSA d’opposition, qui comportent une part importante d’incertitude. Nous pouvons faire l’hypothèse que c’est pour cette raison qu’elles ont, à ce jour, fait l’objet de peu de propositions exploitant le numérique, comparativement à d’autres APSA. Par exemple, dans le dossier de l’AE-EPS portant sur le numérique (Roche, Rolland &

Chiama, 2019), aucun des dispositifs d’enseignement présentés ne s’ancre en Badminton ou en Tennis de Table.

Notre objectif est de poursuivre ces investigations, en analysant dans un registre professionnel l’utilisation du FB vidéo par des étudiants en deuxième année de licence STAPS durant un cycle de tennis de table. Plus précisément, l’enjeu était d’identifier des profils d’étudiants au regard de leur utilisation du FB vidéo, afin d’en dégager des perspectives d’amélioration de l’accom- pagnement en formation STAPS. Cela semble d’autant plus important que les épreuves de spécialités «raquette» aux concours du CAPEPS et de l’agré- gation sont de plus en plus exigeantes en ce qui concerne le numérique, afin d’être en phase avec l’évolution du métier d’enseignant dans la société de demain (Suchet, Mikulovic & Dugas, 2017).

2. L’activité d’intervention des étudiants STAPS avec l’outil numérique

Dans le cadre de la formation en Licence « Education & Motricité » au STAPS de Rennes, des enseignements de polyvalence portant sur les activités d’opposition sont proposés aux étudiants à l’année, articulant cours théoriques et pratiques. Après un premier semestre guidé par le formateur (Badminton), le second semestre se caractérise par l’intervention des étudiants (Tennis de table) sur des thématiques classiques du progrès des élèves en EPS. Plus précisément, après avoir réalisé une planification de leçon autour d’un objectif de progrès en EPS (par ex. « être capable de varier spatialement le placement des balles sur la demi-table adverse dans une double intention de continuité et de rupture») validée par le formateur, un groupe de trois ou quatre étudiants a pour consigne d’intervenir auprès du groupe classe. Par un jeu de rotation, ils alternent le rôle d’intervenant principal, et celui d’assistant vidéo à l’aide de leur smartphone. Le forma- teur réalise un travail de supervision et d’accompagnement des étudiants, principalement orienté par des questions récurrentes au regard de l’objectif de leçon et de la situation proposée: comment se positionner par rapport aux pratiquants afin d’obtenir la vidéo la plus pertinente? Que regarder à la vidéo en termes d’indicateurs sur l’activité des pratiquants ? Quelles modalités d’interactions envisager avec les étudiants à l’aide de la vidéo? Nous avons recueilli des données vidéo de l’activité d’intervention d’étudiants de Licence 2, et réalisé de courts entretiens pendant les leçons de tennis de table. Cela nous a permis de dégager trois constats principaux.

2.1. Des étudiants focalisés sur

une analyse technique globale du pongiste

Premièrement, l’observation de l’activité des étudiants dans le rôle d’assis- tant vidéo souligne les difficultés à lire l’activité du pongiste. Par exemple, l’un d’entre eux explique qu’il est totalement « préoccupé par la vidéo » et la volonté de « capturer les moments importants ». Cela se traduit par des comportements caractéristiques de « l’homme invisible » (Visioli, 2019), c’est-à-dire que les étudiants restant un long moment avec le smartphone à distance de la table, sans trop savoir que filmer (figure 1).

Deuxièmement, l’analyse vidéo est très globale, et porte essentiel- lement sur les dimensions extrinsèques de l’activité du pongiste, sans cadre d’analyse précis. Par exemple, un étudiant explique avoir principalement filmé « ce qui relève de la mobilité de la personne, des personnes qui sont immobiles derrière la table, qui attendent juste et qui bougent juste le bras pour jouer ».

Non seulement cette analyse reste trop globale, mais elle semble également laisser dans l’ombre un certains nombres de processus «invisibles» (cogni- tifs, perceptifs, affectifs), absolument essentiels au progrès du pongiste (Bréau & Méard, 2020).

Troisièmement, le FB vidéo ne porte le plus souvent que sur un étudiant, avec un plan «micro» (Amatte, 2013) qui ne permet aucune prise en compte du rapport de force avec l’adversaire, alors qu’il s’agit pourtant du fondement des activités de raquette. Si les plans «micro» sont intéressants dans le cadre de régulations techniques (placement des appuis, angles avant-bras- bras, inclinaison de raquette…), les angles « macro » le sont davantage pour l’analyse de la pertinence des choix tactiques. Très ponctuellement, il est possible de trouver cette préoccupation dans les propos d’un étudiant qui fait alors le choix d’un plan « macro » : « j’ai essayé de prendre un angle assez grand, de sorte à ce que l’on voit la table, et les deux joueurs en même temps. Je faisais attention à leur position, comment ils se positionnaient par rapport à la table surtout, aux cibles sur la demi-table adverse ».

2.2. Des étudiants qui ont tendance à guider de manière prescriptive

Premièrement, on observe que les étudiants exploitent le FB vidéo afin de guider le pongiste de manière prescriptive, dans une approche normative visant à repérer les écarts à la technique du haut niveau. Nous retrouvons alors le personnage de «Frankenstein» (Visioli, 2019), typique de l’activité d’intervention d’une majorité d’étudiants STAPS. Par exemple, un étudiant explicite les intérêts de l’usage de la vidéo dans les leçons de tennis de table: « je pense que c’est un bon modèle pour montrer à la personne ce qu’il fait mal, ce qui est à corriger. Moi concrètement, j’ai eu deux élèves

Figure 1 - Un étudiant qui reste pendant de longues minutes sans trop savoir quoi filmer

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qui avaient du mal au niveau de l’inclinaison de la raquette, ce qui faisait des trajectoires trop en cloches. Du coup, je leur ai montré la vidéo, et ils ont vu le problème. J’ai pu leur donner des conseils sur l’inclinaison de la raquette, et aussi sur leur posture ».

Deuxièmement, la vidéo est utilisée en complément des régulations classi- quement apportées par l’intervenant auprès des pongistes, sans vigilance critique sur les effets réels de ce FB supplémentaire. Par exemple, un étudiant explique : « j’ai regardé comment ils se débrouillaient, et puis quand je voyais qu’il y avait des petits défauts, d’abord je les aidais à l’oral, et s’ils arrivaient à corriger par eux-mêmes je n’utilisais pas la vidéo. Si je voyais que ça persistait quand même, je filmais pendant 10 à 15 secondes, et je lui remontrais le problème en lui réexpliquant.

Et souvent ça a permis de modifier et d’améliorer ce qui n’allait pas ».

On trouve ici une belle illustration de la « pédagogie des manques » qui semble dominante dans l’imaginaire des étudiants STAPS. Si le FB vidéo est une ressource évidente pour analyser la motricité du pongiste et générer une activité de guidage, cela nécessite de réelles compétences technologiques et didactiques en tennis de table, et ne peut constituer l’unique modalité d’intervention pédagogique.

2.3. Des étudiants qui semblent s’enrichir dans l’exploitation

de l’entretien d’auto-confrontation

Il a été proposé aux assistants vidéo d’expérimenter une autre procédure visant à exploiter la vidéo inspirée de l’entretien d’auto-confrontation. Plus précisément, après avoir retenu une séquence vidéo qui semblait intéres- sante, l’étudiant avait à interagir avec le pongiste, non sous la forme d’un guidage prescriptif, mais par l’intermédiaire d’un questionnement ancré dans les traces de l’activité. A titre d’illustration, voici un exemple d’interac- tion entre un «assistant vidéo» et un «pongiste» (figure 3).

L’observation de l’activité des étudiants semblent alors souligner plusieurs intérêts dans le développement de l’utilisation de la vidéo dans les leçons de tennis de table. Premièrement, cette modalité semble faire évoluer la relation pédagogique vers une co-construction des connaissances, prenant appui sur l’expérience du pratiquant. Cela traduit plus globalement un autre rapport à l’autre dans l’interaction, en invitant à prendre en compte son

point de vue dans une logique d’enquête et de dialogue. La démarche de l’entretien d’auto-confrontation semble intéressante pour faire émerger une posture d’intervention chez les étudiants plus proche du personnage de

« Sherlock Holmes » (Visioli, 2019), c’est-à-dire alternant entre empathie et affirmation de soi. Deuxièmement, cette procédure semble ouvrir à un dépassement d’une focalisation sur les dimensions extrinsèques de l’acti- vité, pour également envisager les dimensions plus intrinsèques (cognition, perception, émotions…). Dans l’exemple présenté, l’interaction évolue d’élé- ments observables relatifs à la technique (« je ne suis pas du tout bas ! ») à des composantes plus invisibles, d’ordre perceptivo-décisionnelles, en lien avec la gestion de la dialectique continuité / rupture et les connaissances que le joueur a de lui-même. Néanmoins, l’utilisation pertinente de l’entretien d’auto-confrontation nécessite un apprentissage par l’intervenant, et gagne à s’ancrer dans de réelles compétences technologiques et didactiques en tennis de table.

Figure 2 - Un étudiant qui utilise la vidéo

pour prescrire la technique de manière normative

Figure 3 - Extrait d’un échange entre deux étudiants (un enseignant et un pratiquant) dans une modalité d’auto-confrontation vidéo

Etudiant 2: « Regarde cette vidéo. Qu’est-ce que tu en penses ? » Etudiant 1: « Je ne suis pas du tout bas ! »

Etudiant 2: « Oui, mais encore… je ne sais pas si c’est vraiment pertinent là ? »

Etudiant 1: « D’attaquer directement ? » Etudiant 2: « Oui »

Etudiant 1: « OK, il ne faut pas attaquer directement ? »

Etudiant 2: « Ben en fait, tu es direct dans l’attaque, mais ça serait peut-être bien de réagir d’abord à son service. Tu vois elle sert, et toi tu es directement dans de la rupture. Alors que tu pourrais laisser jouer un peu, essayer de fixer pour ensuite jouer court »

Etudiant 1: « Le truc c’est que je ne suis pas bon dans la continuité.

C’est pour ça que je prends la rupture très tôt »

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3. Intégrer le FB vidéo en formation STAPS : à quelles conditions ?

Partant de ces constats concernant l’activité d’intervention des étudiants STAPS avec l’outil numérique, il est possible d’envisager plusieurs perspec-

tives de formation, avec des compétences et connaissances à viser et des démarches à privilégier (figure 4).

Figure 4 - Perspectives de formation des étudiants STAPS avec l’outil numérique

3.1. Une formation qui intègre le numérique dans un projet global de développement des compétences professionnelles

Les apports du FB vidéo apparaissent fondamentalement conditionnés par de développement en formation de compétences variées.

Premièrement, il s’agit de penser des compétences en lien avec l’utilisa- tion numérique à des fins éducatives (choix des plans, choix des modalités d’interaction, etc.). Les étudiants « ont besoin de balises pour progresser, pour varier leurs usages du numérique et leurs pratiques pédagogiques, voire pour en améliorer l’impact éducatif » (Karsenti & Bugmann, 2018, p.60). Cela passe notamment par l’expérimentation de différentes formes d’interactions à l’aide de l’outil vidéo (guidage /entretien d’autoconfronta- tion / entretien d’autoconfrontation croisée) et à l’aide de différents plans (« Plan d’ensemble », « Plan moyen », « Gros plan »). Les connaissances scientifiques sur l’apprentissage moteur (Delignières, 2018) sont simulta- nément des points d’appuis en formation afin de gagner en efficacité dans

l’utilisation du FB vidéo (quel type de FB? quand proposer un FB? à quelle fréquence? etc.). Ce processus de formation gagne à s’intégrer dans le cadre de projets collectifs entre étudiants engagés dans une temporalité longue, afin de faire émerger une cohésion opératoire (par ex. par la stabilisation d’équipes joueurs/coach).

Deuxièmement, l’utilisation du numérique par les étudiants ne peut s’envi- sager sans un développement simultané de compétences disciplinaires (maîtrise technologique et didactique des activités de raquette). En effet, une exploitation pertinente de la vidéo nécessite que soient « explicités clairement les choix qui sont fait sur la nature de l’APSA, et donc en conséquence du savoir (ou compétence) étudié » (Couturier, p.6). Egale- ment, la maîtrise de la logique interne des activités de raquette, mais aussi de grilles de lecture comportementale et d’outils d’interprétation de l’acti- vité (Visioli & Petiot, 2018), doit permettre aux étudiants de contextualiser l’analyse dans le rapport d’opposition à l’adversaire, dans toutes ses compo- santes (motrices, énergétiques cognitives, perceptives, affectives). Nous illustrons plus précisément notre réflexion ci-après à partir des trois plans vidéo les plus exploitables dans les leçons de tennis de table (figures 5, 6, 7).

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Figure 6 - Plan micro réalisé dans le prolongement de la ligne de fond du joueur à filmer

Figure 7 - Plan méso réalisé avec un vidéaste à distance dans le prolongement du filet (importance de cadrer les 2 joueurs) ou derrière un des 2 joueurs avec caméra surélevée

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Troisièmement, l’utilisation du numérique par les étudiants est dépendante du développement des compétences relationnelles qui s’expriment dans la gestion de l’interaction avec les pratiquants. En effet, l’utilisation des nouvelles technologies ne fait que révéler les difficultés rencontrées par les étudiants en termes d’intervention, notamment le fait de dépasser un ensei- gnement traditionnel prescriptif orienté par la norme de la technique du haut niveau. Dans cette optique, l’intégration du numérique en formation semble devoir s’accompagner d’un développement professionnel des étudiants en STAPS, vers une compétence à mobiliser des modalités pédagogiques plus ou moins directives en fonction de la situation (caractéristiques de l’élève, étape dans le processus d’apprentissage, objectifs de l’enseignant à un moment du parcours de formation, etc.) (Visioli, 2019).

3.2. Une formation qui prend en compte l’évolution du numérique dans les activités de raquette

La formation des étudiants dans le cadre des activités de raquette gagne à intégrer les différentes possibilités d’exploitation du numérique: (1) l’utilisa- tion de fichiers Excel ou de diaporamas interactifs (par ex. fiche d’évalua- tion, scénarios pédagogiques, propositions de situations d’apprentissage);

(2) l’utilisation d’applications (évaluation diagnostique des profils de jeu en tennis de table, repérage des lieux d’impact sur la demi table adverse pour analyser la variété des trajectoires produites, statistiques en cours de match, orientation vers des situations d’apprentissage, individualisation et pédagogie différenciée, etc…); (3) l’utilisation de la vidéo (capsules vidéo, FB vidéo, conservation au cours du temps, matérialisation des progrès…).

A l’avenir, les évolutions technologiques vont permettre le développement de capteurs de contrôle sur la raquette et de raquette connectée. Par exemple, Babolat mise sur la raquette connectée depuis 2014. Dans le manche, des capteurs informent l’utilisateur sur le nombre de coups droits, de revers, les kilomètres parcourus, etc. Futilité ou nécessité? Selon un responsable marketing et commercial de la société lyonnaise, il s’agit d’une « vraie innovation de rupture. Mais le marché n’est pas encore mûr et devrait prendre du temps avant de s’installer » (Ferré, 2017).

La formation gagne aussi à s’inspirer du développement des recherches menées dans une perspective située, qui analysent l’activité des acteurs

(enseignants, élèves, entraîneurs, joueurs) en couplant enregistrements audio-vidéo et entretiens d’autoconfrontation. L’article de Poizat et al. (2012) pointe à ce titre les intérêts potentiels, mais aussi les difficultés, de mettre en relation des données extrinsèques (e. g. issues d’une analyse vidéo) et des données intrinsèques (e. g. issues d’entretiens d’autoconfrontation).

L’utilisation de la vidéo (et plus globalement du numérique) constitue une ressource incontournable pour mettre en relation les regards scientifiques et professionnels (Visioli & Petiot, 2020). Alors que la recherche exploite de plus en plus les traces vidéo pour analyser les données de l’activité, il en est de même dans le milieu fédéral avec le développement de l’analyse vidéo par les entraîneurs et les joueurs dans une optique d’amélioration de la perfor- mance. Dans le contexte scolaire, l’exploitation du numérique est également de plus en plus encouragée afin d’accompagner les progrès des élèves (et des enseignants), même si les propositions dans le cadre des activités de raquette sont encore modestes. Il y a là, à l’évidence, un enjeu fort pour la formation des enseignants, dans le prolongement de l’impulsion donnée par les concours de recrutement, qui intègrent de plus en plus l’outil vidéo.

3.3. Une formation qui invite à une vigilance critique sur les usages du numérique

La formation des étudiants STAPS gagne à intégrer un regard critique sur les usages du numérique.

Premièrement, en contrepoint de l’enthousiasme de M. Serres (2012), il s’agit de proposer une analyse critique des principaux mythes du « tout numérique » à l’École comme solution parfois présupposée pour résoudre un certain nombre de difficultés actuelles rencontrées par les enseignants (Amadieu & Tricot, 2014). Les auteurs invitent à prendre du recul sur les discours techno-centrés afin de porter son attention sur l’apprenant, les activités et dispositifs pédagogiques. Comme le soulignent Karsenti et Bugmann (2018), « l’usage du numérique conduit parfois à une détério- ration de l’enseignement et de l’apprentissage. En effet, il a en partie été conçu pour freiner un certain mouvement techno-euphoriste selon lequel le simple recours aux technologies en contexte scolaire serait suffisant pour induire un impact positif sur le plan pédagogique » (p.59).

Le numérique renvoie à l’utilisation de technologies vidéo et informatique que les enseignants et les élèves doivent s’approprier (figure 8).

Figure 8 - Schématisation du modèle ASPID (inspiré de Karsenti & Bugmann, 2018)

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Deuxièmement, l’intégration du numérique à l’école invite à repenser la relation pédagogique. Si cette évolution semble mettre à distance les pédagogies directives et la métaphore d’un enseignant « Frankenstein », le risque est grand de voir apparaître des pédagogies implicites et un enseignant «invisible». L’usage de ces nouvelles technologies sur l’appren- tissage des élèves implique une médiation structurante et régulatrice par le formateur, qui gagne dès lors à jouer un rôle à la «Sherlock Holmes ».

Pour reprendre l’exemple du FB vidéo, les bénéfices sont envisageables

à condition que l’enseignant soit capable de diriger l’attention des élèves vers les indices utiles. Aussi, le développement du numérique invite à une réflexion éthique sur ce qui fonde le métier d’enseignant d’EPS. Sur ce point, nous partageons le point de vue de D. Delignières (2018): « c’est un rapport de passion à l’APSA que l’enseignant doit s’efforcer de construire chez l’élève, et si les nouveaux outils numériques peuvent y contribuer, ils ne sauraient se substituer à une relation pédagogique assurée, à la fois exigeante et bienveillante » (p.36).

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