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LES ORGANISMES À BUT NON LUCRATIF ET L AUDIT

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Academic year: 2022

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LES ORGANISMES À BUT NON LUCRATIF ET L’AUDIT

Par Jean Bédard, Ph.D., FCPA auditeur, FCA, professeur titulaire, Faculté des sciences de l’administration, Université Laval

es organismes à but non lucratif (OBNL) jouent un rôle important dans la société québécoise. Les 50 000 OBNL que compte le Québec œuvrant dans des secteurs tels que la santé, le loisir, l’éducation qui sont gérés par plus 380 000 administrateurs et administratrices, la plupart du temps bénévolement.1 Parmi les responsabilités de ces administrateurs et administratrices, on note la surveillance des affaires financières de l’organisme. Selon la taille de l’organisme, cette surveillance peut être réalisée par le conseil d’administration ou, s’il y en a un, par le comité d’audit. La surveillance des affaires financières comprend le suivi budgétaire ainsi que la surveillance relative au contrôle interne et aux états financiers.

Les parties prenantes des OBNL, qu’elles soient bénéficiaires, bénévoles, ou bailleurs de fonds s’intéressent aussi aux affaires financières de l’organisme. Elles s’intéressent à la capacité de l’organisme à continuer à offrir ses services, à l’utilisation efficiente et efficace des ressources et à l’utilisation de leurs apports aux fins prévues.2 Les OBNL ont une obligation redditionnelle envers leurs membres, les bailleurs de fonds et les autres parties prenantes. Cette obligation est remplie en grande partie par la publication d’états financiers ainsi que d’un rapport annuel.

La production d’états financiers annuels est requise par la loi constitutive de l’OBNL. Ainsi, la Partie 3 de la Loi sur les compagnies du Québec, en vertu de laquelle sont constitués plus de 80 pour cent des OBNL, exige que les administrateurs présentent les états financiers à l’assemblée annuelle des membres. Bien que non requis, le rapport annuel d’activité ainsi que la publication de ces documents sur le site Web de l’organisme constituent des pratiques exemplaires.

La certification des états financiers

Pour les parties prenantes, et particulièrement les bailleurs de fonds, puissent prendre des décisions quant à leurs apports à l’organisme, il est important que l’information financière soit fiable et crédible. Une des façons d’atteindre cet objectif est de faire certifier les états financiers de l’organisme par un expert-comptable. Ce dernier peut effectuer une mission d’examen, qui fournit un degré d’assurance modéré ou une mission d’audit, qui fournit un degré d’assurance élevé.

La décision de faire certifier les états financiers dépend des bénéfices et coûts de la certification. Cette analyse coût-bénéfice doit être faite par le conseil d’administration. Dans certains cas, cette analyse a été effectuée par le législateur en incluant cette obligation dans la loi constitutive de l’organisme.

1 Selon le Registre de entreprises de 2020.

2 Guide sur les états financiers des organismes sans but lucratif, deuxième édition. CPA Canada, 2021.

https://www.cpacanada.ca/-/media/site/operational/rg-research-guidance-and-support/docs/02592-rg-guide-etats- financiers-osbl.pdf?la=fr&hash=31AD72B43B3B37175374A9F37480B0BCB74A5085.

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En augmentant la qualité et la crédibilité, de l’information financière, la certification des états financiers par un expert-comptable, facilite l’obtention d’apports par les donateurs et les bailleurs de fonds (notamment les gouvernements ou les fondations) qui seront en mesure de se fier aux informations communiquées pour évaluer l’utilisation des fonds qu’ils fournissent à l’organisme. D’ailleurs, certains bailleurs de fonds exigent un examen ou un audit, à titre de condition à l’octroi du financement à l’organisme. D’autres, tels que la Banque Mondiale, font même leur propre audit des programmes qu’ils financent.

L’expert-comptable apporte aussi une expertise et une vision externe sur les affaires financières de l’organisme. Ainsi, dans le cadre de son travail d’audit des états financiers, l’auditeur peut identifier des faiblesses dans les mécanismes de contrôle interne relatifs aux revenus et dépenses et l’environnement de contrôle de l’organisme (compétence de la direction financière, culture d’intégrité, sécurité des systèmes informatiques, gestion budgétaire). En vertu des normes canadiennes d’audit, l’auditeur doit communiquer les constatations importantes découlant de l'audit au conseil d’administration. L’auditeur peut aussi faire des recommandations sur la façon de corriger ces faiblesses. Le conseil d’administration est donc en mesure d’évaluer ces problèmes et de s’assurer que les améliorations sont apportées.

Une étude sur les organismes de bienfaisance aux États-Unis illustre les bénéfices d’un audit.3 En termes de qualité, l’étude fournit des preuves que l’audit réduit la propension de la direction à déclarer un plus pourcentage élevé de dépenses consacrées aux programmes de bienfaisance. Sur le plan de la crédibilité, l'audit conduit les donateurs à transférer une partie de leurs dons vers des organismes plus petits et moins connus. On observe aussi plus grande probabilité d’avoir une politique de conflit d'intérêts, un politique de dénonciation ainsi qu’une approbation formelle de la rémunération du PDG.4

En général la décision de faire certifier les états financiers et du niveau d’assurance requis variera en fonction des risques et impacts d’une information financière trompeuse sur les bailleurs de fonds et autres parties prenantes. Cet impact varie en fonction de la taille l’organisme et de ses sources de revenus. Le tableau suivant illustre le résultat de l’arbitrage entre les bénéfices et les coûts d’une certification des états financiers pour les organismes sous le régime de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Il faut se rappeler que le coût et le degré d’assurance associés à une mission d’examen sont plus faibles que ceux d’un audit. La Loi exige un audit pour les plus grands organismes et un examen pour les plus petits. Toutefois, pour ces derniers, elle permet de ne pas avoir de certification, si unanimement les membres le décident lors de l’assemblée annuelle. La Loi reconnaît que le risque et les conséquences sont plus élevés si une organisation reçoit des donations ou subventions d’un gouvernement (organisation ayant recours à la sollicitation) plutôt que d’autres sources de revenus telles que la vente des produits et services (autres organisations). Similairement, le Code de gouvernance des OBNL québécois de sport et de loisir classe les OBNL en trois niveaux en fonction du financement public reçu du Ministère de l’Éducation du Québec et exige un audit dit pour ceux du niveau

« élevé » et un examen pour ceux du niveau « moyen ».5

3 Duguay, Raphael (À paraître). « The economic consequences of financial audit regulation in the charitable sector », Journal of Accounting Research.

4 Duguay, Raphael (2018). « The effect of a financial statement audit on governance practices », Available at SSRN 3273502.

5 Code de gouvernance des OBNL québécois de sport et de loisir. Ministère de l’éducation du Québec, Mai 2021.

http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/loisir-sport/Code_gouvernance_OBNL.PDF.

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Options de certification des états financiers pour les OBNL sous régime fédéral

Type

d’organisation Revenus annuels bruts

(exercice précédent) Option par

défaut Autres options Ayant recours à la

sollicitation

≤ 50 000 $ Examen Pas de certification**

> 50 000 $ et ≤ 250 000 $ Audit Examen*

> 250 000 $ Audit Aucune

Autres ≤ 1 000 000 $ Examen Pas de certification**, Audit*

> 1 000 000 $ Audit Aucune

*si les membres le décident, par voie de résolution annuelle recueillant le consentement de tous les membres habiles à voter lors de l’assemblée annuelle.

** si membres l’exigent par résolution ordinaire

La sélection de l’auditeur

Au Québec, seuls les membres de l’Ordre des CPA détenant un permis de comptabilité publique (titre de CPA auditeur ou de CPA auditeur limité à la mission d’examen) peuvent effectuer une mission d’audit ou une mission d’examen. Ceux-ci œuvrent dans un cabinet ou à titre de praticien exerçant seul. Le choix du cabinet devrait se faire en fonction de sa capacité à fournir des services de qualité à l’organisme. La recherche en audit fait ressortir deux caractéristiques des cabinets pouvant affecter la qualité : la taille du cabinet et son expertise dans le domaine.

Certains considèrent que les grands cabinets offrent une meilleure qualité d’audit parce qu’ils ont plus de ressources, offrent une meilleure formation, ont plus à perdre en termes de réputation dans le cas d’un échec en matière d’audit et sont plus indépendants de leurs clients en raison de leur clientèle plus large. En général, les études empiriques pour les sociétés cotées en bourse confirment cette assertion. Toutefois, pour les OBNL, cette relation ne semble pas exister. Donc, pour un OBNL, la taille du cabinet serait plus indication de la capacité du cabinet à effectuer l’audit qu’un indicateur de qualité. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les cabinets de plus grande taille sont souvent perçus comme offrant une meilleure qualité d’audit et que cette perception est associée à la capacité de l’OBNL à obtenir des donations. Le classement des top 25 des cabinets comptables des LesAffaires.com est une source intéressante pour identifier les principaux cabinets et leur capacité en termes de ressources humaines.6

L’expertise du cabinet et de l’équipe d’audit dans le domaine des OBNL en général et dans domaine d’activité de l’OBNL (éducation, santé, arts, services sociaux, international) jouent un rôle important dans la qualité de l’audit. Plusieurs études documentent une association positive entre la spécialisation et la qualité des informations financières pour les sociétés cotées en bourse. Cette association a aussi été confirmée pour les

6 Le top 25 des cabinets comptables au Québec | LesAffaires.com, https://www.lesaffaires.com/classements/les- grands-de-la-comptabilite/le-top-25-des-cabinets-comptables-au-quebec-classement/622988

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OBNL.7 De plus, du fait de sa plus grande connaissance du secteur, un auditeur spécialiste peut aussi offrir de meilleurs services-conseils.

Durée de l’association avec l’auditeur

La durée de l’association de l’auditeur avec un client d’audit fait l’objet de controverse depuis plusieurs années.

Pour certains, une longue association constitue une menace pour l’indépendance réelle ou perçue de l’auditeur. Cette menace peut exister tant au niveau institutionnel (relation entre les cabinets et l’entreprise) qu’individuel (relation entre la direction et l’équipe d’audit). Au niveau individuel, des règles ont été adoptées par CPA Canada à la suite des scandales financiers du début des années 2000 obligeant la rotation d’associés responsable de la mission et de l’associé responsable du contrôle de la qualité après sept ans d’association avec une société cotée. Au niveau institutionnel, un groupe de travail de CPA Canada a conclu qu’il pouvait y avoir un effet sur l’indépendance perçue, mais que la rotation obligatoire des cabinets ne contribuait pas à l’amélioration de la qualité de l’audit.8 Ce groupe a proposé à la place que les comités d’audit de sociétés cotées effectuent, en plus de l’évaluation annuelle de l’auditeur externe, une évaluation complète du cabinet d’audit au moins tous les cinq ans. D’autres autorités de réglementation obligent la rotation des cabinets après une certaine période. Ainsi, la Commission européenne requiert la rotation des cabinets d’audit tous les dix ans ou, dans le cas des audits conjoints, tous les douze ans.

Ces exigences sont pour les sociétés cotées. Pour les sociétés privées et les OBNL, il n’y a aucune exigence de rotation des associés ou d’évaluation des cabinets. C’est donc au comité d’audit ou au conseil d’administration de l’OBNL d’établir une politique à ce sujet. En général, il y a peu ou pas de preuves empiriques qu’une association de longue durée nuit à la qualité de l’audit. Au contraire la qualité de l’audit peut diminuer dans les premières années, car la connaissance du client, y compris, la connaissance de l’organisme, de son système comptable et de sa structure de contrôle interne, sont moindre. De plus, la baisse d’honoraires constatée dans l’année du changement disparait souvent après une année ou deux.

Malgré tout, les grands OBNL devraient considérer la rotation d’associés responsable de la mission tous les sept ans. Pour les cabinets, le comité d’audit devrait prendre sa décision de changer de cabinet non pas sur la base d’une durée prédéterminée, mais plutôt sur la base de facteurs tels que l’indépendance perçue, l’objectivité et l’esprit critique de l’auditeur, la qualité de l’équipe de mission affectée à l’audit, ainsi que les communications et interactions entre l’auditeur externe et l’entité.9

7 Garven, Sarah A., Amanda W. Beck et Linda M. Parsons (2017). « Are audit-related factors associated with financial reporting quality in nonprofit organizations? », AUDITING: A Journal of Practice & Theory, vol. 37, no 1, p. 49- 68.

8 Amélioration de la qualité de l’audit : Conclusions et recommandations, Comptables professionnels agréés du Canada et le Conseil canadien sur la reddition de comptes, 2013. https://www.cpacanada.ca/~/media/site/business- and-accounting-resources/docs/amelioration-qualite-audit-point-de-vue-canadien-conclusions-

recommendations_00326-st.pdf

9 Évaluation annuelle de l’auditeur externe : Outil à l’intention des comités d’audit. Comptables professionnels agréés du Canada, Conseil canadien sur la reddition de comptes, Instituts de administrateurs de sociétés, 2018.

https://www.cpacanada.ca/-/media/site/operational/rg-research-guidance-and-support/docs/01827-rg-evaluation- annuelle-auditeur-externe-2018.pdf?la=fr&hash=F42319E876A97A06580A39B0D9DF1BEACF1888B1

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Conclusion

Les administrateurs et administratrices d’OBNL et en particulier les membres du comité d’audit jouent un rôle important dans la supervision des affaires financières de l’OBNL. Dans le cadre de leur responsabilité de fiduciaire, les administrateurs et administratrices doivent s’assurer que les états financiers sont appropriés.

Une des façons d’atteindre cet objectif est de les faire certifier. Dans ce texte, nous avons examiné les facteurs à considérer pour répondre à trois questions que les membres du comité d’audit peuvent se poser relativement à la certification des états financiers. (1) Doit-on faire certifier les états financiers, et si oui, quel degré d’assurance est requis; modéré (examen) ou élevé (audit)? (2) Par qui devons-nous les faire certifier?

(3) Quand doit-on changer d’expert-comptable.

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