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UN GRAND SOLDAT LE GÉNÉRAL FRÈRE DANS LA BATAILLE DE FRANCE

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LE GÉNÉRAL FRÈRE

DANS LA BATAILLE DE FRANCE 1940

il

E 5 juin dès l'aube, l'aviation ennemie engage Inaction.

Ses attaques se multiplient sur les positions, les postes 1 À de commandement, les communications. Une violente irruption de chars jaillit de la t ê t e de pont de Péronne, en direc- tion des positions de la 19e Division, qui couvre Chaulnes, et s'étendant à la 2 9e Division, à droite, à la 7e D . I. N . A . , à gauche. A 5 h. 30, l'infanterie débouche, à 6 h. 30, tout le front de la V I Ie Armée est a t t a q u é .

L'offensive est générale sur le G . A . III (1). L a V Ie Armée se défend sur l'Ailette. Devant l a Xe, les panzer débouchent de la t ê t e de pont d'Amiens et gagnent du terrain au sud.

A la V I Ie Armée, bien que l a masse des chars déferlant sur le 1e r Corps s'accroisse sans cesse, les renseignements sont récon- fortants. Les points d'appui de la 19e Division tiennent et a r r ê t e n t la progression d'infanterie. Son infanterie divisionnaire interdit aux chars qui l'entourent la pénétration dans Chaulnes.

Duchemin conserve H a m et fait 100 prisonniers dans une contre-attaque. Jeannel ne fléchit pas dans son saillant et rejette en les attaquant les petites avances de l'ennemi.

(1) Noua rappelons les sens des abréviation» employée». G. A. I, G.A. III : I" ou

¿111» Groupe d'Armées. — D. C. R. : Division cuirassée. — D. L . I. : Division légère d'infanterie. — D . I . N . A . : Division d'infanterie nord-africaine. — D . I . C . : Division d'infanterie coloniale. — D . L . L . : Division légère. — D.L.M. : Division légère motorisée.

— G.M.P. : Gouvernement militaire de Paris.

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Mais personne ne se laisse aller à un optimisme exagéré.

Toutes les heures de la matinée ont été mises à profit pour organiser l'action de l'aviation qui prendra à partie les rassem- blements de blindés, celle de nos chars pour dégager les points d'appuis encerclés et prolonger leur durée. Le général Frère obtient que l'aviation du G. A . D . agisse au profit de la V I Ie Armée jusqu'à midi et que la lr e D . C. R . (général Velvert) soit mise à ses ordres, i l espère l'utiliser dans la nuit du 5 au 6.

A midi 30, i l rend compte au général Besson : « Ce matin rush de chars en direction de Roye avec espoir que tout craquerait.

Résistance des points d'appui. L'ennemi essaie d'ouvrir une brèche vers le sud-ouest et le sud-est. »

Après une courte accalmie, la bataille fait rage jusqu'au soir. Des centaines de pâmer défilent dans le Santerre, se con- densent ^autour des localités, notamment de Chaulnes, centre de gravité de la 19e Division qui tient toujours. « L a résistance de la 19e Division nous sauve », dit Frère. Mais pour qu'elle dure, i l faut la ravitailler, la dégager au cours de la nuit pro- chaine, question de chars. L e problème reste posé.

A u cours de l'après-midi, le général Frère appelle le général Besson, près de qui se trouve justement le commandant en chef :

« Mon général chez moi tout le monde tient. On est encerclé mais on tient. U n groupe du 304e Régiment d'artillerie vient de contre-attaquer et de faire 150 prisonniers. J ' a i la convic- tion absolue que l'armée est en train de se sauver. Nous n'avons pas le droit, ni vous, ni moi, ni qui que ce soit de donner à ces braves gens l'impression que nous les abandonnons. Il faut ce soir les ravitailler, pour cela i l me faut des chars puis- sants. Laissez-moi le bataillon de chars B , qui constitue à lui seul la l r e D . C. R . Je suis sûr que vous me comprenez. » U n instant de silence, puis, j'entends la voix du général Weygand :

« L e général Besson m'a mis au courant. Il v a vous faire con- naître lui-même sa décision. » Aussitôt après le général Besson :

« Très bien, entendu. Vous conserverez la l r e D . C. R . ».

Finalement au soir de cette première journée de bataille, l'attaque ennemie a mordu sur la position de la V I Ie Armée.

Son avance dessine un golfe dont le fond est devant Chaulnes.

On évalue à 500 panzer la force de l'attaque blindée qu'elle a soutenue. Quelques infiltrations d'engins sont signalées à 3 kilomètres au nord de Roye. D'autre part, la Xe Armée a

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fait connaître la- gravité des résultats obtenus par l'attaque débouchant d'Amiens, et de forts rassemblements ont été signalés en forêt de Coucy. C'est donc pour le lendemain une triple menace, sur le front et sur les deux ailes de la V I Ie Armée.

A 23 heures, le général Frère ordonne qu'on se battra le 6 sur les positions maintenues dans l a journée, et dirige les élé- ments disponibles de la l r e D . C. R . sur la 19e Division afin de parer à la menace sur Roye. L à nuit se passe à essayer de ravitailler les points d'appui isolés. Il faudrait peu de chose pour nettoyer de chars ennemis les intervalles, des chenillettes y parviennent en certains endroits. Mais i l est reconnu impos- sible de charger les avions des ravitaillements en denrées, et surtout en munitions, à la place de bombes, et, d'autre part, des retards sont signalés dans la marche de la l r e D . C. R . L e général décide de porter le lendemain tout l'effort de l'aviation sur les chars ennemis.

A u matin du 6, les renseignements de la nuit n'ont apporté aucun élément nouveau. U n certain nombre de points d'appui ont pu être ravitaillés, dont Marchelepot, Licourt, Pertain, Misery qui tiennent encore, grâce à l'héroïsme d'une poignée d'hommes. Si ces lignes tombent sous les yeux d'un de ces vail- lants, qu'il sache combien leur intrépidité a ému le cœur du commandant en chef et répondu à ce qu'il attendait d'eux.

Deux soucis majeurs, en cette matinée du 6,. pour le com- mandant de la V I Ie Armée. Il met au point l'exécution d'une attaque d'aviation aussi forte que possible contre les rassem- blements de panzer. Sa seconde préoccupation est d'un autre ordre, « dès la nuit du 5 au 6, la situation a laissé entrevoir au général Frère que notre front sera sans solidité devant de telles attaques, A en juger par le nombre de ses chars, l'ennemi y met le prix. Son effort en vue d'atteindre Roye est visible.

Comme i l n'a pu franchir d'emblée les défenses de la 19e D i v i - sion qu'il a cependant fort malmenées, peut-être essayera-t-il de déboucher dans le Santerre en venant d'Amiens et ceci pourrait aboutir rapidement à l'encerclement définitif de notre première position. L'attention du général se porte donc sur la deuxième. Rien n'y est encore cohérent, surtout sur la gauche, par où i l est logique de voir la menace ennemie. Il y faudrait

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une grande unité de plus afin d'étoffer l'action de la 47e D i v i - sion, tout entière orientée vers Roye, et couverte sur l'Avre par de la cavalerie seulement. Or la 241e Division, qui avait été annoncée, a été happée par la bataille en cours de mouve- ment. Inutile dé songer à renforcer la première position. Pour durer, c'est sur la deuxième qu'il faudra maintenant faire bloc. » E n gros, i l s'agira de ramener sur la deuxième position les unités qui se sont battues sur la première, à l'exception des 19e et 24e Divisions qui ont le plus souffert et passeront derrière en réserve. Mais cette m a n œ u v r e , qui est déjà un risque, peut aboutir à un désordre grave, si le repli nécessaire n'est pas préparé à temps pour les exécutants. Il faut donc appeler leur attention au plus t ô t sur cette éventualité. On ne passera à l'exécution que lorsque le commandement en donnera l'ordre (1). « Une instruction personnelle et secrète fut en con- séquence envoyée de bonne heure aux Corps d'armée, réglant les mouvements à préparer pour eux pour se porter sur la deuxième position lorsque l'ordr^ en serait donné. » L e matin la bataille reprend avec une intensité accrue. « Colonnes innom- brables de chars », dit la 19e Division ; un observateur en avion déclare n'avoir jamais imaginé « un pareil fourmillement de blindés ». Devant la 19e Division principalement une masse de 800 chars sûrement, peut-être 1.000.

C'est sur elle que se déclanche, vers 16 heures, la contre- attaque aérienne préparée par le général Frère. On y a mis toutes les ressources qu'on a pu rassembler : 50 avions. Lorsque les aviateurs rentrent, ils ont conscience d'avoir incendié de nom- breux chars, d'avoir fait du bon travail. Mais i l en reste à faire.

Ils ont t r o u v é tant et tant-d'objectifs, cette lutte a été pour eux si passionnante, qu'une fois rentrés au terrain 34 équipages font recharger leurs appareils et sans nouvel ordre, reprennent leur mission sur les mêmes objectifs. Grâce à eux l'avance des chars allemands est freinée le 6 juin.

Ce résultat obtenu avec dës-iorces aussi minimes, permet d'imaginer sans risquer d'être t a x é d'un optimisme exagéré, ceux qui auraient pu être atteints si nos alliés avaient consenti à nous donner un concours sans réserve de leur aviation.

L e commandant en chef mis, vers 18 heures au poste de

(1) Colonel Baures.

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commandement du général Besson, en présence de l'ensemble des renseignements reçus des V Ie et X e Armées, reconnaît avec lui et le général Georges à la nécessité de rétablir l'ensemble du groupe d'armées sur une ligne arrière et de reporter la défense de la V I Ie Armée sur la position prévue par l'instruc- tion du matin. Il suffit alors au général Frère d'un coup de téléphone pour en ordonner l'exécution.

Pendant que les divisions du premier échelon se décrochaient, l'ordre du jour particulier suivant du commandant en chef parvenait au général Frère : « Les V Ie, V I Ie e t - Xe Armées ont remarquablement mené la bataille contre des forces allemandes considérables, comprenant 5 Panzer divisionnen, en leur infli- geant les pertes les plus lourdes. Après la m a n œ u v r e en cours ' de réalisation, qui va replacer nos forces soudées face à l'ennemi, elles prépareront aussitôt le même quadrillage profond du ter- rain, les mêmes organisations de feux, la même lutte acharnée contre les chars, pour être prêtes à de nouveaux succès. »

L a V I Ie Armée avait gardé ses positions sans faiblir : « Pen- dant deux ou trois jours alors, l'espoir gonfle les cœurs. On tenait enfin; l'ennemi, malgré ses chars et son aviation, ne pas- sait pas. Les ravitaillements des points d'appui se faisaient la nuit à travers les masses des chars ennemis (1). Les sentiments, les espoirs du général Frère et de son armée communiaient avec ceux du Commandant en chef. »

Dans les journées qui suivirent l'attaque ne faiblit pas.

L'effort ennemi se porte 'principalement sur Roye, c'est-à-dire sur la 4 7e Division.

Le repli sur la deuxième position s'est en somme opéré dans des conditions satisfaisantes. Quelques inquiétudes persistent concernant les unités qui ne l'ont pas encore rejointe : la 3e D . L . I. qui maintiendra tout le jour sa défense en avant d'elle, et des éléments des 2 3e et 2 9e Divisions. Mais dans son ensemble la V I Ie Armée a pu s'installer prête à se défendre sur la position assignée.

Clouer sur place l'irruption des chars ennemis paraît tou-

(1) Capitaine de Montallvet.

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jours au général Frère essentiellement affaire d'aviation. Dans l a m a t i n é e du 7 juin, quelques attaques de nos avions les ralen- tissent. L e général ne peut pas obtenir davantage tant doivent être comptées sur l'ensemble du front de nos armées les mis- sions de l'aviation française. Il me fait demander directement que la Royal Air Force intervienne. Mais nos instances les plus émouvantes pour amener le gros des forces dans notre ciel res- teront toujours sans écho.

D u moins Frère a-t-il son artillerie, dont i l connaît toute la valeur. L e général Routhier s'emploie à faire taper sur les panzer, qui s'accumulent innombrables dans le goulot de Roye, tous les canons qui peuvent y atteindre. Une concentration d'artillerie légère et lourde, artillerie de division de Corps d'armée et d'armée, force la 4e Panzer divisionne à stopper.

A la fin de la journée l'armée est restée ferme sur la deuxième position. Ce succès relatif est dû, en dehors de l'aviation et de l'artillerie, aux contre-attaques de la 2 3e Division et de la 7e D . I. C. dont la qualité combattive s'est sérieusement accrue, et à l a belle résistance de la 47e, qui a engagé ses réserves et subi des pertes sérieuses, mais qui n'a pas reculé.

*

* *

Dans la nuit du 7 au 8, les éléments restés en avant ont rejoint. L'attaque continue. L a journée se terminera sans que l'armée ait été entamée. Cette fois encore l'effort allemand sera brisé à Roye, devant la 4 7e Division.

Mais à la droite et à la gauche de la V I Ie Armée, i l n'en va pas de même. L'ennemi a franchi l'Aisne dans la zone de la V Ie, et l'avance profonde des panzer dans celle de la X e a, dès le 7, atteint Forges-Jes-Eaux à 42 kilomètres de Rouen. Cette situa- tion inquiétante conduit le commandement à envisager un repli de plus grande envergure j u s q u ' à l'Oise, en aval de Compiègne, et peut-être même jusqu'à la position avancée du G. M . P . face aux débouchés des forêts d'Halatte et de Villers- Cotterets.

A v a n t d'examiner le nouveau problème que cette détermi- nation va poser à la V I Ie Armée, dégageons l'essentiel des réso- lutions de son chef, elles sont à la base de sa belle résistance :

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décision de prévoir l'effort sur l'axe Péronne-Roye, maintien des troupes dans leurs points d'appui où elles se sont splendi- dement battues, interventions capitales de l'aviation et de l'ar- tillerie, prévisions constantes afin de ne pas laisser les subor- donnés dans le vague, et ne pas les surprendre par l'exigence de m a n œ u v r e s inattendues. « Frère est apparu au cours de ces dures journées comme incarnant le devoir militaire vis-à-vis du Commandant en chef et du Commandant du groupe d'armées, vis-à-vis de ses inférieurs. Sa volonté s'est manifestée, chaque fois qu'il était nécessaire, après qu'il eut assimilé, avec une sur- prenante rapidité, la somme de renseignements lui permet- tant de juger utilement la situation et d'en déduire son com- portement. Précision de pensée, hauteur de vue, clarté de con- ception ont certes compté pour beaucoup dans le fait qu'il ait pu, dans ces moments tragiques, se faire comprendre et se faire obéir. (1) »

Le 8 juin à 18 heures, le général Frère reçoit du général Besson l'ordre d'effectuer dans la nuit le repli sur l'Oise et l'annonce de deux nouvelles divisions : la 5 7e et l a 239e chargées de tenir en arrière la position de sûreté du Gouvernement militaire de Paris.

Le repli de l'armée sur l'Oise présente des difficultés et des risques. L a principale difficulté est la distance, certains élé- ments devront parcourir une longue étape qu'il est impossible de terminer avant l'aube. D'autre part, la violence de l'offensive ennemie sur la 47e Division et la 7 2e D . I. N . A . permettra-t- elle le décrochage du centre de l'armée ? Autre risque enfin, celui d'une attaque débouchant de Noyon dans le flanc des colonnes en retraite.

Le général Frère donne ses ordres. Il fixe les axes de marche de ses Corps d'armée, constitue un échelon de repli à l'aide des divisions déjà portées en arrière de la deuxième position, prescrit que les ponts de l'Oise soient tenus et gardés j u s q u ' à l'écoulement total des colonnes, et que les flancs soient couverts au loin. • '

Mais comment s'exéeutera ce repli ? Angoissante question que se pose le général Frère lorsqu'il quitte son bureau au milieu de la nuit.

(1) Général Baures.

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Le problème posé à la V I Ie Armée est en effet délicat à résoudre. Ses unités de gauche ont 40 kilomètres à parcourir. Les points de passage de l'Oise sont limités à cinq, deux ponts de routes et trois ponts de voies ferrées. Aussi le génie a-t-il reçu l'ordre de construire deux ponts de neuf tonnes et de pré- parer la remise en é t a t des passages qui seraient éventuelle- ment détruits.

Dans la nuit du 8 au 9 juin, les colonnes s'écoulent en bon ordre, les troupes à pied utilisent tous les itinéraires. L e pas- sage des avions en rase mottes donne bien lieu à quelques mani- festations d'émotion, mais tout désordre est évité. A midi, on signale que la traversée de l'Oise continue sans incident. L ' e n - nemi s'est d'ailleurs m o n t r é moins pressant dans la matinée. Est- ce pour mieux assurer le coup qu'il prépare ? Entre 16 et 17 heures, le drame commence. Les avions ennemis volant i m p u n é m e n t à basse altitude bombardent les ponts-route de Sainte-Maxence et de Creil et font jouer les dispositifs préparés par nous. Ces deux ponts sautent. A 19 heures, celui de Com- piègne a le même sort. A 21 heures, ce sont nos troupes pressées par l'avance ennemie qui détruisent celui de Verberie. L a V I Ie Armée ne dispose plus, pour ses convois et véhicules de toutes sortes, que du pont suspendu de-la Croix Saint-Ouen, et, pour les piétons, du tablier d'un pont de voie ferrée. L e géné- ral Frère a dû d'autre part faire replier le matériel de pontage du génie, craignant que l'ennemi le capture et l'utilise.

J o u r n é e d'angoisse, qui s'achèvera sans que le général puisse être exactement fixé sur le nombre d'unités de son armée repliées au sud de l'Oise. Ce repli réclame des troupes qui se battent depuis quatre jours, de l'infanterie en particulier, un t r è s grand effort. Malgré l'affection qu'il leur porte le général F r è r e est contraint de l'exiger. « J ' é t a i s auprès du général, a écrit un officier de son 3e bureau (1), quand retentit la son- nerie du téléphone. C'est le général Fougère, commandant le 2 4e Corps. Son front n'a guère été entamé, i l ne voit pas la situation générale et ne mesure que la fatigue qui va être imposée sur l'ordre de l'armée à son infanterie épuisée. E t la conversa-

(1) Le colonel de la Chapelle.

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tion s'engage. Je n'en entends naturellement que les paroles du général Frère dont les dernières sont trop profondément gravées en moi pour que je ne puisse pas en garantir la littérale authenticité.

— Je sais Fougère, mais i l est indispensable que votre , infanterie aille aussi loin.

— L a situation m'impose cette décision.

— Non, Fougère i l m'est impossible de revenir sur cet ordre.

— Je mesure tout cela, croyez-le bien, mais je dois vous

maintenir mon ordre. ' Se redressant et d'un ton qui disait à la fois sa bonté, sa

peine et son intraitable volonté : «Fougère je sens la fatigue de nos fantassins jusqu'à en souffrir moi-même, mais Salus Patriae Suprema Lex : vous exécuterez mon ordre. »

Sur cette dernière parole i l raccroche le récepteur. E t l'in- fanterie du 2 4e Corps malgré ses pertes et son épuisement, malgré les ponts sautés, exécute son ordre et se retrouva le lendemain, diminuée certes, mais apte encore à combattre, sur la rive gauche de l'Oise.

Cette journée fut, pour l'ensemble de la V I Ie Armée, moins dure par les combats qu'elle soutint que par les angoissants problèmes qu'elle eût à résoudre. Toutefois la 2e Division, et surtout la 87e qui assurait la sûreté de son flanc droit, furent sérieusement accrochées par l'ennemi à l'est de la forêt de Com- piègne. Dans l'après-midi le 9e zouaves, qui s'était déjà cou-, vert de gloire sur l'Ailette, s'opposa avec la plus belle vaillance aux éléments motorisés qui s'efforçaient de progresser vers le sud-est.

Vers la fin de l'après-midi, le général Frère reçoit une ins- truction du G. A . III, faisant prévoir, comme terme final de repli, son établissement sur la ligne générale Basse-Seine, posi- tion du G. M . P . Ourcq supérieure.

Le 10 au matin, le général Frère reçoit à son poste de com-

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mandement reporté à Montry, les nouvelles de la nuit. Toutes ses troupes ont pu passer l'Oise. Mais que valent-elles après quatre journées de combats ininterrompus et, pour finir, une lutte de vitesse contre les menaces blindées, après le passage de l'Oise dans des conditions qui ont amené l'abandon d'un matériel important sur la rive droite. L e compte rendu adressé, le 10 à 8 heures, par l'armée au général Besson, donne le tableau de ses effectifs. Nous le résumons :

A u 1e r Corps, dans quatre divisions, l'infanterie division- naire est réduite à un, à deux bataillons mélangés, sans arme- ment collectif, l'artillerie divisionnaire à quelques pièces ; l'ar- tillerie lourde du Corps d'armée conserve trois groupes sur quatre, son groupe de reconnaissance ne compte plus que quelques hommes ; de la l r e D . C. R . quelques chars pourront être récu- pérés.

A u 24e Corps, la 2e Division est fortement engagée, la 8 7e est réduite à deux bataillons et un groupe de campagne, la 7e D . I. C. présente des éléments d'une valeur de 4 bataillons, la situation de la 2 3e est encore imprécise, la 3e D . L . L . est reconstituée à 3 bataillons, la 57e est à demi débarquée ; la moitié de l'artillerie lourde du Corps d'armée est passée.

Statistique que confirme cette appréciation du chef d'Etat- major : « L'armée s'est jusqu'ici repliée en bon ordre, mais sa valeur combattive est singulièrement diminuée désormais. Elle a perdu au moins 50 % de ses effectifs combattants. Les divi- sions sont réduites à quelques bataillons et à quelques pièces.

« E t cependant une nouvelle m a n œ u v r e en retraite va devenir indispensable afin d'échapper au double mouvement d é b o r d a n t de l'ennemi de part et d'autre de la V I Ie Armée.

Ainsi vont se succéder, comme en une suite infernale, ces journées de combats et ces nuits de marches forcées. Les hommes avancent en dormant, les cadres doivent faire appel à toute leur énergie pour entendre ce qu'on leur dit et le faire exécuter.

A la fin de la marche, les combattants tombent épuisés sur la nouvelle position qu'on leur demande de défendre. »

*

* *

Le 11 juin au jour, la V I Ie Armée â ses deux ailes installées sur la position du G. M . P . mais sa mise en place est incomplète

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au centre. E n allant occuper son secteur, la 2e Division, trouvant l'ennemi sur sa route, l'attaque et l'en rejette.

Dans l'après-midi, la situation de ses armées d'aile s'étant encore aggravée, une instruction du général Besson fait prévoir un nouveau repli. « Situation effroyabfement préoccupante », déclare le général Frère qui lui envoie, à 23 h. 30, ce nouveau compte rendu : « Des renseignements fournis par le 1e r Corps et de la visite de mes officiers de liaison, i l ressort que les grandes unités de l'armée se trouvent en général, dans une' situation plus précaire encore que ne le faisait prévoir mon compte rendu d'hier. Les unités se sont repliées en bon ordre et ont rapporté la plus grande partie de leur armement individuel. Mais du fait de la destruction des ponts, elles ont dû laisser en rive droite de l'Oise presque tout leur armement collectif, et notam- ment de leur armement anti-chars. C'est ainsi q u ' à un régiment de la 7e D . I. ,N. A . i l reste seulement 7 fusils mitrailleurs et une mitrailleuse et pas un seul canon de 25.

« L a défense anti-chars de la position actuelle repose donc presque uniquement sur les canons anti-chars du G . M . P . qui ne disposent d'aucun moyen de traction.

« L ' é t a t de fatigue extrême des hommes, leur manque d'ar- mement et notamment d'armement anti-chars, l'impossibilité d'utiliser, autrement que sur place, les canons anti-chars du G. M . P . rendent impossible, en l'état actuel, l'exécution de la m a n œ u v r e en retraite prévue par votre instruction particu- lière secrète du 11 juin. Les restes des divisions de la V I Ie Armée ne peuvent être ramenés sur une position plus en arrière q u ' à l'abri d'une couverture constituée par des unités fraîches et disposant d'un armement anti-chars suffisant. »

L a ligne constituée par la Basse-Seine, la position de bar- rage du G . M . P., l'Ourcq et la Marne, sur laquelle se défendent maintenant les armées du G . A . III, est la dernière sur laquelle le haut commandement croit encore possible de réaliser une défense coordonnée et soudée du territoire national. Le 10 au matin, i l en a rendu compte par écrit au Président du Conseil.

Ses angoisses sont celles du commandant de la V I Ie Armée.

Le 12 juin, attaques et contre-attaques continuent sur cette position.

L a V I Ie Armée bénéficie d'un renforcement de valeur. L a

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4e D . L . M . , à peine formée, commandée par le colonel Leyer.

I l reçoit mission du général Frère de couvrir le flanc droit de l'armée et de le renseigner sur les directions dangereuses. L e colonel Leyer a peu de matériel mais i l est « plein d'allant ».

A u cours des journées (fui vont suivre i l accomplira remarqua- blement cette tâche, renseignant, couvrant, contre-attaquant.

Sur la Basse-Seine, la situation a empiré : l'ennemi a pu s'emparer de trois têtes de pont sur la rive gauche d'Elbeuf, à l'est de Louviers, à l'ouest de Vernon. E n Champagne, i l n'en va pas mieux : la montagne de Reims est coupée, la Marne franchie au sud de Dormans. « L'armée continue d'être menacée sur ses deux flancs. Il faut le comprendre pour pénétrer le sens des ordres du haut commandement qui brusquent nos mou- vements. » (1)

A v a n t de quitter Montry, à 17 heures, le général Frère a dû, sur une instruction du Groupe d'armées, ordonner de porter les impedimenta derrière la Seine et d'exécuter pendant la nuit un nouveau repli sur le canal de l'Ourcq et la Marne. Sur les routes qu'il parcourt pour se rendre à son nouveau poste de commandement, Dammarie-les-Lys près de Melun, s'écoulent des colonnes interminables de réfugiés, à rangs pressés de véhicules de toutes sortes, des automobiles surtout, mais aussi des bicyclettes et des brouettes.

« Nous voici au sud de Paris, écrit le général Frère. L a situa- tion générale de nos armées, dans cette soirée du 12, m ' a p p a r a î t irrémédiablement compromise. E n attendant, la V I Ie Armée n'est ni rompue, ni encerclée », peut-il ajouter avec fierté car c'est bien à lui qu'elle le doit.

* * *

Pour le Commandant en chef aussi, en cette journée du 12, la bataille de France est perdue. L a dernière ligne de défense de la position profonde d'une centaine de kilomètres, sur laquelle les armées du nord-est viennent de livrer une bataille acharnée et ininterrompue de huit jours, est rompue à l'ouest et à l'est de la capitale débordée, et la V I Ie Armée, est, plus que jamais, menacée d'encerclement. De l'éventualité, possible à bref délai,

(1) General Baurês.

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de cette rupture et de ses conséquences le Commandant, en chef a prévenu l'avant-veille 1& Président du Conseil par écrit. E t le 11 juin, i l 'a adressé à titre de prévision pour le cas où elle se produirait, une instruction personnelle et secrète au général Georges. Nous en reproduisons les passages principaux afin de faire connaître l'essentiel de la m a n œ u v r e , et de l'effort demandé aux armées.

I. A u point où en est arrivée la bataille, i l y aura lieu de prévoir l'éventualité où, malgré la résistance de nos troupes, le front Basse-Seine, position de Paris, Marne serait disloqué.

Le Commandant en chef veut dans cette éventualité couvrir aussi longtemps que possible le cœur du pays et conserver le

> plus grand nombre de grandes unités. Il est essentiel que tous, chefs, soldats, aient le sentiment que malgré les revers, la direc- tion d'ensemble reste assurée et le sera jusqu'au bout...

II. Dans l'éventualité définie ci-dessus et sur ordre direct du Commandant en chef les directions générales des différents groupes d'années seront :

G. A . III, Paris-Orléans.

III. L e but général est de regrouper dans le meilleur état possible nos grandes unités sur la ligne générale Caen, Tours, la Loire, Clamecy, Dijon jalonnée par les môles des collines du Perche, de la-Loire moyenne, du Morvan, des forêts du Doubs...

I V . Pour faciliter ces m a n œ u v r e s les moyens de transport par voies ferrées et routières seront décentralisées par groupes d'armées...

Le 12 juin, au début de l'après-midi, les événements mili- taires que nous avons résumés décident le Commandant en chef à donner l'ordre de mettre cette instruction à exécution.

Les ordres qui s'en suivent du général Besson parviennent à la V I Ie Armée à Dammarie-en-Lys dans la nuit du 12 au 13.

E n bref, i l faut aller en trois bonds sur la Loire. L e décroche- ment du front actuel est pour la nuit suivante. Le chef d'état- major'et celui du 3e bureau essayent de résoudre ce problème technique posé à l'armée. « Peine perdue, par quelque bout que l'on prenne la question, elle, s'avère insoluble. Près de 200 kilo- mètres à faire sans compter les souffrances du décrochage, les

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nécessités des barrages frontaux et de la sûreté des ailes. Quant aux itinéraires, leur encombrement ne facilitera pas la rotation des camions, si ceux-ci suffisent à transporter les troupes à pied. Mais i l y a l'armement, mitrailleuses, canons, équipages, et i l y a encore la Seine à traverser. On n'aperçoit pas de solu- tion simple.

« Obéir purement et simplement c'est mettre sur la route des unités qui vont s'y dissocier, s'y engloutir, c'en sera fait de l'armée.

« Ne pas obéir c'est rester accroché désespérément là où l'on est aujourd'hui, s'y battre jusqu'au dernier homme. E t puis après ? On n'ose bientôt plus se répondre à soi-même, aux questions que l'on se pose.

« C'est au milieu de cette inquiétude professionnelle que le général Frère arrive au 3e bureau au début de la matinée. Je lui présente le papier de la nuit ; et puis je lui dis : « Nous nous battons sur l'Ourcq et sur la Marne et maintenant on nous demande de nous décrocher ce soir et de faire 200 kilomètres pour nous rétablir sur la Loire en 36 heures. Vous connaissez l ' é t a t des troupes, vous connaissez la situation des routes. Il y a pour exécuter cet ordre un problème technique à résoudre.

Je ne sais pas le résoudre par des procédés sûrs. »

« E t je poursuis : « Les instructions du G . Q. G . d é n o t e n t une situation d'ensemble désespérée. Or la V I Ie Armée est encore cohérente, bien dans la main de son chef.' Tel que l'ordre est donné, c'est sa destruction sans profit. »

« Je propose alors au général de se rendre à Briare, de voir le général Weygand, de l u i exposer la situation de l'armée et surtout de l u i dire : « qu'un nouveau repli v a causer sa désor- ganisation. Quant à résister sur place dans l'état où nous sommes, c'est consommer le sacrifice suprême. » Autrement dit, la ma- n œ u v r e prévue par le G . Q. G . n'a pas de solution, actuellement connue pour son exécution par la V I Ie Armée. Si le Commandant en chef ne peut intervenir dans l a bataille d'autre façon c'est l a fin de l'armée. »

« Nous sommes le général et moi l'un devant l'autre' en proie à la plus vive douleur. A u bout d'un instant le général se croise les bras, i l me regarde affectueusement et, sans se départir de sa sérénité, i l me dit d'un ton enjoué : « Si je com- prends bien, nous n'avons plus de quoi m a n œ u v r e r et vous

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voulez que j'aille, moi, trouver le Commandant en chef et que je lui dise qu'il faut faire la paix ? »

« Je réplique que, telle qu'elle est élaborée, l'instruction du général Weygand est franchement inexécutable dans le temps imparti, et avec les moyens dont nous disposons, dans l'encombrement des communications et au milieu de la désor-

v ganlsation du pays. Si on l'exécute sans autre précaution ou si le haut commandement ne nous donne pas les renforcements nécessaires pour nous battre avec quelque chance de durée sur le front actuel, c'en est fait de l'armée. »

« J'ajoute que les impossibilités techniques que l'on aperçoit dès l'abord demandent certes une étude plus approfondie, mais que je ne crois pas pouvoir trouver de solution convenable ni rapide à ce problème, tant que nous ne pourrons nous rendre maîtres de certains éléments tels que les transports, le refou- lement des réfugiés, l'avance ennemie.

« Nous tombons enfin d'accord avec le général sur la néces- sité de nous mettre à la besogne d'arrache-pied, pour trouver une solution quelconque, tandis qu'il estime de son côté qu'effec- tivement i l est essentiel que lé général Weygand soit mis au courant. Il part aussitôt pour Briare avec de Cahouët.

« Je réunis alors les officiers du mouvement et des transports des 3e et 4e bureaux. Il s'agit dé trouver une solution à tout prix. E h bien ! de nos controverses, i l sort une solution. Oh ! elle est bien risquée, elle est barbare au possible, car elle est basée sur des ruptures de charge à la coupure de la Seine.

« Dans un premier temps, les camions transporteront en noria l'infanterie sur la Seine. Quant aux équipages, ils iront par la route, et tout d'un trait, jusque derrière la Loire, auto et hippo. Deuxième temps : les fantassins, ayant traversé la Seine à pied, s'embarqueront en chemin de fer sur les deux lignes existantes dans notre zone, Malesherbes-Corbeil et Montargis- Moret. E t puis tout se recollera, si Dieu le permet, derrière la Loire. Quant aux troupes maintenues jusqu'au dernier moment en barrage sur la Seine, elles seront enlevées en troisième lieu par les camions préalablement passés en rive sud de la Seine et qui franchiront les derniers les ponts de la Loire.

« Que l'on s'imagine le désordre affreux qui en pourrait résulter si les éléments dissociés ne se retrouvent pas ? Mais nous n'avons pas le choix. Pour monter un tel système, i l nous

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faudra d'ailleurs travailler toute la journée. Heureusement ce jour-là les nouvelles du front ne sont pas catastrophiques.

Nous avons pu barrer la Seine avec de nouvelles troupes et nos éléments cuirassés assurent notre sécurité sur le flanc Est, le plus immédiatement dangereux en ces jours-là. »

I l reste au général Frère à mettre le commandant en*chef au courant des difficultés, si ce n'est de l'impossibilité d'exé- cuter le repli sur la Loire. Dans ce but i l s'adresse au général Besson. N'ayant pu obtenir la communication avec le groupe d'armées, i l part avec le commandant de Cahouët pour Briare, où le général Besson, a installé son P . C. près du général Georges (1). Il arrive à Briare vers 13 h. 30 au moment où ils se mettent à table avec les officiers du cabinet du général Georges. Il déjeune avec eux.

« L'atmosphère est lourde (2). Les officiers du Grand Quar- tier répètent à demi voix qu'il n'y a plus rien à faire. Après le déjeuner, je reste seul avec les deux généraux. Je leur expose l'état dans lequel se trouve la V I Ie Armée, l'usure des effectifs, l'épuisement des hommes, je leur déclare qu'il est impossible d'envisager l'exécution du repli sur la Loire, si tous les éléments à pied ne sont pas transportés. Or je n'en ai pas les moyens...

« L e général Besson insiste sur la nécessité d'un repli profond pour échapper à l'encerclement. Son exécution tiendra du miracle, mais i l faut y arriver.

« Puis le général Georges me parle de la continuation des hostilités. L'ennemi dispose encore d'une réserve d'une tren- taine de divisions, chez nous, plus rien. Il est donc d'avis qu'une demande immédiate d'armistice s'impose. Le général Weygand, dit-il, partage cet avis (3) et aussi le maréchal P é t a i n . Hier le général Georges a montré à Paul Reynaud mon compte rendu de Montry : «Voilà, monsieur le Président a-t-il ajouté, quelle est la situation décrite par l'officier général le plus optimiste de l'armée française. » Mais Reynaud s'obstine envers et contre tous. Il veut défendre le réduit breton — avec quels moyens ? — et replier, comment, les armées en retraite en Afrique du Nord.

« Je réponds au général Georges que les unités de

(1) Le général Weygand a été appelé à Tours par le gouvernement.

(2) Souvenirs du général Frère sur la VII* armée, rédigés en septembre 1940.

(3) Le général Weygand a demandé au gouvernement le 12 dans l'après-midi, à Cangé, la conclusion d'un armistice.

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la V I Ie Armée très réduites dans leurs effectifs et leurs moyens matériels, sont encore bien dans la main de leurs chefs, qu'elles constituent encore à l'heure actuelle un élément d'ordre. Il est à craindre au contraire qu'un repli profond ne les dissocie et que n'ayant plus de cohésion, é c h a p p a n t à l'action du com- mandement, elles ne deviennent un élément de désordre. C'est à mon avis un argument de plus en faveur de la cessation des hostilités. Quoiqu'il en soit, on fera ce qu'on pourra. »

L e général Frère rentre à son poste de commandement au courant de la situation d'ensemble et décidé à tout faire pour agir dans le sens voulu par le G. Q. G. Peu après, les ordres fondés sur le résultat des études de la journée à l'Etat-major peuvent partir en vue de l'exécution du mouvement de retraite qui doit amener la V I Ie Armée sur la Loire. L e rétablissement sur la Seine sera limité strictement au temps nécessaire à l'or- ganisation du repli sur la Loire. L e problème crucial est le trans- port de l'infanterie. L e capitaine Lardin s'emploie et s'emploiera les jours suivants à en améliorer les solutions avec une ingénio- sité, une persévérance et une activité auxquelles un très grand nombre de combattants de l'armée doivent leur liberté ou leur vie.

Le 15 juin, le général Frère est convoqué à B r i a r e , son voyage à travers les convois de réfugiés l u i laisse une affreuse impres- sion de détresse. « Les colonnes de réfugiés sont engagées dans les deux sens sur la route d'Orléans à Nevers... L a plupart ont déjà passé plusieurs jours et plusieurs nuits sur la route. Beau- coup manquent de vivres, d'eau et d'essence.., A u carrefour des Bordes qui commande le pont de Sully, l'embouteillage est com- plet. U n convoi militaire est bloqué sur la route nord-sud allant au pont et sur la route de Briare, les civils arrêtés attendent leur tour de passage. On voit des+enfants mourants dans les bras de leurs mères et l'on entend dans une maison voisine les plaintes d'une femme qui accouche... Dans cette foule surex- citée, les mauvaises nouvelles vont vite, des hommes affolés demandent s'il est vrai que je vais faire sauter le pont. Je descends de voiture. Les réfugiés se pressent autour de moi, comme si j'allais leur apporter la solution. Je les calme de mon mieux. Je leur dis que les Allemands sont loin, qu'il n'est pour le moment pas question de faire sauter le pont ; que je vais m'occuper de leur ravitaillement. Les hommes applaudissent, les femmes pleurent. » <

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20 L A R E V U E

A Briare, que l'on se prépare à quitter pour Vichy, le général Georges a réuni les généraux Besson, Huntzinger, *Réquin, Touchon, et Frère. L'ambiance est plus sombre encore que le 13. Impression juste hélas. L e communiqué allemand ne vient-il pas de proclamer : « Aujourd'hui a commencé la troi- sième phase des opérations : la poursuite des armées françaises j u s q u ' à leur complet anéantissement. »

Cependant grâce aux ordres donnés, à l'énergie de tous, à leur confiance dans leur chef, le replis de la V I Ie Armée sur la Loire s'exécute. E n fin de parcours les mouvements des colonnes sont retardés sur les ponts de Jargeau, Châteauroux, Sully et Gien par le défilé lamentable des réfugiés et par le reflux sur les ponts des unités d'aile des armées voisines que bouscule la rapidité de l'avance ennemie. Malgré ces difficultés et les bombardements en piqué des points de passage (1), « par un véritable miracle » le franchissement de la Loire s'achève dans de bonnes conditions. L e déploiement de la V I Ie Armée au sud du fleuve est terminé le 17 juin.

Ce jour là le général Frère apprend à la fois que M . Paul Reynaud a démissionné, que le maréchal Pétain a accepté le fardeau du pouvoir en cette heure tragique et que dans la nuit le nouveau gouvernement a demandé au gouvernement du Reich de lui faire les conditions d'un armistice.

L a déclaration du maréchal Pétain annonçant aux Fran- çais cette grave nouvelle contenait un passage p r ê t a n t à équi- voque. Sa diffusion fit naître chez certains combattants épuisés l'espoir d'une cessation immédiate des hostilités. Dès que le commandement en est informé, i l réagit. L e jour même le général Besson adresse à ses armées l'ordre suivant : « U n suprême effort est demandé à tous, aux chefs et à la troupe, pour sauver l'honneur de nos armes et éviter une capitulation honteuse.

Il n ' y a ni armistice, ni suspension d'armes, la bataille continue. » Ordres indispensables car les Allemands, déclarant l'armis- tice conclu tentent des m a n œ u v r e s d'intimidation pùur obtenir sans pertes le passage sur la rive sud de la Loire. A Sully, ils é m e t t e n t la prétention de se voir livrer le pont intact et une t ê t e de pont au delà. L e général Duchemin leur fait savoir

(1) Le Q. G. de l'armée est bombardé le 15 à Châteauroux-sur-Loire, ses colonnes sont attaquées le 16 au passage de la Loire, de même que sur les autres ponts de la zone Sully, Jargeau et Gien.

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qu'il n'obéit qu'aux ordres de ses chefs et fait sauter le pont à leur nez. Les généraux Gérodias et Mendras, objets de ten- tatives du même ordre, y répondent de même. L e désarroi est aussi, d'autre part, augmenté par la décision du gouvernement de déclarer villes ouvertes les agglomérations de plus de 20.000 habitants, avec interdiction d'en défendre les issues et l'intérieur et d'y faire aucune destruction. Les chefs s'insurgent contre cette mesure qui paralyse la résistance. Les incidents les plus fâcheux s'en suivent dans certaines localités.

Le redressement sur la Loire à peine terminé et les ponts sautés, le commandement, pressé par les événements, doit entamer une nouvelle lutte de vitesse pour parer aux graves menaces pesant sur les arrières du G . A . III. Des rétablissements successifs devront être opérés sur le Cher, l'Indre, la Creuse, la Gartempe et la Vienne. L e général Frère a adopté pour cette longue retraite un dispositif a d a p t é aux circonstances. Ce qui subsiste des groupes de reconnaissance reste au contact de l'ennemi pour le contenir et le retarder. Les grandes unités retraitent en deux échelons : l'un "en barrage sur la coupure à défendre, l'autre franchissant ce barrage et allant s'établir sur la coupure suivante. Les flancs sont toujours couverts loin en arrière par des détachements chargés de boucher par avance les itinéraires de pénétration dans la zone de l'armée.

Malgré l ' é t a t de lassitude des troupes, tant de sacrifices phy- siques, tant de tourments, les menaces sur les ailes sont telles que la V I Ie Armée, dans son mouvement vers le sud à un rythme accéléré, risquera à tout instant de voir ses communications coupées, ses divisions faites prisonnières.

Chaque jour le général Frère voit ses commandants de corps charmée. Il insiste sur la nécessité de poursuivre sans désemparer cette retraite. Ceux-ci insistent sur l'état d'épuise- ment des unités, sur la nécessité de les reconstituer et de les laisser souffler. Ils signalent les difficultés qu'ils éprouvent à ravitailler des réfugiés qui manquent de tout, à leur assurer des soins médicaux. L a situation pitoyable de ces malheureux exerce sur les troupes une impression déprimante. L a fatigue est en effet effroyable. A chaque instant i l faut lutter pour se dégager. L e général Frère est partout. Il porte sur ses épaules la souffrance de ses hommes.

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22 LA REVUB

L a limite des forces humaines semblait atteinte en ce jour de juin où le capitaine de Montalivet vint apporter au 1e r Corps un nouvel ordre de retraite. « L e général Sciard s'insurgea:

« Mes hommes n'en peuvent plus, c'est impossible. » L e général F r è r e entra à ce moment. Il s'assit en face du général Sciard.

U n instant de silence, puis le général Sciard l u i dit : « Mon général, c'est impossible,' mes fantassins sont à bout. Se battre, marcher, se battre encore, ils n'en peuvent plus. » Le général F r è r e d'une voix que l'émotion faisait trembler l u i répondit :

« Sciard, croyez-vous qu'un vieux fantassin comme moi ne souffre pas jusqu'au fond de lui-même de la souffrance de ses fantassins. » C'était tellement bouleversant ces simples mots dits dans de pareilles circonstances que tous les officiers présents dans la pièce, debouts, immobiles d'émotion et fatigue, avaient les larmes aux yeux. »~

Est-ce ce jour-là ou un autre que, dans un coin du salon, le s général Frère entendit le colonel de Brécy, sous-chef d'Etat- major du corps d'armée « bougonner » : « j'en ai assez de f... le camp. Je ne me replie plus » ? Il tint parole car, le 20 juin, i l prit le commandement d'un bouchon de route pour interdire le débouché de Vàlençay.

C'est ce jour-là encore qu'au moment où le général Frère s'informait du sort de la 2e Division, retentit un coup de télé- phone de son chef d'Etat-major. «Les éléments sont, en grande partie, rentrés. Nous en avons assez de nous replier. L'ennemi n'est pas mordant, i l y aurait des occasions magnifiques de contre-attaquer. » L e général Frère prit l'appareil : « Il ne s'agit pas de contre-áttaquer, ce qui importe pour la V I Ie Armée tout entière et pour la 2e Division comme pour les autres, c'est d'échapper à l'encerclement, i l faut donc se replier encore. Pour les exécutants en effet, le sort des combats s'inscrit d^ans les limites de leur horizon. Pour le commandant de l'armée la bataille est une. » Mais avec quelle fierté le général Frère a-t-il dû accueillir au fond de son cœur cette réaction de sa chère

« division de fer ».

Le 22 juin, la radio de l'ennemi fait connaître que la conven- tion d'armistice est conclue avec l'Allemagne, mais qu'elle ne pourra entrer en vigueur qu'après la signature de la convention avec l'Italie. L a retraite^ se prolonge. Plus que jamais dans

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cette m a n œ u v r e à base de camions, i l est indispensable d'utiliser à plein les moyens de transport.

Mais ils ne suffisent plus. On ne peut espérer tout sauver. Il vient un moment où i l est nécessaire de consentir un sacrifice.

L e nombre des combattants déjà si éprouvés, "est très diminué, par rapport à l'effectif des services. Leur action est indispen- sable au salut de l'armée. L e 24 juin, le général Frère prescrit de décharger sur place les camions, des parcs et des convois de l'artillerie et du génie, des chars et des aérostiers afin de les rendre disponibles pour la troupe. « Je vous ordonne, écrit-il, de consacrer tous les moyens automobiles aux transports néces- sités par l'enlèvement par ordre d'urgence.

— de l'infanterie,

— de l'armement, canons de campagne,

— du ravitaillement en munitions et d'autres sortes des deux premières urgences.

« Les reliquats des colonnes seront acheminés en convois sur des itinéraires particuliers par leurs propres moyens, sans renforcement et quel que soit le sort tactique qui puisse en résulter. »

Cet ordre sera le dernier. Après une visite tardive au 1e r Corps le général Frère arrive à 23 heures à son poste de commande- ment. L e colonel Baurès l'attend et lui annonce que l'armistice est signé, que les hostilités devront cesser à minuit 35.

Quelques heures plus tard, les survivants de la V I Ie Armée entendaient la lecture de l'ordre du jour du général Frère.

« Officier, sous-officiers et soldats de la V I Ie Armée.

« L a guerre se termine sans que la V I Ie Armée ait été battue.

« A t t a q u é s sur la Somme et sur l'Ailette par un ennemi disposant d'une supériorité écrasante en aviation et en engins blindés, vous n'avez pas cédé.

« Ces durs combats ont été suivis de la douloureuse épreuve de la retraite. L'avance de l'ennemi sur nos deux flancs nous menaçant d'encerclement, i l a fallu pour échapper à son étreinte, opérer un repli de plus de 400 kilomètres. Je connais les efforts surhumains que vous avez dû fournir. Si je vous les ai demandés,

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24 L A R E V U E

c'est pour vous éviter la honte et les misères d'une capitulation en rase campagne.

« Vous connaissez les causes de nos échecs. L e maréèhal P é t a i n , glorieux vainqueur de 1918, vous les a indiquées.

« Soldats de la V I Ie Armée, vous représentez une force Contre laquelle l'ennemi s'est brisé et qu'il n'a pu dissocier. Il faut que les vôtres le sachent, quand vous rentrerez dans vos foyers.

« Je décide donc que tout combattant ayant pris part aux opérations du 5 au 24 juin, et resté en armes dans son unité, recevra la Croix de guerre.

« Maintenant, refaites vos forces et demeurez comme dans la bataille et dans la retraite, groupés autour de vos chefs. C'est aujourd'hui plus nécessaire que jamais.

« Soldats de la V I Ie Armée, conservez le cœur fier et la t ê t e haute, vous n'avez pas connu la défaite. »

Langage d'un chef fier de la conduite de son armée. C'est justement qu'il rappelle dans ses Souvenirs que, des douze divi- sions de l'armée, aucune ne manque à l'appel. Les combats livrés n'ont laissé à certaines d'entre elles que des effectifs minimes et un matériel très réduit. Mais toutes sont là et l'armée a sauvé près de 600 pièces sur les 1.200 qu'elle a possédées (1).

Il convient de faire suivre cet ordre du jour de ces lignes où le général Frère rend hommage au courage, à l'endurance et à l'esprit des combattants de la V I Ie Armée.

« Ceux qui ont supporté sans faiblir pendant ces trois semaines la puissance du feu ennemi, la menace constante sur les flancs, la fatigue des étapes, l'angoisse causée par le sort incertain de leurs familles, ont droit, malgré la défaite générale, à l'admiration du pays.

« E t par combattants, je n'entends pas seulement les fan- tassins et les cavaliers de première ligne, mais les artilleurs légers ou lourds, les sapeurs, dont beaucoup trouvèrent une mort héroïque aux ponts de l'Oise, de la Seine ou de la Loire, les conducteurs de camions qui allaient chercher sous le feu les combattants épuises.

(1) Il n'y a pas contradiction entre ce ctiilTre etjes grosses pertes indiquées par le»

comptes rendus des 10 et i l juin. Ces comptes rendus se rapportent aux divisions qui ont traversé l'Oise dans les conditions que nous avons relatées, et postérieurement l'armée reçut la valeur de trois nouvelles divisions.

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« Je ne mets pas non plus de mur de démarcation entre les combattants de la ligne de feu et les commandants des unités, petites et grandes.

« Si la V I Ie Armée a conservé sa cohésion, elle le doit, pour une très large part, à ses 12 généraux de division dont aucun ne fût inférieur à sa tâche, et ses ,deux commandants de corps d'armée qui à aucun moment ne faiblirent. »

« Elle le doit aussi au travail silencieux et modeste des Etats- majors et des services, à leur sens des prévisions, à leur souci de coordonner les efforts, à l'organisation minutieuse du travail intérieur et des liaisons.

« Avec les grandes unités d'élite, -bien encadrées et remar- quablement commandées, avec un Etat-major et des services travaillant à plein rendement la tâche du commandant de l'Armée était simplifiée au maximum. »

A cet hommage nous nous associons de tout notre cœur en y comprenant tous ceux, chefs et soldats qui ont bien mérité de l a Patrie, de cette armée de 1940 à laquelle l'histoire rendra justice.

Revenant à la dernière et généreuse phrase du général Frère, nous sommes sûrs d'être d'accord avec tous les combattants de la V I Ie Armée, des plus hauts en grade aux plus modestes, en mettant en lumière les qualités et les vertus auxquelles leur chef doit d'avoir atteint, à leur t ê t e , des résultats parfois pro- videntiels.

L a m é t h o d e de commandement du général Frère, son auto- rité, son prestige étaient le résultat naturel et insigne, d'une exceptionnelle élévation de pensée et de sentiments, de carac- t è r e et de cœur.

Le caractère s'appuyait chez l u i sur les bases les plus solides.

Une science militaire, fruit de l'expérience et de la méditation, doublée d'un jugement sûr qui appréciait les faits sans pessi- misme ni optimisme. Une intelligence qui s'était toujours appliquée à voir simple et clair, à dégager l'essentiel, sur lequel l'effort devra être porté en sacrifiant, si les circonstances l'exi- gent, l'accessoire. U n sens supérieur de ses responsabilités, dont i l mesurait l'étendue et les conséquences sans que jamais i l ne fut effleuré par un souci personnel ou un mobile étranger - à son devoir. Ce caractère trouvait une autre force dans sa fidé-

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26 L A R E V U E

lité aux traditions de discipline intellectuelle, scrupuleusement suivie par les grands chefs qui ont fait la gloire militaire du pays.

« U n soldat, répétait-il souvent à son chef d'Etat-major, doit d'abord obéir et faire effort pour obéir. » Ainsi armé, le général Frère a atteint la sérénité, la force d'âme nécessaires aux plus graves résolutions, sûr de nç pas renoncer parce qu'il voyait toujours ce qui lui restait à faire, certain d'être compris en raison de la simplicité et de la n e t t e t é de ses décisions.

Certain aussi d'être suivi, d'être obéi dans ses exigences les plus dures, parce qu'il commandait avec son cœur. E t

c 'est

bien là de cette emprise si forte et si douce à la fois, le secret que l'étude de sa vie nous/a déjà permis de pénétrer. « Pour moi, a-^-il écrit, voir une situation, c'est la vivre par la pensée avec ceux qui la vivent dans la réalité. Ce ne sont pas des « olives » et des flèches que j'aperçois à travers la carte, ce sont des colonnes sur la route, des batteries avec leurs servants, des fantassins dans leurs points d'appui. E t pas partout les mêmes...

Sénégalais de la 7e D . I. C..., chasseurs de « ma » 2e D i v i s i o n - frais ou recrus»de fatigue... différents les uns des autres et d'un jour à l'autre. Dans cette ambiance, on ne fait de la géométrie que pour dégrossir le problème. Ensuite on voit avec le cœur ce que les yeux ne peuvent pas voir. » C'est pourquoi le général Frère faisait entendre :

Cette voix du cœur qui seule au cœur arrive.

« C'est un fait, digne de l'histoire que le général Frère, qui jouissait d'un prestige incontestable, a v u grandir ce prestige dans cette malheureuse campagne. S'il était à ce point aimé de ses troupes, s'il était à ce point hautement considéré par le Haut-Commandement, c'est qu'il s'était montré humain jusque dans l'inhumain... Je n'en veux pour preuve que l'opi- nion unanime des commandants de division, lorsque à l a réunion de Pompadour du 29 juin, ils ont spontanément déclaré dans un élan de reconnaissance qu'ils avaient toujours su à temps, chaque jour, ce qu'il fallait faire (1). »

Qu'il me soit permis pour finir de reproduire l'émouvante page qui termine les souvenirs que le général Frère a laissés

(1) Général Baures.

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sur la V I Ie Armée. Il ne peut y avoir de meilleure initiation à l'idéal qui présidera aux derniers actes de sa vie, et pour lequel i l mourra.

« 29 juin 1940. — Sur l'hippodrome de Pompadour, venant ' de tous les cantonnements de la zone de la VIIe Armée, des déta-

chements arrivent en camions. 200 hommes par division ; les drapeaux avec leur garde, des représentants des groupes de recon- naissance, des régiments d'infanterie et d'artillerie, des compa- gnies du Génie. Les 12 divisions de la VIIe Armée sont là, avec 22 drapeaux. Il manque ceux que l'on a dû brûler dans le Santerre, sur l'Ailette et sur la Loire, pour qu'ils ne tombent pas aux mains de l'ennemi: Deux musiques : celle des Sénégalais de la 7e Division coloniale et celle des Zouaves de la 8 7e Division.

Temps splendide, pas un nuage.

Les troupes sont formées en fer à cheval. Comme décor le château et autour du champ de courses, les avenues du parc.

Longue attente. Vers 13 heures arrivent le général Weygand, le général Georges, le général Besson.

D'un pas alerte le commandant en chef passe devant le front des troupes.

Aussitôt après commence la remise des décorations. Au pre- mier rang les nouveaux légionnaires que décore le général Weygand.

Aux 2e et 3e rangs, le général Georges et le général Besson re- mettent les médailles militaires et les croix de guerre.

Puis le général Weygand réunit les généraux et les chefs de corps. Il nous parle très simplement de l'obligation où s'est trouvé le Gouvernement de conclure l'armistice, de la gravité et de la dignité dont les officiers doivent donner l'exemple à leurs troupes, de l'effort à faire.

Au milieu du désastre, il reste, dit-il quelque chose qu'il faut sauver : c'est l'âme française.

Il félicite ensuite la VIIe Armée et termine en me disant :

« Vous avez choisi la bonne méthode de commandement. Vous avez su « vous faire obéir d'amitié ».

Nous allons nous placer face aux tribunes pour le défilé. Le général Sciard présente les troupes.

La piste est mauvaise ; les musiques jouent sur un rythme inégal, les hommes perdent souvent le pas. Qu'importe. Ces capotes élimées, ces casques bosselés, je les ai déjà vus. Quand nous des-

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cendions de la Somme et de Verdun, c'étaient la même allure, le même regard, la même âme.

On peut encore «sauver l'âme française ».

Mais au milieu de la sombre tristesse du présent perce quand même un rayon d'espoir.

Je le trouve dans le souvenir d'héroïsme déployé dans le San- terre, sur l'Ailette, au passage de la Loire et du Cher...

Dans le regard direct des hommes qui défilent, témoignage de leur confiance et de leur dévouement total...

Dans l'ardeur de la jeunesse que n'ont pas amollie les années de félicité, et qui est prête à accepter la discipline et l'effort.

Je veux donc que ce journal s'achève par un acte d'espérance.*, en la France... et en Dieu... »

On sait que le général Frère, animateur de l'armée de l'ar- mistice, fondateur puis commandant de l'organisation de Résistance de l'Armée (0. R . A . ) fut arrêté par les Allemands en 1943 à Royat, et qu'il a péri martyr de sa foi patriotique dans le camp de représailles de Struthof.

G É N É R A L W E Y G A N D .

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