Témoignage de l’incidence des pratiques axées sur le rétablissement
S’accrocher à l’espoir pour eux jusqu’à ce qu’ils soient prêts à le faire eux-mêmes
Il y a des moments où les patients ont besoin qu’on entretienne l’espoir pour eux jusqu’à ce qu’ils soient prêts.
C’est en travaillant au service de médecine légale d’un hôpital psychiatrique que je l’ai appris. Lorsque les patients y sont admis, ils sont souvent à l’étape de leur cheminement où ils sont le plus mal en point.
J’ai travaillé avec l’un d’eux, qui s’est confié au sujet de cette expérience. Il souffrait de symptômes graves causés par sa maladie et, en raison de cette situation, il éprouvait une réticence à interagir avec le personnel. Comme j’étais son infirmière, j’ai travaillé quotidiennement avec lui lors de son séjour dans notre service.
Durant les mois suivant son admission, je suis allée dans sa chambre tous les jours, me présentant comme son infirmière et essayant d’en apprendre un peu plus sur lui. J’ai souvent été confrontée à des paroles désobli- geantes et à un manque d’intérêt dans mes tentatives pour le motiver à interagir avec moi ou à participer aux activités. Dans un monde où le personnel infirmier a de nombreux patients et des priorités concurrentes, il aurait été facile de présumer que c’était quelqu’un qui ne voulait pas de mon aide et de poursuivre mes autres tâches.
Cependant, j’ai décidé de devenir infirmière pour aider et je savais que je ne pouvais pas le laisser tomber. Je suis donc retournée dans sa chambre chaque jour et j’ai choisi jour après jour de ne pas l’abandonner. Un jour, environ six mois après son admission, à la suite de la même tentative répétée, il s’est tourné vers moi et m’a regardée dans les yeux. Je m’étais présentée de la même façon que les centaines de fois précédentes et lui avais demandé s’il voulait aller se promener.
« OK, je vais aller me promener », m’a-t-il répondu.
J’étais surprise, mais j’avais tellement d’espoir pour lui dans mon cœur. C’était un premier pas, un pas qui aurait très bien pu être perçu comme tel, mais en réalité, personne n’aurait pu le prévoir. Ce premier pas a rempli mon cœur de bien plus d’espoir que je n’en avais auparavant, et je ne l’oublierai jamais.
Le rétablissement n’est pas une science prévisible et il ne se produit généralement pas au moment attendu. Nous ne savons pas quand quelqu’un décidera de faire ce pas, mais ce que je savais, c’est que j’espérais qu’il le ferait.
Au fur et à mesure que j’avançais à ses côtés sur la voie du rétablissement, j’ai eu la chance qu’il m’éclaire sur certains points.
Il m’a dit que le fait que je ne l’abandonne pas lui rendait plus difficile de s’abandonner lui-même. Même s’il avait perdu toute estime de lui, il considérait que mes visites quotidiennes lui avaient fait considérer la possibilité que je voyais peut-être en lui quelque chose qu’il ne voyait pas. Peut-être en valait-il la peine. Peut-être pouvait-il retrouver son chemin avec l’aide de ceux qui croyaient en lui. Il m’en a parlé d’une telle façon qu’encore à ce jour, cela influence ma pratique.
Il m’a dit que je m’étais accrochée à l’espoir pour lui jusqu’à ce qu’il soit prêt à le faire lui-même. Si vous vous représentez cela comme un ballon d’espoir, c’est maintenant lui qui tient son propre ballon, mais il ne faut pas oublier que le rétablissement n’est pas un chemin à sens unique. Il peut y avoir des moments où il aura besoin que d’autres tiennent son ballon à sa place, et c’est normal.
Toutefois, l’espoir que nous entretenons agira comme une motivation à reprendre le ballon lorsqu’il s’en sentira prêt.
Allison Stevens, infirmière en santé mentale
