C.H. MALBERT
IN1!9-ENV Laboratoire de
Physiologie
23, chemin des
Capelles
31076 Toulouse Cedex
Le rôle du pylore
dans le contrôle de l’ingestion
alimentaire
chez les ruminants
L’état de réplétion du rumen oue
unrôle fondamental dans la régulation
des quantités d’aliments ingérés. Ainsi, l’amélioration de la qualité
des fourrages et l’optimisation de leur fermentation,
enaugmentant le taux de renouvellement du contenu ruminal, accroissent-elles l’ingestion.
En aval, la
zonegastroduodénale, et
enparticulier le sphincter pylorique, représentent
unedeuxième
zonede régulation de l’ingestion. L’ablation
du pylore
ou saneutralisation facilitent
eneffet le transit à
ceniveau.
L’augmentation du débit qui
enrésulte accroît la capacité d’ingestion.
Chez les ruminants, l’existence d’un contrôle de
l’ingestion
àpartir
de segmentsdigestifs
situés en aval du réticulo-rumen est rarement
évoquée.
Les aliments sont en effet d’aborddégradés
dans le rumen avant d’atteindre la caillettepuis
l’intestingrêle
et l’attention s’est donc surtoutportée
sur le rôle de l’état deréplétion
de cepremier
réservoir comme fac-teur limitant
l’ingestion (Dulphy
et Faverdin1987, Gallouin et Focant
1980).
La réduction de laprise
alimentaire due à lacompression
durumen par l’utérus en fin de
gestation gémel-
laire
(Forbes 1986)
ou l’encombrementpersis-
tant par des aliments non
dégradables (Ulyatt
et
al 1986)
sont en accord avec cettehypothèse.
L’influence des
segments digestifs posté-
rieurs au réticulo- rumen sur le
comportement
alimentaire a néanmoins étésuggérée
àplu-
sieurs
reprises.
Chez le mouton, l’évacuation du contenu du feuillet coïncide avec le déclen- chement d’unepériode
de rumination(Laplace 1970).
La distension de la caillette(Grovum 1979)
et l’état deréplétion
de la masse intesti-nale ont été
également
identifiés comme des facteurs limitant laquantité
d’alimentsingérés (Grovum
etPhillips 1978).
L’une des basesphy- siologiques
de la satiété chez le rat serait, au- delà de laréplétion
du réservoirgastrique,
une forteabsorption
duodénale(McHugh
et Moran1986).
Dans cetteconception,
la fin du repaspeut
êtreprovoquée
par desphénomènes
méta-boliques
liés à laquantité
dechyme
ayant tra- versé la zoneséparant
l’estomac de l’intestingrêle,
c’est-à-dire lajonction gastroduodénale
ou
pylore.
Une telle
hypothèse
est-elleplausible
dans lecontrôle de la
quantité
d’alimentingérée
chez le ruminant ? La sténose dupylore,
c’est-à-dire la réductionpermanente
de sondiamètre,
pro- voque une diminution de laquantité
d’alimentsingérée,
voire son arrêt ou anorexie chez l’homme(Carnot
et Glenard1931).
Chez les ruminants, la sténose dupylore
n’estjamais
aussi
complète
car lesphincter pylorique
estmoins musculeux que chez les
monogastriques.
La raison en est une
partie proximale
dusphincter
peudéveloppée,
à la limite de la visi- bilité à l’oeil nu(figure 1). Cependant,
de lamême
façon
que la sténose de l’orifice réticulo- omasalqui sépare
le réseau du feuillet altère l’évacuation du contenu ruminal(Kuiper
etBreukink
1986),
la sténosepartielle
dupylore
réduit l’évacuation du
chyme
àpartir
de la cail-Résumé
_________________________Le
pylore, qui signifie étymologiquement
leportier,
est un orifice àgéométrie
variable dont on connaît mal l’influence sur le passage vers l’aval du contenu de l’estomac sécrétoire
(caillette)
des ruminants. Lechyme
est évacué sous la formede
jets
successifs dont le volumedépend
du diamètre de l’orifice. Legradient
depression développé
par les contractionsantro-duodénales,
leurdegré
de coordina-tion,
la viscosité de laphase liquide
conditionnent la vitesse de l’évacuation duchyme. L’importance
dupylore
vis-à-vis del’ingestion
alimentaire est démontrée chez le mouton,qui
accroît son niveaud’ingestion après
ablation(pylorectomie)
ou neutralisation des fibres musculaires du
sphincter (pyloroplastie).
Les autresmoyens de vaincre la résistance que
présente
lepylore
au transitdigestif
sont lesgastrokinétiques
d’unepart
etl’ingestion
d’aliments entraînant une diminution de la viscosité duchyme
d’autrepart.
lette,
avec, comme manifestationclinique
essentielle de cette
affection,
la diminution de laquantité
d’alimentsingérés (Neal
et Edwards1968).
L’objet
de cet article est donc depréciser
lerôle du
sphincter pylorique
dans le passage duchyme
de la caillette vers le duodénum, etd’examiner comment les variations du débit en zone
pylorique
et celles de laquantité
d’ali-ment
ingéré
sont corrélées par lafaçon
dont lepylore
contrôle les fluxdigestifs.
1 / Evacuation
du chyme gastrique
1.
1
/ Caractéristiques du transit
A
l’importance
du débitpylorique
chez les ruminants,qui
atteint 320 à 50ml/h
chez unmouton de 50
kg (Phillipson
1952, Harrison etHill
1962), s’ajoute
la relative constance desparamètres physicochimiques
duchyme : pH
2,8-3,4, acidité totale 44-52
mEq/1 (Ash 1961),
concentration en acides gras volatils
(9-14 mEq/
1)
et matière sèche(39
à 55g/1) (Masson
et Phil-lipson 1952).
Chez le porc, la teneur de l’ef- fluentgastrique
en matière sèche passe de 2-3 % avant le repas à 20- 30 % une demi-heureplus tard ;
chez le ruminant, la teneur enmatière sèche reste constante et
faible,
com-prise
entre 4 et 6%, quelle
que soit l’activité alimentaire.L’absence de variations
importantes
dans l’osmolarité ou dans la concentration des divers constituants duchyme
chez les ruminantslaisse supposer que les mécanismes
réglant
l’évacuation du
chyme gastrique
diffèrent deceux mis en
jeu
chez lesmonogastriques.
Chezces
derniers,
eneffet, l’hyperosmolarité
ainsique
l’augmentation
de la concentration en pro- téines ou enlipides
duchyme gastrique
sont des stimuliphysiologiques
aptes à réduire le débittranspylorique.
C’est la mise enjeu
d’un telphénomène
derégulation qui
permet de maintenir constant le débitduodénal ;
onparle
ainsi &dquo;d’évacuation
isocalorique&dquo;
et, eneffet,
le débit assuréaprès
le repas au niveau du duodé-num de l’homme est de 200
kcal/h ;
ce débité,tant indépendant
de la teneurénergétique
durepas.
La
composition
duchyme gastrique
étant sta- ble chez les ruminants, lacaractéristique
laplus
variable devient la viscosité. Eneffet,
lecontenu de l’estomac
s’échappe
d’autantplus
vite
qu’il
est moinsvisqueux,
comme le montrel’augmentation
du débit de 312 ± 58 ml à 520± 58 ml chez le mouton,
lorsque
du foin dedactyle
estremplacé
par un foin de luzerne.Comme la motricité antroduodénale et le rap-
port phase solide-phase liquide
duchyme
demeurent
inchangés
dans cette situation, c’est la moindre viscosité du contenu de la caillette(45 centipoises
pour le foin dedactyle,
25 cen-tipoises
pour le foin deluzerne) qui explique
l’accroissement du débit
transpylorique (figure
2).
La résistance
pylorique
à l’écoulement dimi-nue de telle
façon
que toutes les contractions antralespropagées
vers le duodénum ou nons’accompagnent
d’un passage dechyme.
Au demeurant,lorsque
la viscosité du contenu gas-trique
est très faible(inférieure
à 10 centi-poises),
comme c’est le cas chez le mouton ali-menté exclusivement par la
perfusion
intraru-minale d’acides gras volatils
(8 1/j)
et laperfu-
sion dans la caillette de
protéines
sous la forme de caséine(50 g/j),
le débittranspylorique
cor-respond
exactement à l’évacuation du volume deliquide perfusé
dans la caillette. Il est de 213ml/h pour un débit de
perfusion
de 166 ml/h etde 320
ml/h
pour un débit deperfusion
de 332ml/h.
1.
2 / Evacuation transpylorique
du chyme
a / Méthode de mesure
Le débit d’évacuation du contenu de l’esto-
mac
peut
êtreapprécié
defaçon
directe enrecueillant l’effluent
gastrique
au niveau d’unefistule duodénale. L’écoulement est
quasi
continu dans le cas d’un
chyme
trèsfluide,
cequi
confirme larégularité
de fonctionnement de cequ’on appelle
la&dquo;pompe transpylorique&dquo;.
Cependant,
une telleméthode,
même amélioréepar la réintroduction du
chyme
enrégion
dis-tale,
n’est pas très satisfaisante. Eneffet,
la miseen communication de la lumière intestinale
avec l’air ambiant
supprime
legradient
de pres- sionqui
existe entre l’antre d’unepart
et le duodénum d’autre part.L’estimation indirecte du débit d’évacuation de l’estomac est réalisée par la mesure du temps de rétention des
ingesta,
lui-même éva- lué àpartir
du délai nécessaire à ladisparition
d’un traceur
incorporé
enquantité
connue dans l’aliment. Chezl’homme,
le temps de rétention moyen de laphase liquide,
c’est-à-dire le
temps
nécessaire pour que la moitié duchyme
contenu dans l’estomac soitévacuée,
est d’environ 40 minutes. Cette valeur est voisine de celle trouvée(30 min)
chez le mouton(Gre-
gory et
al 1985),
sans doute parce que laphase liquide représente plus
de 90 % du contenu dela caillette chez le ruminant.
Une mesure idéale de l’évacuation
gastrique
est celle du débit instantané, avec cumul des valeurs
pendant plusieurs jours.
Ces deux para-mètres sont
complémentaires
en ce sens que lamesure du débit cumulé fournit des résultats
comparables
à ceux issus desexpériences
réali-sées à l’aide de traceurs ; la mesure instantanée
indiquant
les valeurs individuelles àchaque
passage de
chyme.
La débitmétrie électroma-gnétique,
tellequ’elle
estproposée
pour le sang à l’intérieur des artères et enprenant
certainesprécautions (Malbert
et al1987), permet
d’iden- tifier les relations entre motricitégastroduodé-
nale et
propulsion.
Enparticulier,
ellepermet
de montrer que lasuppression périodique
durant 10 à 15 minutes toutes les 90 minutes environ du passage
transpylorique
duchyme
apour
origine
la réduction de l’activitépropul-
sive de l’antre
pylorique.
b / Processus
réglant l’écoulement du chyme
Chez un mouton adulte
équipé
d’une canule duodénale mais orientée vers lepylore,
il estaisé de franchir le
pylore jusque
dans l’antrepylorique
avec une sonde deprès
de 10 mm dediamètre,
cequi
suppose lalarge
ouverture del’orifice
pylorique.
Or,isolé,
lepylore
est capa- ble des’opposer
à unepression
exercée par une colonne de 100 cm de hauteurremplie
d’eau.La
réponse
à cette observationapparemment paradoxale
estapportée
par la mesure simulta- née de la motricité dusphincter
et du passagetranspylorique
desdigesta.
Lapression
intras-phinctérienne
debase, appréciée
au moyend’un ballonnet
placé
dans lalumière,
est d’une stabilitéremarquable, exception
faite des brèvesaugmentations
depression
correspon- dant à une contractionphasique
de l’anneausphinctérien.
Enrevanche,
si lesystème
demesure est conçu de manière à
pouvoir
ni se dilater ni secomprimer
au cours d’une varia-tion de
pression (dV/dP minimal),
il est alorspossible
d’identifier des variations lentes depression.
Celles-ci sont assimilables à des chan- gements de tonus.La
majorité
des fermetures dupylore
s’obser-vent à la suite d’une contraction
antrale,
de telle sorte que la modalité contractile laplus
courante du
pylore
estenglobée
dans une suc-cession de contractions
antrale, pylorique
etduodénale.
L’analyse
du tracédébitmétrique
àgrande
vitesse montre(figure 3)
que le passage duchyme
s’observe immédiatementaprès
lacontraction
pylorique qui
termine la propaga- tion aborale de la contraction de laparoi
de la caillette.Chez les
ruminants, le chyme gastrique
a une
composition
constante. En
revanche
sa viscosité varie selon la naturedes
aliments consommés etconditionne la
vitesse de passage autravers du
pylore.
L’ablation du pylore
ou sa
neutralisation
accélère l’évacuation duchyme.
Laconsommation
spontanée
defourrages augmente parallèlement
à cetteaccélération.
A cette
régulation rapide
du débit duodénal par lepylore, s’ajoute
celle liée aux variations de tonus.L’importance
du tonuspylorique
vis-à-vis de l’activité
propulsive
dessystoles
antrales est démontrée par l’utilisation d’une substance
qui
augmente defaçon identique
letonus de la caillette et du
pylore,
tel le5-hydro- xytryptophane (5-HTP).
Ceprécurseur
de la sérotonine,malgré
une très fortepotentialisa-
tion des contractions antrales et
duodénales,
réduit le fluxtranspylorique ;
il en est de mêmepour
l’augmentation
de l’activitépropulsive
antrale obtenue par des substances cholinomi-
métiques
comme lapilocarpine,
souvent utili-sées pour
s’opposer
à des stasesgastriques.
Chez le
sujet
intact,l’augmentation
en fré-quence et en
amplitude
de l’activité antrale estinopérante
en raison d’unepotentialisation
dufrein
pylorique
et l’efficacitépropulsive
n’estévidente
qu’après
exérèse dupylore.
Pourtoutes les substances
susceptibles
de favoriser effectivement l’évacuation du contenu de l’es- tomac, actuellement rassemblées sous le voca-ble de
gastrokinétiques,
oncomprend
que leurefficacité soit fonction de leur absence d’effet
sur l’activité motrice de la
région pylorique.
2 / Relations transit digestif
niveau d’ingestion
2.
1
/ Viscosité du chyme
et
niveau d’ingestion
La
capacité d’ingestion
defourrages grossiers
d’un ruminant est engrande partie
limitée par le taux de renouvellement du contenu durumen. Son état de
réplétion joue
donc un rôle fondamental dans larégulation
de laquantité
d’aliment
ingérée. Cependant,
une autreapproche privilégie
le taux de renouvellement du contenu de la caillette en se basant sur la relation linéairequi
existe entre le débit duodé- nal et les niveauxd’ingestion
chez le mouton(Hogan
1964,Gregory
et al1985).
Ainsi, lemoindre
temps
de rétention au niveau de la caillette d’un foin de luzerne pourlequel
lechyme
est peuvisqueux
a l’effet attendu d’ac- croîtrel’ingestion :
le foin de luzerne est eneffet consommé en
quantité
environ deux foissupérieure (2030
± 25 g parjour)
à celle dufoin de
dactyle (1250
± 75g)
par le mouton(Malbert
et Ruckebusch1989).
L’augmentation
du niveaud’ingestion
dansle cas d’un foin de luzerne
pourrait
être d’ori-gine
ruminale.Or, malgré
le niveaud’ingestion plus élevé,
le volume du rumen, contrairement à celui de lacaillette,
n’est pasaugmenté (Ait-
chison et al 1986, Malbert et Baumont
1989).
En outre, la
rapidité
aveclaquelle
le débit duo- dénal augmentelorsqu’un
même moutonconsomme à volonté du foin de luzerne en lieu et
place
de foin dedactyle
estsurprenante.
Des modifications aussi brutales du débit en rela- tion avec la nature dufourrage
montrent quel’augmentation
de ladigestibilité
ne peut être seule àl’origine
de cet accroissement de l’éva- cuationgastrique.
La
contre-épreuve,
à savoirl’augmentation
artificielle par
adjonction
d’uncomposé
vis-queux
(gomme guar)
dutemps
de rétention ducontenu de la caillette chez un mouton consommant du foin de
luzerne,
réduit dans tous les cas sacapacité d’ingestion. Lorsque
laconcentration en volume de gomme guar atteint 12 % dans la
caillette,
le niveaud’inges-
tion d’un foin de luzerne n’est
plus
différent de celui d’un foin dedactyle.
2.
2 / Frein pylorique
et niveau d’ingestion
La voie
d’approche
laplus
directe pourétayer l’hypothèse
d’un contrôle del’ingestion
par le
sphincter pylorique
est soit de lesuppri-
mer, soit de le neutraliser. La
pylorectomie
estenvisagée
chez l’homme pour rétablir le transitcompromis
par laprésence
de tumeurs sur lapartie
distale de l’estomac. Comme la résectioncomprend également
lapartie
antrale de l’esto-mac, c’est-à-dire la zone de contrôle de l’éva- cuation des
solides,
il estimpossible
deconclure de
façon précise (Elashoff
etal 1982).
De même, l’ablation
expérimentale
du seulanneau
pylorique
chez le mouton n’est pas totalement satisfaisante(Malbert
et Rucke-busch
1987c),
car les effets observéspeuvent
avoir pour
origine
l’altération ou lasuppression
concomitante de nombreuses connexions ner- veuses et vasculaires. En
revanche,
la section de la couche de fibres circulaires lisses formant lesphincter pylorique,
oupyloroplastie (Hôlle
et Hôlle
1980),
est une méthode de choix pour vérifier l’existence d’une levée d’inhibition vis- à-vis du débit ou de la motricité intestinale(Malbert
et al1987)
etl’apparition
éventuelled’une
augmentation
de laquantité
d’alimentsconsommés.
Après
ablation dupylore
ou sa neutralisation parpyloroplastie
chez un mouton recevant unfourrage appétible
et dedigestibilité élevée,
lacapacité d’ingestion
est telle que la consomma-tion d’un foin de luzerne de deuxième coupe
est
majorée
deprès
de 50 % au-delà du hui- tièmejour après
l’interventionchirurgicale.
Desmoutons
(d’un poids
vif de 43kg environ)
consommant 1,0
kg
de foin parjour
enconsomment 1,5
kg parallèlement
à unemajo-
ration de 40 à 45 % du débit
duodénal,
d’où l’absence d’un état deréplétion exagéré
de la caillette. Le tableau 1, relatif à un foin de luzerne hautementdigestible (digestibilité
de lamatière sèche in vitro
(g/g) : 0,58),
concernedes mesures effectuées
pendant
3 mois chez 3lots de 3 moutons de réforme et
suggère
que lepylore
constitue bien un frein efficace vis-à-vis du transit,puis
del’ingestion.
Une autre preuve de l’influence du
pylore
sur l’activité alimentaire est
apportée
par l’ana-lyse
du comportement alimentaire. Le moutonprivé
depylore &dquo;mélange&dquo;
sesphases d’inges-
tion et de rumination, alors que, chez un
sujet
témoin, l’intervalle detemps séparant
la find’une
période
de rumination et le début de laprise
alimentaire est de l’ordre deplusieurs
minutes.
Après
exérèse de l’anneaupylorique
mais non
pyloroplastie,
lespériodes
deprise
alimentaire et de ruminations’interpénètrent
àplusieurs reprises
au cours de lajournée.
3 / Contrôle pylorique
des flux digestifs
Chez un
monogastrique, l’appréciation
del’évacuation du contenu de l’estomac com-
prend
celle de laphase liquide qui précède
celle de la
phase
solide. Al’inverse,
pour unruminant, la
phase
solide duchyme, qui
nereprésente
que 4 % du volume de lacaillette,
est évacuée en même temps que la
phase liquide.
Si l’on se réfère aux résultatsdéjà
anciens
publiés
sur lesujet,
lesparticules
ducontenu du feuillet des bovins sont de très
petites particules (0,5
mm enmoyenne),
àpeine plus grandes
que cellesprésentes
dansles fèces
(0,4 mm),
car le tri entre grosses etpetites particules
s’effectue essentiellement auniveau de l’orifice réticulo-omasal.
Ce mécanisme est totalement différent de celui mis en
jeu
chez unmonogastrique,
pourlequel
lepylore joue
un rôleprépondérant
dansla
ségrégation
et la division desparticules
ali-mentaires. Cela
explique
aussiqu’il
estpossible
de limiter le contrôle de l’évacuation du
contenu de la caillette à celui de sa
phase liquide.
3.i / Contrôle de l’évacuation de la phase liquide
L’augmentation
de l’évacuation d’un mar-queur de la
phase liquide après
l’ablation ou lasuppression
fonctionnelle dupylore
est enaccord avec son rôle modérateur vis-à-vis du transit
digestif.
Comme lapyloroplastie
estaussi efficace que l’exérèse du
pylore
associée àla section de filets
vasculo-nerveux,
onpeut
en conclure que le rôle de frein dupylore
vientsurtout de la structure de l’anneau
pylorique.
Ace titre, la résistance
(R)
à l’écoulement sera fonction du rayon(r)
de l’orificepylorique,
selon la loi de Poiseuille :
étant
la valeur du coefficient de viscositédynamique
du fluidepassant
à travers lepylore.
Ainsi, de très faibles variations de l’orifice
pylorique
entraînent deschangements impor-
tants du débit
liquidien.
Sous réserve du main- tien de la différence depression,
diminuer de moitié le diamètreéquivaudra
à réduire le débitau 16’ de sa valeur initiale. Le corollaire de ce
qui précède
est de savoir si lepylore
est suscep- tible de limiter le passagerétrograde
deliquide.
Le rôle
majeur
de barrière anti-reflux vis-à- vis des sécrétionsbiliopancréatiques qui
est dévolu aupylore
chez lesmonogastriques
n’existe pas en tant que tel chez le ruminant.
En
effet,
la flexurehépatique,
située 10 à 20 cmen aval du
pylore
chez un mouton, interdit les reflux de bile en zone duodénaleproximale
etle
pH
duodénal est iciidentique
à celui ducontenu abomasal
(figure 4).
Cependant,
defaçon périodique
et durant 5minutes environ, l’intensité des reflux
peut
atteindre celle desflux,
de telle sorte que le débitglobal
devient nul. Une telle situation survient toutes les 90 minutes environ et estcontemporaine
dudéveloppement
d’unephase
d’activité motrice maximale du bulbe duodé-
nal,
cettephase
d’activitémigrant
ensuite sur le duodénumproximal.
Cette activité motrice duodénale crée une zone de haute
pression
et la fermeture conco- mitante dusphincter pylorique supprime
toutdébit
(Ruckebusch
et Malbert1986).
Onconçoit
quel’ingestion puisse
être diminuéelorsque
le débit est nul en raison de laprésence
continuelle de ce type d’activité sur lajonction gastroduodénale.
Une telle situation se rencon-tre
après
l’administration deméthysergide,
unLe passage du
chyme dans
leduodénum,
parl’acidification qu’il entraîne, déclenche
la fermeture dupylore et, simultanément,
l’inhibition de l’activité motrice de l’antre.
antagoniste
des neuronessérotoninergiques myentériques.
L’anorexietemporaire qui
estinduite par cette substance est
contemporaine
de ladésorganisation
duprofil
moteur de basede l’intestin.
3.
2 / Réflexes pyloriques
La découverte d’un contrôle duodénal de la motricité
pylorique
et donc de l’évacuation de l’estomac a été fondamentale pour lacompré-
hension de la&dquo;mécanique pylorique&dquo;
chez lesmonogastriques.
Chez le mouton, les mécano-récepteurs présents
dans le duodénumproxi-
mal(Cottrell
etIggo 1984)
peuventégalement
modifier
l’importance
de l’évacuationgastri-
que. Celle-ci est alors réduite par le biais soit d’une diminution de l’activité
propulsive
antrale
(d’où
le vocable correct de réflexe enté-rogastrique),
soit d’un tonus accru dusphincter pylorique
sans modification de l’activitéantrale,
d’où le termeproposé
de réflexe duo-déno-pylorique (Malbert
et Ruckebusch1988).
Chez le mouton, la stimulation des
récepteurs
sensibles aux ions H+ entraîne en
quelques
secondes la fermeture du
pylore
ainsiqu’une
activité maximale au niveau duodénal. L’admi- nistration de 3 ml d’acide
chlorhydrique
dansle duodénum
(voir figure 5) qui équivaut
à 4jets
successifs de 15 ml chacun dechyme
gas-trique,
suffit à déclencher ce réflexe de ferme-ture du
pylore (Ruckebusch
et Malbert1986).
Un tel réflexe semble faire intervenir un média- teur
enképhalinergique,
du moins chez lechat,
car l’occlusion
disparaît
enprésence
d’un anta-goniste opiacé
comme la naloxone(Rucke-
busch
1989).
L’existence d’un contrôle du
pylore
sur leduodénum est
également
démontrée. La sup-pression
dupylore
chez le mouton, comme chez le chien àjeûn, s’accompagne
del’aug-
mentation de la
fréquence d’apparition
descomplexes myoélectriques migrants
sur le duo- dénum. Ceux-ci sedéveloppent
alors à 40minutes d’intervalle au lieu de 90 minutes chez
un
sujet
intact. Le terme de réflexepyloro-duo-
dénal a été
proposé
pour définir ce réflexe(Malbert
et Ruckebusch1987b, c).
Comme iln’est pas nécessaire d’enlever le
pylore
pour observer lephénomène,
c’est-à-dire que lapyloroplastie
est aussi efficace que lapylorecto-
mie pour accélérer les
complexes myoélectri-
ques, on peut penser que
l’augmentation
dudébit
transpylorique
est le facteur commun res-ponsable.
Il estpossible
que la tension accruede la
paroi
du bulbe duodénalqui
résulte du débit élevé soit àl’origine
de cette accélération de l’activité motricepériodique
de l’intestingrêle (Ruckebusch
et Pairet1984).
Conclusion et perspectives
Le
pylore
exerce d’une part un frein vis-à-vis de l’évacuationgastrique,
dû essentiellement à laprésence
d’une zone de hautepression
ausein de la lumière
pylorique.
D’autrepart,
lepylore
intervient dans larégulation
de lapério-
dicité descomplexes myoélectriques migrants.
L’ablation du
pylore,
comme saneutralisation, augmente
le débittranspylorique
et laquantité
d’aliment
ingéré,
par un mécanismephysique analogue
à celuiqui
résulte de la diminution de la viscosité duchyme gastrique.
Cette dernièresituation s’observe dans le cas d’un
régime
àbase de luzerne et doit
pouvoir
être obtenuepar
l’ingestion
de substances modifiant la vis- cosité duchyme
de l’estomac. Audemeurant,
les mêmes causesproduisant
les mêmeseffets,
il estprobable
que l’influencepositive
du fac-teur viscosité au niveau du
pylore
existe auniveau d’autres
sphincters,
notamment auniveau de l’orifice réticulo-omasal.
Les
gastrokinétiques
sont par définition des substancescapables
d’accélérertemporaire-
ment la
vidange
de l’estomac dans la mesureoù ils améliorent la coordination et la force des contractions
antroduodénales,
sans augmenteren même
temps
le tonus de base dusphincter pylorique.
Ils permettent donc d’améliorer le transitgastroduodénal
et sontsusceptibles
d’accroître le niveau
d’ingestion
volontaire.L’importance
de la rétroactionnégative
exer-cée par un état de
réplétion exagérée
de la cail- lette sur les centres nerveux centraux de la satiétéet/ou
celle des centres nerveux del’ap- pétence
restent à définir. D’ores etdéjà
cepen-dant,
toutes choses étantégales
sur leplan
desphénomènes
moteurs, lescaractéristiques
duchyme
liées à la nature desfourrages
consom-més sont
capables
de modifierl’importance
dudébit
pylorique
et d’inciter ainsi l’animal àréduire ou accroître son niveau
d’ingestion.
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