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La rosacée oculaire

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Academic year: 2022

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Images en Dermatologie Vol. X - n° 2 mars-avril 2017 68

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La rosacée oculaire

Ocular rosacea

M. Mercié

(Service d’ophtalmologie, CHU de Poitiers)

Un dysfonctionnement des glandes de Meibomius (DGM) apparaît fréquemment à la ménopause et au cours de l’andropause, mais son implication est souvent négligée, en particulier chez les enfants, adolescents et adultes jeunes, et peut entraîner des retards diagnostiques ou thérapeutiques, source de graves déficiences visuelles.

Les DGM sont très fréquents et représentent la première cause de sécheresse oculaire, ils constituent une part importante des pathologies de la surface oculaire lorsqu’ils deviennent inflammatoires.

Ces DGM s’intègrent souvent dans le cadre plus global des blépharites qui sont une inflammation des paupières prédomi- nant sur le bord libre. On distingue les blépharites antérieures siégeant en avant de la ligne grise et touchant les cils ou la

partie cutanée du bord libre et les blépharites postérieures qui concernent les glandes de Meibomius (on parle alors de mei- bomite) et le versant conjonctival du bord libre. La meibomite est un DGM obstructif inflammatoire (figure 1).

DGM et rosacée

Les DGM et les blépharites ont une prévalence largement sous-estimée et surviennent le plus fréquemment lors d’une rosacée, qui en est la première cause.

La fréquence d’une atteinte oculaire concomitante à la rosacée est très variable, de 3 à 58 % selon les études (25 % en moyenne). Le DGM et ses complications oculaires peuvent être isolés sans atteinte cutanée dans 25 % des cas. Dans 50 % des cas restants, seule l’atteinte cutanée est présente, mais des lésions de surface peuvent s’y associer secondairement.

Chez l’enfant, le DGM est révélé par des chalazions récidivants associés à une blépharo- kératoconjonctivite plus ou moins phlycténulaire (néovascularisation superficielle de la cornée dirigée vers un infiltrat cellulaire cornéen nodulaire).

Physiopathogénie

Au cours des DGM obstructifs, le meibum est trop épais et les glandes ne se vident plus (chalazions). Les bactéries colo- nisent alors les glandes de Meibomius, entre autres Staphy- lococcus aureus et epidermidis et Propioni bacterium acnes, et altèrent le métabolisme lipidique initiant la production de lipases permettant la formation d’acides gras libres, à l’ori- gine d’une instabilité du film lacrymal (œil sec par évaporation excessive) et d’une inflammation non spécifique de la surface oculaire aggravée par la libération de toxines et d’antigènes de la paroi bactérienne et engendrant des réactions plus spé- cifiques d’hypersensibilité de types III et IV et d’acti vation de métalloprotéinases destructrices. Le tout crée un cercle vicieux qui peut devenir catastrophique pour la surface oculaire :

l’obstruction et l’hyperviscosité meibomiennes favorisent la prolifération de la flore saprophyte bactérienne. Leurs lipases dégradent les lipides meibomiens altérant la viscosité (aug- mentée) du meibum, le cholestérol libre produit favorisant la prolifération bactérienne ;

Mots-clés : Rosacée oculaire • Kératite phlycténulaire • Dysfonc- tionnement meibomien.

Keywords: Ocular Rosacea • Phlyctenular keratitis • Meibomian gland dysfunction.

Figure 1. Meibum épais.

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le DGM induit une sécheresse évaporative avec une hyper­

osmolarité qui aggrave à son tour l’inflammation.

Sur le plan clinique, il en résulte une inflammation chronique de la surface oculaire avec conjonctivites et kératites entraînant kératoconjonctivites phlycténulaires et infiltrats catarrhaux.

Signes cliniques

Atteintes des paupières

DGM et blépharites postérieures : la meiopression met en évi­

dence un meibum pathologique (figure 1), qui s’expulse difficile­

ment et a un aspect louche et visqueux (plutôt rosacé) ou très fluide, abondant et spumeux, très irritant (plutôt dermite séborrhéique).

Blépharites antérieures : collerettes et croûtes de sébum gras au niveau de la base des cils (figure 2) plus ou moins inflam­

matoires (surinfection staphylo coccique).

Atteintes conjonctivales

Hyperhémie conjonctivale bulbaire.

Fibrose conjonctivale sous­palpébrale (figure 3).

Conjonctivite phlycténulaire (surtout rosacée du sujet jeune) [figures 4 et 5].

Épisclérite et sclérite.

Atteintes cornéennes (les lésions inférieures de la cornée sont très évocatrices de DGM)

Kératite ponctuée superficielle peu spécifique.

Ulcères ou infiltrats catarrhaux (figure 6, p. 70) et phlyctènes (figure 7, p. 70) représentent les complications immunologiques

Figure 2. Blépharite antérieure avec manchon de la base des cils et télangiectasies.

Figure 3. Cicatrice sous-conjonctivale.

Figure 4. Phlyctène plus évoluée.

Figure 5. Phlyctène débutante.

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cornéennes sévères des DGM obstructifs infl ammatoires ren- contrés régulièrement lors de la rosacée.

Formes cliniques : rosacée de l’enfant

L’atteinte peut être plus souvent unilatérale que chez l’adulte et mimer un herpès (diagnostic différentiel).

Cette forme a diverses dénominations : blépharo- kératoconjonctivite, kératoconjonctivite phlycténu laire (fi gure 8) ou kératoconjonctivite meibomienne. La maladie est potentiel- lement sévère et peut menacer la vision de l’enfant (fi gure 9) . Un terrain atopique est souvent présent. Les signes cutanés Figure 6. Infi ltrat catarrhal.

Figure 7. Phlyctène et infi ltrat.

Figure 8. Chalazion de la paupière supérieure et kératoconjonctivite phlycténulaire chez l’adolescent.

Figure 9. Perforation de la cornée.

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sont très inconstants et volontiers fluctuants par rapport à l’atteinte oculaire parfois marquée.

Les signes oculaires d’appel, qui doivent être très évocateurs, sont une blépharite croûteuse, les chalazions récidivants et une rougeur oculaire souvent unilatérale.

La photophobie (figure 10) et la baisse de la vision évoquent une atteinte cornéenne inquiétante et un stade déjà avancé avec kératoconjonctivite phlycténulaire souvent unilatérale poten- tiellement sévère, dévastatrice, et très amblyogène (figure 11).

Traitement

L’hygiène palpébrale quotidienne sera à pratiquer à vie : après avoir réchauffé les paupières (fluidification des sécrétions

meibomiennes) avec un gant tiède ou un masque chauffant, le patient doit les masser pour favoriser l’expulsion du meibum, puis rincer les culs-de-sac conjonctivaux au sérum physio- logique. Le patients pourra utiliser des larmes artificielles sans conservateurs.

On prescrira de l’azithromycine collyre en cures courtes de 3 jours tous les 15 à 30 jours et une corticothérapie locale, également en cures courtes, sous contrôle ophtalmo logique s’il existe une inflammation de surface sévère avec atteinte cor- néenne grave pour passer un “cap”. La ciclosporine collyre sera utilisée en cas de cortico dépendance et de menace visuelle.

Traitement par voie générale

S’il existe des atteintes cornéennes graves, les tétra cyclines seront prescrites pour leur action anticolla génase, antiangio- gène et anti chimio tactique des polynucléaires neutrophiles, et pas seulement pour leur action bactéricide.

Chez l’enfant ou en cas de contre-indication, l’érythro mycine pourra aussi être utilisée.

Conclusion

Les DGM et les blépharites sont probablement les pathologies de la surface oculaire le plus communément rencontrées et peuvent s’associer à des pathologies cutanées.

Leur présence ne doit pas être négligée, et leur dépistage précoce permettra d’éviter des lésions graves irréversibles de la surface oculaire.

Une collaboration étroite entre dermatologue et ophtalmo logue permettra une prise en charge optimale de ces patients. II M. Mercié déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

Pour en savoir plus…

Nichols KK, Foulks GN, Bron AJ et al. The international workshop on meibo- mian gland dysfunction: executive summary. 52(4):1922-9.

Société française d’ophtalmologie. Pisella PJ, Baudouin C, Hoang-Xuan T.

Rapport 2015 : surface oculaire.

Suzuki T, Teramukai S, Kinoshita S. Meibomian glands and ocular surface inflammation. Ocul Surf 2015;13(2):133-49.

Figure 10. Photophobie.

Figure 11. Cicatrice post-phlyctène chez l’enfant.

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Références

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