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L'activité physique est-elle thérapeutique ?

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DOSSIER

Sport

104 | La Lettre du Psychiatre • Vol. XIII - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2017

S

i la question du bénéfice thérapeutique de l’activité physique a l’apparence de la simpli- cité, sa réponse est autrement plus complexe.

En effet, pratiquer une activité physique ne se limite pas à une simple dépense d’énergie mais renvoie à une multitude d’effets associés, en rapport avec l’image corporelle, l’image sociale, l’inté gration à un groupe ou l’exclusion de celui-ci, la sécrétion de diverses molécules endogènes, la qualité du micro- biote intestinal, etc. Aussi, en démontrer l’intérêt thérapeutique en la différenciant d’autres approches, notamment dans les pathologies psychiatriques, est difficile, ce qui explique sans doute les résultats souvent contradictoires rapportés dans la littérature.

Ainsi, à la fin des années 1960, une enseignante dépressive chronique désespérait de voir son état s’améliorer. Insomniaque, de surcroît, elle décida de consacrer une partie de ses nuits à la pratique du vélo d’appartement. Rapidement, son état s’amé- liora et elle en conclut que la pratique sportive avait des vertus thérapeutiques. Elle s’en ouvrit à son psychiatre, qui décida d’approfondir la question et découvrit que, en fait, c’était la privation de sommeil qui était thérapeutique et non la pratique sportive (1).

Depuis, de très nombreuses études ont été réalisées afin de démontrer l’intérêt d’une activité physique régulière, aux résultats divers.

Si la plupart des recommandations lui concèdent un intérêt dans la prise en charge des dépressions légères à modérées, les plus récentes méta-analyses sont plus réservées. Ainsi, une revue Cochrane de 2013 (2) concluait à un effet mineur, voire non signi- ficatif. Cette publication a suscité de nombreuses critiques méthodologiques ; aussi une autre équipe a-t-elle décidé de l’actualiser en tenant compte des réserves énoncées (3).

Ces auteurs ont pour cela retenu les études portant sur des patients répondant aux critères de trouble dépressif et/ou de dysthymie des RDC (Research Diagnostic Criteria), du DSM-IV et/ou de la CIM-10.

Concernant les pratiques sportives, seules ont été retenues les activités encadrées, programmées

L’activité physique

est-elle thérapeutique ?

Is physical activity therapeutic?

P. Delbrouck*

et faisant l’objet d’une évaluation régulière. Les pratiques à médiation corporelle (yoga, taï-chi, médi- tation, etc.) ont été exclues. Les groupes contrôles étaient composés de patients sur liste d’attente, recevant un placebo ou suivant une sociothérapie.

Les sujets pratiquant par ailleurs une activité sportive régulière ont été exclus.

Neuf cent soixante-dix études ont ainsi été identi- fiées, 75 ont été analysées, et seules 25 répondant aux critères ont été incluses dans la méta-analyse (figure).

Dans l’ensemble, les auteurs montrent que l’exer- cice physique a eu un effet important et significatif sur les troubles de l’humeur comparativement aux contrôles non actifs. En ce qui concerne la typo- logie des patients, l’effet maximal est retrouvé chez les sujets suivis en ambulatoire, sans autres comorbidités cliniques et dont l’activité physique est supervisée par des professionnels qualifiés, tant dans l’analyse principale que dans celle limitée aux participants présentant un trouble dépressif majeur. Ils ont ainsi constaté une réduction d’environ 5 points sur l’échelle HAM-D (échelle de dépression de Hamilton) et de plus de 6 points sur l’échelle BDI (Beck Depression Inventory), pour l’échantillon global et pour les patients dépressifs majeurs consi- dérés séparément. Cette réduction est supérieure à la réduction cliniquement significative de 3 points sur l’échelle HAM-D telle que le formulent les directives du National Institute for Health and Care Excellence (NICE) pour envisager un effet thérapeutique.

En ce qui concerne le type d’activité, les exercices aérobies et mixtes ont montré un effet positif dans toutes les études, mais les bénéfices les plus importants ont été observés pour des interventions utilisant des exercices aérobies, à des intensités modérées et fortes, que les pratiques soient super- visées ou non. Concernant les patients dépressifs majeurs, seuls les exercices aérobies ont eu des effets significatifs, alors que les interventions mixtes ont eu des effets non significatifs. Cependant, cette consta- tation doit être interprétée avec prudence, car elle repose sur un petit nombre d’études.

* Pôle de psychiatrie adulte, centre hospitalier de Saint-Nazaire.

0104_PSY 104 17/10/2017 12:31:32

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DOSSIER

Points forts

La Lettre du Psychiatre • Vol. XIII - n° 4-5 - juillet-août-septembre-octobre 2017 | 105

» De récentes méta-analyses montrent que la pratique d’activités physiques a un effet thérapeutique dans les troubles de l’humeur.

» Ces activités s’avèrent d’autant plus efficaces qu’elles sont réalisées chez des patients souffrant de trouble dépressif majeur, sans comorbidité, et qu’elles sont encadrées par des professionnels formés.

» Elles constituent une approche complémentaire des autres formes de prise en charge, et leur intérêt est souvent sous-évalué.

Mots-clés

Dépression Activité physique Traitement

Highlights

»Recent meta-analyzes show that physical activity has a therapeutic effect in mood disorders.

»These activities are more effective as they are performed in patients with major depres- sive disorder, without comor- bidity and supervised by trained professionals.

»They are a complementary approach to other forms of care and their importance is often undervalued.

Keywords

Depression Physical activity Treatment

Les exercices supervisés par des professionnels ayant une formation pertinente, y compris des éducateurs physiques, des physiothérapeutes et des physiologistes de l’exercice, ont été associés à des améliorations plus importantes. Pour autant, ceux supervisés par d’autres professionnels de la santé semblent avoir également un effet, bien que celui-ci n’ait pas atteint le seuil de significativité.

Ce résultat s’ajoute aux constatations antérieures d’un taux d’abandon plus faible en cas d’interven- tions conduites par des professionnels de l’exer- cice. Ces résultats soulignent l’importance d’une formation adéquate pour les soignants encadrant ce type d’activité et devraient inciter les décideurs

à inclure des plans de formation spécifiques pour les équipes de soins. Ces constatations ont égale- ment une implication pratique dans la conception d’essais ultérieurs.

En ce qui concerne les différences dans l’intensité des effets, les auteurs les expliquent principalement par 3 facteurs :

les critères d’inclusion : dans leur analyse, ils ont ainsi supprimé les études sans groupes témoins réels qui comparaient l’exercice plus un traitement validé et un traitement validé seul, suivant l’idée selon laquelle on peut additionner et soustraire les effi- cacités thérapeutiques d’une manière algébrique.

Or les mécanismes d’action des exercices peuvent Référence

de l’étude

Résultat statistique pour chaque étude Écart

standardisé à la moyenne

Limite

inférieure Limite supérieure p

Mota-Pereira, 2011 Singh, 1997 Danielsson, 2014 Mutrie, 1988 Setaro, 1985 Mcneil, 1991 Brenes, 2007 Hemat-Far, 2012 Pilu, 2007 Epstein, 1986 Doyne, 1987 Nabkasorn, 2005 Orth, 1979 Huang, 2015 Schuch, 2015 Singh, 2005 Shahidi, 2011 Oertel-Knoechel, 2014 Hallgreen, 2015 Kerling, 2015 Gary, 2010 Blumenthal, 2007 Veale, 1992 Williams, 2008 Sims, 2009

4,599 3,105 2,679 2,408 1,529 1,484 1,249 1,237 1,217 1,176 1,075 1,052 0,734 0,732 0,729 0,729 0,683 0,525 0,452 0,362 0,207 0,137 0,009 – 0,022 – 0,230 0,987

3,189 2,075 1,845 1,115 0,899 0,495 0,407 0,280 0,397 0,132 0,231 0,449 – 1,112

0,083 0,157 0,063 0,045 – 0,472

0,294 – 0,248 – 0,464 – 0,255 – 0,481 – 0,761 – 0,824 0,686

6,009 4,135 3,512 3,702 2,160 2,474 2,092 2,193 2,036 2,220 1,919 1,655 2,581 1,380 1,302 1,395 1,321 1,521 0,610 0,973 0,878 0,530 0,498 0,717 0,363 1,288

0,000 0,000 0,000 0,000 0,000 0,003 0,004 0,011 0,004 0,027 0,013 0,001 0,436 0,027 0,013 0,032 0,036 0,302 0,000 0,245 0,546 0,493 0,973 0,953 0,447 0,000

Écart standardisé à la moyenne

et IC95

– 4 – 2 0 2 4

En faveur

du groupe contrôle En faveur de l’activité physique

Figure. Efficacité de l’activité physique dans les troubles de l’humeur (3).

0105_PSY 105 17/10/2017 12:31:32

(3)

DOSSIER

Sport

DOSSIER

Sport

L’activité physique est-elle thérapeutique ?

se confondre, au moins en partie, avec certains de ceux des antidépresseurs (par exemple, augmenta- tion des marqueurs neurotrophiques) et des théra- pies cognitivo-comportementales (par exemple, amélioration de la capacité perçue d’adaptation et d’autoévaluation ) ;

les tests statistiques utilisés pour évaluer l’effet : ils ont ainsi calculé l’intensité de l’effet sur la base de la variation moyenne (de la ligne de base à l’ex- trémité) des symptômes des groupes contrôles et actifs, et pas seulement sur celle de la mesure de l’effet fi nal. Cette approche est particulièrement importante lors de la mise en commun d’études ayant des valeurs de référence différentes ;

l’inclusion d’essais plus récents : un essai qui a été inclus dans le rapport établi par G.M. Cooney et al. (2) comportait des résultats préliminaires, qui ont été remplacés par les résultats défi nitifs publiés dans cette méta-analyse, et 5 nouveaux essais ont été inclus. L’inclusion de ces essais récents peut avoir infl uencé les résultats. Par ailleurs, l’ampleur des effets était plus importante dans les études portant sur des patients atteints de trouble dépressif majeur que dans les échantillons où les diagnostics cliniques

n’étaient pas indiqués. Ainsi, les échantillons ayant des diagnostics cliniques avaient des scores de dépression de base plus élevés et, par conséquent, un meilleur potentiel d’obtention d’une plus grande réduction des symptômes. Contrairement aux effets plus importants dans les échantillons diagnostiqués avec un trouble dépressif majeur, l’effet de l’exercice dans les échantillons sans diagnostic clinique de trouble dépressif majeur était modéré.

Enfin, les analyses ajustées démontrent que les biais de publication conduisent généralement à une sous-estimation des effets positifs de l’exercice.

Des méta-analyses antérieures ont ainsi peut-être sous-estimé les bénéfi ces de l’exercice en raison de ces biais de publication.

Dans une approche comparable, W.H. Farah et al.

arrivent à des conclusions similaires à partir de l’étude de 61 publications. L’activité physique se montre supérieure au placebo et d’une effi cacité comparable à celle des antidépresseurs (4) . Dans l’ensemble, ces résultats fournissent des arguments solides pour proposer des pratiques d’activités physiques dans la prise en charge des

troubles de l’humeur.

P. Delbrouck déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

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Dossier thématique : Argent et psychiatrie

Coordonné par le Dr Jean-Michel Havet

1. Schulte W. Konbinierte Psycho- und Pharmakotherapie bei Melancholikern. Karger, Basel, New York : Rothenburger Gespräch, 1965.

2. Cooney GM, Dwan K,

Greig CA et al. Exercise for depression. Cochrane Database Syst Rev 2013;(9):CD004366.

3. Schuch FB, Vancampfort D,

Richards J, Rosenbaum S, Ward PB, Stubbs B. Exercise as a treatment for depression:

a meta-analysis adjusting for publication bias. J Psychiatr Res 2016;77:42-51.

4. Farah WH, Alsawas M,

Mainou M et al. Non-pharma- cological treatment of depres- sion: a systematic review and evidence map. Evid Based Med 2016;21(6):214-21.

Références bibliographiques

0106_PSY 106 17/10/2017 12:31:35

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