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ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE GLOBALE : À PROPOS DE DEUX CAS FRANÇAIS

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ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE GLOBALE : À PROPOS DE DEUX CAS FRANÇAIS

Morad Mousli

To cite this version:

Morad Mousli. ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE GLOBALE : À PROPOS DE DEUX CAS

FRANÇAIS. Mesure, évaluation, notation – les comptabilités de la société du calcul, May 2014, Lille,

France. pp.cd-rom. �hal-01899582�

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ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE GLOBALE :

À PROPOS DE DEUX CAS FRANÇAIS

Morad MOUSLI

Résumé : La recherche s’intéresse à la façon d’intégrer un dispositif de contrôle de la RSE comme système de mesure de la performance non financière (SMPNF) à côté des budgets. Puisque la littérature a observé, d’une part, la difficile association des SMPNF et des budgets et, d’autre part, la nécessité de disposer d’un système ad hoc de pilotage des orientations stratégiques de RSE afin d’en crédibiliser le discours, nous avons interrogé le contrôle de gestion sous ces deux angles de recherche dans le but d’en comprendre les hypothétiques conditions de succès. Elle a pris la forme d’études de cas longitudinales réalisées sur une période de près de 4 ans dans deux entreprises ayant développé des tableaux de bord comme SMPNF de la RSE respectivement de façon globalisée et différenciée. Les résultats montrent que, dans les deux cas, les dispositifs contribuent favorablement à la mise en œuvre des orientations stratégiques de RSE au niveau opérationnel mais que la prévalence des objectifs économiques semble constituer un frein à leur efficacité.

Mots-clés : Contrôle de gestion, performance financière, performance globale, RSE, SMPNF.

Abstract: This study is focusing on the way to integrate Corporate Social Responsibility (CRS) control device as a system of measuring non financial performance (SMNFP), besides traditional tools such as budgets. These last years, several studies have underlined, on the one hand the difficulty to put together SMNFP and budgets and on the other hand the necessity to dispose of an ad hoc system of piloting strategic orientations of CSR in order to make the speech more reliable. We analyzed management control under these two points of view with the objective to understand the hypothetical conditions of success. It took the form of longitudinal case studies made within 4 years in two companies that have developed dashboards such as SMNFP and CSR in a global and specific ways. The results show that, in both cases, the devices contribution is in favor of the implementation of CSR strategic orientations in an operating level, however the prevalence of economic goals seems to be an obstacle to their efficacity.

Key-words: Management control, financial performance, CSR performance, CSR, SMNFP.

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Introduction

De nombreux travaux ont observé ces dernières années le développement de système de mesure de la performance non financière (SMPNF) à côté des traditionnels budgets (Germain, 2009) dans le but de contrôler et piloter de façon plus efficace les autres dimensions de la performance. C’est le cas notamment de la dimension « sociétale » attenante à la RSE et à laquelle les entreprises consacrent de plus en plus de temps au travers d’orientations stratégiques spécifiques mais également d’outils ad hoc (Lamarche, 2009 ; Gond, 2011). Ces outils soulignent aussi bien l’importance de cette performance que la nécessité de la gérer de façon singulière comme l’affirment Capron et Quairel-Lanoizelée (2004) pour qui « la crédibilité externe et l’efficacité passent par la mise en œuvre d’un système de pilotage de cette évolution stratégique. ». Dès lors, la façon dont les systèmes de contrôle intègrent et contribuent au pilotage des orientations stratégiques de RSE apparaît fondamentale aussi bien sous l’angle de la performance globale que celui de la qualité de leur intégration tant sur un plan technique que managérial. La littérature a souvent interrogé le contrôle sur le thème de la relation qu’entretiennent précisément les budgets et les SMPNF afin d’en comprendre les ressorts et, en particulier, les hypothétiques conditions de succès (Mendoza et Zrihen, 1999 ; Denis et Tannery, 2002 ; Germain, 2009). En revanche, peu d’études ont exploré ce champ sous l’angle de la RSE pour laquelle les orientations stratégiques, d’une part, et les dispositifs de contrôle, d’autre part, posent la double question de la compatibilité des objectifs et la complémentarité des outils. En effet, comme le précise Quairel (2006), la RSE « suppose une multiplication des domaines de contrôle et un élargissement de leur périmètre. Elle implique, en théorie, l'intégration et l'équilibre entre les objectifs économiques, environnementaux et sociaux. ».

En ce sens, cette recherche s’attachera spécifiquement à l’examen des SMPNF

attenants à la RSE et à la problématique de leur mise en œuvre en essayant de répondre à la

question suivante : Quelles sont les conditions de réussite d’intégration d’un dispositif de

mesure et de pilotage des orientations stratégiques de la RSE au contrôle de gestion ? Pour ce

faire, notre article cherchera en particulier, d’une part, à décrire le processus d’intégration de

SMPNF de RSE dans deux sociétés cotées ayant respectivement opté pour un système global

et un sous-système différencié et, d’autre part, à analyser leur efficacité par les prismes

croisés de la compatibilité des orientations stratégiques et la complémentarité des outils. C’est

la raison pour laquelle nous avons choisi une méthode qualitative puisque nous voulions

interpréter le réel de façon approfondie autour de situations spécifiques et à partir des

représentations des acteurs et de nos propres observations. Elle a pris la forme d’études de cas

longitudinales réalisées sur une période de près de 4 ans dans deux entreprises ayant

développé des tableaux de bord comme SMPNF afin d’examiner les différences d’efficacité

en matière de pilotage stratégique des objectifs de RSE liées précisément aux outils et aux

modes d’intégration. L’article se subdivise en quatre sections. La première aborde la

problématique de la recherche. Les cas et la méthodologie sont ensuite présentés. La troisième

partie est dédiée à la description des dispositifs de gestion mis en place dans les deux sociétés

et à leur contribution au pilotage de la performance globale. La quatrième partie, enfin,

propose une analyse et une discussion des résultats ainsi que nos conclusions.

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1. La relation entre la mise en œuvre des orientations stratégiques et le contrôle de gestion

Les orientations stratégiques vers la RSE peuvent asseoir une réelle volonté de développer une performance sociale et environnementale sans pour autant qu’elles soient pilotées. C’est pourquoi l’analyse des pratiques inhérentes à l’intégration de la RSE dans les dispositifs internes de gestion nécessite la définition d’un cadre théorique qui décrit l’enjeu qu’elle constitue pour l’entreprise sur deux plans : d’une part, celui de la prise en compte d’une performance globale (1.1) et, d’autre part, celui du rapport qu’entretiennent le système budgétaire et les SMPNF (1.2).

1.1 La relation entre performance globale et « contrôlabilité »

La plupart des études qui se sont intéressées à la place de la RSE dans les entreprises, au travers de l’évaluation qui était faite de sa performance, ont polarisé leur attention sur les dispositifs de mesure externes (Dammak-Ayedi, 2004). Ce constat tient en grande partie aux pratiques des entreprises pour au moins deux raisons : d’une part, l’usage encore peu répandu de pilotage stratégique de la RSE semble confiner à des objectifs de communication externe qui justifient en partie l’absence de dispositifs de gestion (Germain et Gates, 2007) ; d’autre part, la notion de performance « globale » reste très ambigüe (Bouquin, 2004) compte tenu des trois dimensions qu’elle revêt, à savoir économique, sociale et environnementale. Pour Quairel, « la performance globale représente la contribution de l'entreprise aux objectifs de développement durable. Elle s'inscrit dans le contrôle de la RSE. Elle suppose une multiplication des domaines de contrôle et un élargissement de leur périmètre. Elle implique, en théorie, l'intégration et l'équilibre entre les objectifs économiques, environnementaux et sociaux. ». Il semble ainsi particulièrement compliqué d’associer l’ensemble des dimensions de la performance à un système unique sans risquer un déséquilibre dans la considération de ces dernières (Perez, 2003 ; Capron et Quairel, 2006). Cela, bien qu’il soit possible de considérer des systèmes associés ou sous-systèmes de contrôle de cet ensemble, tels que les systèmes de contrôle sociaux (Naro, 2006) ou les systèmes de contrôle environnementaux (Henri et Giasson, 2006 ; Caron et al., 2007).

C’est en ce sens que certaines entreprises ont fait le choix de développer des systèmes ad hoc de pilotage de cette performance globale comme le Sustainability Balanced Scorecard (SBSC) développé dans des entreprises comme Shell ou Novo Nordisk (Hockerts, 2001 ; Bieker, 2002 ; Zingales et Hockerts, 2003 ; Naro et Noguera, 2008 ; Naro et Travaillé, 2011).

Cette version spécifique du BSC de Kaplan et Norton (1996) tient à une approche fondée, soit

sur l’introduction d’un cinquième axe dans le BSC à côté des axes usuels (apprentissage,

process, clients, finance) dédié à la performance sociétale, soit sur le développement d’un

outil de communication externe (Bieker et Waxenberger, 2002). Le risque d’une telle

approche consiste dans le fait que les différentes dimensions puissent coexister dans un

ensemble sans cohérence dont les retombées ne sont associées qu’au moment du reporting

annuel (Capron et Quairel, 2005). C’est l’une des raisons qui poussent les entreprises à éviter

le découplage des systèmes en intégrant directement les dispositifs de gestion de RSE dans un

système unique de façon globalisée.

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En France, différentes études de cas ont souligné l’intérêt d’une intégration des dispositifs de contrôle RSE au sein d’un système globalisé compte-tenu de la cohérence à la fois dans la fixation des objectifs que dans leur mise en œuvre opérationnelle. Parmi elles, Meyssonnier et Rasolofo (2008), qui ont examiné le cas d’une entreprise du secteur social ayant développé un outil unique de contrôle « des » performances déployé et utilisé avec cohérence malgré une prépondérance des objectifs économiques comme le rappellent les auteurs (p.14) puisque l’entreprise « a articulé divers outils RSE dans un système cohérent de pilotage mais que son métier et son histoire expliquent probablement) où la logique économique reste prédominante. ». Plus récemment, Berland et Essid (2011) ont travaillé sur le cas d’une entreprise industrielle qui a fait le choix de développer un système global de mesure et de pilotage de la performance. Les résultats montrent que la prise en compte des différentes dimensions de la RSE dans un seul et unique système managérial est possible bien que des difficultés existent quant à son intégration. Les auteurs concluent (p. 93) en précisant que « ce système a le mérite de traiter à égalité les priorités et objectifs RSE et les indicateurs pour les suivre. Preuve de cette intégration, les indicateurs RSE sont choisis ensemble, sont construits ensemble, sont utilisés ensemble par les managers et font l’objet de mesure et de reporting simultanément. »

La revue de la littérature existante sur le thème de la RSE et des dispositifs de mesure et de pilotage d’une performance globale indique ainsi deux possibilités d’intégration : soit une intégration globale au sein d’un système unique, soit la superposition de plusieurs sous- systèmes attenants chacun à l’une des trois dimensions de la performance. Les deux semblent soumises à la même nécessité de dessiner des orientations stratégiques compatibles mais également de construire des outils cohérents, voire complémentaires.

1.2 La relation entre les budgets et les SMPNF

La littérature sur le contrôle de gestion a accordé une place importante, en particulier ces dernières années, au développement des SMPNF dans le cadre notamment de la remise en cause des budgets. Les travaux plus récents de Germain (2009) constituent une bonne synthèse de ces travaux où deux écoles de pensées semblent se différencier : ceux qui pensent que les SMPNF sont un complément du système budgétaire (Berland, 1999 ; Mendoza et Zrihen, 1999 ; Denis et Tannery, 2002) et ceux pour lesquels ils constituent un palliatif, voire une solution de remplacement (Epstein et Manzoni, 1997). Pour Germain, ces deux courants postulent respectivement une relation de complémentarité ou de concurrence. Selon l’auteur (p. 146), « la complémentarité en contrôle de gestion se base sur l’idée que les trois processus de contrôle que sont la finalisation des actions, le pilotage de la performance, l’évaluation des résultats sont associés à des outils qui, parce qu’ils sont conçus a priori pour remplir des rôles différents, se structurent les uns par rapport aux autres de façon complémentaire, et selon une architecture qui peut varier d’une entreprise à l’autre. ».

Bouquin (2006) insiste sur la nécessité d’afficher clairement les points de concordance et de divergence des outils, notamment en matière de contrôle budgétaire, de tableau de bord et de reporting. Mendoza et Zrihen (1999) vont plus loin en insistant sur la complémentarité des outils qui ne peut valoir aux différents tableaux de bord de remplacer les budgets.

La relation de concurrence est, pour sa part, justement envisagée au regard de la

capacité des SMPNF de remplir certaines fonctions jusqu’alors réservées aux budgets. Cette

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approche se fonde en grande partie sur les limites et critiques du système budgétaire, en particulier en ce qui concerne le courtermisme économique ou l’exclusivité de la mesure financière. Or, plusieurs travaux ont démontré que les SMPNF pouvaient dépasser ces limites sur la base de pratiques managériales différentes. À commencer par l’approche de type socio- économique (Savall et Zardet, 1992 ; Pfeiffer, 1995) fondée sur la dualité de la performance en termes de dimensions (sociale et économique) et de temporalité (court et long termes).

Germain synthétise les contributions des autres études en polarisant son attention sur les tableaux de bord susceptibles d’appuyer la mise en œuvre opérationnelles des orientations stratégiques non financières en rappelant (p. 149) que « bien que leur déploiement relève de schémas différents, le tableau de bord et le BSC sont élaborés, non pas sur la base d’un découpage fonctionnel de l’entreprise, mais de façon à suivre les processus qui sont à l’origine de la performance (Chiappello et Lebas, 2001 ; Horngren, 2004). ».

En somme, la recherche conduite par Germain a permis de décrire empiriquement la relative efficacité des SMPNF selon qu’ils soient complémentaires ou en concurrence du système budgétaire classique. Ses résultats révèlent (p.156) « une plus grande complémentarité des outils conditionnée par la compatibilité des stratégies de contrôle attachées aux deux outils […] La présence de SMPNF dont le contenu étendu permet d’assurer une couverture large de la performance est associée à des pratiques souples et non pas serrées du budget. ». Cette synthèse nous amène à réfléchir sur l’efficacité des SMPNF, en particulier lorsqu’il s’agit de tableaux de bord, en tant que dispositifs de contrôle de la performance globale du point de vue de leur relation aux budgets, mais également de leur contribution au pilotage des orientations stratégiques de RSE. Et ce, quelle que soit la finalité théorique reconnue aux différents tableaux de bord dont l’utilisation pratique n’est pas aussi dogmatique (Choffel et Meyssonnier, 2005 ; Naro et Travaillé, 2011). C’est pourquoi nous avons entrepris une étude exploratoire de type longitudinal dans deux entreprises engagées en matière de RSE qui ont développé respectivement un TBC (système globalisé) et un BSC (sous-système différencié).

2. Présentation des cas et de la méthodologie

Les caractéristiques générales de l’étude (2.1), d’une part, des deux entreprises étudiées (2.2), d’autre part, et les méthodes de récolte et traitement de données (2.3), enfin, seront présentées respectivement ici.

2.1 Une étude de cas fondée sur une approche longitudinale

Notre étude longitudinale s’est fondée sur trois enquêtes qualitatives auprès des deux sociétés cotées (compartiment C d’Eurolist), Gamma et Delta, sur trois périodes de 3 mois, la première située entre le 1er février et le 28 avril 2007, la seconde entre le 1er mars et le 30 mai 2009 et la dernière entre le 7 février et le 8 avril 2011. Les matériaux récoltés proviennent pour l’essentiel d’entretiens semi-directifs réalisés auprès de :

- Gamma : 20 personnes (4 dirigeants, 4 managers, 6 commerciaux, 6 contrôleurs de

gestion) sur une période totale de 9 mois ;

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- Delta : 22 personnes (8 dirigeants, 4 managers, 4 commerciaux, 6 contrôleurs de gestion) sur une période totale de 9 mois.

Ce mode d’observation des pratiques des deux sociétés cotées était pour nous le plus adapté puisque les méthodes qualitatives proposent de comprendre le réel selon des normes précises plutôt que de le formaliser à partir d’une série de variables restreintes à vérifier. Dans notre cas, nous voulions observer les relations entre différents ensembles (orientations stratégiques, dispositifs de gestion, type de contrôle, missions du contrôle, latitude des contrôleurs) dans le but de comprendre la façon dont ils interagissent et peuvent expliquer l’efficacité du contrôle du point de vue de ses missions. C’est en cela que nous avons privilégié les entretiens semi- directifs afin de fonder notre exploration sur les représentations des différents acteurs du contrôle (dirigeants, managers, contrôleurs) ainsi que l’analyse de documents (sur les trois périodes d’étude) et l’observation directe (en tant que membre passif). La dimension longitudinale, enfin, nous assurait d’observer l’évolution des relations dans le temps et des pratiques et comportements des acteurs sous l’angle de l’utilisation faite des outils développés au sein du contrôle de gestion.

Le choix des deux entreprises se justifie, d’une part, en raison de leur structure de contrôle et de leur secteur d’activité particulièrement exposés en matière de RSE et, d’autre part, sur le choix de développer un SMPNF en parallèle de son système budgétaire classique.

Leur implication historiquement ancrée dans des problématiques sociales et environnementales nous a semblé particulièrement opportune compte tenu de leur volonté de développer conjointement à l’outil nouvellement mis en place, des orientations stratégiques fortes liées à la RSE. L’abord de ces sociétés nous a été facilité par la présence continue depuis 2001 d’étudiants en contrat d’alternance appartenant à notre institution de formation et présents à la fois au niveau opérationnel (Marketing, achats et distribution) et financier (contrôle de gestion).

2.2 Caractéristiques générales des deux entreprises étudiées

Les deux entreprises vont être présentées de façon exhaustive afin de mettre en avant leurs orientations stratégiques afférentes à la RSE et la particularité de leur système de contrôle de gestion.

2.2.1 La société Gamma

La société Gamma a pour objet social la fabrication et la commercialisation de produits pharmaceutiques. Créée dans les années 1960, elle comprend un conseil d’administration (système classique) ainsi qu’une direction générale du groupe. L’observation s’est portée sur la stratégie du groupe ainsi que sur la configuration de son système de contrôle.

a. stratégie

La stratégie du groupe Gamma est recensée dans un plan d’actions stratégique à 3 ans

réalisé par la direction générale et déployé auprès de l’ensemble des services et des managers

opérationnels. Ce document comprend différents axes de développement à la fois internes et

externes mais également organisés selon leurs priorités. Trois axes ont été identifiés comme le

cœur du développement stratégique pour les trois années à venir :

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- Création d’une nouvelle structure en province,

- Développement d’un nouveau marché pour la nouvelle génération de génériques, - Valorisation de l’image du groupe.

Le document reprend ces trois thèmes divisés en sous-thèmes plus détaillés avec, d’une part, des objectifs qualitatifs et, d’autre part, des objectifs quantitatifs. L’ensemble des actions à court terme sont rassemblées dans un document appelé « actions immédiates » et font l’objet d’une attention toute particulière quant à l’articulation des objectifs financiers.

C’est au sein du système de contrôle que s’articule le passage des actions prioritaires aux objectifs fixés.

b. système de contrôle de gestion

L’organisation et les outils du système de contrôle sont adossés à ce document et chaque responsable opérationnel doit construire un budget conforme aux objectifs et restrictions chiffrés qu’il renferme. Le système de contrôle de Gamma comprend deux niveaux de contrôle, l’un centralisé (siège), l’autre opérationnel. Les outils de gestion déployés sont regroupés dans un TBC qui recense aussi bien des indicateurs de mesure de la performance financière que des indicateurs portant sur la performance sociale (retombées environnementales et économiques). Les contrôleurs de gestion ont pour principale mission d’organiser la mesure des résultats au regard des objectifs fixés et des réalisations. Les données relevées et analysées sont ensuite transférées par voie de reporting « global » (financier et sociétal) qui doit comprendre des données à la fois quantitatives et qualitatives, financières et non financières. La clôture de l’activité périodique est mensuelle et est réalisée lors des cinq derniers jours du mois. L’ensemble des informations tirées de la clôture est synthétisé sur un tableur Excel après retraitement des extractions du progiciel de gestion intégrée.

2.2.2 La société Delta

Cette société, spécialisée dans l’agroalimentaire a été créée dans les années 50. Le conseil d’administration (système classique) et la direction générale travaillent conjointement à la validation d’un plan stratégique de développement à 5 ans.

a. stratégie

Ce plan, revalidé chaque année en fonction des réalisations opérationnelles, comporte quatre grands objectifs depuis 2008 :

- Création d’une filiale commerciale en Espagne, - Restructuration de l’activité opérationnelle, - Amélioration de l’image en matière d’hygiène,

- Mise en place du nouveau référentiel de contrôle qualité.

Deux documents faisant état des actions stratégiques à conduire sont usuellement transmis :

l’un comprenant les actions à moins d’un an (plan d’actions prioritaires) et l’autre à plus d’un

an (plan d’actions de développement). La direction générale présente ces documents une fois

par an (en amont pour les projets et en aval pour les résultats et réorientation potentiels). Les

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managers opérationnels participent à la construction des deux documents ainsi qu’aux outils de contrôle supposés.

b. système de contrôle de gestion

Le système de contrôle a été configuré autour de deux outils de mesure de la performance globale : le contrôle budgétaire (budgets + évaluation quantitative et financière des résultats + actions correctrices) et un tableau de bord en version BSC. L’originalité du BSC est la présence, depuis 2005, de nombreux indicateurs d’évaluation de la performance afférente à la RSE. Les indicateurs mesurent aussi bien :

- la qualité de la gouvernance (actions préconisées vs réalisations), - les retombées sur l’environnement (économiques et sociales), - la qualité du management (indicateurs de satisfaction interne).

Les missions du contrôleur de gestion sont donc de mesurer la performance quantitative et financière (budget + évaluation) et qualitative et sociale (BSC). Le reporting comprend ainsi usuellement des données tirées des deux outils et à la fois quantitatives et qualitatives. Il est tiré des travaux de clôture effectués à chaque fin de mois. Les documents comprennent l’ensemble des données afférentes aux indicateurs de mesure et sont transmis par le biais d’une solution de reporting (données tirées du contrôle budgétaire) et par voie électronique (données qualitatives et sociales synthétisées sur un tableur Excel).

2.3 Méthodes de récolte et de traitement des données

Lors de cette étude, nous avons privilégié les échanges durant des entretiens semi-

directifs d’une durée moyenne de 60 minutes qui ont été menés dans des intervalles de temps

n’excédant pas 3 mois pour chaque enquête. Le guide d’entretien a été construit autour de

deux thèmes principaux : la configuration du système de contrôle à des fins de mesure d’une

performance non financière liée à la RSE et la mise en œuvre des stratégies attenantes au

travers des activités de pilotage. Le thème de la configuration s’est articulé autour de sous-

thèmes liés au choix et processus, aux indicateurs et à l’évolution. Les sous-thèmes rattachés

aux actions de pilotage renvoyaient, pour la plupart, au temps consacré à l’analyse et au

reporting des données par les contrôleurs, à l’exploitation par les managers et au type et

nombre d’actions de pilotage qui en découlent. Les personnes interviewées durant les

différentes enquêtes étaient en lien direct avec le système de contrôle de gestion en qualité de

commanditaires (CODIR), concepteurs (contrôleur et managers commerciaux) ou utilisateurs

(les trois populations). Enfin, la participation aux réunions de mise en place et d’évaluation du

nouveau système de contrôle, d’une part, et des rétroactions de ce dernier sur les actions

stratégiques à court et long termes, d’autre part, ont permis une restitution plus fidèle de la

description du dispositif de contrôle et du pilotage de la performance comme corolaire.

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Etape 1 Etape 2 Etape 3 Etape 4 Etape 5 Réorganisation de l'activité du système budgétaire autour du nouvel outil et mise en place d'un reporting social Evaluation des

premiers résultats et déploiement généralisé sur toutes les activités Test sur une

activité d'un tableau de bord classique avec des indicateurs de mesure spécifiques Etude préalable du

bureau méthode et conseil sur les potentialités d'un tableau de bord Décision du comité

de direction de mettre en place des outils spécifiques de mesure de la performance non financière

Etape 1 Etape 2 Etape 3 Etape 4 Etape 5

Mise en œuvre du BSC dans l'ensemble du système budgétaire et paramétrage définitif de la solution de reporting adapté Phase

d'évaluation du résultat de l'utilisation des nouveaux outils par les membres du groupe de projet Essai de deux

outils spécifiques en phase de test : le BSC et une solution de reporting dédiée Création d'un

groupe de projet réunissant les utilisateurs et concepteurs du budget pour le choix d'un outil ad hoc Axe stratégique

afférent à la RSE développé par la direction générale et l'ensemble du top management

3. Les SMPNF comme facteurs de renforcement du pilotage stratégique de la RSE par le contrôle de gestion

Afin de décrire le mode d’intégration des deux catégories de tableaux de bord dans le système de contrôle de gestion des deux entreprises, nous allons passer en revue autour de trois questions le processus de réflexion préalable et d’intégration proprement dite des outils (3.1), les évolutions propres constatées entre 2009 et 2011 (3.2) avant de présenter le pilotage de la performance dans les deux cas (3.3).

3.1 Quels processus de choix et d’intégration des dispositifs RSE ?

Les deux entreprises ont décidé de mettre en place des instruments spécifiques de mesure d’une performance non financière dans le but d’adapter les activités du système de contrôle aux choix des directions générales d’évaluateur et de piloter de façon plus adaptée les retombées de la RSE. Les deux figures ci-dessous mettent en avant les cinq grandes étapes de réflexion et de décision des deux organisations en amont de l’étude (avant 2007).

Figure 1 : Processus de déploiement chez Gamma

Les deux étapes préalables du processus mettent en avant le rôle de la direction générale et du conseil d’administration dans la décision de mettre en place un outil et celui du bureau des méthodes dans celui de sa configuration. L’ensemble des étapes ont été réalisées durant la fin du premier semestre et le second semestre 2006. Nous constatons également que les contrôleurs de gestion, bien que parties prenantes au déploiement et à l’utilisation de l’outil, n’étaient pas présents dans les phases préalables de décision et de choix.

Figure 2 : Processus de déploiement chez Delta

Comme pour Gamma, le processus s’est limité à 5 étapes fondamentales (de mars à novembre

2006) qui commencent par la décision de la direction générale de développer un axe

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spécifique à la RSE. Les étapes 2 et 3 sacralisent l’organisation du groupe de projet constitué de l’ensemble des concepteurs et utilisateurs du budget dans l’entreprise. D’emblée, la décision d’utiliser un tableau de bord en version classique (TBC) a été associée au déploiement d’une solution de reporting idoine. Ce processus révèle enfin que la mise en œuvre a été soumise à une phase de test réalisée auprès d’une activité précise.

La dernière étape, dans les deux cas, a consisté à la mise en place des outils et à la configuration du système de contrôle. Les deux entreprises ont consacré, à des rythmes différents, une grande partie du second semestre 2006 à l’instrumentation de leur système de contrôle ainsi qu’à la formation des contrôleurs et des managers aux exigences des nouveaux indicateurs. C’est ce que nous proposons de décrire ici sachant que nous avons retenu 3 grandes étapes : l’opérationnalisation des indicateurs, la formation des acteurs et l’organisation du reporting (tableau 1).

Tableau 1 : Étapes d’intégration des outils dans le contrôle de gestion

Chez Gamma Chez Delta

Les indicateurs, choisis préalablement par la Les phases de test ayant été réalisées et Etape 1 :

Opérationnalisation des indicateurs

direction générale, ont été mis en œuvre entre septembre et décembre dans le processus budgétaire.

validées par le groupe de projet, cette étape a consisté davantage à la mise en relation des indicateurs avec chaque activité (1 mois).

Les acteurs ont été formés par les membres Une équipe de consultants a été Etape 2 : Formation des

acteurs

du groupe de projet à partir des prescriptions du bureau des méthodes (3 mois).

détachée durant 3 mois pour la formation des utilisateurs des outils et la perception des indicateurs.

Construction d'un tableur spécifique Paramétrage de la nouvelle solution de Etape 3 : Organisation du

reporting

regroupant les indicateurs afférents à la RSE (2 mois).

reporting et organisation des clôtures autour des activités de mesure des performances financière et non financière (2 mois).

Nous constatons ici qu’en dépit du poids de cet outil, l’entreprise Gamma a assuré elle-même l’ensemble des étapes alors que Delta a fait intervenir des consultants aussi bien sur la partie « formation » que sur l’étape de paramétrage de la nouvelle solution de reporting. Dans les deux cas, ces outils ont été jugés totalement opérationnels pour l’exercice ouvert au 1er janvier 2007, année de notre première étude empirique (février-avril).

3.2 Quelles sont les principales évolutions entre 2009 et 2011 ?

À partir des résultats obtenus sur 2007, les deux entreprises ont régulièrement

reconsidéré leurs outils et les indicateurs de mesure et de pilotage. Afin de nous rendre

compte des changements les plus manifestes, nous avons étudié en priorité l’évolution entre

2009 et 2011 (tableau 2) des indicateurs afférents dans les deux cas à la RSE ainsi que les

caractéristiques du reporting.

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Tableau 2 - Évolutions majeures des outils dans les deux organisations

Chez Gamma Chez Delta

Indicateurs Reporting Indicateurs Reporting

2009

- Surcroît budget formation Aucune modification - Taux de maintien du personnel opérationnel

Mise en place d’un PGI spécifique lié au reporting sociétal (données sociales, économiques et environnementales)

- % de départs - Nombre de femmes aux

postes de managers - Taux de progression

salariale

2011

- Taux d'absentéisme des équipes de production

Mise en place d'une procédure mensuelle spécifique de

transmission des données non financières

- Taux de satisfaction des

équipes opérationnelles Aucune modification

- Taux de satisfaction des équipes managériales

Ce tableau révèle donc que les deux entreprises ont mis en place des indicateurs nouveaux dans leur tableau de bord au fur et à mesure de l’utilisation qui en est faite au sein du système de contrôle. Bien que cette évolution soit réduite en nombre, elle représente sur cette période une augmentation de 33 % chez Gamma (12 indicateurs en 2009) et de 20 % chez Delta (20 en 2009). C’est en ce qui concerne le reporting que les approches sont très différentes puisqu’en 2011, seule Delta dispose d’une solution de reporting (mise en place en 2009) spécifique bien que Gamma ait mis en place un reporting social mensuel très récemment.

En outre, et pour comprendre l’influence effective de ces outils sur les activités du système de contrôle, nous allons présenter les révélations des acteurs du système de contrôle sur la mesure de la performance sociétale.

3.3 Quel pilotage de la performance globale dans les deux cas ?

Dans le cas de Gamma, le pilotage de la performance a peu évolué avec l’intégration du TBC des indicateurs afférents à la RSE. Celui-ci s’inscrit dans une logique hiérarchique où les trois niveaux CODIR, managers, contrôleurs sont représentés. La mise en œuvre d’actions aux différents niveaux opérationnels s’appuie sur les indicateurs de performance (financiers et sociaux) ainsi que sur les informations transmises par le contrôle de gestion en matière d’analyse des écarts. En ce qui concerne le pilotage de la performance, il faut rappeler qu’il repose sur trois niveaux d’informations et d’actions supposées :

- Les plans d’actions stratégiques (PAS), - Les budgets,

- Les actions immédiates (AI),

Chaque année, le plan d’actions stratégiques est validé par le CODIR à partir de l’ensemble

des résultats de l’exercice précédent et des prévisions réalisées au niveau du contrôle

budgétaire. Chaque axe stratégique est ensuite décliné dans des budgets et, éventuellement,

des AI dont la temporalité peut varier de 1 mois à 3 mois. Ces actions peuvent faire l’objet

d’enveloppes budgétaires particulières le cas échéant qui sont réévaluées mensuellement à la

façon d’un rolling-forecast. Chaque niveau hiérarchique est ainsi responsable de son budget,

lui-même découlant des PAS et pouvant entraîner plusieurs AI à réaliser sur l’année en plus

(13)

de l’activité usuelle. L’ensemble des informations sont comprises dans un TBC qui est, mois après mois, agrégé afin d’obtenir un niveau d’informations global pour l’entreprise.

Ainsi, le TBC développé dans le système de contrôle de gestion (aux niveaux opérationnels et centralisé) regroupe l’ensemble des données de chaque niveau de responsabilité de la société de façon à concaténer les informations et à regrouper les résultats.

Les contrôleurs de gestion et les managers travaillent conjointement à l’évaluation de la performance à partir des informations récoltées et des analyses qui en découlent. Ces analyses sont ensuite étudiées dans un premier temps par les managers afin de faire émerger, le cas échéant, des pistes d’actions correctives ou de projets à mettre en œuvre de façon plus spécifique. Ce sont ces informations qui sont ensuite transmises au CODIR lors d’un second reporting qui propose les résultats « bruts » ainsi que les synthèses réalisées par les managers.

Sur cette base, le CODIR entrevoit des actions de pilotage immédiates ou à plus ou moins longue échéance selon les cas. Il existe, en outre, les actions immédiates préconisées par les dirigeants (AI) et les actions immédiates « correctives » (AIC) suggérées au niveau opérationnel par les managers (figure 3).

Figure 3 - Pilotage de la performance globale chez Gamma

Chez Alpha, deux documents faisant état des actions stratégiques à conduire dans le cadre de ces axes sont usuellement transmis aux différents collaborateurs : le premier, le plan d’actions de développement (PAD), comprend l’ensemble des actions à conduire à long terme

; le second, le plan d’actions prioritaires (PAP), concerne davantage les actions à mener à courte échéance au niveau opérationnel sur une durée maximale de 3 mois. Le comité de direction présente ces documents une fois par an à l’ensemble des parties prenantes (directions, managers, opérationnels, contrôleurs) et le transmet ensuite aux managers afin qu’ils puissent préparer les différents PAP et les budgets annuels (en collaboration étroite avec les contrôleurs). Ce sont ces PAP qui fondent le pilotage des orientations stratégiques des différents axes dont l’évaluation se fait chaque mois au moment des clôtures à partir de l’analyse des écarts (contrôle budgétaire) et des différents indicateurs de performance (BSC).

Le nouveau système de contrôle présente ainsi un pilotage en trois temps (figure 4) selon les trois niveaux de contrôle proposé par Bouquin (2004), fondé sur l’évaluation de la performance globale par les deux sous-systèmes de contrôle.

Pilotage

Évaluation

Actions immédiates

Enveloppes budgétaires

Actions immédiates correctives Budgets annuels

PAS

CODIR Managers Contrôleurs

Objectifs stratégiques

Déclinaison stratégique

(14)

Figure 4 - Pilotage de la performance globale chez Delta

Chaque clôture donne lieu à un reporting à destination des managers et du CODIR et comprend usuellement des données à la fois économiques, sociales et environnementales tirées des deux outils. Au niveau des managers, ce reporting est analysé systématiquement lors de réunion de présentation des résultats qui donnent lieu à des propositions d’amendement des PAP ou à révisions des budgets en forme de Rolling Forecast. Ainsi, par exemple, la qualité du management est évaluée mensuellement en fonction, d’une part, de la réalisation des objectifs de chaque équipe et, d’autre part, des indicateurs de performance sociale attachés, entre autres, à la présence des managers sur le terrain, le temps qu’ils consacrent aux équipes ou le nombre de réunions qu’ils organisent.

4. L’efficacité des SMPNF de la RSE tributaire de l’équilibre des orientations stratégiques

L’analyse du système de contrôle des deux entreprises nous révèle des pratiques singulières autour des nouveaux outils. Le point de vue des principaux acteurs du contrôle (managers et contrôleurs) sur son utilisation nous permet d’analyser le pilotage qui en découle aux niveaux opérationnel et stratégique (4.1) afin de tirer des enseignements sur les hypothétiques facteurs d’efficacité d’un dispositif de contrôle RSE (4.2).

4.1 Analyse interprétative : le regard des utilisateurs des dispositifs RSE

Les deux entreprises ont mis en œuvre, dès 2007, des outils de mesure d’une performance non financière en raison de leur stratégie de RSE. Depuis 4 ans, ces outils font l’objet de modifications plus ou moins mineures en ce qui concerne les indicateurs, mais plus prononcées quant au reporting sociétal qui en découle comme le signifie un manager opérationnel de Delta : « L’outil classique qu’est le budget ne peut suffire à mesurer la performance d’actions conduites dans le domaine de la RSE […] Ainsi, le BSC a été privilégié parce qu’il fait déjà apparaître des indicateurs internes rattachés à la performance sociale des acteurs. Son évolution consacre la prise en compte de facteurs environnementaux et sociaux plus externes ceux-ci. ». Chez Gamma, ce sont les conséquences de la RSE sur la performance financière qui semblait primer au départ comme nous l’indique un contrôleur de gestion : « Le tableau de bord a été établi afin de mesurer précisément les retombées financières des axes de développement durable. Tel qu’il a été construit, nous ne pouvons pas négliger la nécessité d’évaluer nos résultats sur des axes de développement faisant apparaître la responsabilité de l’entreprise. ». A contrario, l’approche du BSC privilégie une lecture qualitative, voire « sociale » de la performance et non exclusivement financière comme nous

Ecarts Indicateurs

Budgets PAP

BSC

Reporting PAD

Finalisation des objectifs Pilotage Post-évaluation

(15)

le rappelait un directeur commercial de Delta : « Notre outil de mesure et de pilotage (BSC) est réellement indépendant de notre contrôle budgétaire. Il en découle une tendance marquée à la lecture qualitative et sociale de la performance. Il suffit de regarder le reporting mensuel pour se rendre compte de l’importance de cet outil et des indicateurs qu’il propose. ». Ainsi, et globalement, les outils de gestion du système de contrôle afférents à la performance sociale ont été reconnus comme pertinemment construits et utilisés dès 2007, y compris chez Gamma où un contrôleur de gestion osait la comparaison suivante : « On ne peut considérer que les indicateurs censés évaluer les retombées financières et sociales de la RSE sont de simples gadgets ! Un véhicule sans GPS peut fonctionner, mais je vous assure qu’une fois mis en place, on prend facilement l’habitude de le regarder même si on connaît plus ou moins la route. ».

En revanche, les immersions de 2009 et 2011 ont révélé de plus grandes difficultés quant à l’utilisation de ces outils, en particulier en raison du contexte économique instable et du poids évident d’un processus budgétaire très compliqué. De nombreuses personnes interviewées ont rappelé à juste titre que cette période a fortement remis en question les activités dans et en dehors du système de contrôle comme l’indiquait un contrôleur de Gamma en 2009 : « Le contrôle de gestion n’est pas capable de tout faire et lorsque la pression est très forte, on va naturellement là où on est attendu ! Chaque indicateur est utile, mais l’importance d’une bonne performance financière est, depuis plusieurs mois, au centre des débats. ». Dans le cas de Delta, le système de contrôle nous a révélé une plus grande prise du nouvel outil sur les activités des contrôleurs en raison d’une plus grande « indépendance » de ce dernier et d’un processus déjà maîtrisé comme l’indiquait le responsable du contrôle de gestion : « Le BSC a vécu déjà depuis plus d’un an et il ne tient qu’à nous de maintenir les activités et de les faire vivre à partir des indicateurs de mesure, voire de pilotage. ». Pour autant, l’année 2009 est restée particulière si l’on en croit l’aveu du directeur commercial : « La performance financière peut difficilement être occultée car c’est elle qui, il me semble, demeure déterminante ! ».

En outre, entre 2009 et 2011, les résultats ont révélé une modification de l’intérêt des

deux outils en raison d’un contexte économique instable et particulièrement incertain, de telle

sorte que la mesure de la performance financière, et en particulier les actions correctrices à

apporter aux objectifs fixés, semble être davantage chronophage comme nous le livrait le

responsable du contrôle de gestion de Gamma : « Le système doit promouvoir des actions

susceptibles d’améliorer les résultats financiers à très court terme. On attend des contrôleurs

qu’ils identifient tout ce qui est de nature à changer la donne et, dans la mesure du possible,

rétablir un plus grand équilibre entre les objectifs fixés et nos réalisations. ». De son côté,

Delta a mieux géré cette période en raison d’un outil plus indépendant et surtout, organisé sur

l’ensemble du processus (indicateurs-évaluations-reporting) comme l’a souligné le directeur

du contrôle de gestion : « Dans les faits, vous pouvez le constater, les contrôleurs passent

davantage de temps dans le contrôle budgétaire, mais les indicateurs de performance sociale

et environnementale continuent d’être renseignés et utilisés. ». Il semble ainsi que l’évolution

du contexte économique ainsi que des outils proprement dits aient eu une influence sur

l’effectivité de la mesure de la performance sociétale dans les deux entreprises. De même, la

nature des outils semble justifier les différences marquées dans la relation qu’ils entretiennent

avec le budget et le rapport entre performance financière et performance sociétale.

(16)

Au demeurant, les deux cas présentent des similitudes quant au fait que le déséquilibre des orientations stratégiques en faveur des objectifs économiques constitue un frein à l’efficacité des outils de pilotage de la RSE.

4.2 Discussion des résultats et conclusions

Certains auteurs considèrent que l’équilibre entre performance économique et performance sociétale ne peut être neutre mais très souvent à l’avantage de la première. Dans le cas de Delta, nous avons relevé que la conjoncture économique, plus difficile entre 2009 et 2011, a souligné une forme de prévalence de la performance financière, tant dans les activités du contrôle de gestion que dans les considérations des managers et du CODIR. C’est ce que nous dit Quairel (2006, p.17) pour qui « la performance globale est donc recherchée de fait, à son niveau, par une juxtaposition des contraintes et un accroissement de la pression mais elle n’est pas intégrée dans la culture dominante qui reste celle du métier économique. ». La difficulté de mise en œuvre des orientations stratégiques de RSE semble, dès lors, particulièrement corrélée à la façon dont elles sont évaluées à côté des considérations traditionnellement économiques. Pourtant, Quairel maintient l’idée de la dissociation des mesures comme garantie d’un équilibre potentiel des deux performances et ajoute (p. 15) : « Dissocier les mesures de performance maintient le mythe de la possibilité de se conformer simultanément à divers intérêts conflictuels en assurant un équilibre entre eux : il s’agit alors d’une dissociation pro-active. ». S’agit-il, alors, d’une mauvaise mise en œuvre des orientations stratégiques de RSE ou bien de la nécessité d’intégrer les indicateurs qui s’y rapportent dans un système de contrôle unique ? Déplacer la problématique de la performance globale sur le terrain du contrôle revient à poser la question, d’une part, de la forme que doit prendre le système d’évaluation et, d’autre part, de sa contribution à la mise en œuvre des stratégies de RSE.

Sur la question de la configuration du système de contrôle, posée principalement en raison de la difficulté d’intégration des trois dimensions de la performance, deux solutions peuvent être envisagées :

- Dans le cas d’outils développés en parallèle à la façon de systèmes dissociés, ce découplage de la structure répond à la nécessité de séparer les différents champs et niveaux de la performance. Brignall et Modell (2000) ont présenté cette dissociation comme « le processus de désintégration des différentes entités de la structure de l’organisation pour répondre aux pressions institutionnelles. ». Chez Delta, nous avons constaté une évidente adéquation au moment de l’utilisation des outils et du traitement des données à la fois économiques et sociales. Ceci peut s’expliquer par la réelle indépendance des deux sous- systèmes construits dans une homogénéité d’ensemble fondée sur des orientations stratégiques clairement définies et sur des outils aux périmètres bien délimités. Ce deuxième point met en exergue la nécessaire prise en compte de l’adéquation et des différences des outils au moment de la définition de leur rôle afin de rendre leur relation pertinente et opérationnelle. À ce titre, les travaux récents de Germain (2009) ouvrent une perspective de « réconciliation » appuyée par la nécessité d’une pratique budgétaire suffisamment souple pour permettre d’autres formes de mesure.

- Dans le cas de figure d’un système globalisé, la cohérence semble davantage assise

(17)

tension qu’elle suggère comme l’ont observé Meyssonnier et Rasolofo (2008, p. 14) : « Dans son instrumentation de gestion, les dispositifs sont utilisés comme leviers dans les chaines de causalités parce qu’ils servent aussi bien la performance économique que la RSE ou bien ils sont clairement analysés comme des contraintes RSE à respecter (développement du logement très social, recours aux associations d’insertion, etc.). La tension n’est pas ignorée ou masquée, elle est assumée et gérée ». Berland et Essid (2009, p.23) font le même constat mais insistent plus particulièrement sur l’équilibre des objectifs économiques et sociétaux : « L’étude de cas Energetix a permis de montrer que l’intégration des différentes dimensions de la RSE dans un seul et unique système managérial était possible. Certes des difficultés subsistent et cette intégration ne va pas de soi. Mais ce système a le mérite de traiter à égalité les priorités et objectifs RSE et les indicateurs pour les suivre. ». Chez Gamma, le choix de l’outil revêt un caractère décisif sur l’effectivité de la mesure en raison de sa capacité à dépasser à la fois la prépondérance des objectifs économiques et la concurrence du budget.

Dans un système globalisé, le TBC reste en recul par rapport aux budgets, voire dépendant.

En définitive, notre étude longitudinale a montré dans deux cas de figure différents que les outils semblent avoir été intégrés dans les usages des contrôleurs de gestion mais de façons différenciées en raison aussi bien de la proximité de l’outil aux budgets (cas de Gamma) que de la nature même de ce dernier qui suggère une autonomie différente. En définitive, nous avons, dans le cas de ces entreprises, pu mettre en évidence que :

- d’une part, le TBC suit une logique moins axée sur le pilotage que sur l’évaluation alors que le BSC favorise davantage la mise en œuvre opérationnelle et stratégique des plans d’actions ;

- d’autre part, les indicateurs sociaux et environnementaux sont plus souvent utilisés dans le cas du TBC que dans le BSC où la performance sociale semble souvent évaluée par des indicateurs quantitatifs et se traduire dans des actions à dimension financière ;

- enfin, la pression économique inhérente à l’instabilité du contexte semble moins fragiliser le SMPNF lorsque ce dernier est configuré à côté d’un outil de mesure de la performance financière que dans le cas d’un système unique.

Pour conclure, la recherche montre que le contrôle de gestion contribue davantage à

piloter les objectifs de RSE au niveau opérationnel lorsqu’un outil de type tableau de bord est

mis en place mais avec une efficacité plus ou moins grande en raison du déséquilibre des

orientations stratégiques financières et non financières. La compatibilité de ces dernières

semble dès lors constituer le principal facteur de contingence de réussite d’intégration d’un

SMPNF attenant à la RSE, fût-t-il différencié ou bien associé aux budgets dans un système

global. Une future étude quantitative sur l’utilisation des tableaux de bord comment SMPNF

de la RSE pourrait nous aider à dépasser les limites de cette recherche en identifiant

l’ensemble des facteurs de contingence de leur efficacité, en particulier du point de vue de

leur finalité (Naro et Travaillé, 2011).

(18)

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