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Levée d'option d'achat d'un immeuble pris en crédit-bail et plus-value imposable : comment changer d'activité sans même sans apercevoir...

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LEVEE D’OPTION D’ACHAT D’UN IMMEUBLE PRIS EN CREDIT-BAIL ET PLUS-VALUE IMPOSABLE :

COMMENT CHANGER D’ACTIVITE SANS MEME S’EN APERCEVOIR…

Par Marie Masclet de Barbarin

Maître de conférences Aix-Marseille Université

Publication : Revue de Droit fiscal 2015, n° 41, comm. 623 sur CE, 8e et 3e ss-sect., 4 mars 2015, n° 360508, M. et Mme Affriat : JurisData n° 2015-004448

Le régime fiscal des sociétés de personnes s’est construit sur les fondements fragiles d’une double fiction juridique. La première, issue du droit des sociétés, leur a attribué, en tant que personnes morales dotées d’une personnalité juridique propre, le statut de sujets de droit à part entière. La seconde, issue du droit fiscal, leur a attribué une pleine autonomie fiscale et comptable quant à la détermination de leur résultat, tout en leur refusant purement et simplement la qualité de contribuable1.

De cette « fictio legis » est né un régime qui n’a cessé de se complexifier et dont l’arrêt qui nous est présenté illustre assez bien les évidentes contradictions. Il rappelle ainsi que si les associés d’une société de personnes doivent supporter les éventuelles conséquences financières d’un redressement faisant suite { une vérification de comptabilité, ils ne bénéficient d’aucune des garanties attachées { la procédure de rectification contradictoire. La procédure n’étant suivie qu’avec la société de personne, l’administration n’est pas tenue de faire droit { la demande de saisine de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d’affaires présentée par ces derniers2.

Nous ne nous arrêterons cependant pas sur ce point, car le principal apport de l’arrêt réside dans la validation d’un tout autre artifice juridique, créé par la doctrine administrative il y a près de 20 ans et confirmée pour la première fois par la jurisprudence (I), celle de la naissance d’une plus-value générée par la levée d’option d’achat d’un immeuble pris en crédit-bail par une SCI qui le sous-louait à une entreprise utilisatrice.

1 . – M. Cozian et F. Deboissy, Précis de fiscalité des entreprises, LexisNexis, 38ème éd., 2014/2015, p. 335 et s. ; O. Négrin, Le particularisme fiscal des société de personnes, Dr. fisc. 2015, n° 23, comm.

385.2 . – CE 8 mars 2004 n° 253258, Cazals : JurisData n° 2004-080527 ; Dr. fisc. 2004, n° 28, comm. 622, concl. F. Séners ; RJF 6/04 n° 629. - CE 19 novembre 2008 n° 298754, Brunelle : JurisData n° 2008-081405 ; Dr. fisc. 2009, n° 8, comm. 202, concl. N. Escaut .

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Nous rechercherons les fondements de cette solution (II) avant d’envisager les possibilités offertes aux contribuables pour échapper à cette taxation alors qu’ils ne disposent d’aucune entrée de liquidité pour y faire face (III).

I – LA CONFIRMATION JURISPRUDENTIELLE D’UNE SOLUTION INITIALEMENT POSEE PAR LA DOCTRINE ADMINISTRATIVE

Cet arrêt statue sur les conséquences d’un montage fréquemment utilisé en pratique dans le cadre du financement immobilier d’entreprise.

Lorsqu’une société commerciale cherche { acquérir l’immeuble dans lequel elle exerce son activité commerciale, le recours à un emprunt peut en effet s’avérer difficile à obtenir si celle-ci ne fait pas montre d’une solvabilité { toute épreuve ou si elle n’est pas en mesure de fournir des garanties susceptibles de rassurer la banque. A cet égard, le recours au crédit-bail s’avère bien plus avantageux. Il présente moins de risques pour le crédit-bailleur puisque ce dernier reste propriétaire du bien pendant toute la période de location. Et si toutefois le crédit- preneur s’avère finalement insolvable, l’absence de paiement d’un loyer { l’échéance conduit { la résiliation anticipée de l’opération de crédit-bail, le crédit- bailleur pouvant alors exiger le paiement des pénalités prévues dans ce cas au contrat3. Le crédit-bail permet au demeurant { l’entreprise de financer la totalité de l’acquisition de l’immeuble, sans avoir à apporter de fonds propres.

Quant aux aspects fiscaux de ce montage, si les associés personnes physiques choisissent comme en l’espèce d’opter pour un crédit-bail indirect, qui consiste à interposer une SCI non soumise { l’IS entre l’utilisateur final du bien immobilier et le crédit-bailleur, ceux-ci pourront déduire le déficit non commercial généré les premières années par la différence entre les redevances versées4 et les loyers encaissés au titre de la sous-location5.

Ces loyers ayant vocation à augmenter après quelques années du fait de l’indexation, ce déficit pourra s’imputer sur le bénéfice non commercial ainsi réalisé6. Les associés seront { terme propriétaire d’un bien immobilier qui aura été

3 . – Le montant de cette indemnité de résiliation anticipée ne doit cependant pas être excessif, voir notamment Cass. com. 2-10-1979 n° 77-15.793 : Bull. civ. IV n° 242 ; Cass. civ. 27-4-1988 : JCP G 1989.II.21171 note Bey ; Cass. civ. 19-4-2000 : RJDA 6/00 n° 711.

4 . – Les redevances sont calculées en fonction du prix d’achat de l’immeuble, du montant des droits d’enregistrement versés lors de l’acquisition du bien et des taux d’intérêt en vigueur.

5 . – Le montant du loyer ne dépend que de la valeur locative de l'immeuble.

6 . – Le déficit non commercial ne pourra être compensé qu’avec des bénéfices de même nature réalisés au titre de l’année en cours ou des 5 exercices suivants. Voir notamment CE 8 juillet 2009, n° 304 815.

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intégralement financé par l’entreprise utilisatrice7, qui aura de son côté bénéficié de la déduction pleine et entière des redevances versées8.

A – Une solution posée 20 ans auparavant par la doctrine administrative Face au développement croissant de ce type de montage vers la fin des années 1980 et aux incertitudes entourant son régime juridique, l’administration fiscale avait été interrogée sur le fait de savoir si le changement de cédule d'imposition consécutif { la levée d’option d’achat de l’immeuble devait être considéré, au plan fiscal, comme entraînant les conséquences d'une cessation d'activité emportant notamment taxation, au nom des associés de la SCI, de la plus- value latente acquise par l'ensemble pour un montant égal à la différence entre sa valeur vénale au jour du rachat et la « valeur résiduelle » payée à la société de crédit-bail.

La réponse apportée alors avait été tout à fait claire et rassurante : « l'activité de sous-location ne présente pas un caractère professionnel. Dès lors, le changement de régime d'imposition consécutif à la levée de l'option d'achat de l'immeuble sous-loué n'emporte ni cessation de l'exercice d'une profession au sens de l'article 202 du Code général des Impôts ni réalisation d'une plus-value taxable au sens de l'article 93-1 du même code »9.

Moins de deux ans plus tard, l’article 22 de la loi de finances pour 1990 allait cependant ramener cette question sur le devant de la scène en soumettant la plus- value résultant de la cession d’un contrat de crédit-bail au régime des plus-values professionnelles10. Le nouvel article 39 duodecies A du CGI mettait ainsi fin définitivement aux divergences d’interprétation relatives au traitement fiscal de ce type d’opération en disposant que la cession d’un contrat de crédit-bail doit être considérée comme la cession d’un élément de l’actif immobilisé11. La conclusion d’un contrat de crédit-bail devait à présent être traitée sur le plan fiscal comme

7 . - Inst. 24 juin 1994, 5 G-10-94 ; D. adm. 5 G-242 n°19, 15 septembre 2000 ; BOI-BNC-BASE-30-10 n°280.

8 . – Seule la part de l’amortissement relative au terrain n’est pas déductible.

9 . - Rép. quest. écrite Trémège n° 36568 : J.O. 2 mai 1988. p. 1861 ; La Semaine Juridique Notariale et Immobilière, 14 Octobre 1988, n° 41, 101038.

10 . – Art. 22-1 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 de finances pour 1990 : JO du 30 décembre 1989, p. 16337 ; Dr. fisc. 1990, n° 2-3, comm. 54.

11 . – Les entreprises considéraient en effet que cette opération devait s’analyser comme une cession de droits incorporels soumise au régime des plus-values professionnelles et imposées en tant que telle selon le régime des plus-values à long terme dès lors que la cession intervenait plus de deux ans après la conclusion du contrat, tandis que la jurisprudence considérait qu’une telle cession générait un profit imposable dans les conditions et au taux de droit commun (Cons. d'État, 9 fév. 1979, req. n° 9173 : Droit fiscal 1979, n. 51, comm. 2482, concl. Rivière).

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une acquisition directe du bien objet du contrat.

Un parlementaire ayant attiré l’attention du ministre du budget - nous ne saurions écrire malencontreusement - sur la nécessité de préciser les règles fiscales applicables très précisément lorsque le contrat de crédit-bail est conclu par une personne ou une société civile qui n’a pas d’activité professionnelle et qui utilise l’immeuble pour une sous-location à caractère civil12, le régime fût étendu l’année suivante aux titulaires de BNC par l’article 19-III de la loi de finances pour 199113. Les contrats de crédit-bail devaient désormais être qualifiés d’immobilisation dès lors que les redevances correspondantes avaient été déduites du bénéfice imposable et les biens acquis à l'échéance devaient être considérés comme des éléments d'actif affectés à l'exercice de l'activité non commerciale pour l'application de l'article 93 du C.G.I14.

Sollicitée une nouvelle fois par un parlementaire sur l’application de ces dispositions aux cessions de contrat de crédit-bail réalisées par une personne physique ou une société de personne concernant un immeuble donné en sous- location et sur les conséquences du changement de régime d’imposition consécutif { la levée d’option d’achat de l’immeuble sous-loué, l’administration va alors rapporter explicitement sa doctrine dans sa réponse ministérielle Moyne-Bressand du 20 mai 1991 en considérant d’une part que le profit retiré de la cession du contrat de crédit-bail est bien soumis au régime d'imposition des plus-values professionnelles et d’autre part qu’en cas de levée de l'option d'achat, « le transfert du bien dans le patrimoine privé du contribuable résultant de la cessation de l'activité de sous-location est de nature à dégager une plus-value imposable dans les conditions définies aux articles 39 duodecies et suivants du CGI »15.

L’article 31 de la loi du 11 février 1994, codifié par la suite au IV de l’article 93 quater du CGI vint enfin parachever l’édifice en étendant le bénéfice du report d’imposition aux plus-values consécutives à un changement de régime fiscal résultant de la levée d’option d’un contrat de crédit-bail portant sur un immeuble précédemment donnée en sous-location16. La mise en œuvre d’un report supposant le caractère imposable de la plus-value en cause, cette disposition

12 . – Rép. quest. écrite Delahais : JO du 5 nov. 1990, p. 5136.

13 . – Article 19-III de la loi n° 90-1168 du 29 décembre 1990 : JO ; Dr. fisc. 1991, n° 2, comm. 45.

14 . – Dispositions actuellement codifiées aux articles 93 quater III et 93-6 du CGI.

15 . - Rép. quest. écrite n. 42984 : JO déb. Ass. Nat., 15 juillet 1991, p. 2768 ; La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 50, 13 Décembre 1991, 101564.

16 . – Loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative { l’initiative et { l’entreprise individuelle. Cet article prévoit ainsi que « IV. 1. Pour l'application des dispositions du premier alinéa du I aux immeubles acquis dans les conditions prévues au 6 de l'article 93 et précédemment donnés en sous-location, l'imposition de la plus-value consécutive au changement de régime fiscal peut, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opérera la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l'immeuble ou sa dissolution ».

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conduisit à légaliser implicitement la solution dégagée par la doctrine.

B – Une solution confirmée pour la première fois par la jurisprudence

Cette question n’avait pour autant jamais été explicitement tranchée par le juge, même si comme le rappelle le rapporteur Nathalie Escaut le Conseil d’état avait eu pour la première fois l’occasion de s’en approcher dans le cadre de sa décision Gris du 28 novembre 201217 et c’est l{ que réside le principal intérêt de l’arrêt.

Les faits de l’espèce remontent { plus de 20 ans, puisque c’est le 20 juin 1990 que la SCI des Nations prend en crédit-bail, pour une durée de 15 ans, un terrain sur lequel elle édifie des bâtiments { usage d’entrepôt et de bureaux qu’elle donne par la suite en sous-location. Les locataires ayant du mal { s’acquitter d’un loyer particulièrement élevé, la SCI va accumuler les arriérés. La société Crédimurs lui propose alors de racheter le bien pour un montant de 5 millions de francs, soit un prix inférieur de plus de 3 millions de francs à la valeur comptable nette du bien.

Le contrat est conclu le 17 juillet 1996 et la SCI des Nations, devenue propriétaire du bien, continua à le mettre à disposition des mêmes locataires.

Suite { une vérification de comptabilité de la SCI des Nations, l’administration fiscale a regardé cette acquisition comme la levée de l’option d’achat du contrat de crédit-bail. Elle en a déduit que celle-ci avait entraîné un changement de nature de l’activité exercée génératrice d’une plus-value imposable qu’elle a réintégrée dans les résultats de la société, au même titre que les amortissements non justifiés et les charges de loyers considérés comme non déductibles. Elle a ensuite tiré les conséquences de ce redressement { l’égard de M. et Mme Affriat, associés de la SCI { hauteur de 50% chacun, dans le cadre d’un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle.

Ces derniers ont vainement tenté de démontrer devant les juges du fond que l’acquisition du terrain n’avait pas été précédée d’une levée d’option du contrat de crédit-bail, sans toutefois réussir à produire des arguments réellement convaincants face aux éléments factuels présents dans le dossier. L’acte notarié précisait bien que le rachat de l’immeuble { la société Crédimurs procédait de la levée d’option ouverte par le contrat de crédit-bail et la clause résolutoire prévue au contrat n’avait apparemment jamais été mise en œuvre. C’est donc sans surprise que la cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt du 26 avril 2012, a rejeté l’appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 4

17 . - CE 9e et 10e ss-sect. 28 nov. 2012, n° 331223, Mme Gris : JurisData n° 2012-027749 ; Lebon tables p. 706 ; Dr. fisc. 2013, n° 6, comm. 140 ; RJF 2013, comm. 179.

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février 2010.

Seule la question du montant de la plus-value avait cependant été discutée devant les juges du fond et c’est le moyen tiré de son existence même, développé en cassation par les requérants, qui va permettre au Conseil d’état de se prononcer sur cette question encore inédite à ce jour en jurisprudence.

Après avoir admis que la levée de l'option d'achat d'un contrat de crédit bail ne pouvait pas, par elle-même, faire naître de plus-value imposable, la Haute juridiction a considéré que l'administration pouvait néanmoins tirer les éventuelles conséquences fiscales qui s'attachent au transfert de propriété qui en résulte.

Elle a ainsi rappelé que la SCI des Nations était une personne morale soumise au régime des sociétés de personnes qui donnait en sous-location l'immeuble qu'elle prenait en crédit-bail et tirait donc de cette activité des revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux. Par la suite, l'entrée de cet immeuble dans le patrimoine de la société consécutive à la levée d'option de crédit bail s'était traduite par un changement de nature de l'activité exercée, la société cessant son activité de sous-location au profit d'une activité de location directe, taxable dans la catégorie des revenus fonciers.

Elle en a donc déduit que « quand bien même aucun acte ne matérialiserait le transfert de l'immeuble au patrimoine de la société, la cessation de son activité initiale et le changement de son régime fiscal ont eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value susceptible d'avoir été acquise à cette date ».

II - UNE IMPOSITION FONDEE SUR LE CHANGEMENT D’ACTIVITE DE LA SOCIETE DE PERSONNE

Le fondement de l’imposition de la plus-value en cause trouve sa source dans le particularisme du régime des société de personnes, qui prévoit notamment que le changement de régime fiscal ou d’activité conduit, au plan fiscal, { la cessation de son activité. Il semble cependant difficile de considérer en l’espèce que ce simple changement de cédule d’imposition puisse être considéré comme un changement de régime fiscal ou d’activité.

La circonstance selon laquelle la levée d’option du contrat de crédit-bail emporte transfert de l’immeuble dans le patrimoine de la société alors même que le bien était auparavant considéré comme affecté { l’exercice de son activité non

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professionnelle, conduit par ailleurs { s’interroger sur l’éventuelle reconnaissance d’un patrimoine privé, distinct du patrimoine professionnel de ces sociétés.

A – Du changement de cédule d’imposition au changement de régime fiscal et d’activité

La solution retenue par le Conseil d’État est, sans surprise, tout à fait conforme à celle admise par la doctrine administrative depuis plus de 20 ans. Le raisonnement suivi par les juges du Palais-Royal est par ailleurs difficilement contestable en ce qui concerne la qualification juridique des effets qui découlent de la levée de l’option de crédit-bail, du moins en ce qui concerne le changement de cédule d’imposition qui en résulte.

Tant que la société Crédimurs était propriétaire de l’immeuble, la SCI des Nations n’en était que locataire et la mise { disposition par cette dernière { l’entreprise utilisatrice s’analysait comme une sous-location. Or, les revenus tirés d’une activité de sous-location portant sur des locaux nus sont effectivement imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux18. Lorsque par la suite la SCI est devenue propriétaire du bien, l’immeuble a été transféré dans le patrimoine de cette dernière et la mise à disposition du bien est devenue une activité de location imposable dans la catégorie des revenus fonciers19.

Rien ne justifie cependant { ce stade l’imposition d’une quelconque plus-value. Ce n’est que par la combinaison de ce changement de cédule d’imposition avec le régime des sociétés de personnes que cette dernière apparaît. Celui-ci prévoit en effet que le changement de régime fiscal ou d’activité conduit, au plan fiscal, { la cessation de son activité. L’article 93 du CGI intégrant au bénéfice non commercial la « réalisation des éléments d’actif affectés { l’exercice de la profession », le Conseil d’état en déduit, suivant ainsi le raisonnement de son rapporteur, que la cessation de son activité initiale et le changement de son régime fiscal ont eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value susceptible d'avoir été acquise { la date de la levée de l’option du contrat de crédit-bail.

18 . – Voir notamment CE, 3 mai 1937, n° 53264 : RO 1937, p. 258. – CE 5 novembre 1941 n° 66372 : RO p. 311. - CE 29 octobre 1965 n° 61202 : Dupont p. 507. - CE 10 mai 1967 n° 68514 : Dupont p. 373. - CE, 21 oct. 1987, n° 51367, n° 51367, Paulin : Dr. fisc. 1987, n° 7, comm. 269 ; RJF 1987, n° 1221. - CE 21 décembre 1990 n° 67057, Ferone : RJF 2/91 n° 164, concl. M.-D. Hagelsteen Dr. fisc. 9/92 c. 403. - CAA Nantes, 1re ch. B, 13 mars 2006, n° 04NT01067, SA ERMI : Juris-Data n° 2006-333913 ; Droit fiscal n° 24, 14 Juin 2007, comm. 603

19 . - CE, 21 déc. 1990, req. n° 67057 : Dr. fisc. 1992, n° 9, comm. 403, concl. Mme M.-D. Hagelsteen

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Ce raisonnement suppose néanmoins que l’on puisse considérer qu’il y a bien eu, au cas d’espèce, changement de régime fiscal ou d’activité. Le principe de l’imposition immédiate en cas de cessation d’activité des bénéfices d’exploitation non encore taxés, des bénéfices en sursis d’imposition et des plus-values latentes incluses dans l’actif social est posé, en matière d’impôt sur le revenu, par les articles 201 et suivants du CGI. L’article 202 ter du CGI prévoit notamment que l'impôt dû en raison des bénéfices réalisés et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi lorsque les sociétés ou organismes placés sous le régime des sociétés de personnes défini aux articles 8 à 8 ter cessent totalement ou partiellement d'être soumis à ce régime ou s'ils changent leur objet social ou leur activité réelle ou deviennent passibles de l'impôt sur les sociétés. Cet article fait donc bien référence à un changement de régime d’imposition, de l’impôt sur les sociétés { l’impôt sur le revenu et inversement, et non à un simple changement de catégorie de revenu imposable20.

Quant au changement d’activité évoqué, là encore la qualification retenue par le Conseil d’État semble peu conforme aux conditions posées tant par la loi que par la doctrine administrative. Les dispositions applicables en matière d’impôt sur le revenu, comme nous l’avons vu, exigent un changement d’activité réelle. La même condition se retrouve d’ailleurs en matière d’impôt sur les sociétés, l’article 221-5 du CGI aujourd’hui applicable précisant { cet effet qu’un changement d’activité réelle s’entend notamment soit de l'adjonction d'une activité entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant du chiffre d'affaires de la société ou de l'effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l'actif immobilisé de la société ; soit de l'abandon ou du transfert, même partiel, d'une ou de plusieurs activités entraînant, au titre de l'exercice de sa survenance ou de l'exercice suivant, une diminution de plus de 50 % par rapport à l'exercice précédant celui de l'abandon ou du transfert du chiffre d'affaires de la société ou de l'effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l'actif immobilisé de la société.

Certes la loi ne définit pas ce qu’il convient d’entendre par changement d’activité s’agissant des sociétés de personnes. L’administration précise cependant que les dispositions de l’article 202 ter ne peuvent s’appliquer que si le changement

20 . - Le deuxième alinéa de l’article 202 ter I du CGI prévoit en outre un mécanisme d’atténuation qui réduit en pratique les cas d’application de cet article. Ainsi, en l’absence de création d’une personne morale nouvelle, les bénéfices en sursis d'imposition, les plus-values latentes incluses dans l'actif social et les profits non encore imposés sur les stocks ne font pas l'objet d'une imposition immédiate à la double condition qu'aucune modification ne soit apportée aux écritures comptables et que l'imposition desdits bénéfices, plus-values et profits demeure possible sous le nouveau régime fiscal applicable à la société ou à l'organisme concerné.

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d’activité est profond, ce qui peut notamment résulter de la modification de la nature des opérations réalisées, des biens produits ou des services rendus21. Elle considère ainsi que la mise en location-gérance d’un fonds de commerce n’est pas considérée comme constitutif d’un changement d’activité22.

La jurisprudence confirme par ailleurs cette interprétation restrictive. Le commissaire du gouvernement Chahid-Nouraï identifie ainsi deux types de situations où les juges acceptent de constater un réel changement d’activité23 : lorsqu’il y a passage d’une branche d’activité { une autre24 ou lorsqu’il y a passage d’un métier { un autre25.

Ils refusent notamment de considérer comme tel le fait pour une société en liquidation judiciaire de mettre en location son immeuble d’exploitation conformément aux besoins de la liquidation26. Ils considèrent également que ne constitue pas un changement d'activité l'interruption, pendant une période de trente mois, de l'activité de fabrication et de vente de matériaux de construction en vue de la réorganisation de l'entreprise, au cours de laquelle des logements ont été construits puis vendus pour employer des disponibilités dégagées par la cession d’éléments d'actif27.

Il n’est donc guère étonnant, face { la conception restrictive adoptée par la jurisprudence, que la Cour administrative d’appel de Lyon ait considéré dans sa décision Gris que la levée d’option d’achat des immeubles ne constituait pas « une cessation, une cession ou un changement d’entreprise » au sens de l’article 202 ter du CGI28. L’administration n’avait cependant pas formé de pourvoi incident contre

21 . - BOI-BIC-CESS-10-20-30-20, § 90.

22 . – Voir notamment CE, 26 avr. 1955, req. n° 32738 : RO, p. 307. – 5 juin 1961, req. n° 47601 : Rec. CE, p. 368 ; Dr. fisc. 1961, comm. 813. – 6 mars 1963, req. n° 53236 : Rec. CE, p. 139 ; Dupont 5- 1963, p. 406. – 29 juill. 1983, req. n° 24158 : Dr. fisc. 1984, comm. 163, concl. Rivière. – 28 juill.

1993, req. n° 70812 : Dr. fisc. 1993, comm. 2087.

23 . – Concl. sur CE, 29 janv. 1992, SOCAP, req. n° 61345 : Dr. fisc. 1992, comm. 1199.

24 . - CE, 10 juin 1983, n° 29.436 : Dr. fisc. 1983, n° 41, comm. 1878 ; R.J.F. 8-9/1983, n° 952. - 22 juin 1983, n° 23.064 : Dr. fisc. 1983, n° 52, comm. 2411, concl. P. Rivière ; R.J.F. 8-9/83, n° 951. - 20 mai 1985 n° 42.282 : Dr. fisc. 1985, n° 44, comm. 1869, concl. MM.-A. Latournerie ; R.J.F. 7/85, n°

1023. - 28 nov. 1986, n° 41.528 : Dr. fisc. 1987, n° 14, comm. 727 ; R.J.F. 2/87, n° 148. Voir en dernier lieu CE, 10e et 9e ss-sect., 11 juin 2014, n° 347006, SCI Immotel, concl. D. Hedary, note P. Fumenier : Dr. fisc. 2014, n° 45, comm. 605.

25 . - CE, 28 mars 1973, n° 77.456 : Dr. fisc. 1973, n° 42, comm. 1445, concl. L. Mehl ; R.J.F. 1973, p.

137.- 4 juin 1975, n° 92.483 : Droit fiscal 1975, n. 43, comm. 1397 ; R.J.F. 7-8/75, n° 943. - 17 mai 1982, n° 21.759 : Dr. fisc. 1982, n° 52, comm. 2482, concl. P. Rivière ; R.J.F. 7/82 n° 643. - Cons.

d'Etat, 7 janv. 1985, n° 34.936 : Droit fiscal 1986, n° 6, comm. 186 ; R.J.F. 3/85, n° 384. - Plénière, 8 fév. 1991, n° 63.597 ; R.J.F. 3/91, n° 263. - Plénière, 8 fév. 1991, n° 75.459 : R.J.F. 3/91, n° 270.

26 . - CAA Douai, 3e ch., 11 juin 2008, n° 07DA00115, Sté Lixex Cloisons : Dr. fisc. 2008, n° 41 comm.

533, concl. P. Le Garzic ; RJF 12/08, n° 1305.

27 . - CE, 7 mai 1980, req. n° 16700 : Dr. fisc. 1980, comm. 1656 ; RJF 1980, n° 480.

28 . – CAA Lyon, n° 06LYO1350 et n° 06LYO1348 du 25 juin 2009.

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cette partie de l’arrêt et le Conseil d’État, saisi en cassation, n’a pas eu l’occasion de se prononcer clairement sur ce point puisque les parts des SCI ayant procédé à la levée de l’option d’achat du contrat de crédit-bail avaient été apportées en cours d’exercice { une holding familiale.

La Haute juridiction a donc censuré pour erreur de droit portant tant sur l’exigibilité de l’imposition que sur l’identité des redevables, le juge d’appel qui avait considéré que la levée de l’option d’achat constituait le fait générateur de l’imposition immédiate de la plus-value et que cette imposition, en cas de report, devait { l’expiration de ce dernier, être mise { la charge des associés présents dans la SCI au moment de la levée de l’option29.

B – Vers la reconnaissance d’un patrimoine privé distinct du patrimoine professionnel des sociétés ?

Le Conseil d’État indique au demeurant dans l’arrêt d’espèce que le changement de nature de l’activité exercée a pour fait générateur l’entrée de l’immeuble dans le patrimoine de la société du fait de la levée d’option du contrat de crédit-bail.

Il est intéressant de noter que la Haute juridiction s’est abstenue en cela de se prononcer sur la formulation audacieuse qui avait été utilisée par son rapporteur, qui avait considéré que l’acquisition de l’immeuble constituait la réalisation d’un élément de l’actif professionnel de la SCI, puisque le bien, initialement affecté à son activité non commerciale, avait alors été transféré dans le patrimoine privé de la société de personne. Cette qualification de patrimoine privé est d’ailleurs également utilisée par la doctrine qui considère que « le fait, pour le preneur (…) d'acquérir la propriété de l'immeuble à la levée de l'option a pour conséquence une cessation de l'exercice de l'activité de sous-location dont les produits relèvent du régime des BNC. Les intéressés exercent désormais une activité de location nue, dont les produits sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers. Cet événement, qui fait perdre à l'immeuble son caractère d'élément affecté à l'activité non commerciale, emporte transfert du bien dans le patrimoine privé du contribuable ou de la société »30.

Cette distinction entre patrimoine privé et patrimoine professionnel est bien connue en matière fiscale, qui fait fi en cela du principe d’unicité du patrimoine

29 . – CE 9e et 10e ss-sect. 28 nov. 2012, n° 331223, Mme Gris, précité.

30 . - Instruction du 29 mai 1997 relative aux bénéfices non commerciaux : BOI 5 G-8-97, 29 mai 1997 ; Droit fiscal n° 26, 25 Juin 1997, instr. 11832.

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découlant notamment des articles 2092 et s. du Code civil31. Fondée sur la théorie du bilan, pleinement applicable en matière d’IS mais limitée dans ses effets depuis le 1er janvier 2012 en matière d’impôt sur le revenu pour les titulaires de BIC et de BA32, elle permet de distinguer le patrimoine de l’entreprise de celle de son exploitant et d’imposer les revenus issus de chacun d’entre eux selon des règles fiscales différentes33.

Cette construction jurisprudentielle conduit { reconnaître l’existence de transactions fictives entre ces deux patrimoines, permettant notamment à l'exploitant individuel de passer en charges déductibles le loyer « normal » d'un immeuble utilisé par son entreprise sans pour autant figurer au bilan de cette dernière et autorisant l’administration, en juste retour des choses fiscales, à taxer au titre des plus-values professionnelles, en tant qu’assimilable { une cession, le transfert d'un bien du patrimoine professionnel de l’exploitant au patrimoine privé de ce dernier34. Initiée en matière de BIC, cette jurisprudence, étendue par la suite en matière de BNC, permet d’assimiler { la réalisation d’un élément d’actif au sens de l’art. 93-1 du CGI l’utilisation pour les besoins autres que ceux de la profession d’un bien précédemment affecté { l’activité non commerciale de l’entreprise, dégageant ainsi une plus-value imposable35.

La théorie du bilan n’ayant pas vocation { s’appliquer en matière de BNC, les éléments qui ne sont pas utilisés pour l'exercice de la profession ne peuvent jamais faire partie du patrimoine professionnel de leur titulaire. Dès lors, la mise en location d’un immeuble précédemment affecté { l’activité non commerciale de l’entreprise emporte transfert de ce bien dans le patrimoine privé de l’exploitant et taxation de la plus-value en résultant36. Ce principe s’applique par ailleurs même si les locaux restent inscrits au registre des immobilisations et si le contribuable

31 . – Voir notamment J. Maia, BNC : la distinction entre patrimoines privé et professionnel à l'épreuve de l'utilisation professionnelle d'un immeuble : RJF 8-9/2001, p. 703 sous CE, 8e et 3e ss- sect., 6 avr. 2001, n° 208672, min. c/ M. Prince : JurisData n° 2003-196826 ; Dr. fisc. 2002, n° 40, comm. 752 . – J.-F. Picard, Le patrimoine professionnel de l'exploitant individuel : RJF 1981, p. 447.

32 . - L. n° 2010-1658, 29 déc. 2010, art. 13, codifiée { l’art. 155, II du CGI : Dr. fisc. 2011, n° 5, comm. 150.

33 . - CE 24 mai 1967, n° 65.436 : Dr. fisc. 1967, n° 27, Doctrine, concl. Schmeltz ; R.O. p. 141.

34 . – CE 13 juil. 1955, n. 17.908 : Droit fiscal 1955, n. 21, Doctrine, concl. Poussière ; Lebon p. 434.

35 . – CE 18 novembre 1977, n° 189 : Dr. fisc. 1978, n° 15-16, comm. 603, concl. Rivière ; R.J.F. 1/78, p. 22, chron. M.D. Hagelsteen, p. 7. - Rép. n° 15.443 à M. Marchand : J.O., Déb. Ass. Nat., 9 août 1982, p. 3313. - CE 11 mai 1984, n. 38.025 : Droit fiscal 1984, n.48, comm. 2117, concl. O. Fouquet ; R.J.F.

7/84, p. 406. Voir également J. Maia, BNC : la distinction entre patrimoines privé et professionnel à l'épreuve de l'utilisation professionnelle d'un immeuble : RJF 8-9/2001, p. 703 sous CE, 8e et 3e ss- sect., 6 avr. 2001, n° 208672, min. c/ M. Prince : JurisData n° 2003-196826 ; Dr. fisc. 2002, n° 40, comm. 752 . – J.-F. Picard, Le patrimoine professionnel de l'exploitant individuel : RJF 1981, p. 447.

36 . – CE 17 déc. 1984, n° 43024 : Dr. fisc. 1985, n° 12, comm. 629, concl. O Fouquet ; RJF 2/84, comm. 230 ; 12 février 1986 n° 44091, 7e et 8e s.-s. : RJF 4/86 n° 364. CAA Lyon 26 octobre 2011 n° 10LY01036, 5e ch., Novel Catin : RJF 2/12 n° 120.

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continue d'y exercer sa profession sous une forme différente, notamment dans le cadre d’une société civile37.

Admettre au cas d’espèce que la levée d’option du contrat de crédit bail a eu pour effet de transférer l’immeuble initialement affecté { l’activité non commerciale de la SCI à son patrimoine privé aurait ainsi permis de fonder la décision au regard de la jurisprudence applicable en matière de retrait d’actif.

Il reste qu’admettre qu’une société de personnes puisse avoir un patrimoine privé distinct de son patrimoine professionnel semble difficilement concevable. Comme le souligne Olivier Négrin, « un entrepreneur individuel n'agit pas toujours en tant que tel. Dans cette mesure, admettre l'existence d'un patrimoine professionnel distinct de son patrimoine privé apparaît comme inévitable. À l'inverse, une personne morale apparaît comme la personnification juridique d'un patrimoine – c'est même sa raison d'être. Il faudrait donc consentir un effort particulier pour admettre que ce patrimoine personnifié puisse ne pas être considéré comme indivisible au plan fiscal »38.

Il faudrait dans ce cas envisager que la société de personnes, lorsqu’elle effectue des opérations dans le cadre de la gestion de son patrimoine, puisse ne pas agir

« en tant que telle » c’est { dire dans le cadre de son activité professionnelle.

Cette hypothèse n’est pas totalement dénuée de sens. Une SCI soumise au régime des sociétés de personnes peut ainsi mettre gratuitement { disposition d’un de ses associés des locaux d’habitation dont elle est propriétaire. La doctrine administrative39 et la jurisprudence40 reconnaissent en effet à ces sociétés le droit de se réserver la jouissance de ces logements. Dans ce cas, leur valeur locative n’a pas à être prise en compte dans la détermination du résultat de la société tandis que les charges, en juste contrepartie, ne peuvent pas être admises en déduction.

Nous avons donc effectivement dans ce cas un bien inscrit { l’actif de la société mais affecté { la satisfaction des besoins privés de l’un de ses associés. Pourtant, si le logement faisait précédemment l’objet d’une location générant des revenus imposables, l’affectation de ce bien aux besoins privés d’un des associés de la SCI

37 . – CE 6 avril 2001 n° 208672, 9e et 10e s.-s. min. c/ Prince : RJF 7/01 n° 939, chronique Jean Maia RJF 8-9/01 p. 703.

CE 3 juin 1992, req. n° 90 905, M. Soulier : Dr. fisc. 1993, n° 15, comm. 782, concl. 0. Fouquet .- 8 juill. 1992, req. n° 89 841, M. Santier : Dr. fisc. 1993, n° 50, comm. 2397.- CAA Paris, 18 avr. 1997, req. n° 96-221, M. Le Goff : Dr. fisc. 1997, n° 40, comm. 1023.

38 . – In Le particularisme fiscal des sociétés de personnes, Dr. fisc. 2015, n° 23, comm. 385.

39 . - BOI-RFPI-CHAMP-30-20 n° 170 : cette hypothèse ne concerne que les associés non soumis à l’impôt sur les sociétés ou { l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC ou des BA réels.

40 . - CE 7 juillet 1982 n° 30975 : RJF 10/82 n° 944.

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n’entrainera aucune taxation au titre des plus-values. Ce changement d’affectation ne peut dans ce cas être assimilé { un retrait d’actif dans la mesure où la SCI reste propriétaire du logement.

L’article 93 quater III du CGI indique par ailleurs que pour l'application des dispositions relatives au régime des plus-values sur immobilisation, les contrats de crédit-bail conclus dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l'article L. 313-7 du code monétaire et financier sont considérés comme des immobilisations lorsque les loyers versés ont été déduits pour la détermination du bénéfice non commercial.

Or la doctrine administrative indique s’agissant du tableau des immobilisations affectées à l'exercice de la profession et des amortissements correspondants que

« ce document doit faire apparaître l'ensemble des éléments affectés par nature à l'activité professionnelle ainsi que des autres éléments utilisés dans la cadre de la profession et que le contribuable entend comprendre dans son patrimoine professionnel »41.

L’inscription au tableau des immobilisations place donc le bien au sein du patrimoine professionnel de l’entreprise. Or, si l’immeuble est « considéré » comme déjà inscrit au patrimoine professionnel de la société et que le retrait d’actif entraine la taxation d’une plus-value alors que la société en devient propriétaire, cette taxation ne peut se justifier que de deux façons :

- soit l’on considère que la société cesse son activité, auquel cas l’immeuble quitte le patrimoine professionnel dont l’activité était soumise aux bénéfices non commerciaux pour rentrer dans un nouveau patrimoine professionnel dont l’activité est soumise aux revenus fonciers ;

- soit l’on considère que le bien passe du patrimoine professionnel de la société dont l’activité était soumise aux bénéfices non commerciaux { son patrimoine privé. Cette dernière solution implique cependant que la société continue son activité BNC et que l’immeuble ne soit plus utilisé { des fins professionnelles. Or, dans la mesure où la activité de la SCI est liée { l’exploitation de cet immeuble, il semble difficile de considérer que les revenus tirés de sa location constituent une activité autre que professionnelle et susceptible d’être imposée dans une catégorie autre que les revenus fonciers.

41 . - BOI-BNC-BASE-10-20

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III - COMMENT EVITER LA TAXATION DE LA PLUS-VALUE LORS DE LA LEVEE DE L’OPTION ?

La position adoptée par le Conseil d’état reste donc dans tous les cas la plus satisfaisante, du moins en l’état actuel du droit positif. Car une autre solution pourrait être également envisagée. Elle supposerait néanmoins la remise en cause du rattachement des sous-locations à la catégorie des BNC et reste pour l’heure purement théorique.

Les solutions consistant à demander le bénéfice du report d’imposition de l’article 93 quater IV du CGI voire à opter pour le changement de régime fiscal de la SCI demeurent donc à ce jour les plus pragmatiques pour échapper à la taxation de la plus-value lors de la levée de l’option du contrat de crédit-bail.

1 – La solution théorique : la remise en cause du rattachement des sous- locations à la catégorie des BNC

La taxation au titre des plus-values étant en l’espèce fondée sur le changement de cédule d’imposition des revenus tirés de l’exploitation de l’immeuble, il suffirait d’admettre que les activités de sous-location puissent être rattachées aux revenus fonciers pour supprimer les incidences fiscales liées à la levée de l’option du contrat de crédit-bail.

Les revenus tirés d’une activité de sous-location ne sont en effet rattachés à la catégorie des BNC que par défaut, l’article 92 intégrant dans cette cédule d’imposition « toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ». Ces revenus ne sont donc à ce titre que des revenus « assimilés » à des BNC.

Comme le relève Emmanuel Kornprobst, cette classification des sous-locations parmi les revenus innomés ne va pas sans contradiction, l'Administration qualifiant de professionnelle la plus-value résultant de la levée d’option d’un contrat de crédit-bail par une SCI qui la sous-loue tout en refusant le bénéfice de l'exonération prévue par l’article 151 septies du CGI pour les personnes relevant des BNC professionnels dont le chiffre d'affaires ne dépasse pas deux fois les limites du forfait au motif qu'il ne s'agit pas d'une plus-value professionnelle mais d'une plus-value innommée de l'article 92 du CGI42.

42 . - Jurisclasseur Fiscal Impôts directs Fasc. 65. Impôt sur le revenu – Notion de revenu imposable, § 52.

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Ces revenus sont par ailleurs la contrepartie directe de l’utilisation d’un bien immobilier par le sous-locataire. L’article 14 du CGI dispose en effet que sont compris dans la catégorie des revenus fonciers les revenus des propriétés bâties et non bâties. Le pluriel du terme « propriétés » ici employé amène assez facilement l’esprit { imaginer le bien auquel il est fait référence plutôt que le mode de possession de ce dernier. Ce serait certes aller { l’encontre du principe d’interprétation restrictive de la loi fiscale et sans doute faudrait-il remplacer le terme « propriétés » par celui d’immeubles pour voir les revenus tirés d’une activité de sous-location rentrer définitivement dans la catégorie des revenus fonciers.

Ce rattachement permettrait de mettre en conformité le mode d’imposition avec la nature des revenus qu’il vise { appréhender, supprimant en cela les fictions juridiques aboutissant à taxer une plus-value alors qu’aucun profit n’a été réalisé.

De quoi apporter de l’eau { la théorie du réalisme du droit fiscal…

2 – Les solutions pragmatiques : du report d’imposition de la plus-value au changement de régime fiscal de la SCI

Songer { réformer le mode d’imposition des bénéfices non commerciaux est sans doute tout aussi ambitieux et difficile { mettre en œuvre que vouloir réformer le régime des sociétés de personnes, dont seule subsiste aujourd’hui les dispositions ayant conduit à la neutralisation des effets fiscaux de la théorie du bilan.

En attendant donc que la réflexion susceptible de les conduire soit suffisamment aboutie pour qu’elles puissent voir le jour, le seul recours du contribuable face { une imposition qui est établie alors qu’il ne dispose d’aucune rentrée de trésorerie susceptible de lui permettre d’y faire face reste le report d’imposition prévu à l’article 93 quater IV du CGI.

L’article 31 de la loi du 11 février 1994 indique en effet que l'imposition de la plus- value consécutive au changement de régime fiscal peut effectivement, sur demande expresse du contribuable, être reportée au moment où s'opère la transmission de l'immeuble ou, le cas échéant, la transmission ou le rachat de tout ou partie des titres de la société propriétaire de l'immeuble ou sa dissolution. Le report de l'imposition de la plus-value doit être expressément formulé dans l'acte authentique qui constate le transfert de propriété de l’immeuble selon les formes et conditions prévues par le décret n° 94-776 du 30 août 199443. S’agissant en effet

43 . – L’article 41 novovicies de l’annexe III du CGI indique { cet effet que les auteurs de la demande

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d’une simple faculté offerte au contribuable, ce report n’est applicable que sur demande expresse du contribuable, sans quoi ce dernier sera considéré comme ayant opté pour l’imposition de la plus-value selon les règles de droit commun.

Lorsqu’il s’agit d’une société, chaque associé dispose de la possibilité de demander le report pour la part de la plus-value imposable à son nom, y compris si les autres associés ont opté pour l’imposition selon le régime de droit commun. Les nouveaux propriétaires ou, le cas échéant, les associés qui entendent bénéficier du report d'imposition doivent au demeurant indiquer sur la déclaration le montant de la plus-value dont le report est demandé. La plus-value est ainsi déclarée et déterminée selon les règles applicables au titre de l'année de sa réalisation44. L’imposition ne sera alors exigible que lorsqu’un des événements mettant fin au report de la plus-value interviendra, à savoir la cession ultérieure de l’immeuble par la SCI, la transmission des parts par l’associé ou encore la dissolution de la SCI.

La plus-value devra dans ce cas être mentionnée sur la déclaration d’ensemble des revenus de l’intéressé souscrite au titre de l'année au cours de laquelle cet événement sera intervenu.

La dernière solution envisageable pour éviter la taxation de la plus-value serait enfin d’opter pour un changement de régime fiscal de la société avant la levée d’option d’achat de l’immeuble.

Ce changement peut résulter soit d’une changement de forme de la société au profit d’une structure obligatoirement soumise { l’IS, soit d’une option en faveur de cet impôt, celle-ci devant être expressément formulée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite y être soumise pour la première fois, conformément aux prescriptions de l’article 239 du CGI45. Si la SCI ne possède pas d’autres biens susceptibles de faire l’objet d’une imposition au titre des plus-values latentes46, cet assujettissement { l’IS permettra de limiter les conséquences liée { la levée de l’option d’achat de l’immeuble { la taxation de la fraction des loyers excédant les amortissements qui auraient été déduits par le preneur s’il avait eu la propriété de l’immeuble depuis l’origine.

de report doivent joindre { la déclaration d’une part une note annexe dans laquelle sont indiqués le nom ou la raison sociale et l'adresse des parties à l'acte, le lieu de situation de l'immeuble objet du transfert de propriété, la date du transfert ainsi que le montant de la plus-value dont le report d'imposition est demandé et d’autre part un extrait ou une copie de l'acte comportant la demande de report d'imposition de la plus-value.

44 . - Inst. 24 juin 1994, 5 G-10-94 ; D. adm. 5 G-244 n° 20 et 21, 15 septembre 2000 ; BOI-BNC- BASE-30-30-20-10 n° 90 à 120, 12 septembre 2012.

45 . - CE 8e et 3e ss-sect., 30 déc. 2011, n° 342566, SARL Distribur : Dr. fisc. 2012, n° 10, comm.

172 ; RJF 3/12, n° 227, concl. N. Escaut BDCF 3/12, n°30.

46 . - CAA Nantes 28 septembre 2005 n° 03-640 et 03-812, 1e ch., Sté SCA Ouest : RJF 03/06, n° 278.

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Cet assujettissement est cependant irrévocable, y compris en cas de changement d’activité de la société47. Il conviendra donc de bien en mesurer toutes les conséquences tant pour la SCI que pour ses associés48.

47 . - CE, 10e et 9e ss-sect., 11 juin 2014, n° 347355, min. c/ M. Salleron, concl. D. Hedary, note L. Chatain-Autajon : JurisData n° 2014-013472 ; Dr. fisc. 2014, n° 30, comm. 463.

48 . – Cf. « Option { l’IS des SCI : attention aux retours de bâton ! », in M. Cozian et F. Deboissy, Précis de fiscalité des entreprises, LexisNexis, 38ème éd. 2014/2015, p. 926.

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