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Le développement de la discrimination des expressions faciales émotionnelles chez les nourrissons dans la première année

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Academic year: 2021

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Le développement de la discrimination des expressions faciales émotionnelles chez les nourrissons dans la

première année

Laurie Bayet, Olivier Pascalis, Édouard Gentaz

To cite this version:

Laurie Bayet, Olivier Pascalis, Édouard Gentaz. Le développement de la discrimination des expressions

faciales émotionnelles chez les nourrissons dans la première année. Annee Psychologique, Centre Henri

Pieron/Armand Colin, 2014, 114 (03), pp.469-500. �10.4074/S0003503314003030�. �hal-01140236�

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Le développement de la discrimination des expressions faciales émotionnelles chez les nourrissons dans la première

année

Laurie Bayet 1 , Olivier Pascalis 1 et Edouard Gentaz 1,2

1 CNRS, Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition, UMR 5105, Université Pierre Mendès France, France

2 Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education, Université de Genève, Suisse

Titre courant : Discriminer les émotions faciales émotionnelles

Correspondance : Laurie Bayet, Laboratoire de Psychologie et NeuroCognition, SHS, Domaine Universitaire, Université Pierre Mendès France, 1251 avenue centrale, BP 47, 38040 Grenoble Cedex 9, France

E-mail: Laurie.Bayet@upmf-grenoble.fr

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Résumé

Cette revue présente une synthèse des études examinant la discrimination des expressions faciales émotionnelles chez les nourrissons durant la première année de vie. Ces études montrent 1) une sensibilité aux changements d’expression faciale ainsi qu’une attirance pour les visages joyeux, probablement dès les premiers jours après la naissance et sûrement lors des premiers mois, 2) la capacité de distinguer les visages joyeux d’autres expressions après les premiers mois, 3) une attirance plus tardive, vers 6 à 7 mois, pour les visages de peur due à une modulation de l’attention, 4) l’émergence à 6 à 7 mois de la capacité à distinguer entre elles les expressions autres que le sourire. Nous discutons enfin de l’aspect intrinsèquementémotionnel de cette discrimination précoce des expressions faciales émotionnelles, plus ou moins laissé en suspens par les études recensées, de même que l’explication causale de son développement.

Mots clefs : perception, visage, émotion, nourrisson Abstract:

Here we review the studies of emotional facial expression discrimination by newborns and

infants in the first year of life. These studies show that 1) sensitivity to changes in facial

expression and an attraction to smiling faces might exist in newborns, and are presents in the

first months of life, 2) the ability to discriminate joy from several other expressions appears

before 6 months of age, 3) older infants (aged of 6 or 7 months) show an attraction to fearful

faces due to attentional effects and 4) those older infants begin to develop the ability to

discriminate between several expressions other than joy. We then discuss the sensitivity of the

infants to the genuinely emotional content of facial expressions, which is left more or less

unresolved by the reviewed studies, and some possible causal explanations for

itsdevelopment.

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Keywords: Perception, face, emotion, infant

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1 Introduction

L’étude des émotions est maintenant une question classique en sciences cognitives. On peut distinguer deux grandes approches dans la littérature: la première, largement majoritaire, s’intéresse aux relations entre les émotions et la cognition et à la nature per se des émotions, essentiellement chez l’adulte (pour une revue, voir Sander & Scherer, 2009). La seconde approche examine l’origine et le développement des émotions, et notamment la question de leur universalité ainsi que de leur déterminisme biologique et culturel. Dans ces deux approches, l’étude des expressions faciales émotionnelles est cruciale car celles-ci contribuent àla communication interpersonnelleau même titre que les indices émotionnels prosodiques (Adolphs, Damasio, & Tranel, 2002) et posturaux (Aviezer, Trope, & Todorov, 2012), le langage verbal ou musical (Sievers, Polansky, Casey, & Wheatley, 2013), et le référencement d’objets par l’orientation du regard ou par le pointage (D'Entremont, Hains & Muir, 1997 ; Hood, Willen, & Driver, 1998). De plus, les études dans le domaine du développement de la cognition socialeet ses pathologies (e.g. trouble du spectreautistique) renforcent l’intérêt de mieux comprendrela perception de ces expressions (Critchley et al., 2000; Gallese, Keysers,

& Rizzolatti, 2004; Kliemann, Dziobek, Hatri, Baudewig, & Heekeren, 2012). De même, le constat que plusieurs pathologies psychiatriques (Bradley, Mogg, White, Groom, & Bono, 1999; Lawrence et al., 2004; Lynch et al., 2006; Mandal, Pandey, & Prasad, 1998; Rauch et al., 2000; Sprengelmeyer et al., 1997; Stevens, Charman, & Blair, 2001) ainsi que la maltraitance infantile (Pollak et al. 2000, Pollak &Kistler 2002) affectent cette capacité à percevoir les expressions faciales apporte une justification supplémentaire à son étude scientifique..

Dès 1872, l’hypothèse d’une « certaine innéité »(pour une discussion de ce terme, voir

Mameli & Bateson, 2006)des expressions émotionnelles fut développée dans un ouvrage de

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Charles Darwin, L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux(Darwin, 1872). Ce livre fut publié après L’Origine des espèces (1859) dans lequel le naturaliste anglais décrivait sa théorie de l’origine des espèces par la sélection naturelle et la descendance avec modification. Darwin s’intéresse aux expressions émotionnelles car il voit en elles un signe de l’évolution et une possible origine aux comportements moraux humains. Il décrit l’existence d’un certain nombre d’expressions émotionnelles observables non seulement chez les humains mais aussi chez les autres espèces de Singes et certains Mammifères domestiques : la tristesse, la réflexion, la colère, la culpabilité, le mépris et le dégout, la fierté, la honte et la timidité, etc. De façon notable, le livre contient un certain nombre d’illustrations réalisées à partir des photographies de l’ouvrage du Mécanisme de la physionomie humaine du neurologue Guillaume-Benjamin Duchenne (1862).

L’idée de Darwin fut mise de côté puis remise au goût du jour par les recherches

interculturelles du psychologue Paul Ekman dans les années 1960, à une époque où les

sciences sociales étaient dominées par l’anthropologie culturaliste (c.f. Mead & Gordan,

1976) selon laquelle la personnalité et ses manifestations étaient le produit d’influences

purement culturelles. Ekman a eu l’idée de demander à des adultes du Chili, d’Argentine, du

Brésil, des USA et d’une ethnie (peuple Fore) en Nouvelle-Guinée de reconnaître les

émotions exprimées par des visages photographiés. Les résultats révélèrent que ces

populations pouvaient reconnaître six types d’expressions faciales : la colère, la peur, le

dégoût, la surprise, le sourire, et la tristesse. Cette observation l’amena à formuler sa théorie

des émotions de base universelles (Ekman & Friesen, 1971; Ekman & Oster, 1979; Ekman,

1993). L’idée d’une certaine innéité de la production et de la discrimination des expressions

faciales émotionnelles trouva de nouvelles confirmations dans des études plus récentes. Ainsi,

plusieurs auteurs ont montré que les enfants et adultes aveugles congénitaux produisaient des

expressions faciales émotionnelles en l’absence de toute possibilité

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d’expériencevisuelle(Galati, Sini, Schmidt, & Tinti, 2003; Peleg et al., 2006; Tracy &

Matsumoto, 2008). L’hypothèse d’un caractère universel ou transculturel des émotions et de leurs expressions n’a pas été invalidée et reste au cœur du débat scientifique actuel (Barret, 2006 ; Jack, Garrod, Yu, Caldara, & Schyns, 2012, 2013; Sauter, Eisner, Ekman, & Scott, 2010; Sauter & Eisner, 2013).

Depuis la fin des années 1970, les psychologues ont beaucoup étudié le développement de la discrimination des expressions faciales émotionnelles chez les nourrissons humains (pour des revues, c.f. Leppänen & Nelson, 2009; Nelson, 1987 1 ). En effet, si comme le suggère Ekman certaines expressions sont universelles et ne sont pas le fruit d’un apprentissage culturel par imitation, celles-ci pourraient être perçues et interprétées dès le début de la vie. Cette hypothèse est d’autant plus séduisante qu’elle entre en résonance avec la vision modulaire de l’esprit humain qui existeen psychologiecognitive (c.f. Fodor, 1983) et évolutionniste (Cosmides & Tooby, 1994). Elle implique, d’une part, que la capacité de perception des expressions faciales n’est pas le fruit de la (seule) socialisation et, d’autre part que cette capacité se manifeste précocement. Cette hypothèse est-elle toujours d’actualité ? Elle est en tout cas appuyée par les données concernant la modalité auditive.

Nous savons que le système auditif du foetus est fonctionnel à partir d’environ 4,5 mois de gestation, et que les sons de l’environnement (en particulier la voix de la mère) ne sont pas totalement filtrés in-utero (De Casper &Fifer, 1980 ; De Casper, Lecanuet, Busnel, Granier- Deferre &Maugeais, 1994 ; Moon, Cooper, &Fifer, 1993). A la naissance, les nouveau-nés à terme ont donc été exposés àplusieurs mois d’expérience auditive. Récemment, les psychologues ont montré que les nouveau-nés sont capables de discriminer plusieurs prosodies émotionnelles dans leur langue maternelle, aussi bien en terme de comportement (Mastropieri & Turkewitz, 1999) que d’activité électrique cérébrale détectable par la

1

Comparativement à ces deux revues, la présente se propose d’ajouter et de discuter les résultats les plus récents

en laissant une plus large place aux données comportementales.

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technique de l’EEG (Cheng, Lee, Chen, Wang, & Decety, 2012). De plus, les nouveau-nés réagissent aux pleurs d’autres nouveau-nés humains (Dondi, Simion, & Caltran, 1999). Il s’agit donc bien d’une capacité précoce, et si elle est probablement apprise in-utero, elle l’est très rapidement. En généralisant ces capacités auditives à la modalité visuelle, il est légitime de faire l’hypothèse minimale que les nourrissons devraient être capables de discriminer précocement plusieurs expressions faciales émotionnelles après plusieurs mois d’expériences visuelles. Que savons-nous aujourd’hui du développement de la perception des expressions faciales émotionnelles ?

Nous allons voir que les recherches des 30 dernières années portant sur le

développement de la discrimination des expressions faciales émotionnelles dressent un

tableau nuancé et confus au premier abord, probablement à cause de la variété des méthodes

employées qui reflète la difficulté à définir les termes d’ « émotion » (c.f. Sander & Scherer,

2009) et de « discrimination ». Le sujet n’est donc pas épuisé. Mais aujourd’hui, l’étude du

développement de la perception des expressions émotionnelles ne concerne plus seulement

l’hypothèse d’Ekman d’ « universalité » voire d’ « innéité » de certaines émotions : d’une

part, elle apporte des outils pour comprendre le développement émotionnel des nourrissons ;

d’autre part, elle informe sur la dépendance de cette capacité envers le système de perception

des visages que l’on sait profondément influencé par l’expérience visuelle (c.f. Kelly et al.,

2007; Pascalis, de Haan, & Nelson, 2002).

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2 Méthodes et résultats des principales études comportementales, électro-physiologiques et spectroscopiques

2.1. La diversité des méthodologies employées, témoin de la difficulté à cerner la question

La question n’est pas seulement de savoir à quel âge les nourrissons discriminent les expressions faciales émotionnelles (capacité appelée ici « discrimination picturale »), mais aussi d’examiner comment ils deviennent capables d’en évaluer le contenu affectif (capacité appelée ici « discrimination sémantique »). Chez l’adulte, la discrimination picturalepeut être mesurée aisément au niveau comportemental. L’accès au caractère émotionnel des expressions faciales (discrimination sémantique) est quant à lui mesuré soit par le rapport subjectif (évaluation sur plusieurs échelles, identification), soit par des mesures de l’activité musculaire faciale (les activités du zygomatique majeur et du corrugateur du sourcil, l’imitation proprement dite des expressions faciales et son rôle dans leur reconnaissance étant un sujet d’étude à part entière plutôt qu’un index de l’état émotionnel) ou autonomique (conductance cutanée, rythme cardiaque), soit par l’effet de l’émotion sur la cognition (perception, attention, cognition sociale, interférence sélective avec les processus frontaux).

Chez le nouveau-né et le nourrisson, la mesure de la discrimination picturalerepose sur l'analyse comportementale du regard ou sur les techniques de mesure de l’activité cérébrale (activité électrique avec l’EEG, réponse vasculaire avec la NIRS). Ces deux types de méthodologies, très différents, se basent sur un même raisonnement : un bébé discrimine visuellement deux stimuli s’il répond différemment à chacun d’eux, que ce soit par le comportement ou l’activité cérébrale.

Les mesures de l’activité cérébrale chez le nourrisson sont essentiellement des

méthodes de surface : en NIRS comme en EEG les capteurs sont placés sur le scalp du

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nourrisson. Les études en IRM fonctionnelle sont rares (Dehaene-Lambertz, Dehaene &

Hertz-Pannier, 2002) et à notre connaissance aucune ne porte sur le traitement des expressions faciales émotionnelles. Cela signifie que l’on ne dispose aujourd’hui d’aucune donnée sur l’apport fonctionnel des structures sous-corticales comme l’amygdale dans la perception des visages émotionnels chez le nourrisson, même si ces structures sont connues pour apporter une contribution importante à cette fonction chez l’adulte (e.g. Vuilleumier, Richardson, Armony, Driver & Dolan, 2004).

L’essentiel des études conduites chez les nourrissons en NIRS ou EEG font état d’une

modulation par l’expression faciale de l’activité cérébrale en général et de certaines

composantes en particulier, notamment les composantes ERP supposées refléterle traitement

des visages (N290, P400) ou l’attention portée au stimulus (Nc). On mesure des différences

de voltageou de latenceentre plusieurs conditions, pour une composante donnée (par exemple,

la N290), permettant ainsi de décrire les différences de traitement entre plusieurs stimuli, et

éventuellement de les interpréter fonctionnellement : sont-elles de nature attentionnelle ou

perceptuelle, précoces ou tardives ? A notre connaissance, l’interprétation des composantes

ERP individuelles du nourrisson fait encore débat, ce qui limite ces possibilités

d’interprétation fonctionnelle.D’autres études, non rapportées ici, ont utilisé la technique de la

localisation de source pour conclure positivement à partir des mesures EEG, sur l’activité

chez le nourrisson des régions cérébrales nécessaires à la perception des expressions faciales

(notamment la Fusiform Face Area - FFA, l’Occipital Face Area -OFA- et le Superior

Temporal Sulcus -STS) et ceci dès 3 mois (cf. Johnson, 2005). Certaines de ces études ont

utilisé le paradigme dit oddball qui permet de mieux isoler les composants ERP correspondant

à la détection de la différence entre deux stimuli (l’un étant présenté souvent et l’autre non),

par exemple entre un visage familier et non familier (Nikkel& Karrer, 1994). Aucune étude

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chez le nourrisson n’a rapporté de localisation de source pour la perception des expressions faciales émotionnelles.

L’analyse comportementale du regard se décline en deux familles de protocoles

largement utilisés. La première famille, dite du regard préférentiel, consiste à mesurer la

tendance à regarder plus longtemps tel ou tel type de stimuli (Fantz, 1958). Les stimuli sont

présentés simultanément (côte à côte) ou successivement. Si le nourrisson regarde plus

longtemps un type de stimuli qu’un autre (par exemple, les visages souriants sont fixés plus

longtemps que les visages neutres, on dit qu’ils sont « préférés »), on considère que le

nourrisson discrimine ces stimuli. Le concept de préférence pour les stimuli fixés le plus

longtemps que d’autres ne correspond pas à une « préférence affective » (il s’agit d’un abus

de langage). Une seconde famille de protocoles exploite le phénomène d’habituation et de

réaction à la nouveauté. Si on présente un même stimulus plusieurs fois à un nourrisson, il s’y

habitue, c’est-à-dire que son temps de regard diminue en fonction des répétitions. A partir

d’un certain critère (par exemple, une diminution de 50 % du temps de regard par rapport aux

deux premiers essais) on considère que le nourrissonest habitué et que le stimulus est devenu

familier. Si, dans une seconde phase, on présente au nourrissonle stimulus familier et le

stimulus nouveau, et si le temps de regard pour le stimulus nouveau est alors différent de celui

pour le stimulus familier, on considère que le nourrissona différencié ces deux stimuli. On

parle de préférence pour la nouveauté ou pour la familiarité, selon le résultat obtenu. Ces

résultats témoignent néanmoins d’une forme de discrimination picturale. Les protocoles

d’habituation/déshabituation peuvent être rendus plus complexes en testant la « discrimination

généralisée » (Tables 2 et 3). En phase d’habituation, l’identité et le sexe des visages

présentés varient de telle sorte que la seule composante commune à travers les stimulisoit

l’expression émotionnelle. En phase de déshabituation, on présente deux visages nouveaux,

un portant l’expression familière et l’autre l’expression nouvelle. On ne teste donc pas la

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capacité à discriminer les expressions faciales d’une même personne, mais la capacité à extraire l’expression faciale d’un ensemble de visages différents et à la comparer à une expression nouvelle. On peut remarquer que cette tâche (pouvant être assimilée à un tache de catégorisation perceptive) est plus difficile que les autres tâches de discrimination picturale: la discrimination généralisée des expressions faciales n’est observée que chez les nourrissons de 7 mois minimum. La perception catégorielle des expressions émotionnelles peut enfin être mise en évidence par l’effet dit de catégorisation, c’est-à-dire par le fait qu’à différence égale, la différence entre deux stimuli qui traversent une limite de catégorie sera plus facilement perçue que la différence entre deux stimuli de la même catégorie.

Un petit groupe d’études utilisant l’analyse du regard se différencie par l’emploi de paradigmes spécifiques. Montague et Walker-Andrews (2011) ont utilisé le paradigme du

« Peekaboo » pour l’adapter à l’étude de la perception des visages émotionnels.

L’expérimentateur dévoile et cache alternativement son visage avec ses mains en disant

« peekaboo » au moment de montrer son visage, et présente une expression faciale différente à chaque fois. Ce mode de présentation, estimé plus ludique et plus écologique, est plus efficace qu’un mode de présentation classiqueproposant des visages statiques sur un écran.

La difficulté de cette méthode est qu’étant peu employée, c’est-à-dire moins contrôlée et plus délicate à mettre en œuvre, elle offre peu de points de comparaison pour comprendre ses résultats (Tableau 2). Rochat, Striano, et Blatt (2002) ont étudié l’effet modulateur de l’expression faciale sur l’effet déjà décrit du visage impassible ou still face (Tronick, Als, Adamson, Wise &Brazelton, 1979 ; Toda&Fogel, 1993). Dans le paradigme du visage impassible, un adulte entre en interaction avec le bébé, puis fige son visage en une expression neutre et cesse tout échange pendant une courte période. Le visage de l’adulte est alors dit

« impassible » car il cesse de répondre aux sollicitations de l’enfant, l’interaction est

interrompue.L’enfant répond en s’agitant puis en se détournant de l’adulte. L’étude de Rochat

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et collaborateurs visait à tester le rôle de l’expression faciale dans l’effet du visage impassible : l’enfant réagit-il à l’interruption de l’interaction, ou au visage neutre ?Présenter un sourire à la place de l’expression neutre réduit quelque peu l’effet du visage impassible chez les nourrissons de 2 mois, mais non chez les nourrissons plus âgés. L’effet du visage impassible chez ces enfants viendrait de la détection des contingences sociales de l’interaction plutôt que de l’expression du visage.

Certaines études d’analyse du regard emploient des stimuli multimodaux, c'est-à-dire associant une voix et un visage, les deux exprimant une émotion identique (concordante) ou non (Flom et Bahrick, 2007; Haviland et Lelwica, 1987). Lorsque la voix et le visage sont toujours concordants, il est difficile de conclure sur la discrimination des visages émotionnels puisque la discrimination des stimuli multimodaux pourrait ne refléter que la discrimination des différentes expressions vocales d’émotion à partir d’indices prosodiques, une capacité observéemême chez les nouveau-nés (Cheng et al. 2012; Mastropieri et Turkewitz, 1999).

D’autres études, au contraire, contrastent des stimuli multimodaux concordants et discordants

au niveau émotionnel (Grossmann, Striano&Friederici, 2007 ; Kahana-Kalman& Walker-

Andrews, 2001; Montague& Walker-Andrews, 2002 ; Soken&Pick, 1992, 1999). Les résultats

en ERP montrent qu’à 7 mois, les nourrissons s’attendent plus à des stimuli concordants de

joie ou de colère qu’à des stimuli discordants (Grossmann et al. 2007). En revanche, les

résultats comportementaux (l’existence ou non d’une préférence pour les stimuli concordants

ou discordants) semblent fortement dépendre non seulement des émotions présentées, mais

également de la familiarité des personnes ayant servi de stimuli (Montague et Walker-

Andrews, 2002), de la nature des stimuli employés (vidéo complète ou points animés, voix

provenant de la même personne ou non(Soken&Pick, 1992)). Une étude a néanmoins rapporté

des résultats positifs et cohérents à 7 mois pour la discrimination des expressions de sourire,

de tristesse, de colère et d’intérêt(Soken&Pick, 1999).

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Chez les nourrissons plus âgés (autour de 12 mois), des paradigmes comportementaux plus complexes peuvent être envisagés, comme ceux utilisés pour étudier le référencement social.Ils permettent ainsi d’examiner l’influence de l’expressionfaciale de l’adulte référent sur le comportement d’exploration des nourrissons face à une situation nouvelle et ambigüe, (Sorce, Emde, Campos, & Klinnert, 1985; Walden & Ogan, 1988) ou l’influence de l’expression faciale sur l’interprétation du comportement d’un agent (Phillips, Wellman, &

Spelke, 2002). En fait, l’étude développementale de la perception des visages émotionnels se confond ici avec l’étude de la maturation des processus socio-émotionnels des nourrissons.

Des formes de référencement social ont bien été étudiées chez des nourrissons plus jeunes (de 4 à 5 mois et demi), mais dans ces études les expressions de peur et de joie du référent soit étaient accompagnées de vocalisations correspondantes (Vaillant-Molina &Bahrick, 2012), soit prédisaient des stimuli inconditionnés (positifs ou aversifs), permettant ainsi de tester l’utilisation par les nourrissons de ces informations pour éviter les stimuli aversifs (Pelaez, Virues-Ortega &Gewirtz, 2012). Ces dernières étudesne testent donc pas la valence motivationnelle ou émotionnelledes expressions faciales.

Mesurer l’aspect proprement émotionnel du traitement des visages chez les nourrissons de moins de 10 mois est plus difficile. Une approche originale et pertinente consiste à mesurer l’influence de l’émotion sur l’attention du nourrisson.On mesure comment l’expression émotionnelle perçue ralentit le rythme cardiaque (Leppänen et al. 2010 ; Peltola, Leppänen, & Hietanen, 2011), limite l'orientation vers une cible périphérique, ou interagit avec la direction du regard perçu(Hoehl, Palumbo, Heinisch, & Striano, 2008; Hoehl &

Striano, 2008; Hoehl, Wiese, & Striano, 2008a) -les nourrissons y sont sensibles dès 3 mois

(D'Entremont et al. 1997 ; Hood et al. 1998).Cette dernière situation se rapproche du

référencement social.Par ailleurs, les effets de l’ordre de présentation des stimuli, souvent

rapportés dans les études d’habituation/déshabituation chez les nourrissons (Caron, Caron

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&Maclean, 1988; Caron, Caron, & Myers, 1985; Caron, Caron, & Myers, 1982; Nelson, Morse, & Leavitt, 1979), peuvent être interprétés comme un indice de l’intrication précoce des traitements attentionnels et émotionnels.

2.2. Principaux résultats chez les nouveau-nés.

Les études réalisées chez les nouveau-nés depuis les années 1980 indiquent que ceux- ci possèdent une certaine capacité à traiter les visages de primates y compris non humains (De Haan, Pascalis, & Johnson, 2002 ; Di Giorgio, Leo, Pascalis, & Simion, 2012 ; Pascalis &

Bachevalier, 1998), à reconnaître le visage de leur mère (Pascalis, Schonen, Morton, Deruelle,

& Fabre-Grenet, 1995), et à reconnaître le visage de personnes avec lesquelles une brève interaction vient d’avoir lieu (Guellai & Streri, 2011). Les nouveau-nés perçoivent-ils les changements « grossiers » d’expression faciale d’une même personne ? Des études classiques permettent de répondre à cette question par l’affirmative.

Dans l’étude fondatrice de Meltzoff& Moore (1977), l’auteur présentait une série

d’expressions du visage et des mains (moue, ouverture/fermeture de la bouche, protrusion de

la langue, ouverture et fermeture des doigts) ou un visage passif (condition contrôle) à des

nouveau-nés âgés de 12 à 21 jours répartis en deux expériences assez similaires. Dans une

première expérience (6 participants), l’expérimentateur répétait son geste ou son expression

jusqu’à obtenir une réponse du nouveau-né. Les vidéos de ces nouveau-nés étaient ensuite

présentées à des étudiants qui devaient deviner quel geste ou expression les nouveau-nés

étaient en train de regarder en attribuant un ordre de probabilité à chacune des possibilités

prédéfinies (visage passif, moue, langue tirée, etc.). Les estimations des étudiants étaient alors

meilleures que le hasard. Comment les étudiants pouvaient-ils deviner l’expression présentée

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aux nouveau-nés ? L’explication avancée par les auteurs est que les nouveau-nés imitaient les expressions présentées. Dans une deuxième expérience (12 participants), mieux contrôlée, l’expérimentateur présentait soit une protrusion de la langue, soit une ouverture/fermeture de la bouche, soit un visage passif (condition de contrôle, toujours présentée en premier). Les nouveau-nés avaient une tétine dans la bouche uniquement pendant la période de présentation de l’expression, puis leur comportement était enregistré pendant 150 secondes durant lesquelles l’expérimentateur présentait un visage passif. Les résultats ont révélé quatre fois plusde comportements de protrusion de la langue ou d’ouverture de la bouche après le modèle correspondant que suite au visage passif de l’expérimentateur ou de l’autre expression. Cette deuxième expérience portait néanmoins sur des nourrissons âgés en moyenne de 19,3 jours, soit presque 3 semaines. Une troisième étude (Meltzoff& Moore, 1983) a répliqué ces résultats chez 40 nouveau-nés âgés de 32,1 heures en moyenne, devant les modèles de protrusion de la langue et d’ouverture/fermeture de la bouche, mais sans condition de contrôle. Il faut souligner néanmoins que ces études portent sur des variations de mimiques faciales accentuées choisies parmi le répertoire des expressions produites spontanément par les nouveau-nés et non parmi le répertoire des expressions faciales émotionnelles adultes(pour une discussion, cf. Vinter, 1985). .

Par contre, l’étude menée par Field, Woodson, Greenberg et Cohen en 1982 porte sur

la perception par les nouveau-nés d’expressions faciales de sourire, tristesse et surprise

réalisées par un modèle féminin. Par la méthode d’habituation/déshabituation, cette étude a

montré que les nouveau-nés discriminaient les expressions de sourire, tristesse et surprise

présentées par un expérimentateur dans le cadre d’une véritable interaction. De plus, les

nouveau-nés montraient une production d’expression faciale différente (yeux écarquillés,

lèvres boudeuses ou lèvres entrouvertes) en fonction de l’expression présentée par

l’expérimentateur (Figure 1a-b-c). Dans la lignée des études de Meltzoff et Moore, les auteurs

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ont alors formulé l’hypothèse d’une imitation en miroir par les nouveau-nés des expressions faciales qui leur étaient présentées, mais cette hypothèse n’a pas été validée par la suite (Kaitz, Meschulach-Sarfaty, Auerbach, &Eidelman, 1988). En revanche, d’autres études ont pu répliquer l’imitation par les nouveau-nés de mouvements faciaux accentués ou articulatoires (Coulon, Hemimou, & Streri, 2012 ; Reissland, 1988). En conclusion, les nouveau-nés sont capables de détecterles mouvements faciaux accentués d’une même personne, et peuvent en imiter certains.

Dans le domaine plus restreint de la perception des expressions faciales émotionnelles,

les résultats sont plus ténus. Farroni, Menon, Rigato et Johnson (2007) montrent que les

nouveau-nés sont capables de distinguer un visage souriant d’un visage apeuré du même

modèle lorsque ces deux stimuli sont présentés côte à côte (Figure 1d), et plus précisément

qu’ils regardent en moyenne plus longtemps le visage souriant dans ce contexte (Farroni et

al., 2007). En revanche, cette étude ne montre pas que les nouveau-nés distinguent un visage

apeuré d’un visage neutre côte à côte lorsqu’il s’agit du même modèle (Figure 1e). Il est

possible d’interpréter ces résultats selon la familiarité relative des expressions présentées : le

sourire est familier à cet âge, tandis que les expressions neutres ou apeurées sont aussi peu

familières l’une que l’autre. Les nouveau-nés ne montraient pas non plus de discrimination

des visages neutres ou apeurés dans un paradigme d’habituation/déshabituation. Ce résultat

confirme que le sourire est la seule expression efficacement perçue à cet âge. Il ne s’agit pas

d’une conclusion définitive, étant donné que cette étude ne présente pas de résultat de regard

préférentiel dans un contraste sourire/neutre, et que la discrimination du sourire avec une

autre expression n’a pas, à notre connaissance, été testée à cet âge par la méthode

d’habituation/déshabituation sur des images statiques.

(18)

Référence # Age Procédure Modèle(s) Emotions Résultat Farroni et al. 2007 1 46h Préférence visuelle Féminin, statique Neutre/peur négatif

2 56h Déshabituation Féminin, statique Neutre/peur négatif 3 54h Préférence visuelle Féminin, statique Joie/peur positif Field et al. 1982 1 36 h Déshabituation Expérimentateur,

dynamique

Joie, tristesse, surprise

positif

Kaitz et al., 1988 1 27h Imitation Expérimentateur, dynamique

Joie, tristesse, surprise

négatif

Tableau 1: Principales études de la discrimination des expressions faciales émotionnelles par les nouveau-nés Table 1: Main studies of emotional facial expression discrimination in newborns

Figure 1 : Haut : Expressions présentées par le modèle et observées en réponse chez les nouveau-nés dans

l'expérience de Field et al. (1982) : a) sourire, b) tristesse, c) surprise. Bas : Exemples de stimuli utilisés dans

l'expérience de Farroni et al (2007) : d) paire de visages exprimant la peur et la joie e) paire de visages exprimant

la neutralité et la peur (demande d’autorisation de reproduction en cours).

(19)

Figure 1: Top: Expressions posed by the model and corresponding newborns’ responses from Field et al. (1982):

a) joy b) sadness c) surprise. Bottom: Example stimuli from Farroni et al (2007): d) paired faces expressing fear

and joy e) paired faces expressing neutrality and fear.

(20)

2.3. Principaux résultats chez les nourrissons âgés de 2 à 5 mois.

La préférence pour les visages souriants (familiers ou non) observée chez les nouveau- nés persiste dans les premiers mois (Kuchuk, Vibbert&Bornstein, 1986; La Barbera, Izard, Vietze&Parisi, 1976; Rochat et al. 2002) même si celle-ci n’est pas systématiquement rapportée. Dans l’étude de Field et collaborateurs (1998) par exemple, la préférence pour les visages souriants vis-à-vis des visages tristes n’est pas rapportée dans une population de nourrissons de 3 mois. Cependant, dans cette étude les stimuli étaient multimodaux (accompagnés de voix) et n’étaient pas présentés par paires, ce qui peut influencer l’expression des préférences. Montague et Walker-Andrews (2002) n’observent pas de préférence pour le sourire vis-à-vis de la tristesse lorsque le visage est celui du père ou un visage étranger, mais la rapporte lorsque le visage présenté est celui de la mère. Cependant, dans le protocole les visages étrangers étaient toujours présentés après celui des parents, créant peut être un effet d’habituation à l’expression de sourire qui expliquerait l’absence de préférence pour cette expression aux essais suivants avec les visages étrangers. A partir de 5 mois, les nourrissons cessent de « préférer » un sourire apparié à une expression de peur (Peltola, Leppänen, Mäki&Hietanen, 2009), tandis que leur capacité de discriminer les visages de peur et de sourire se développe (Bornstein&Arterberry, 2003). Pourtant, les nourrissons de presque 6 mois préfèrent toujours les visages souriants aux visages neutres (Striano, Brennan&Vanman, 2002) : la suppression de la préférence pour le sourire est bien causée par son appariement à l’expression de peur qui possède peut-être déjà un statut attentionnel particulier à cet âge, comme c’est le cas à 7 mois (Peltola et al.2011 ; Peltola, Leppänen, Palokangas&Hietanen, 2008 ; Leppänen et al. 2010).

De façon cohérente avec cette préférence pour les visages souriants, les nourrissons

ont, dès les premiers mois après la naissance, la capacité de discriminer les sourires de

(21)

plusieurs autres expressions comme la surprise (Young-Browne, Rosenfeld& Horowitz, 1977), le froncement de sourcils (Barrera &Maurer, 1981) et la tristesse autour de 3 mois (Caron et al. 1988 ; Field, Pickens, Fox, Gonzalez & Nawrocki, 1998; Montague& Walker- Andrews, 2002), puis la peur autour de 5 mois (Bornstein&Arterberry, 2003). Une étude (Serrano, Iglesias&Loeches 1992) rapporte également la discrimination des expressions de colère, peur et surprise par des nourrissons d’environ 5 mois.

Enfin, quelques études proposent une approche un peu différente des paradigmes de discrimination, en mesurant l’effet des expressions faciales par le biais de leur interaction avec la direction du regard (Hoehl et al. 2008a ; Striano, Kopp, Grossmann& Reid, 2006).

L’idée est que les expressions émotionnelles sont traitées de façon intégrée et contextuelle

avec les autres indices sociaux portés par les visages. L’étude en EEG chez des nourrissons de

3,5 mois, menée par Hoehl, Wiese et Striano (2008a) montre que si l’on présente un visage

féminin de peur au regard tourné vers un objet abstrait, la présentation subséquente du même

objet (Figure 2a) s’accompagnera d’une composant EEG central négatif (Nc, 400-800ms)

d’amplitude plus importante lorsque l’on présente un visage neutre à la place du visage de

peur (Hoehl et al. 2008a). De plus, cet effet différentiel du visage de peur par rapport au

visage neutre disparait lorsque l’objet présenté subséquemment n’est pas le même que celui

présenté à côté du visage (Figure 2b), ou lorsque le visage présenté regarde dans une direction

opposée à l’objet (Figure 2c).

(22)

Figure 2 : Design des expériences présentées par Hoehl, Wiese & Striano (2008a) Figure 2: Experimental design from Hoehl, Wiese & Striano (2008a)

Ces résultats sont intéressants car ils montrent une forme de référencement chez des nourrissons de 3,5 mois, alors que cette capacité a été observée principalement chez des enfants plus âgés et dans des tâches plus complexes (Feinman, 1982; Phillips et al. 2002;

Walden &Ogan, 1988). Les auteurs reconnaissent néanmoins que les résultats observés pourraient tout aussi bien être expliqués par un simple effet additif (et non interactif) : la direction du regard oriente l’attention vers l’objet abstrait situé du même côté (Hood et al.

1998), tandis qu’une expression de peur pourrait attirer l’attention de façon générale, comme

cela a été montré chez des nourrissons plus âgés. Une critique similaire pourrait être adressée

aux résultats de Striano et al. (2006), mais dans tous les cas, ces études montrent tout de

(23)

même un traitement différentiel, par apport à l’expression neutre, des expressions de peur à 3,5 mois (Hoehl et al. 2008a) et de colère à 4 mois (Striano et al. 2006).

Référence # Age (mois)

Procédure Modèle(s) Emotions Résultat

Barrera

&Maurer, 1981

1 2,97 Déshabituation Mère de l’enfant (photo), statique

Joie/Sourcils froncés

positif

2 2,99 Déshabituation Féminin, statique Joie/Sourcils froncés

positif

Bornstein&Ar terberry, 2003

1 5,40 Déshabituation Féminins, statiques.

En test : nouveau modèle/modèle familier (même sourire)

Joie- différentes intensités

positif

2 5,10 Déshabituation Féminins, statiques.

Même modèle en phase de test.

Joie/Peur positif

3 5,17 Déshabituation Féminins, statiques.

Modèle différent en phase de test.

Joie/Peur positif

Bornstein et al. 2011

1 5,05 Déshabituation (sujets contrôles)

Féminins, statiques Joie/Neutre positif

2 5,05 Déshabituation (mères dépressives)

Féminins, statiques Joie/Neutre négatif

Caron et al.

1982

1 4,11 Déshabituation Féminins, statiques Joie/Surprise négatif

2 5,52 Déshabituation Féminins, statiques Joie/Surprise JoieSur

prise

(24)

Caron et al, 1988

1 3,94 Déshabituation : discrimination généralisée

Féminins, statiques + voix

Joie/Tristesse Tristesse

Joie

2 5,27 Féminins, statiques +

voix

Joie/Tristesse positif

3 5,22 Féminins, statiques +

voix

JoieColère négatif

4 5,22 Féminins, statiques TristesseJoi

e

positif

Field et al.

1998

1 3 Temps de regard et EEG (contrôles)

Féminins, dynamiques (non appariés) + voix

Joie/Tristesse positif

2 3 Temps de regard et EEG (mères dépressives)

négatif

Haviland&Lel wica, 1987

1 2,30 Imitation Mère + voix Joie/Tristesse/

Colère

Joie /Colère Hoehl et al.

2008a

1 3,70 Référencement attentionnel d’un objet

+ EEG (Nc) durant la présentation

ultérieure de l’objet référencé

Féminin/Masculin, statique

Peur/Neutre positif

2 3,40 Condition contrôle : présentation ultérieure d’un objet différent

Féminin/Masculin, statique

Peur/Neutre négatif

(25)

3 3,70 Condition contrôle : l’objet est présent à côté du visage mais non référencé

Féminin/Masculin, statique

Peur/Neutre négatif

Kuchuk et al.

1986

1 3,09 Préférence visuelle Féminins, statiques Joie- différentes intensités

positif

La Barbera et al. 1976

1 3,96 Durée de la première fixation

Masculin (non apparié), statique

Joie/Colère /Neutre

Joie

Montague&

Walker- Andrews, 2001

1 4,24 Temps de regard Expérimentateur (Peekaboo)

Joie/Surprise /Tristesse /Colère/Peur

Colère, Peur

2 Imitation négatif

Montague&

Walker- Andrews, 2002

1 3,84 Temps de regard Mère/Père/Féminin /Masculin, dynamiques (non appariés) + voix

Joie/Tristesse positif (mère)

2 Joie/Colère négatif

Peltola et al.

2009

1 5 Préférence visuelle + ERP (Nc)

Féminin, statique Joie/Peur négatif

Rochat et al.

2002

1 2 Annulation de l’effet du visage impassible

Féminin Joie/Tristesse

/Neutre

Joie

2 4 négatif

Serrano et al.

1992

1 5,06 Déshabituation Féminins, statiques Colère/

Peur/Surprise

positif

Striano et al.

2002

1 5,91 Préférence visuelle et sa corrélation au score de dépression

Féminin, statique Joie (différentes intensités) /Neutre

positif,

corrélé

(26)

2 maternelle

Tristesse (différentes intensités) /neutre

positif, non corrélé

Striano et al.

2006

1 4,34 EEG (PSW) Féminins, statiques, regard direct ou de côté (contraste testé)

Neutre négatif

2 4,14 Joie négatif

3 4,14 Colère positif

Young- Browne et al.

1977

1 2,66- 3,08

Déshabituation Masculin Joie/Tristesse

/Surprise

Joie /Surprise

Tableau 2 : Principales études de la discrimination des expressions faciales émotionnelles par les nourrissons âgés de 2 à 5 mois

Table 2: Main studies of emotional facial expression discrimination in infants agedfrom 2 to 5 months

2.4. Principaux résultats chez les bébés âgés de 6 à 8 mois.

Entre 6 et 8 mois, les nourrissons montrent une discrimination claire et catégorielle de

nombreuses expressions faciales par rapport à celle du sourire : la surprise (Caron et al. 1982),

la tristesse (Leppänen & Nelson, 2009) et la peur (Kotsoni, de Haan & Johnson, 2001). Les

techniques d’électrophysiologie et d’imagerie optique (NIRS) ont de plus permis de montrer

une capacité de discrimination de l’expression faciale de colère par rapport au sourire

(Grossmann et al. 2007 ; Nakato, Otsuka, Kanazawa, Yamaguchi &Kakigi , 2011) et à la peur

(Hoehl&Striano, 2008 ; Kobiella, Grossmann, Reid &Striano, 2008). Enfin, les visages de

peur retiennent l’attention des nourrissons dès l’âge de 7 mois (Leppänen, Moulson, Vogel-

Farley& Nelson, 2007 ; Leppänen et al. 2010 ; Peltola et al. 2011 ; Peltola et al. 2008). C’est

(27)

également à cet âge que certains auteurs rapportent les premières mises en évidence de catégorisation perceptive des expressions faciales émotionnelles (Kotsoni et al. 2001, Leppänen & Nelson, 2009), et la majorité des discriminations généralisées testées (Sourire/Peur, Sourire/Colère, Sourire/Surprise) à l’exception du contraste Sourire/Tristesse mise en évidence dès 5 mois mais seulement dans le sens TristesseSourire (Caron et al, 1988).

L’équipe de Yamaguchi a réalisé en NIRS une expérience portant sur la perception des expressions faciales de sourire et de colère par les nourrissons de 7 mois (Nakato et al. 2011).

Une attention particulière était portée aux capteurs temporaux, car chez l’adulte la perception

des expressions faciales active spécifiquement des réseaux au niveau du sulcus temporal

supérieur (STS), en particulier dans sa portion postérieure (Hein et Knight, 2008 ; Itier et

Taylor, 2004). Les stimuli contrôles étaient des images de deux types de légumes ronds de

couleur différente, tandis que les stimuli expérimentaux étaient des images statiques du même

visage féminin exprimant la joie ou la colère (Figure 3). Les données ont montré une

augmentation de l’afflux sanguin temporal pour les deux types de visages, supérieure dans

l’hémisphère gauche pour les visages souriants et dans l’hémisphère droit pour les visages de

colère (Figure 4). On peut noter que cette différence inter-hémisphérique est cohérente avec

l’idée d’un différentiel inter-hémisphérique d’activité cérébrale en fonction de la valence

(positive ou négative) des stimuli, les émotions positives correspondant à une suractivité de

l’hémisphère gauche et inversement pour les émotions négatives (Canli, 1999).

(28)

Figure 3 : Design expérimental de l'expérience menée par Nakato et al. (2011) Figure 3 : Experimental design fromNakato et al. (2011)

Figure 4 : Quantité moyenne (Z-score) d’hémoglobine oxygénée, désoxygénée et totale mesurée aux positions temporales durant les 3 dernières secondes de la phase de test et les 3 secondes suivantes, en fonction de la condition de la phase de test et de l’hémisphère cérébral – Nakato et al. (2011)

Figure 4 : Mean quantity (Z-score) of oxy-, deoxy- and total hemoglobin over the temporal lobe during the last 3

seconds of the test phase and the first 3 seconds after the test phase, depending on experimental condition and

cerebral hemisphere – Nakato et al. (2011)

(29)

Référence # Age (mois)

Procédure Modèle(s) Emotions Résultat

Caron et al, 1982

3 6,87 Déshabituation Féminins, statiques Joie/Surprise positif

Caron et al, 1988

1 6,69 Déshabituation : discrimination généralisée

Féminins, vidéos+ voix JoieColère positif

2 6,78 Féminins, vidéos JoieColère négatif

3 6,77 Féminins, vidéos+ voix ColèreJoie positif

4 6,79 Féminins, vidéos

+/- voix

ColèreJoie positif si voix Geangu et

al. 2011

1 6,59 Préférence visuelle et pupillométrie

Nourrissons de 6-9 mois + voix

Rire/Pleurs /Babillage

positif

Grossmann et al. 2006

1 6,85 EEG (Nc, Pc) Féminin, statique + voix (concordante ou non)

Joie/Colère positif

Grossmann et al. 2007

1 7 Préférence visuelle + EEG (Nc)

Féminin, statique Joie/Colère positif

Hoehl et al.

2008

1 7,46 EEG (Nc, Pc) Féminin/Masculin, statiques, regard vers un objet de côté

Peur/Neutre positif

2 7,49 Féminin/Masculin,

statiques, regard direct + objet de côté

négatif

Hoehl &

Striano, 2008

1 7,36 EEG (Nc, N290, P400)

Féminin/Masculin, statique, regard (in)direct

Colère/Peur positif

Kobiella et al. 2008

1 6,72 ERP (Nc, N290, P400)

Féminin, statique Colère/Peur positif

(30)

Kotsoni et al. 2001

1 7,06 Préférence visuelle Féminins, statiques Joie/Peur (morphes)

positif

2 7,13 Déshabituation + effet de

catégorisation

positif

La Barbera et al. 1979

1 6,07 Durée de la première fixation

Masculin (non apparié), statique

Joie/Colère /Neutre

Joie

Leppänen &

Nelson, 2009

1 6,94 Déshabituation + effet de

catégorisation

Féminin, statique Joie/Tristesse (morphes)

positif

2 6,94 ERP (Nc, P400) + effet de

catégorisation

positif

Leppänen et al. 2007

1 7,03 Préférence visuelle + ERP (Nc, P400)

Féminin, statique Peur/Joie/Neutre positif (peur) Leppänen et

al. 2010

1 7,08 Mesure de l’attention (cible périphérique, ECG)

Féminin, statique Peur/Joie /Neutre

positif (peur)

Ludemann, 1991

1 7,12 Déshabituation:

discrimination généralisée

Féminins, statiques Positif

(Joie/Surprise) / Négatif

(Colère/Peur)

négatif

2 7,10 Positif (mélange)

/Négatif (mélange)

négatif

3 7,01 Habituation : Joie

Test : Positif (mélange) /négatif (mélange)

positif

(31)

4 7,00 Habituation : Positif (mélange) Test : Joie/Colère

négatif

Nakato et al.

2011

1 6,59 NIRS (capteurs temporaux)

Féminin, statique Joie/Colère positif

Nelson et al, 1979

1 6,95 Déshabituation : discrimination généralisée

Féminin, statique Joie/Peur Joie 

Peur

2 7,00 Féminins, statiques (un

seul modèle en habituation)

négatif

3 6,95 Féminins, statiques (deux

modèles en habituation)

Joie  Peur Joie  Peur Nelson

&Dolgin, 1985

1 6,50- 7,66

Déshabituation : discrimination généralisée

Féminins et masculins, statiques

Joie/Peur Joie 

Peur

2 6,77- 7,52

Préférence visuelle positif

Nelson &

De Haan, 1996

1 7,00 ERP (EP, Nc, LP) Féminin, statique Joie/Peur positif

2 7,12 Peur/Colère négatif

Peltola et al.

2009

1 7 Préférence visuelle + ERP (Nc)

Féminin, statique Joie/Peur positif

Peltola et al.

2011

1 7,10 Mesures de l’attention (cible périphérique, ECG)

Féminins, statiques Joie/Peur positif

(32)

Rochat et al.

2002

1 6 Annulation de l’effet du visage impassible

Féminin Joie/Tristesse

/Neutre

négatif

Soken&Pick , 1992

1 7,03 Préférence visuelle Modèle féminin, vidéos + voix concordante ou non (personne différente)

Joie/Colère négatif

2 Modèle féminin, points

animés + voix concordante ou non

positif

3 7,11 Modèle féminin, points

animés + voix concordante ou non (même personne)

positif

Soken&Pick , 1999

1 7 Préférence visuelle Modèles féminins, vidéos + voix concordante ou non

Joie/Intérêt /Colère/Tristesse

positif

Striano et al.

2002

1 5,91 Préférence visuelle + corrélation au score de dépression maternelle depuis la naissance

Modèle féminin, statique Neutre/Sourire (différentes intensités)

positif, corrélé

2 Neutre/Tristesse

(différentes intensités)

positif, non corrélé

Tableau 3 : Principales études de la discrimination des expressions faciales émotionnelles par les nourrissons

âgés de 6 à 8 mois

(33)

2.5. Synthèse : trajectoire développementale de la discrimination des principales expressions faciales émotionnelles

Le Tableau 4 (page suivante) résume les résultats présentés précédemment afin de

mieux cerner la trajectoire développementale de la discrimination des principales expressions

faciales émotionnelles. Seuls les résultats des études utilisant comme stimuli des images

statiques unimodales sont présentés, car ces dernières sont les plus utilisées par les

chercheurs.

(34)

Tableau 4: Résumé des résultats de (A) EEG et NIRS, (B) préférence visuelle, (C) déshabituation, et (D) discrimination généralisée. Les résultats positifs dans un seul sens du contraste (JoiePeur, mais pas PeurJoie, par exemple) sont comptabilisés comme positifs.

Table 4: Summary of (A) EEG and NIRS, (B) looking preference, (C) dishabituation, and (D) generalized discrimination results.Results with an order effect (e.g. JoyFear, but no FearJoy dishabituation) count as positive results

.

(35)

3 Discussion

De ce Tableau 4, il apparaît que les contrastes incluant les expressions de sourire, de peur et de colère sont nettement plus étudiés que les autres, toutes méthodes confondues. Les autres contrastes, lorsqu’ils sont rapportés, sont rarement reproduits. La perception de l’expression de dégoût n’est jamais étudiée, alors que les nouveau-nés peuvent produire des moues en réaction à de mauvaises odeurs (Steiner, 1979). Les études chez les adultes ont montré que la perception des expressions de sourire, de peur et de colère est atypique : les expressions de joie sont reconnues à des niveaux de masquage plus élevés que les autres expressions (Esteves& Öhman, 1993 ; Milders, Sahraie& Logan, 2008), les visages de peur engagent particulièrement l’amygdale y compris à un niveau perceptif subliminal (Etkin et al.

2004), les visages de colère sont plus facilement détectés dans les tâches de recherche visuelle (Hansen & Hansen, 1988). Enfin, reconnaître ces trois expressions correctement et rapidement possède une valeur adaptative, ce qui laisse supposer que des contraintes fortes pourraient s’exercer sur ces fonctions à supposer qu’elles soient isolables de la capacité de percevoir les expressions faciales en général. Une telle dissociation trouve un soutien partiel dans les résultats chez les nourrissons, qui montrent que toutes les expressions ne sont pas perçues exactement au même âge, et dans les résultats de neuroimagerie chez l’adulte, qui montrent l’engagement de réseaux fonctionnels plus ou moins distincts en complément d’un réseau commun à la perception de toutes les expressions.

Les contrastes entre les sourires et les autres expressions semblent être discriminés de

façon plus précoce et/ou plus robuste que les autres contrastes, mais ce sont aussi les

contrastes les plus étudiés (dans le cas de la discrimination généralisée, ce sont même les

seuls) : il est donc difficile de savoir s’il faut conclure à une précédence de la perception du

(36)

sourire ou à un biais dans les protocoles choisis. Dans le premier cas, cette précédence du sourire par rapport aux autres expressions faciales émotionnelles irait de pair avec l’attirance pour les visages souriants chez les nourrissons.

On peut également mettre en relation ce résultat avec le fait que chez les adultes, les visages souriants sont identifiés à des niveaux de masquage plus importants que les autres types de visages émotionnels, notamment ceux de peur (Esteves & Öhman, 1993 ; Milders et al. 2008). Ces deux observations, l’une chez le nouveau-né, l’autre chez l’adulte, pointent vers un avantage perceptif et non attentionnel de l’expression de joie par rapport aux autres expressions faciales émotionnelles. On leur donne des interprétations différentes : chez l’adulte, la joie et particulièrement le sourire avec dents visibles est supposée être l’expression la moins ambiguë car peu d’autres expressions sont positives et impliquent la bouche ouverte comme élément diagnostique le plus saillant ; chez le nouveau-né, la joie est supposée être l’expression la plus attirante à cet âge car elle est plutôt familière, et donc ni trop prévisible, ni trop surprenante (Kidd, Piantadosi&Aslin, 2012). Supposer que cet effet des visages joyeux est imputable à la visibilité des dents est une tautologie puisque cette propriété est la définition même d’un sourire de forte intensité. Cela ne signifie pas que les propriétés perceptives des visages souriants ne soient pas réductibles à leurs propriétés de bas-niveau, mais cette idée est remise en question par le fait que les visages de peur présentés en vis-à-vis des visages souriants dans l’étude de Farroni et collaborateurs (2007) possédaient eux-mêmes des éléments saillants : les yeux écarquillés. De plus, les auteurs observentque les visages souriants provoquaient des regards plus longs, mais pas plus d’orientation vers ces stimuli que vers les stimuli de peurs. Or, chez l’adulte au moins les saccades sont mieux prédites par le modèle de la saillance que la durée des fixations (Itti& Koch, 2000 ; Unema, Pannasch, Joos

&Velichkovsky, 2005).

(37)

Une façon de relierles observations chez les adultes et chez les nourrissons serait de postuler que l’avantage perceptif des visages souriants est précisément du à leur fréquence dans la vie quotidienne et en particulier dans les premiers mois de vie. Même chez l’adulte, un sourire serait perçu comme plus simple, car plus typique, et serait reconnu avec moins d’informations, car plus probable, par un principe de décision perceptuelle de type bayésien (Kersten, Mamassian&Yuille, 2004 ; Maloney&Mamassian, 2009). Selon cette hypothèse, si l’on manipule la fréquence des visages souriants de telle sorte qu’ils soient aussi fréquents que les autres, leur avantage perceptif devrait disparaître. Les résultats chez les nourrissons élevés par une mère souffrant de dépression post-partum (et donc moins enclines à sourire) supportent partiellement cette prédiction : ces nourrissons présentent à 3 et 5 mois une moindre capacité à discriminer les sourires des autres expressions (Field et al. 1998, Bornstein et al. 2011), et à notre connaissance aucune étude n’a testé l’effet de la dépression maternelle chez les nouveau-nés. Les nouveau-nés s’orientent vers un visage souriant apparié à un visage de peur (Farroni et al. 2007), alors que les sourires ne leur sont encore que peu familiers : on s’attendrait à ce que chez les nouveau-nés, la dépression maternelle n’ait pas d’effet, à moins qu’une exposition de quelques jours suffise à développer cette attirance (quelques jours suffisent à un nouveau-né pour apprendre le visage de sa mère, cf. Pascalis et al. 1995). A presque 6 mois, ces nourrissonsmontrent au contraire une plus grande attirance pour les visages souriants que les autres nourrissons ayant des mères non dépressives (Striano et al.

2002), une observation cohérente avec une relative immaturité de leur perception du sourire.

Enfin, la singularité de leur expérience des visages ne peut être dissociée de la singularité de

leur développement socio-émotionnel propre, lui aussi affecté par la dépression maternelle

(Field, Fox, Pickens& Nawrocki, 1995). Dans ce cas comme dans celui des

psychopathologies de l’adulte, la perception des visages émotionnels affecte et reflète des

processus plus généraux.

(38)

Une autre façon d’expliquer l’avantage perceptuel des sourires invoquerait la tendance à imiter involontairement les expressions perçues, ainsi que la tendance des parents à encourager les sourires des nourrissons en particulier en réponse à leurs propres sourires.

Cette dernière tendance promouvrait ainsi à la fois la reconnaissance et la production des sourires, et en synergie probablement. Les nouveau-nés sont musculairement capables de produire de nombreuses expressions faciales (Reissland, Francis, Mason, & Lincoln, 2011).

Ils produisent spontanément des expressions faciales en réponse à des odeurs (Steiner, 1979) et leurs muscles corrugateurs du sourcil se contractent en réponse aux stimuli aversifs (Trapanotto et al. 2004). Cependant, seule l’expression du sourire est socialement encouragée.

D’une façon générale, l’hypothèse d’un lien entre perception et production des mouvements faciaux est toujours d’actualité et a produit des résultats fructueux dans le domaine de la perception des syllabes (Coulon et al. 2012). L’étude des adultes présentant un syndrome de Moebius, c'est-à-dire une paralysie faciale congénitale, a montré que ces patientsont un léger déficit de reconnaissance des expressions faciales émotionnelles par rapport aux sujets sains (Bate, Cook, Mole & Cole, 2013 ; Bogart & Matsumoto, 2010 ; Calder, Keane, Cole, Campbell & Young, 2000). Cependant, cette capacité n’est pas complètement absente, et le déficit est relativement léger en tout cas chez les adultes. Il n’est pas exclu que chez ces patientsla perception des expressions faciales ait suivi une trajectoire développementale atypique, ou que l’absence de déficit comportemental soit accompagnée de particularités identifiables en neuroimagerie. A notre connaissance, aucune étude n’a traité de la perception des visages émotionnels chez les patientsMoebius jeunes, ou en neuroimagerie chez les patientsadultes.

Enfin, la question de la valence affective des expressions faciales pour les nourrissons

est peu abordée dans les études présentées par cette revue. Cela pose particulièrement

problème pour l’expression faciale neutre, souvent employée comme contrôle alors que leur

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valeur affective n’est pas évidente : ces expressions sont-elles plus négatives que neutres ? Plusieurs méthodes permettent d’évaluer la composante d’activation physiologique (arousal) de la charge émotionnelle des stimuli chez les nourrissons, par exemple les mesures de pupillométrie (Geangu et al. 2011 ; Partala&Surraka 2002) ou de mesure du rythme cardiaque (Leppänen et al. 2010, Peltola et al. 2011). En revanche, seules les mesures d’activité différentielle inter-hémisphérique en NIRS (Nakato et al. 2011) ou en EEG (Ahern &

Schwartz, 1985 ; Canli, 1999) ont été utilisées pour inférer la valence émotionnelle des stimuli présentés, d’une manière assez peu spécifique. La méthode de déshabituation n’a pas permis de mettre en évidence de catégories regroupant les émotions positives d’une part et négatives d’autres part chez les nourrissons de 7 mois (Ludemann, 1991). A notre connaissance, aucune étude n’utilise de mesures EMG de l’activité du muscle corrugateur du sourcil et/ou du zygomatique majeur pour mesurer indirectement la valence des expressions faciales émotionnelles chez le nourrisson.

En conclusion, après avoir discuté de questions et de problèmes méthodologiques et

théoriques soulevés par l’ensemble de ces études sur le développement précoce de la

discrimination des expressions faciales émotionnelles, cette revue montre clairement que cette

capacité émerge progressivement. Ainsi, probablement dès la naissance (et sûrement lors des

premiers mois), les nourrissons présentent une capacité à percevoir des changements

d’expression faciale ainsi qu’une attirance pour les visages joyeux. Après les premiers mois

de vie, ils sont capables de distinguer les visages joyeux d’autres expressions faciales. Enfin,

c’est à partir de 6 à 7 mois que les nourrissons sont attirés par les visages de peur et qu’ils

deviennent capables de distinguer entre elles les expressions autres que le sourire.

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