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Quelques exemples de l'intervention du Collège royal de médecine de Nancy dans la réglementation de l'exercice de la pharmacie en Lorraine ducale puis française, de 1752 à 1793.

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Quelques exemples de l’intervention du Collège royal de médecine de Nancy dans la réglementation de l’exercice de la pharmacie

en Lorraine ducale puis française, de 1752 à 1793 Pierre Labrude

professeur honoraire de l’université de Lorraine,

membre associé du centre régional universitaire lorrain d’histoire EA 3945, vice-président de l’association des amis du musée de la faculté de médecine de Nancy,

membre de l’académie internationale d’histoire de la pharmacie.

(pierre.labrude@orange.fr)

Tout au long de son règne sur la Lorraine (1737-1766), le duc-roi Stanislas est très attentif à la santé de ses sujets, ce que montre bien la création de fondations charitables comme les Missions royales des jésuites et l’hôpital des Frères de Saint-Jean de Dieu. C’est également ce qu’il exprime avec netteté dans le préambule des lettres patentes portant établissement à Nancy d’un Collège royal de médecine, encore dit des médecins, qu’il donne à Lunéville le 15 mai 1752 et auxquelles il fait joindre les règlements et statuts de l’établissement. Si le souverain crée cette institution, c’est sans doute pour plusieurs raisons, dont celle qui est énoncée ci-dessus, mais, parmi les autres, toutes ne sont pas écrites ou évidentes. L’une d’entre elles est que Stanislas souhaite accroître le lustre de la principale ville de ses Etats.

L’essor que Nancy connaît justifierait aux yeux de certains personnages importants de la Cour le transfèrement dans la cité de l’université, en particulier de la faculté de médecine, qui se trouve alors dans la petite ville de Pont-à-Mousson, sur les rives de la Moselle, à environ vingt-cinq kilomètres au nord/nord-ouest de Nancy. Mais ni les professeurs, ni les jésuites, sous l’obédience desquels l’université est placée, ne sont susceptibles d’accepter ce déplacement. Or Stanislas est très attaché à ces religieux. L’université ne bougera donc pas de Pont-à-Mousson du vivant du duc-roi, et, de ce fait, il faut à ces personnalités se tourner vers autre chose.

C’est dans ces conditions que vont intervenir plusieurs médecins proches du souverain : Bagard, écuyer et premier médecin ordinaire, Rönnow, écuyer et premier médecin, et Kast, ancien premier médecin de l’épouse de Stanislas, Catherine, décédée en 1747. Bagard a l’idée de faire créer à Nancy un collège qui grouperait les médecins de la cité, à l’instar de ce qui existe alors dans diverses villes du royaume de France comme Lyon, Bordeaux, Marseille ou Rouen. Une telle institution permettrait de réglementer ou du moins de contrôler ce qui se passe en Lorraine ducale dans le domaine de la médecine et des activités qui s’y rattachent : la chirurgie et la pharmacie en particulier. De nombreuses missions pourraient aussi être confiées à un tel collège dont la présence à Nancy accroîtrait la notoriété. Il n’est pas inutile de savoir que Bagard nourrit un très ancien contentieux à l’encontre de la faculté de médecine de Pont et qu’il ne serait pas mécontent de son abaissement, ce que confirmeront d’ailleurs les statuts du collège royal. Bagard (figure 1), Rönnow, Kast, d’autres peut-être aussi, parviennent à décider Stanislas à créer un tel établissement et à lever les réticences du chancelier de Lorraine, Antoine-Martin de La Galaizière, qui est « l’agent du roi de France », qui est favorable à la faculté et qui ne manque pas de constater que les statuts projetés pour le collège empiètent sur les prérogatives de celle-ci! 1,2,3.

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Figure 1 : Charles Bagard. Musée de la Faculté de médecine de Nancy.

Le Collège royal de médecine va permettre d’améliorer la réputation de la médecine lorraine.

Il va tout à la fois constituer un ordre des médecins avant la lettre, une société savante de médecine, une sorte de faculté puisque ses statuts lui accordent le droit d’enseigner l’anatomie, la botanique et la chimie et de participer tant aux concours d’agrégation de la faculté de médecine qu’aux examens des apothicaires et des chirurgiens, mais aussi un organisme administratif par le contrôle du recrutement des médecins stipendiés et la délivrance de l’autorisation de pratiquer certaines interventions comme l’ablation du cristallin dans la cataracte, et encore un dispensaire par ses consultations des pauvres des campagnes, une inspection de la pharmacie, des drogueries et des hôpitaux, etc. On peut estimer que, dans le domaine de la santé, sous l’autorité de son président soutenu par le duc-roi, il autorise ou interdit et réglemente tout ou presque…

Ce que précisent les statuts du Collège en matière de pharmacie

Les statuts 4 comportent cinquante-trois articles (I à LIII) parmi lesquels plusieurs réglementent ou évoquent la pharmacie et la droguerie. L’article L prévoit la « visite des pharmacies, des apothicaires et des hôpitaux et maisons de charité, de même que celle des boutiques des marchands droguistes de la ville » (Nancy) tous les six mois par le président et l’un des conseillers du collège. Ces visites doivent être « convenues et concertées avec le lieutenant général de police » et « faites conformément aux ordonnances et arrêts et règlements ». L’article LI est relatif à l’autorisation « de vendre, débiter, (…) » accordée aux

« charlatans, opérateurs et empiriques » à propos de leurs médicaments et compositions. Le suivant, LII, a trait à la nomination de deux agrégés qui « devront assister aux examens et chefs d’œuvres (…) des aspirants (…) en pharmacie (…) ». Ce texte ne précise pas s’ils donnent ou non leur avis et interviennent dans les décisions, mais c’est un point qui va occasionner des discussions. Cependant de telles difficultés existaient déjà avant la création du collège, en raison de la présence de plusieurs médecins dans le jury d’examen. Par ailleurs, à partir de 1764, le collège organise l’épreuve des « Conclusions de pharmacie et de chymie » prévue par les nouveaux statuts de la communauté des apothicaires de Nancy 5.

Enfin l’article LIII impose aux apothicaires de « se conformer au dispensaire approuvé par la ville de Paris » et au « tarif du prix des drogues qui doivent entrer dans le dispensaire ».

Celui-ci est réalisé sous le contrôle du collège et du lieutenant général de police,

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éventuellement renouvelé annuellement pour les drogues « dont le prix varie souvent ».

« Chaque apothicaire sera tenu d’avoir chez lui un exemplaire desdits dispensaires et tarif ».

La délicate question des enseignements effectués par le collège

Il convient, avant de terminer ce point sur les statuts, d’évoquer l’article XXV qui prévoit l’organisation d’enseignements d’anatomie, de botanique et de chimie, sans qu’il soit précisé pour quel public. Or il n’y a pas d’étudiants en médecine à Nancy à ce moment, cependant que les rares élèves apothicaires sont formés par l’apprentissage, sans qu’il y ait d’enseignement théorique en dehors de celui-ci. Chacun des maîtres apothicaires assure la formation de son élève. En principe en effet, il n’y en a qu’un seul par pharmacie, d’abord parce qu’il faut lui consacrer du temps, et par ailleurs parce qu’il n’y a qu’un nombre réduit et limité de pharmacies à Nancy et qu’il convient de réguler le renouvellement des diplômés. Un projet d’union des chirurgiens et des apothicaires au collège, en date du 20 novembre 1752, prévoit que ces derniers seront invités aux cours 6. Ce projet n’a pas eu de suite, et il est de toute façon peu probable que les « invités » aient obtempéré compte tenu des rivalités qui existent.

Selon Madame Roos 7, l’organisation des enseignements n’est mise à l’ordre du jour qu’en 1753 à la demande des chirurgiens, et elle reçoit un début de réalisation avec la création d’un cours public dont Bagard se réserve l’enseignement avec l’aide d’un démonstrateur. Ceci ne concerne pas les apothicaires. Le cours de botanique est attribué à Marquet et à Sirejean en 1756, mais le premier est exclu du collège peu après. Sirejean est remplacé par Buc’hoz en 1767. Celui-ci était déjà démonstrateur, et cette charge est ultérieurement attribuée à l’apothicaire Remy Willemet 8, qui occupe aussi la fonction de démonstrateur de chimie.

L’existence d’enseignements de botanique est cependant incertaine. De l’enseignement de chimie, nous ne savons rien en dépit de l’existence successive de trois professeurs : Cupers, Félix et Harmant, auxquels un démonstrateur, Willemet, est associé en 1766. Il est peu probable que, pour ces trois disciplines, des enseignements ou beaucoup d’enseignements aient eu lieu, d’une part à l’origine par manque de candidats, tant médecins qu’apothicaires, et d’autre part, parce qu’après 1768 la faculté de médecine est à Nancy 9, et qu’elle est d’abord abritée dans les locaux du collège, place Royale. Il semble dès lors impossible d’effectuer deux enseignements différents pour un même public et au même endroit. Par ailleurs, si l’on admet que les élèves apothicaires étaient concernés par ces cours comme cela était prévu pour la chimie, il est douteux que beaucoup de médecins aient pu se montrer supérieurs aux maîtres apothicaires dans le domaine de la botanique, et ceci est encore plus vrai dans celui de la chimie, car les apothicaires sont appelés à réaliser nombre d’opérations chimiques dans leurs laboratoires, la distillation étant sans doute la plus connue, mais non la seule. Par ailleurs il est vraisemblable qu’aucun des trois médecins désignés comme professeurs de chimie n’a jamais reçu d’enseignement de cette discipline, ceci pour la simple raison qu’elle n’existait pas. Il serait intéressant de connaître à cet égard la motivation profonde du choix de Willemet. Il est donc vraisemblable que l’année 1768 est marquée pour le collège par l’abandon de ses velléités d’enseignement.

La participation du collège aux examens des élèves apothicaires

Les statuts des apothicaires de Nancy en vigueur au moment de la création du collège en 1752 ont été promulgués en 1665 par le duc Charles IV, et ceux de 1764 n’en différeront que peu

10. Les examens conduisant à la maîtrise comportent cinq épreuves. La première porte sur la pharmacie et la préparation des médicaments, la seconde, appelée « herborisation » ou

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« épreuve des (aux) herbes », a lieu soit en ville au jardin botanique soit à la campagne, à une époque de pleine végétation. Le jardin botanique n’existe pas initialement puisqu’il n’y a pas d’utilisateurs en ville. La situation change à partir de la création du collège et sa capacité à organiser un enseignement de botanique. En 1758, Stanislas crée à cet effet un jardin rue Sainte-Catherine, à l’extérieur des portes de la ville 11.

La troisième épreuve est la démonstration des drogues, c’est-à-dire la présentation au jury des drogues que le candidat a choisies et qu’il va employer dans l’épreuve suivante, la réalisation des chefs d’oeuvre qui lui sont attribués. Ceci étant acquis puisque cette épreuve a la même valeur que les précédentes et est susceptible d’échec et d’ajournement, le candidat doit réaliser et réussir successivement cinq chefs d’œuvre pour pouvoir s’installer à Nancy. Il s’agit généralement d’un électuaire solide, d’une confection liquide, d’un sirop, d’un onguent et d’un emplâtre, et les mêmes noms de formules se retrouvent fréquemment. Chaque chef d’oeuvre entraîne l’ajournement s’il n’est pas réalisé correctement. C’est ainsi qu’en août 1762 pour Remy Willemet déjà cité, ces chefs d’œuvre sont les tablettes de soufre, la confection de Hamech, le sirop de chicorée composé, l’onguent modificatif d’ache et l’emplâtre de Vigo composé 12. Ceci signifie que la liste des épreuves est longue et que la durée de celles-ci peut l’être également, surtout lorsqu’un jury n’a pas très envie de recevoir le candidat. C’est ce qui arrive à Willemet, qui fait pendant un certain temps les frais de l’exercice pharmaceutique illicite de son oncle jésuite à l’intérieur de la pharmacie que possèdent ces religieux dans leur noviciat de Nancy 13.

L’institution exerce une tutelle sur le déroulement des examens dont elle fixe les horaires et règle éventuellement les litiges. Le candidat lui adresse une « supplique » telle ci-après le 22 mai 1755 : « Supplique de Charles Loyal, pharmacien, demandant à subir les examens et chefs d’œuvre pour être nommé apothicaire ». On notera avec intérêt l’emploi simultané des mots pharmacien et apothicaire. Lorsque Willemet veut se faire recevoir maître, avec son conducteur Pierson, c’est-à-dire son maître de stage, il adresse au président et aux conseillers du collège une telle supplique leur demandant de désigner les deux agrégés qui participeront au jury, d’assister à « cette examination » et de « donner en conséquence son jour » 14. Le collège répond aussitôt qu’il a désigné son président Bagard et le conseiller Platel et « a pris jour à jeudi prochain ». Les deux agrégés assistent à chaque épreuve de la maîtrise. Lorsque les aspirants rencontrent des difficultés pour passer leurs examens, c’est aussi au collège qu’ils s’adressent. C’est le cas de Rezal (ou Regal) qui a effectué son apprentissage à Nancy chez Grillot, maître très réputé, que tout le monde croyait apothicaire alors qu’il est chirurgien…, et qui, de ce fait, ne peut lui fournir de certificat d’apprentissage. Rezal expose sa situation au collège et sollicite l’autorisation de subir les épreuves en vue de s’établir à Plombières 15. Enfin, les délégués du collège assistent aux actes de réception des nouveaux maîtres et à la prestation de leur serment devant le lieutenant général de police de Nancy. Ils apposent ensuite leur signature sur les lettres de maîtrise aux côtés de celles des membres de la communauté des apothicaires. Ainsi en est-il par exemple pour Humbert le 12 octobre 1768 où les deux médecins présents sont Bagard et Desvillers 16.

Cette sorte de police, quoique de pratique universelle, crée bien sûr des tensions avec les maîtres apothicaires, et ils cherchent naturellement à la restreindre et même à s’y soustraire.

C’est ainsi que des incidents déclenchés par l’apothicaire Beaulieu ont lieu le 28 mai 1764 dans la boutique de son confrère Pierson à propos de questions de préséance et de l’autorisation qu’ont ou non les médecins d’interroger le candidat, à l’occasion des examens de l’aspirant Bastien, après que les « députés du Conseil du Collège royal » ont dû attendre les maîtres apothicaires pendant trois quarts d’heure... 17. Il faut bien reconnaître que Beaulieu est

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un curieux apothicaire et qu’il n’est pas avare de la création d’incidents. Alors qu’il est le doyen de la communauté, il demande 18 à partager sa place d’apothicaire avec un associé qui

« tiendrait la boutique » de pharmacie pendant qu’il irait visiter les malades ! 19. La réponse des maîtres apothicaires au collège, qui a sollicité leur avis, est bien sûr négative 20.

Le collège intervient également à propos de l’exercice des veuves de maîtres qui peuvent tenir boutique à condition que celle-ci soit gérée par un compagnon compétent, c’est-à-dire qui a terminé ses études et qui a été approuvé par le collège et par la communauté des apothicaires.

C’est le cas rue Saint-Dizier à Nancy pour Monique Harmant, la veuve de Jean-Claude Virion décédé en 1761. Monsieur de La Galaizière, l’intendant de Lorraine et Barrois, le fils de l’ancien chancelier, s’entretient de cette situation avec le président du collège car il voudrait que Madame Virion travaille en collaboration avec les apothicaires voisins21. Il en sera question plus loin.

Les « conclusions de pharmacie et de chymie »

Cette épreuve terminale, qui est particulière à l’installation des maîtres apothicaires en ville de Nancy, puisqu’en effet, elle n’est pas nécessaire aux aspirants qui ne désirent pas s’y installer, est prévue par les « Règlemens et statuts des maîtres apothicaires de Nancy » signés par Stanislas le 9 avril 1764 22. Elle existe à Metz, en Lorraine française, depuis longtemps, et sans doute ailleurs en France, mais ses conditions ne sont pas nécessairement similaires à celles de Nancy. Cet examen d’un genre particulier fait l’objet de l’article 34 de ce règlement de 1764 et me semble important au plan historique car il est en quelque sorte l’ancêtre des

« questions posées par le jury » des anciennes thèses de doctorat d’Etat, et aussi mais différemment, de l’actuelle thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie. A l’issue de ses examens de maîtrise, l’aspirant se présente au président du collège qui lui soumet quatre questions, de pharmacie et de chimie, dont il doit exposer ses réponses dans le délai d’un mois sous la forme d’une soutenance publique devant les membres du collège et de la communauté des apothicaires. Le texte des réponses est approuvé par le président du collège. Il donne lieu à l’impression de documents qui sont placardés pour annoncer la présentation de celles-ci devant le jury. L’épreuve se passe dans la grande salle dont le collège dispose dans ses locaux de la place Royale.

Le nombre des apothicaires de Nancy étant faible, et donc également celui de leurs élèves, il n’est pas étonnant que nous ne connaissions que peu de « Conclusions », d’autant que la période d’application de ce texte est peut-être courte, même pas deux années, d’avril 1764 à la mort de Stanislas en février 1766 où la Lorraine ducale devient française, après quoi nous pouvons penser que la règlementation française s’applique et que la nécessité des conclusions disparaît. En effet, seulement trois documents nous sont actuellement connus : les conclusions de Joseph Pierson fils soutenues publiquement le 7 septembre 1765 à trois heures de l’après- midi, celles de Pierre-François Nicolas, le 31 décembre 1768 à deux heures, et celles de François Mandel, le 31 août 1771 à trois heures. Les « Conclusions » de Pierson et de Mandel ont fait l’objet d’une publication 23. Celles de Nicolas (figure 2) n’étaient pas connues au moment de sa parution. Je les ai trouvées à la bibliothèque publique de Nancy dans un ouvrage portant sur le vie de Pierre-François Nicolas24.

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Figure 2 : les « conclusions de pharmacie » de Pierre-François Nicolas. Collection P. Labrude.

Plus de deux siècles après leur proposition, certaines de ces questions n’ont rien perdu de leur intérêt ou de leur actualité comme on peut l’observer à leur intitulé : « La Chimie est-elle d’une grande utilité dans la Médecine ? », qui est la seconde question posée à Nicolas, ou

« Quelles doivent être les conditions essentielles qui caractérisent un savant pharmacien, qui aspire à la confiance publique, avec une réputation soutenue ? », question posée à Mandel. Le jour de sa soutenance, Mandel est déjà « admis au nombre des Apotiquaires de Nancy » comme cela est indiqué dans l’affiche, ayant reçu ses lettres de maîtrise le 24 août, soit depuis une semaine. Comme l’ont écrit mes confrères Julien et Martin, la soutenance est-elle alors devenue une simple marque de courtoisie vis-à-vis du collège ou un plaisir scientifique ? A moins que ce ne soit les deux, ce qui ne serait pas étonnant de la part de Mandel.

L’inspection des pharmacies et des drogueries

L’article L des statuts du collège prévoit que le président et l’un des conseillers effectueront tous les six mois les visites des pharmacies, des apothicaireries et des boutiques des marchands droguistes de Nancy. Les pharmacies sont inspectées en premier dès le 28 septembre 1752 tant à Nancy que dans les « campagnes » comme le prouve la visite effectuée à la pharmacie Cordier de Commercy le 9 décembre 25. Cette première série d’inspections s’achève le 16 janvier 1753, et les pharmacies se révèlent dans l’ensemble correctement tenues et convenablement fournies. Il n’en est pas de même de celles des hôpitaux et des maisons de charité, contrôlées quelques jours plus tard. Elles ne disposent pas forcément des services d’un apothicaire, et ceci peut expliquer cela. La responsable est le plus souvent une sœur, la « sœur pharmacienne », qui n’est généralement pas correctement formée, qui s’y intéresse plus ou moins et qui a souvent autre chose à faire… Le constat du mauvais état de certaines de ces apothicaireries aboutit le 5 mars 1753 à la décision du collège de visiter ces pharmacies fréquemment, et certaines deux fois par mois 26. Au vu des résultats obtenus à Nancy, les inspections sont étendues aux autres villes des duchés comme Commercy déjà citée, Epinal le 20 mars 1753 où dans l’ensemble la situation n’est pas très satisfaisante, tant à l’hôpital que chez deux des trois apothicaires de la ville, pour ne pas dire les trois27, ou encore Vézelise le 17 juillet 1753 28, une bourgade alors assez importante où existe un catalogue de ce que les apothicaires doivent détenir (figure 3).

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Figure 3 : le frontispice maladroitement écrit du catalogue de Vézelise.

Musée de la Faculté de médecine de Nancy.

Ces inspections se poursuivent jusqu’à la Révolution ainsi qu’en témoigne par exemple le compte rendu de la visite faite à Dieuze le 3 mai 1788. La commission d’inspection se rend successivement chez l’apothicaire Beaupré, puis chez le marchand droguiste Vautier où tout est trouvé dans un ordre parfait. Elle visite ensuite la demoiselle Patot, droguiste elle aussi, qui est en infraction car elle vend des drogues composées dont, au surplus, la plus grande partie est mal préparée ou gâtée… Les inspecteurs se présentent enfin à l’hôpital Saint- Jacques où la situation est très satisfaisante 29.

Les événements qui se produisent dans la cité peuvent conduire le collège à réaliser en urgence des inspections et à prendre des décisions de réglementation. C’est le cas à l’occasion d’un accident causé par une erreur de délivrance faite par un droguiste de Nancy en 1787 30,31. La confusion entre du sel de Sedlitz (sulfate de magnésium employé comme purgatif) qu’il aurait dû délivrer, et du nitre (nitrate de potassium, diurétique et toxique à forte dose) qu’il a fourni, a entraîné en quelques heures la mort de la personne qui l’a absorbé. La famille s’était sans doute adressée à une droguerie par habitude et par économie. Toujours est-il que le collège organise rapidement une campagne d’inspection des pharmacies, des apothicaireries et des drogueries, en association avec la communauté des apothicaires, afin de contrôler la situation des drogues et des produits chimiques. Si les apothicaires sont dans l’ensemble en règle, le nombre important de manquements aux règlements, constaté dans les apothicaireries hospitalières et chez les droguistes, entraîne l’édition quelques jours plus tard d’un nouveau règlement relatif aux produits chimiques que les droguistes peuvent détenir, avec leurs conditions restrictives de conservation et de dispensation. Les produits chimiques et les drogues sont présentés dans trois listes : « les drogues dont la préparation se fait en grand dans les manufactures et qui servent dans les arts et métiers », soit vingt-six produits, les « drogues à enfermer sous clef », au nombre de sept, et les produits à « séparer des comestibles, enfermés pour ne pas communiquer avec d’autres » et qui groupent trente-cinq produits chimiques et drogues végétales. Un « Arrêt de la Cour du Parlement » homologue une ordonnance rendue par le lieutenant général de police de Nancy, portant renouvellement des édits, ordonnances et règlements pour le commerce des drogues, avec affichage obligatoire dans les lieux concernés 32 (figure 4).

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Figure 4 : l’arrêt de 1787. Musée de la Faculté de médecine de Nancy.

La dispensation des remèdes

A l’époque du collège, les drogues et les médicaments ne sont pas détenus et délivrés que par les apothicaires. La situation est compliquée en raison de l’exercice licite des droguistes, épiciers et merciers, et des chirurgiens, sans oublier les exercices illicites… Les apothicaires ont le monopole de ce qui est toxique et vénéneux qu’ils inscrivent sur un registre, mais les chirurgiens disposent de médicaments composés d’usage externe, et souvent aussi d’usage interne bien qu’en principe ils ne doivent traiter que les pathologies externes et des suites des interventions qu’ils ont effectuées, cependant que les droguistes et les épiciers et merciers débitent des drogues simples et des produits chimiques, y compris toxiques, pour lesquels ils doivent, comme les apothicaires, enregistrer les noms des acheteurs. Il a été question ci- dessus des risques encourus lorsqu’une attention constante n’est pas prêtée à cette question.

En ce domaine, le collège royal intervient de plusieurs façons. Il délivre des autorisations de commercialisation : le détenteur du remède et de sa composition doit lui adresser une demande qui conduit à la nomination d’une commission chargée de l’examiner et de rédiger un rapport. Ceci étant fait, le collège rend sa décision, positive ou non. Citons à ce propos la demande déposée en septembre 1752 par Chiavane en vue de débiter dans un théâtre de l’orviétan ainsi qu’un baume de sa composition, ce que le collège refuse33. Il convient de préciser que le simple nom d’orviétan doit créer des soupçons de contrefaçon ! Il faut mentionner aussi la demande d’autorisation déposée en juin 1758 par de Lonnay (ou Lonnoy) pour sa liqueur appelée « esprit de vie sans pareille » 34. De son côté, le 23 avril 1759, le sieur Pierson, apothicaire à Nancy, dépose une demande pour sa « Ptisane contre vers &

purgative », et l’autorisation lui est accordée dès le 28, avec mention des conditions de préparation et de dispensation, ainsi que la fixation de son prix de vente. La demande et la décision font l’objet d’un placard avec la mention « Vu, Permis d’imprimer, afficher &

délivrer » avec la date 35. Ce document constitue en quelque sorte l’« ancêtre » du dossier d’autorisation de mise sur le marché (figure 5).

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Figure 5 : la supplique de Pierson et l’autorisation qui lui est donnée de délivrer sa tisane.

Collection P. Labrude.

Un brevet d’octobre 1763 autorise Pierre Alexandre, bourgeois de Nancy, à employer son

« baume pour les humeurs froides » 36. Lonnay et Alexandre ne sont pas apothicaires, mais ces autorisations sont classiques et fréquentes, ce qui crée évidemment des difficultés avec les apothicaires et met l’administration en porte-à-faux lorsque des accidents surviennent. Le collège peut aussi autoriser les maisons religieuses à débiter des médicaments. C’est ainsi qu’en 1764 les sœurs de la Congrégation Notre-Dame reçoivent la permission de vendre une

« eau merveilleuse très utile au soulagement du public dans toutes les maladies » et une « eau pour guérir les plaies, les fractures et soulager les rhumatismes » 37. Bagard a « vu, examiné et goûté cette eau » dont la composition doit être communiquée. Par contre le collège interdit en 1771 la distribution du remède du sieur Toscano (ou Tofeano) censé guérir le cancer, sans doute en raison de la causticité de sa préparation 38. Rappelons cependant que les caustiques font partie du traitement classique du cancer qu’on cherche à détruire par ce moyen, avant une exérèse des tissus mortifiés. L’institution doit aussi se défendre contre les fausses attestations prétendûment issues d’elle ainsi qu’en témoigne l’approbation de Bagard en juin 1758 pour une liqueur appelée « esprit de vie sans pareil » composé par le chevalier de Tonnoy et qui est distribuée chez le sieur Mesny, face à l’église Saint-Sébastien. Bagard doit démentir cette approbation39.

Ces « approbations, brevets et permissions » constituent en réalité des autorisations d’exercice illicite de la pharmacie, voire de la médecine, accordées à des particuliers par l’institution chargée dans les duchés de la police de la médecine au sens large... Il est compréhensible que les apothicaires s’y opposent de temps à autre. Le cas des boules d’acier vulnéraires (figure 6), médicament spécifique à Nancy par la présence des espèces végétales vulnéraires, est exemplaire à cet égard, car de nombreux particuliers disposent d’une autorisation de fabrication et de vente, en cours de validité, périmée, voire fausse, et font ainsi officiellement concurrence aux apothicaires 40. Pour s’en prémunir, eux-mêmes demandent des autorisations, ainsi que le fait Jean-Claude Virion le 22 août 1753. C’est un comble pour un apothicaire de demander aux pouvoirs publics l’autorisation de vendre un médicament bien connu…

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Figure 6 : une boule d’acier vulnéraire. Collection et photographie P. Labrude.

De plus, il y a quelquefois confusion des rôles, le collège pouvant être « doublé » par d’autres autorités. En effet, la police sanitaire dépend du lieutenant général de police de Nancy, mais aussi du ou des médecin(s) du duc, qui sont en quelque sorte les ministres de la santé, comme dans le royaume de France. C’est ainsi que « l’onguent Durup, appellé « Don de Dieu » (figure 7) composé par le sieur Durup, bourgeois de Lunéville (…) guérit toutes sortes de playes (…) » a normalement été autorisé par le lieutenant général de police avec l’approbation des médecins en février 1750, le collège n’existant pas à ce moment 41.

Figure 7 : la permission de distribution accordée à l’onguent « Don de Dieu ».

Collection P. Labrude.

Continuant dans la même voie, Bagard, bien que président du collège, agit quelquefois en dehors de lui : le 3 janvier 1760, il accorde à Goeury, dit « le Tondeur », en tant que

« conseiller et premier médecin ordinaire de Sa Majesté (…) et médecin stipendié de la ville de Nancy », un brevet pour la vente de sa « spécialité », la « Boule vulnéraire noire », une variété de boule d’acier vulnéraire de Nancy 42.

Le collège intervient aussi dans la dispensation des remèdes par le biais de la rédaction du

« Catalogue et Tarif des Médicamens Simples & Composés qui doivent se trouver chez les Apoticaires de Nancy… », qui est l’une des premières tâches auxquelles il s’est livré dès sa création. Le nouveau tarif est imprimé en exécution d’un arrêt de la Cour souveraine de Lorraine daté du 29 mai 1752, soit deux semaines seulement après la création du collège. Le

« catalogue et tarif » a été publié par Tétau dans sa thèse 43. Les médicaments et compositions doivent être préparés selon le Codex de la Faculté de médecine de Paris, en l’absence d’une pharmacopée locale 44,45.

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L’institution veille à la qualité des médicaments dispensés par les apothicaires, ceci en relation avec les inspections qui sont effectuées et la rédaction du Catalogue et Tarif des Médicamens... La préparation publique de certains médicaments, sous les yeux des médecins, en général des formules coûteuses et compliquées, est assez courante. Elle est classique pour la thériaque et elle constitue une sorte de cérémonie. La thériaque est préparée pour toute la communauté des apothicaires pour une période donnée et, à la suite de sa confection, elle est soumise à vieillissement puis distribuée par fraction à chacun des maître apothicaires.

Madame Eber signale la préparation publique de kermès et de tartre émétique 46. Elle indique la présentation publique, le 2 septembre 1760 dans la grande salle du collège, des drogues qui entrent dans la composition de « l’eau générale » selon la formule de la pharmacopée de Paris.

Cette cérémonie fait l’objet d’un placard imprimé chez Antoine à cette occasion :

« Dispensation des drogues qui entrent dans la composition de l’eau générale selon la Pharmacopée de la Faculté de Médecine de Paris qui sera présentée et exposée en public dans la grande salle du Collège Royal des Médecins de Nancy le 2 septembre 1760 par le sieur… ». Interviennent ainsi Pierson, apothicaire stipendié de la ville, et Sirejean, agrégé du collège et son professeur de botanique, qui prononce le discours sur les vertus, les propriétés et les usages de cette eau 47. Ainsi avait déjà été fait le 5 décembre 1746 à l’hôtel de ville.

C’était le premier jour de la dispensation publique de la thériaque, effectuée par la sieur Beaulieu, doyen des maîtres apothicaires et apothicaire stipendié de la ville, en présence de

« Messieurs du Magistrat ». Le sieur Sirejean, « médecin ordinaire du Roi de Pologne », avait prononcé un « Discours sur la thériaque » qui avait fait l’objet d’un fascicule de vingt-six pages, imprimé chez Antoine, imprimeur de l’hôtel de ville, en novembre de cette année 48. Le collège se charge encore du contrôle de la dispensation des eaux minérales. A cette époque, elles sont considérées comme des remèdes, et le collège estime que « le service public exige que cette branche de commerce reste entre les mains des apothicaires, sur l’inspection des médecins ». Trois apothicaires de Nancy se partagent le privilège de la distribution au début de la décennie 1760 : Beaulieu, Mandel et Virion. Ce dernier détient le privilège des eaux depuis au moins 1757 49 et il dispose chez lui d’un grand nombre d’eaux issues de la région et d’ailleurs, et dont il débite une grande quantité. Un état de la distribution et du stock des eaux est réalisé à l’été et à l’automne de cette année 1757 à la demande du collège 50. On y trouve les eaux de Bains (sans doute Bains-les-Bains), de Bussang et de Plombières (toutes trois dans l’actuel département des Vosges), de Bourbonne (en Haute- Marne), mais aussi de Vichy, de Sedlitz et de Spa, etc. Les volumes s’expriment en cruches et les quantités par centaines, voire plus, par exemple 1561 cruches pour l’eau de Bussang entre le 30 avril et le 9 juillet 1757, et un total de plus de 3400 cruches entre fin avril 1757 et début juillet de la même année. Jean-Claude Virion étant décédé le 19 octobre 1761 au retour d’un voyage en Bavière, le collège accepte que sa veuve Monique Harmant continue à exploiter un

« bureau des eaux minérales » dans les locaux de la pharmacie qu’elle tient de son défunt mari, rue Saint-Dizier à Nancy. Ceci nécessite l’aide d’un garçon compétent ainsi que le précisent les statuts dans les communautés d’apothicaires, et ceci est bien indiqué dans les lettres patentes de mai 1665. Monique Harmant est d’abord assistée de Nicolas Le Brun qui est reçu maître en octobre 1762 et qui la quitte pour s’installer, puis de Christophe Delaporte qui va devenir démonstrateur de chimie à la faculté de médecine et mourir peu après. Bagard écrit en faveur de Monique à l’intendant de La Galaizière. Dans sa réponse, ce dernier insiste pour qu’elle s’associe à ses collègues Mandel, dont la pharmacie est proche, et Dugas de Beaulieu. La présence et les fonctions du frère de Monique, Dominique-Benoît, au collège, associés à la notoriété de la famille semblent avoir joué un rôle favorable pour Monique Harmant, car cette affaire donne l’impression de ne pas avoir été plus loin ! 51

(12)

La lutte contre l’exercice illicite de la médecine, de la chirurgie et de la pharmacie

L’article LI des statuts réglemente ce sujet : « Le magistrat de la ville ne permettra aux charlatans, opérateurs et empiriques, de vendre, débiter ou exercer, qu’après avoir consulté le Président du Collège, qui en conférera avec le Conseil ». Celui-ci tient des séances destinées à accorder ou à refuser une autorisation à ces personnes, et cette intervention est très appréciée des apothicaires à qui les charlatans portent un grand préjudice par la vente de produits douteux, frelatés et à des prix qui ne respectent bien sûr pas le tarif officiel. Le collège dispose pour cette procédure d’autorisation d’un formulaire type que nous dirions aujourd’hui

« préformaté » dans lequel il suffit de renseigner différentes rubriques 52 (figure 8).

Figure 8 : le formulaire de demande de reconnaissance d’un médicament.

Collection P. Labrude.

Nombre de plaintes et de documents sur les charlatans nous sont parvenus. Dès la création de l’institution, son intervention est sollicitée. En août 1752, Maillard, médecin à Lunéville, signale un « charlatan-chirurgien » qui exerce la médecine et la pharmacie près de Baccarat, et menace la vie de ceux qui l’écoutent. Il demande au collège de « faire un coup d’éclat pour tous les autres de la province » 53. Le 11 juin 1756, Bagard écrit au chancelier de Lorraine (c’est encore Antoine-Martin, le père, jusqu’en 1758) pour lui faire part du rapport négatif du collège relatif à une demande du charlatan Grecy qui demande « non seulement de débiter mais d’appliquer des remèdes (…) et d’exercer la chirurgie » 54. Citons aussi Marie Chenix qui parcourt le pays avec deux de ses filles et un garçon chirurgien 55.

Mais il est très clair que l’essentiel des torts provient du clergé régulier qui, en dehors de ses droits d’exercice dans ses établissements, jouit d’une protection plus ou moins grande des autorités pour une activité abusive en dehors de ceux-ci : consultations médicales et préparation et vente en grand et ouvertement de médicaments. Les plaintes contre l’exercice illicite ou exagéré de la pharmacie par les jésuites et par les communautés de sœurs hospitalières dans les diverses villes des duchés sont régulières et figurent nombreuses dans les archives du collège 56. Pour leur part, les jésuites exercent essentiellement à Pont-à- Mousson où ils sont présents à l’université, et à Nancy où se trouve un noviciat (figure 9).

Leurs communautés quitteront toutefois la Lorraine après la mort de Stanislas en vertu des textes édictés par Louis XV et qui s’appliquent dans les anciens duchés.

(13)

Figure 9 : le bâtiment du noviciat des jésuites, état en 2017. Photographie P. Labrude.

Conclusion

Créé principalement de par la volonté de trois personnages, Stanislas, Rönnow et Bagard, le Collège royal de médecine de Nancy a exercé pendant quarante années une influence profonde sur l’activité médicale et pharmaceutique en Lorraine. Mal perçu à certains moments en raison des contraintes qu’il suscite dans l’exercice professionnel, il l’est bien sûr des apothicaires qui cherchent à s’affranchir de sa tutelle comme nous l’avons vu à propos des examens. Mais il est aussi ressenti positivement par eux, par exemple par la limitation de l’exercice des charlatans et opérateurs, mais aussi par la promulgation de règles se rapportant à l’activité professionnelle des marchands droguistes, ce qui conduit à valoriser la compétence et la prudence des apothicaires.

Par les « Conclusions de pharmacie et de chymie », il contribue à faire entrer les élèves apothicaires dans le milieu officiel où se dispensent les connaissances scientifiques, alors qu’ils étaient jusque-là limités à celui de l’apprentissage et de la corporation. Enfin, si la fourniture gratuite de médicaments par les apothicaires nancéiens dans le cadre de la consultation des pauvres 57 n’a pas de caractère obligatoire et a été décidée volontairement par la communauté, il est sûr qu’elle « anoblit » la profession pharmaceutique et renforce ses liens avec le corps médical, ce qui a certainement aussi pour conséquence de limiter les traditionnels conflits susceptibles de les opposer. A la réflexion, cette réglementation, ces inspections, ces autorisations diverses préfigurent beaucoup des règles de l’exercice actuel, et l’ensemble apparaît de ce fait comme d’une grande modernité.

Bibliographie et notes

1. Beau A., La fondation du Collège royal de médecine de Nancy (15 mai 1752), Revue médicale de Nancy, 1952, vol. 77, p. 189-203.

2. Roos A.-M., épouse Eber, Le Collège royal de médecine de Nancy, une fondation du Roi Stanislas (1752-1793), thèse de doctorat en médecine, Nancy, 1971, 272 p.

3. Grignon G., Le Collège royal de médecine et le transfert de la Faculté de médecine de Pont-à-Mousson à Nancy, dans : La Médecine, Encyclopédie illustrée de la Lorraine, Editions Serpenoise et Presses universitaires de Nancy, Metz et Nancy, 1993, p. 180-183.

4. Mignardot M.-H., Les attributions du Collège royal de médecine de Nancy en matière de pharmacie de 1752 à 1793, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, Nancy, 2005, n°71, 82 p. Ce document est accessible en ligne sur le site docnum.univ-lorraine.fr/

5. Prevet F., Les Statuts et règlements des apothicaires. Textes intégraux accompagnés de notes critiques, Librairie du Recueil Sirey, Paris, 1950, vol. 11, « Nancy », p. 2619-2682.

6. Beau A., La fondation..., op. cit.

(14)

7. Roos A.-M., op. cit., p. 150-158.

8. Labrude P., Un pharmacien et botaniste lorrain : Pierre Remy Willemet (1735-1807).

Mémoires de l’Académie de Stanislas, Nancy, 2004-2005, 8e série, vol. 19, p. 211-237.

9. Beau A., La Faculté de médecine de Nancy (deux siècles d’histoire), dans : Hommage de la Lorraine à la France à l’occasion du bicentenaire de leur réunion 1766-1966, Académie de Stanislas/Librairie Berger-Levrault, Nancy, 1966, p. 97-105, en particulier p. 100 et 101.

10. Prevet F., Les Statuts..., op. cit.

11. Ce jardin est l’actuel « jardin Godron », situé à l’extrémité de la rue et en face de la caserne Thiry, anciennement Quartier royal, érigé de 1764 à 1770, lui aussi « hors les murs ».

La position actuelle de la porte Sainte-Catherine laisse croire qu’il n’en est rien. En réalité, celle-ci, rebâtie en 1762, a été déplacée vers l’est en 1770 en même temps que le nouveau mur d’enceinte de la ville, afin d’englober le quartier militaire.

12. Labrude P., Un pharmacien et botaniste lorrain..., op. cit.

13. ADMM, H 1944 : procès intenté par les apothicaires contre le noviciat des jésuites de Nancy.

14. ADMM D 167-8096 : supplique de Remy Willemet en vue de subir les épreuves de la maîtrise d’apothicaire.

Ces archives du collège royal de médecine, étaient conservées au musée de la faculté de médecine de Nancy. Elle ont été transférées aux archives départementales de Meurthe-et- Moselle (ultérieurement : ADMM) en 2017. La cote indiquée, à caractère provisoire (courrier de Madame le directeur des archives à l’auteur, en date du 23 janvier 2019), comporte successivement la lettre D signifiant le dépôt de ces documents, le numéro du carton et le numéro du document lorsque l’ensemble faisait partie des collections du musée.

15. ADMM D 167-8097 : supplique de Rezal (ou Regal), de Plombières, en vue de subir les épreuves de la maîtrise d’apothicaire.

16. Tétau A.J., Les apothicaires de Nancy au XVIIIe siècle, thèse de doctorat d’université, mention pharmacie, Nancy, 1932, Editions Occitania, Toulouse, 1932, 189 p., ici p. 42-43.

17. ADMM D 167-8100 : conflit entre les agrégés du collège et les apothicaires à l’occasion des examens de Bastien, aspirant à la maîtrise.

18. ADMM D 168-8137-01 : lettre de Beaulieu à M. de La Galaizière demandant à partager son privilège d’apothicaire.

19. ADMM D 167-8103-01 : supplique de Beaulieu au lieutenant général de police de Nancy en vue de partager son titre de maître apothicaire et de visiter les malades.

20. ADMM D 167-8099 : opposition de la maîtrise des apothicaires à la requête de Beaulieu de partager son titre et de visiter les malades.

21. ADMM D 168-8141 : courrier de l’intendant de Lorraine et Barrois au président du collège, relatif aux eaux minérales et à la veuve Virion.

22. Prevet F., Les Statuts..., op. cit.

23. Julien P. et Martin J., Les « Conclusions de Pharmacie » à Nancy, à la fin du XVIIIe siècle : entre les « synthèses » et les « thèses », Revue d’histoire de la pharmacie, 1995, n°307, p. 401-407.

24. Boisard F., Notice sur la vie et les ouvrages de M. Nicolas, Caen, 1816.

25. ADMM D 168-8121 : rapport de l’inspection de la pharmacie Cordier de Commercy.

26. ADMM D 168-8126 : décision du collège d’inspecter fréquemment les apothicaireries à la suite des manquements observés dans certaines communautés religieuses.

27. Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p. 184.

28. ADMM D 168-8120 : rapport de la visite de la pharmacie et de l’hôpital de Vézelise.

29. ADMM D 168-8123 : rapport des inspections faites à Dieuze en mai 1788.

(15)

30. Laflize D., Observation sur un empoisonnement causé par une trop grande dose de nitre, avec des recherches sur l’usage interne de ce médicament, Journal littéraire de Nancy, 1787, vol. 22, p. 307-313.

31. Archives communales de Nancy, HH 31 : rapports d’expertise, rapports des visites des pharmacies et drogueries, rapports des analyses des drogues saisies, en avril et mai 1787 à la suite du décès pour erreur de délivrance d’une drogue.

32. ADMM D 154-7867 : nouvelle réglementation établie le 4 juin 1787 concernant les drogues. Valance D., Le Collège royal de médecine de Nancy et l’exercice illégal de la pharmacie, Thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, Nancy, 2008, 144 p., ici p. 97.

33. Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p. 170.

34. ADMM, 36 J 17, BB 27, folio 134 : enregistrement par le collège de la demande d’examen du remède de Charles-Antoine de Lonnay (ou Lonnoy).

35. ADMM D 153-7790 : supplique de l’apothicaire Pierson relative à sa tisane purgative et contre les vers.

36. ADMM : 15 J 6, p. 50, recto : brevet autorisant Pierre Alexandre à employer son baume contre les humeurs froides. Et : Roos A.-M., Le Collège royal... op. cit., p. 170.

37. Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p. 171.

38. ADMM D 169-8150 : compte rendu relatif au remède du sieur Toscano (ou Toscan ou Tofeano) et au refus de l’autoriser à le vendre. Et : Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p.

171.

39. Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p. 170.

40. Martin J., Les Boules d’acier vulnéraires, Boules de Nancy, Boules de Molsheim et les Boules minérales des Chartreux, Malzéville, chez l’auteur, 2e édition, 2007, 297 p., passim.

41. ADMM D 169-8155-70, -80, -90 et -100 : documents relatifs à l’onguent « Don de Dieu ».

42. Tétau A.J., op. cit., p. 99-100 (autorisation accordée par Bagard à Goeury).

43. Tétau A.J., op. cit., p. 49 (arrêt de la Cour souveraine relatif au Catalogue et tarif des médicamens...).

44. ADMM D 168-8129 : délibération du collège indiquant que les compositions doivent être conformes au dispensaire de la faculté de Paris.

45. ADMM D 168-8147 : courrier du collège concernant le tarif des drogues et la préparation des médicaments selon le Codex de Paris.

46. Roos A.-M., Le Collège royal..., op. cit., p. 178.

47. Roos A.-M., ibidem, p. 178-179.

48. Moeur C., Jean-Jacques Beaulieu (1726-1807), apothicaire à Nancy au XVIIIe siècle, thèse de diplôme d’Etat de docteur en pharmacie, Nancy, 2009, 198 p., ici p. 121-147.

49. Tétau A.J., op. cit., p. 89 (récapitulatif des eaux).

50. ADMM, D 89bis : rapport sur la consommation et le stock des eaux minérales en septembre 1757.

51. Labrude P., Les apothicaires membres de la famille Harmant, une grande famille médicale de Nancy aux XVIIe et XVIIIe siècles, en ligne sur le site Archives ouvertes, 6 décembre 2018. htpps://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01939160.

52. ADMM D 154-7858 : imprimé type d’approbation d’un médicament par le collège.

53. ADMM D 167-8118 : plainte contre un « charlatan-chirurgien » établi à Baccarat.

54. ADMM D 168-8133 : rapport du collège concernant les requêtes du sieur Grecy.

55. ADMM D 167-8113 : mémoire contre la « charlatane » Marie Chenix.

56. Labrude P., Le Collège royal de médecine de Nancy, les apothicaires et l’exercice illicite de la pharmacie en Lorraine par les membres du Clergé pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, Revue d’histoire de la pharmacie, 2009, n°364, p. 417-430.

(16)

57. Labrude P. et Meunier M., La participation de la communauté des apothicaires de Nancy à la consultation des pauvres malades des campagnes, organisée par le Collège royal de médecine, de 1764 à 1793, Revue d’histoire de la pharmacie, 2008, n°360, p. 401-414.

Résumé

Créé en 1752, le Collège royal de médecine de Nancy constitue une institution dotée de pouvoirs étendus, parmi lesquels ceux de la police de l’exercice de la pharmacie. Plusieurs articles de ses statuts y sont explicitement consacrés. Après avoir envisagé ces textes et indiqué ce qui semble s’être passé à propos de la délicate question des enseignements que le collège s’attribue le droit d’effectuer, cette publication expose sa participation aux examens des élèves apothicaires et à la soutenance des « Conclusions de pharmacie et de chymie », à l’inspection des pharmacies, apothicaireries et drogueries, à la dispensation des drogues et médicaments, et à la lutte contre la charlatanerie et l’exercice illicite de la pharmacie. De sa création grâce à la volonté de quelques médecins proches de Stanislas, jusqu’à sa dissolution imposée par le gouvernement en 1793, le Collège royal de médecine de Nancy a beaucoup et remarquablement œuvré, et la réglementation qu’il a mise en œuvre pendant les quarante années de son existence apparaît d’une grande modernité.

Summary

Created in 1752 the Royal College of Medicine constituted an institution with extended powers, particularly in sanitary policy. After having explained the rules of the college and the sensible question of the teaching delivered by its professors, the paper describes with examples its participation to pharmaceutical activity: the examinations of pharmacy pupils and their sustaining of « Conclusions de pharmacie et de chymie », the delivery of drugs and the fight against charlatanry and prohibited activity of pharmacy. From its creating to its disparition in 1793 by order of the government, the Royal College of Medicine worked remarkably, and the rules worked up during the forty years of its life appear to be of a great modernity.

Mots clés

Nancy, Lorraine, XVIIIe siècle, collège royal de médecine, exercice de la pharmacie, inspection des apothicaireries et drogueries, eaux minérales, charlatans.

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