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L'état et la modernisation des terres collectives Bouderbala N. in

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Rubino R. (ed.), Morand-Fehr P. (ed.).

Systems of sheep and goat production: Organization of husbandry and role of extension services

Zaragoza : CIHEAM

Options Méditerranéennes : Série A. Séminaires Méditerranéens; n. 38 1999

pages 339-344

Article available on lin e / Article dispon ible en lign e à l’adresse :

--- http://om.ciheam.org/article.php?ID PD F=99600175

--- To cite th is article / Pou r citer cet article

--- Bouderbala N. L' état et la modern isation des terres collectives. In : Rubino R. (ed.), Morand-Fehr P.

(ed.). Systems of sheep and goat production: Organization of husbandry and role of extension services . Zaragoza : CIHEAM, 1999. p. 339-344 (Options Méditerranéennes : Série A. Séminaires Méditerranéens; n. 38)

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http://www.ciheam.org/

http://om.ciheam.org/

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L'état et la modernisation des terres collectives

N. Bouderbala Juriste

RESUME

-

Les terres collectives sont en net recul dans toutes les sociétés. Pourtant elles sont encore

représentées comme un obstacle à l'intégration nationale et au développement économique. L'auteur montre à l'aide de deux exemples, le Maroc et la Mauritanie, quelles mesures ont pu être prises par des états

indépendants pour faire reculer ce témoin d'un passé rétrograde. La critique économique du statut des terres collectives est relativement récente (1980-90), elle a accompagné la mise en œuvre des programmes

d'ajustement structurel, le désengagement de M a t et la libre compétition entre les unités de production. Sur le plan foncier, cela s'est traduit par une amélioration de la sécurité de la propriété, la stabilité des tenures, un

marché foncier plus actif, une taille des exploitations supérieure. En réalité, il semble dangereux de jeter sans

protection les terres collectives dans le marché foncier libre parce que ce sont des réserves foncières permettant aux paysans de se maintenir et qu'elles évitent des conséquences fâcheuses urbanisation poussée, chômage,

exode rural. En outre, la relation entre la taille de l'exploitation et le rendement est négative. La sécurité foncière a un effet faible sur l'investissement et négatif sur les rendements. Cette communication n'a pas l'intention de

nier I'évolution actuelle mais d'avoir une vue objective sur les avantages et les défauts des différents systèmes, et surtout chercher des périodes de transition suffisamment longues pour éviter des ruptures des liens sociaux aux conséquences politiques imprévisibles.

Mots-clés : Terres collectives, Maroc, Mauritanie.

SUMMARY

-

"The sfafe and the modernizafion of common lands". Common lands are in decline in all societies.

These lands are still seen as an obsfacle fo nafional integration and to economic development. The author uses two examples, Morocco and Mauritania, to show the measures independenf states could have adopfed in order to make fhis evidence of a retrograde past disappear. The economic criticism of the sfate of common lands is relatively recent (1980-90) and it was presenf in the implementation of structural adjusfmenf programmes, the disengagement of the sfafe and fhe free competifion between producfion unifs. As regards the land, fhis is translated into an improvement of property security, tenure sfability, a more active land market, and bigger farms.

In reality, it is dangerous to leave common lands wifhout profecfion in a free land market since these lands are

reserves for farmers to stay and avoid detrimental consequences, such as urbanization pressure, unemploymenf, and rural exodus. Besides, fhere is a negative relation between farm size and yield. Land security has a weak

effect on invesfmenf and a negative effect on yield. If is not the intenfion of fhis paper fo deny the current evolution but to provide an objecfive viewpoinf on fhe advanfages and disadvantages of fhe different systems and, above all, to fry to look for suficienfly-long fransifional periods so as fo avoid the breakdown of social relationships, wifh unpredictable political consequences.

Key words: Common lands, Morocco, Mauritania.

Nous aurons un point de départ : toutes les sociétés que nous avons pu observe? ont connu, à un moment ou à un autre, des formes collectives, infra étatiques, plus ou moins autonomes d'organisation de leur espace. Presque toutes, à l'exception de Ha'iti, gardent encore à l'heure actuelle des traces plus ou moins importantes de ces formes. Toutes sont engagées dans des

processus de modernisation de leurs systèmes fonciers et donc de leurs terres collectives.

Les modernisations du foncier empruntent des voies multiples. Nous en retiendrons deux : (i) La modernisation politique, qui intervient à l'occasion de I'édification des Etats-nation post coloniaux, comme force d'intégration des différentes composantes de la population.

(i¡) La modernisation économique, qui consiste à réunir les conditions foncières du développement économique : sécurité et mobilité de la propriété pour favoriser l'investissement et l'intégration au marché.

'Comme consultant socio-juriste sur les régimes fonciers : Maroc, Mauritanie, Guinée, Rwanda, Burundi, Laos, Haïti

.

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Dans toutes les sociétés observées les terres collectives sont en net recul, à la fois du fait de la politique des états contre les particularismes et des conséquences de l'intégration au marché.

Pourtant, malgré cette évolution qui semble, à terme, irrésistible les terres collectives sont toujours présentées comme un dangereux obstacle à l'intégration nationale et au développement économique.

Nous essaierons de comprendre pourquoi.

Les terres collectives, obstacle a la modernisation politique

La consolidation des états post-coloniaux s'est accompagnée d'une volonté quasi générale de moderniser la gestion politique. Les mouvements nationaux, dans cette première période des années 60-70, affirment alors leur option pour un état assurant l'intégration nationale contre les

particularismes que l'on désignait sous les vocables de tribalisme primitif ou dans les cas des grandes chefferies, de féodalisme. L'idéal politique oppose alors la centralisation étatique à la balkanisation la loi nationale à la coutume locale, la gestion écrite à la gestion orale. L'état indépendant a l'ambition de recenser les personnes (état civil) et les biens (immatriculation). II cherche à organiser le territoire (trame des circonscriptions administratives), à limiter le mouvement des populations (hostilité au nomadisme), à prélever l'impôt et à créer les instruments d'une gestion planifiée de la société. Plus généralement, il se propose de faire émerger une société d'individus citoyens, égaux devant la même loi pour tous, ne relevant directement que de I'état central parce qu'ils sont libérés de l'emprise des corps intermédiaires (tribus, chefferies). Ce projet national renforce sa légitimité en rappelant que la gestion coloniale a, pour s'opposer au mouvement pour l'indépendance, encouragé I'ethnicité, le tribalisme, les chefferies, la coutume.

n'est pas étonnant, dès lors, que les terres collectives, expression, s'il en est, des particularismes locaux, aient pu être présentées comme un obstacle au progrès politique et que des mesures aient été prises par les états indépendants pour faire reculer ce témoin d'un passé rétrograde.

Le cas du Maroc

Le Maroc connait, depuis de nombreux siècles, un pouvoir central s'exerçant sur un territoire au moment où état nation moderne, avec sa vocation à gérer sans partage l'ensemble de la société, s'y installe. Mais, dans I'état makhzénien, la tribu et son territoire sont une composante toujours présente et toujours autonome de la pratique politique. Le pouvoir peut, à l'occasion, combattre la tribu, la déporter, l'exproprier. Le plus souvent, il s'en sert, compose avec elle lorsqu'elle résiste, mais jamais il ne la fait disparaitre comme acteur majeur du jeu politique. C'est avec le protectorat que les premières mesures menaçant la tribu dans son existence mgme et dans la maitrise de son espace sont introduites. Le pouvoir colonial, qui se proposait d'utiliser le tribalisme et la coutume contre Ilémergence du nationalisme dans les villes, n'a pas compris qu'il était en train de scier la branche sur laquelle il souhaitait se maintenir. La vitalité de ces institutions supposait que soit préservée leur autonomie. Or cette condition entrait en contradiction avec la nécessité colonisatrice du contrôle politique et social des campagnes et de la mise en place de la colonisation foncière. En effet, le protectorat a voulu faire entrer dans la loi et dans I'écrit les règles essentiellement orales régissant la société rurale? Les cadres des Affaires indigènes pensaient renforcer la tribu en la légalisant. En fait, en déplaçant le lieu d'émission de la règle de la périphérie orale au centre écrit, ils ont dépouillé les collectivités de l'instrument majeur de leur autonomie, leur capacité à autogénérer, selon leurs besoins très locaux, les regles présidant à leur organisation sociale. Le statut des terres collectives de 191 9 protègent les terres contre les accaparements des colons mais réduisent les

jmaa

à I'état de mineurs civils en les soumettant à une étroite tutelle des autorités. Le protectorat a pu ainsi préserver une partie du patrimoine foncier collectif mais au prix de la mise à mort des collectivités comme entités autonomes.

Le Maroc indépendant n'a guère rompu avec ces pratiques. L'arsenal législatif du Protectorat sur les terres collectives est maintenu : le ministère de l'intérieur y trouve des instruments efficaces de contrôle social des campagnes. Une partie du mouvement national, la plus conservatrice, persiste à vouloir dans le maintien des règles coutumières tribales, qui trouvent leur origine dans le 'o$

'Dans les premières années du protectorat sont prises les mesures de légalisation de la coutume et des terres collectives : Dahir du 27 avril 1919 sur les terres collectives, rédaction et publication des coutumiers des grandes tribus, institution des tribunaux coutumiers, etc.

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pré-islamique, le signe d'une résistance à l'empire de la Loi musulmane (shari'a)?. L'atmosphère générale est à la consolidation organique de l'unité nationale avec, entre autre, l'unification de la justice et I'élimination de la coutume et des tribunaux coutumiers. Les modernistes, qui aux premières années de l'indépendance, ne voient pas nécessairement dans la généralisation de la shari'a le gage exclusif de l'unité nationale, sont, par contre, sensibles aux dangers que pourraient représenter le régionalisme et le tribalisme pour la nation. L'intégration des masses rurales au processus national passe plus, pour eux, par la redistribution des terres dans le cadre d'une réforme agraire (ce qui équivaut à la généralisation de la propriété melk) que par la préservation de la paysannerie des terres collectives. Pour la majorité des "politiques" les terres collectives ont mauvaise réputation.

Lorsqu'en 1965, le Projet Sebou, projet de développement agricole élaboré en collaboration avec la FAO, propose au gouvernement d'organiser les agriculteurs de la plaine du Gharb dans le cadre de Sociétés de Développement Villageois, la réponse est sans appel : "Vous voulez installer la siba aux portes de Rabat". En 1969 est adopté un train de mesures sous le nom de Code des investissements agricoles. Les terres collectives y apparaissent comme un obstacle au développement et à l'aménagement hydro-agricole. Un des dahirs de ce code les transforme en terres melk indivises ce qui consiste à adopter une tres ancienne théorie de l'orthodoxie juridique et revient à les faire passer sous l'empire de la shari'a.

On voit que ce statut foncier, sans que cela n'apparaisse de façon explicite, a toujours été rattaché au débat sur la société et I'Etat indépendant.

Le cas de la Mauritanie

En Mauritanie, on retrouve également mais de façon beaucoup plus tranchée, derrière une

réforme foncière présentée comme une modernisation de I'économie et de la société, une forte orientation idéologique et politique.

L'ordonnance du 5 juin 1983 est le texte le plus ouvertement anti-coutumier et le plus violemment hostile aux terres collectives qu'il nous ait été donné de conna'itre. Les articles 3 et 4 de l'ordonnance suppriment radicalement sur tout le territoire, tous les droits collectifs quant à l'avenir. Les droits collectifs légitimement acquis avant l'ordonnance de 1983 ne sont reconnus que pour disparaitre ipso facto, en se transformant par partage en droits individuels ou en propriétés indivises d'une personne morale du type coopérative.

Cette réforme se présente elle-même comme une mesure d'intégration nationale. Elle doit

permettre de consolider la souveraineté de I'état face à I'émiettement des pouvoirs locaux et I'éradication de rapports sociaux dépassés, comme le servage ou le colonat partière. La réforme se propose d'atteindre ces objectifs par un recours systématique à la loi islamique : c'est en ce sens qu'il faut interpréter l'abolition de la terre collective, de certaines formes de fermage et le caractère domaniale des terres mortes.

A y regarder de plus près, on s'aperçoit que l'ensemble de ces dispositions est plutôt destiné à fragiliser les formes d'appropriation qui sont pratiquées, pour l'essentiel, par les populations

négro-africaines sur la rive droite du fleuve Sénégal. C'est d'ailleurs là que sont rassemblées la quasi-totalité des terres agricoles du pays.

L'insistance à se référer à la loi musulmane va dans le même sens. II va de soi que les populations mauritaniennes noires du fleuve se considèrent comme aussi musulmanes que les autres. Mais elles restent néanmoins attachées à leurs coutumes non issues de la shari'a, comme beaucoup d'autres populations rurales d'autres pays musulmans (à l'exemple du Maroc). L'argument de la loi musulmane, qui bénéficie d'une légitimité automatique dans ce pays où la pratique religieuse occupe une place centrale, sert, là aussi, à déstabiliser les tenanciers coutumiers du fleuve. Dans les faits, cette législation, qui institue une aliénation immédiate et brutale des rapports sociaux existants, n'a pu, bien sûr être appliquée dans son intégralité. Mais elle a cependant servi de couverture aux transferts massifs de propriété opérés en faveur des acquéreurs du nord, avant et surtout après la grave crise sénégalo-mauritanienne de 1989.

'Allal Fassi, "Défense de la loi musulmane", Casablanca, 1967.

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L'argument de l'intégration nationale n'est donc guère convaincant pour justifier la réforme de 1983. Les arrière-plans politiques apparaissent également dans les rapports de plus en plus tendus entre agriculteurs et grands éleveurs dans la vallée du Sénégal. Ces dernières années, avec la

présence de plus en plus massive et durable de grands troupeaux le long du fleuve (surtout des camelins) du fait de la sécheresse, les conflits entre éleveurs et agriculteurs, occasionnés par les dégâts causés aux cultures par les animaux, se sont multipliés. L'Etat centralisateur n'est guère, en principe, favorable aux nomades et aux transhumants et il n'a de cesse de limiter leurs déplacements et de les sédentariser. Mais en Mauritanie, les propriétaires de chameaux occupent dans la société et dans L'Etat une place très importante. Le chameau n'est pas seulement apprécié pour sa valeur

économique, il bénéficie d'une haute considération et d'un statut spécial, largement indépendant de son utilité sociale. Aussi bénéficie-t-il d'une espèce d'impunité lorsqu'il saccage les récoltes des agriculteurs. Evidemment, cette situation est loin de contribuer à la concorde nationale recherchée par la réforme.

Ainsi, au Maroc comme en Mauritanie, mais aussi dans de nombreux pays ayant accédé à l'indépendance dans les années 50-60, les terres collectives sont considérées comme le vestige d'un passé révolu et comme un obstacle à l'intégration nationale.

Mais c'est Ià, bien sûr, surtout le point de vue moderniste des bureaucraties centralisées. Cette perception est-elle justifiée?

Si on les examine du point de vue de leur attitude immédiate vis à vis de la modernisation politique (la modernisation économique sera examinée plus loin), les gestions coutumières des terres

collectives ne sont guère satisfaisantes. II est vrai que la coutume, par essence locale et donc changeante d'une collectivité à une autre, se prête mal à une transformation générale des pratiques.

II est également vrai que la régulation coutumière consacre le pouvoir d'anciennes chefferies

autoritaires et le maintien d'un système hiérarchique rigide, imposant aux paysans de sévères rapports de dépendance. II est donc incontestable que le complexe tribu -coutume- terre collective n'est guère favorable, à priori, à l'introduction de changements et qu'il est nécessaire d'envisager, à terme. sa transformation.

Mais il ne faut pas oublier que la plupart des sociétés agraires sont dans une situation de transition entre deux systèmes de régulation sociale, l'ancien, largement coutumier et le nouveau, dominé par la loi nationale. Le passage de l'un à l'autre, d'un seul coup, par l'affirmation brutale d'une volonté

politique et dangereux pour la cohésion sociale. Comment imposer à une société qui vit, depuis toujours, en bonne intelligence avec ses règles traditionnelles un système légal nouveau, conçu pour une société qui n'existe pas encore? Au mieux, la loi nouvelle ne sera pas du tout appliquée. Au pire, si la contrainte politique est trop forte, elle conduira à la multiplication des conflits. Ce serait une évolution dangereuse pour la paix civile car la société se serait ainsi privée des moyens traditionnels très efficaces et très peu coûteux des solutions des conflits : le système coutumier absorbe plus de 90% des conflits, principalement fonciers, lorsqu'il est maintenu concurremment au système judiciaire moderne. Les tribunaux modernes ne pourraient répondre à l'afflux considérable des plaintes libéré par la disparition des instances coutumières. Trop peu nombreux, mal équipés, insuffisamment

pourvus en personnel expérimenté, ils seraient rapidement paralysés.

Les sociétés auront à trouver pendant la période de transition, des solutions de compromis entre systèmes moderne et traditionnel élaborées et appliquées avec la plus grande prudence. L'exemple de la Guinée Conakry (mais on retrouve des situations similaires dans de nombreux pays d'Afrique) montre que l'on ne peut guère se passer du système coutumier. Lorsqu'on veut le chasser par la porte, il rentre par la fenêtre. Dans ce pays, où existent des tribunaux et une magistrature modernes chargés d'appliquer la loi nationale, se sont quand même les Conseils des sages et les Conseils de district où prévaut l'opinion des anciens, qui résolvent par la conciliation, la quasi-totalité des conflits.

Dans les cas, rares, où ces conseils ne parviennent pas à résoudre ces conflits à l'amiable, les autorités administratives, saisies en "appel", tentent toujours de recourir en premier lieu à des solutions coutumières. Même les magistrats revoient très souvent les plaintes dont il sont saisis devant les "sages" et certains d'entre eux n'hésitent pas à appliquer la règle coutumière de préférence au droit écrit du journal officiel lorsqu'elle leur paraît plus susceptible de rétablir la paix sociale locale. En un sens, les autorités administratives et judiciaires se conduisent plus en garants de la paix civile qu'en gardiens de la loi.

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Les terres collectives comme obstacle au développement économique

La critique économique du statut des terres collectives est plus récente (années 80-90) et elle a accompagné le retour au libéralisme et la mise en œuvre des programmes d'ajustement structurel. Le modèle économique désormais dominant est celui de l'intégration croissante au marché, du

désengagement de I'état, de la libre compétition entre les unités de production. se traduit, dans le domaine foncier, par la recherche des formes qui devraient permettre l'augmentation de la

productivité agricole, c'est-à-dire :

(i) La sécurité de la propriété (immatriculation) qui permet le recours au crédit.

(¡i) La stabilité des tenures qui permet l'investissement.

(iii) La mobilité des propriété sur le marché de la terre qui permet aux entrepreneurs dotés de moyens d'investir d'acquérir des terres.

(¡v) Le maintien d'une dimension minimale d'exploitation pour permettre la modernisation (lutte contre le morcellement).

(v) La rationalisation du paysage agraire (regroupement des habitants en villages, remembrement des parcelles d'une même propriété).

Les critiques qui sont faites, à partir de ce modèle, au statut collectif sont de deux ordres : celles qui s'adressent aux spécificités du statut collectif et celles qui concernent les pratiques diffuses des paysanneries qui ont pour base foncière la terre collective. En effet, dans certains pays, les paysans se répartissent entre plusieurs statuts fonciers (au Maroc entre mek, collectif, guich, habous, domaine privé de I'Etat) mais dans la plupart d'entre eux les terres collectives constituent la base foncière la plus importante.

Les caractéristiques du régime collectif l'oppose, presque trait pour trait, au modèle de développement dominant :

(i) Les terres collectives sont rarement immatriculées. Lorsqu'elle le sont, c'est au nom de l'ensemble de la collectivité. Mais l'activité de production a lieu dans des unités bien plus restreintes constituant les exploitations des membres de. la collectivité qui, elles, n'ont pas d'existence juridique. II n'est donc pas possible pour les membres exploitants d'engager leur propriété pour obtenir un crédit à moins de recourir à la caution solidaire de l'ensemble de la collectivité, ce qui pose d'épineux

problèmes.

(i¡) Les tenures sont rarement stables car, souvent, les collectivités organisent la rotation dans le temps et dans l'espace des parcelles attribuées aux ayants-droit. Lorsqu'il arrive que, dans les faits, les exploitants soient stables, ils ne peuvent obtenir la garantie juridique de cette stabilité et une menace pèsera toujours sur leur investissement éventuel.

(iii) La terre collective est en général inaliénable ou, du moins, très difficile à mettre sur le marché.

(¡v) Les dimensions des parts collectives exploitées par les ayants-droit sont de plus en plus

réduites du fait de la pression démographique croissante exercée sur la terre. Elles sont souvent en dessous du seuil de "viabilité".

Les conditions qui prévalent sur les terres collectives semblent bien peu favorables à une intensification de la mise en valeur. Faut-il, pour autant, les jeter sans protection sur le marché libre de la terre en faisant courir aux paysans des collectifs les risques d'une dépossession massive?

Nous pensons qu'il faut I'éviter absolument pour les raisons suivantes :

(i) Ces terres collectives constituent le plus souvent la réserve foncière qui permet aux paysans de se maintenir à la campagne et leur dépossession aurait un coût important pour la société qu'il faut également prendre en compte : exode rural, chômage urbain, tensions sociales. Le prix à payer par la collectivité nationale pour maintenir les paysans sur leur sol et pour améliorer les conditions

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d'exploitation serait sans doute moins élevé que celui consacré à faire face aux conséquences de leur mauvaise intégration urbaine.

( i ) La pertinence du modèle libéral d'intensification n'est pas vérifiée dans les sociétés de

paysannerie parcellaire dans lesquelles la mobilisation du travail humain reste déterminante et les possibilités d'emplois non agricoles, extrêmement réduites. Les capacités de ces sociétés à relever les défis que leur impose l'augmentation de la population sans apport significatif extérieur

d'amélioration technique, ont été sous-estimées.

Une étude menée au Rwanda en 1989 sous le patronage de la Banque mondialet, a conduit aux résultats suivants :

(i) La relation entre la taille de l'exploitation et le rendement est négative. Les petits exploitants obtiennent de meilleurs rendements car ils réagissent à I'exiguÏté en intensifiant la main d'œuvre, en densifiant les semis et en augmentant la place des cultures associées.

(i¡) La sécurité foncière a un effet faible sur l'investissement et négatif sur les rendements. Les rendements obtenus dans les champs sur lesquels l'exploitant a des droits d'utilisation à court terme sont plus élevés que ceux qu'il obtient dans les champs sur lesquels ses droits sont plus stables.

L'exploitant "maximiserait" et "assurerait" dans le long terme.

II n'y a aucune relation entre la sécurité foncière et l'obtention du crédit.

Le morcellement et la dispersion parcellaire sont des réponses rationnelles à "l'imperfection" des marchés du travail et des produits. Ils permettent la redistribution dans le temps des besoins en main d'œuvre, la répartition des risques par la diversification des cultures.

L'augmentation de la population ne produit pas mécaniquement d'effondrement de la p;pduction agricole ni d'épuisement des ressources naturelles. Une étude menée au Burundi en 1993 montre que la valeur ajoutée par are dans la région densément peuplée du Buyenzi (360 hab/km2) se situe entre 600 et 1 800 F.BU alors que celle de la région deux fois moins peuplée du Bututsi (180

hab/km2) est estimée entre 300 et 600 F.BU. De même, ont constate que I'érosion au Buyenzi,

fortement peuplée et intensément cultivée) est très faible alors qu'elle est forte dans le district de Rutana (1 O0 hab/km2).

Cette communication n'a évidemment pas le projet de présenter les terres collectives comme le paradis du paysan bucolique mais de redresser les visions réductrices qui en sont faites. II ne fait pas de doute que ce statut est partout fortement attaqué par l'extension du marché et la politique des Etats. II n'échappera pas à une transformation radicale ni à son remplacement progressif par la propriété privée individuelle. II n'est pas question, ici, de regretter cette évolution mais de s'interroger sur les conditions de la transition. Elles doivent permettre, et cela est vital pour l'avenir, que la

décomposition des paysanneries communautaires ne produise pas une rupture définitive du lien social. Méditons le contre exemple de HaÏti. Dans cette île, le passage des formes communautaires d'organisation de la société et du territoire qu'avaient élaborées les indiens indigènes au cours d'une longue histoire à la propriété individuelle s'est réalisé de façon chirurgicale par la destruction totale de la société indigène. Lorsque HaÏti est devenue le premier Etat indépendant non européen, il y a deux siècles, il ne restait plus un seul indigène. Les colons espagnols et français les ont remplacés par une population servile importée d'Afrique par le mécanisme de la traite et parquée dans les "ateliers" des grandes plantations. Ces esclaves viennent de régions d'Afrique différentes et appartiennent à des cultures tres diverses. Après l'indépendance le système des grandes plantations est progressivement détruit et remplacé par une petite propriété familiale généralisée. C'est sans doute la société

paysanne du tiers-monde dans laquelle la propriété individuelle a le plus d'ancienneté. Mais du fait de la brutalité du passage, de la rupture totale avec la société originelle indigène, la paysannerie d'Haïti peine encore à se trouver des formes de cohésion et d'organisation et ne parvient pas à se doter de représentation politique.

et dans un contexte d e

' S C , CEDES, CEGOS, d e 1993.

BIRDISESA, 1989.

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