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Les paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe dans la conscience langagière des bilingues touvins

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Academic year: 2022

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LES PARAMETRES PSYCHOLINGUISTIQUES DES MOTS DE LA LANGUE RUSSE DANS LA CONSCIENCE LANGAGIERE DES

BILINGUES TOUVINS ---

THE PSYCHOLINGUISTIC PARAMETERS OF RUSSIAN WORDS IN LANGUAGE CONSCIOUSNESS OF TUVIN BILINGUALS

Anastasia KOLMOGOROVA1 nastiakol@mail.ru Maria MZHELSKIKH mary.sharowa@gmail.com

Olesya KATSINA olesya.kats@mail.ru

Département des langues romanes et de la linguistique appliquée,

Université Fédérale de Sibérie, Russie

Résumé :

Cette recherche se concentre sur l’étude de la place de la deuxième langue dans la conscience langagière des bilingues naturels, ceux qui ont appris les deux langues dans la petite enfance. Il sera question notamment des Touvins, un peuple autochtone de Sibérie installé dans la République de Touva et dans le territoire de Krasnoïarsk en Russie. En plus de leur langue maternelle, les Touvins, surtout les jeunes, parlent russe et l’utilisent activement dans leur vie quotidienne. Le but de notre étude est d'identifier les paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe dans la conscience langagière des bilingues touvin-russe : l’âge d'acquisition du mot, l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot, la ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet, la perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet. Les données obtenues grâce à la méthode expérimentale prouvent que les mots dans le lexique mental des bilingues et monolingues sont représentés différemment ce qui nous amène à la conclusion que la restauration de la parole chez les patients touvins parlant russe comme deuxième langue ne doit pas suivre les mêmes règles que celle chez les patients russes.

Mots-clés : bilinguisme, paramètres psycholinguistiques des mots, langue russe, langue touvine, aphasie.

Abstract:

The following research studies place of the second language in the language consciousness of Tuvans, an indigenous Siberian people mainly living in the Tuva Republic and Krasnoyarsk Region in Russia who represent natural bilinguals. In addition to their mother tongue, most of Tuvans use Russian on a daily basis. The aim of our research is to identify the psycholinguistic parameters of Russian words in the language consciousness of bilingual Tuvans: the age of acquisition of the word, the imaginability of the object represented by the word, the resemblance of the imagined object with the drawing representing the object, the personal perception of the complexity of the drawing representing the object. The experimental results prove that the Russian words in mental lexicon of bilingual Tuvans and monolingual

1 Docteur ès lettres

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Russians are represented differently, that leads us to the conclusion that the speech rehabilitation of bilingual Tuvans speaking Russian as a second language should not follow the same rules as it does in speech rehabilitation of Russian monolingual patients.

Keywords: bilingualism, psycholinguistic properties of words, Russian, Touvan, aphasia.

Introduction

La conscience langagière des bilingues est un phénomène complexe qui fait l'objet de plusieurs recherches contemporaines. L’objectif de notre travail scientifique est d'identifier les différences entre les paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe dans la conscience langagière des bilingues touvin-russe par rapport aux monolingues russes. Les méthodes utilisées sont : la méthode expérimentale, la méthode comparative, les méthodes d'analyse qualitative et quantitative. Le sujet de la recherche est aussi pertinent dans le cadre de la solution du problème de la restauration de la parole chez les patients bilingues souffrant d'aphasie, car on ne sait toujours pas exactement ce qui affecte l’atteinte du langage et sa récupération pendant l'aphasie chez les bilingues.

1. Les Touvins en Russie.

Les Touvins c’est un groupe ethnique de la Fédération de Russie qui constitue la population principale de la République de Touva. Celle-ci est située dans le centre géophysique du continent asiatique, plus précisement dans le bassin supérieur du grand fleuve sibérien Ienisseï, et elle a une superficie totale d'environ 175,5 mille km [Ainaban, Mannaiool, 2013]

Le peuple touvin est l'un des plus anciens peuples turcophones, formé de diverses tribus originaires d'Asie centrale. Sur le territoire de la République actuelle de Touva, elles sont apparues vers le milieu du premier millénaire. Il est possible de retrouver des informations sur le peuple touvin dans certaines annales chinoises (581 – 907 années), ainsi que dans des sources mongoles et arabo-perses (XIII – XIV siècles). Les experts estiment que la langue touvine, en tant que langue indépendante, s'est formée au début du Xe siècle [Ibid, 2013].

Plus de 206 000 Touvins vivent en Russie. La plus grande partie des Touvins (environ 198 000 individus) habite dans la République de Touva, tandis qu’environ 1500 Touvins habitent dans la région de Krasnoïarsk. Notons que la population touvine y reste stable depuis déjà 40 ans [Felde, Kolmogorova, Zhuravel, 2017].

500 personnes habitent à Krasnoïarsk, la capitale de la région ; ce sont principalement des jeunes qui y font leurs études. Encore 400 Touvins vivent dans la commune Ermakovskij, territoire frontalier avec la république de Touva. Les autres vivent dans les villages du bassin de la rivière Ousse, un des affluents de l’Ienisseï. Ces villages sont traditionnellement habités par les Russes et les Touvins depuis le XIXe siècle. Cependant, à cette époque-là la langue touvine avait un statut autonome, et le métissage des peuples et des langues n’a commencé qu’au début du XXe sciècle [Datsichène 2009].

C’est grâce à la politique linguistique de l’URSS, qui cherchait à ne pas imposer aux Touvins le russe comme unique langue de communication, mais à créer les conditions pour le développement du bilinguisme dans la région. La promotion du bilinguisme a débuté avant tout dans l’enseignement public, par l’organisation du premier internat pour les enfants touvins où deux langues leur étaient enseignées : le russe et le touvin [Felde, Kolmogorova, Zhuravel, 2017].

Notons qu’aujourd’hui le bilinguisme des Touvins varie en fonction de leur lieu de résidence. La langue touvine est utilisée plus activement dans la République de Touva, tandis que le russe est plus utilisé dans la région de Krasnoïarsk. La population touvine de la République de Touva est plus susceptible d'être porteuse de bilinguisme passif, car elle

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comprend bien la langue russe, mais elle préfère communiquer en touvin. Les Touvins vivant en dehors du territoire de la République peuvent s'exprimer facilement en russe et en touvin.

Néanmoins, la tendance actuelle de la jeune génération est de s’exprimer en russe dans la communication quotidienne.

La situation de la langue russe dans la vie quotidienne des Touvins de la République de Touva peut être mesurée par leurs réponses à la question "Quelle langue considérez-vous comme votre langue maternelle?" Selon les résultats de l'étude [Antonova, 2014, p. 76], 65,5 % des Touvins ont dit le touvin était leur langue maternelle et 8,1% ont choisi le russe. Cependant, 13,9 % des participants ont répondu que le touvin et le russe étaient leurs langues maternelles.

Ainsi, la langue russe fait partie intégrante de la vie des Touvins.

Les données statistiques indiquent que dans la République de Touva 97,1 % des Touvins comprennent le russe, 94,7% des Touvins parlent le russe, 88,8% des Touvins savent lire en russe, 86,3% des Touvins savent écrire en russe [Tsybenova, 2013, p. 149].

Il est à noter que les capacités de lecture et d’écriture en russe ne sont pas assez développées chez les Touvins. Ce fait est probablement dû au fait que dans la vie de tous les jours, les Touvins préfèrent écrire (par exemple, envoyer des textos, des messages courts) en russe. La langue touvine est utilisée pour écrire des messages plus longs. De plus, l'utilisation de la langue russe prévaut également dans les sphères officielles: la documentation commerciale est principalement établie en russe; dans les établissements d'enseignement la langue russe aussi est utilisée plus souvent que la langue touvine. La plus basse compétence est mentionnée au niveau de la production écrite. Cela s’explique probablement par l'absence d'un environnement russophone dans la République et, par conséquent, par le manque de pratique linguistique. À cet égard, lorsque les Touvins parlent russe, il est possible de remarquer l'interférence de la langue touvine. Ainsi, les Touvins sont les plus compétents en formes orales de la langue touvine et en formes écrites du russe [Ibid: 150].

Les études scientifiques montrent qu'aujourd'hui, dans la République de Touva, le bilinguisme russo-touvin se développe et les emprunts du russe s’intègrent dans le touvin [Bavuu-Syurun, Ondar, 2013, p. 39]. L'utilisation répandue du russe dans la communication citadine est également répandue, tandis que dans les zones rurales, le touvin reste la langue de communication [Mongush, 2010, p. 125].

Ainsi, la langue russe dans la République a un pouvoir plus élevé, car le russe est utilisé non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi dans la communication officielle.

Au-delà de ces enjeux actuels du bilinguisme touvin-russe, cette étude voudrait aussi prendre en compte le contexte de l'aphasiologie, afin d'améliorer la méthodologie de restauration de la parole chez des patients bilingues. Il s’agit donc de s’arrêter aussi sur les spécificités des troubles aphasiques chez les patients qui parlent deux langues.

2. Les particularités des troubles aphasiques chez les bilingues

« L’aphasie, causée par des lésions organiques locales du cortex de l'hémisphère gauche du cerveau (chez les droitiers) représente des troubles systémiques de différents niveaux d'organisation de la parole. Elle se manifeste par diverses atteintes des niveaux de langage phonémique, morphologique, lexico-sémantique et syntaxique, sans nuire ni aux mouvements de l'appareil vocal, ni à l’audition et à la vision » [Khomskaya, 2005, p. 117].

Les causes de l'aphasie sont les accidents vasculaires cérébraux aigus, les traumatismes, diverses tumeurs ou les maladies infectieuses du cerveau. En conséquence, avec l'aphasie, des perturbations systémiques de la fonction vocale d'une personne peuvent être observées. Il existe différents types d'aphasie, en raison de la localisation de la lésion des structures cérébrales [Ibid.].

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Au-delà des facteurs habituels qui déterminent les troubles aphasiques, d’autres facteurs sont causés par l'expérience langagière spécifique des personnes bilingues Au cours de l’aphasie d’une personne bilingue, il est possible d’établir plusieurs facteurs susceptibles d’influencer la prédominance de l’une ou de l’autre langue connue, tels que, entre autres : l'âge d’acquisition de la langue, le degré d'utilisation de l'une ou l'autre langue, l’acquisition simultanée ou séquentielle de la langue, ou le lieu des lésions cérébrales. À cet égard, pendant l’aphasie des personnes bilingues apparaissent les caractéristiques suivantes : les patients mélangent les langues, ont des difficultés à passer d'une langue à une autre, perdent une langue ou la remplacent temporairement par une autre, se sentent psychologiquement plus proche d'une langue par rapport à l'autre [Paylozyan, 1996, p. 9-12].

Néanmoins, malgré le grand nombre d'études sur les troubles de la parole chez les bilingues, on ne sait toujours pas quels facteurs jouent le plus grand rôle dans la déficience du langage et sa restauration, et quels sont les principaux modèles de restauration de la parole.

Dans certains cas, c'est la deuxième langue apprise par le locuteur bilingue qui est la moins susceptible d'être atteinte, et qui est souvent rétablie la première, tandis que la première langue régresse. Dans d'autres cas, les deux langues ne sont pas restaurées du tout [Kotik, 1983, p.

115].

Selon une étude sur l'aphasie chez les bilingues, une récupération parallèle des langues se produit dans 40% des cas d'aphasie signalés. Cependant, il convient de noter que ces données sont basées sur l'historique des cas cliniques qui ont été publiés, ce qui signifie qu'ils sont atypiques. M. Paradis a émis l'hypothèse que la récupération parallèle est encore plus fréquente.

En effet de tels cas cliniques d'aphasie chez les bilingues, avec une double récupération de la langue, sont assez rarement décrits ; les neurologues et les neuropsychologues ont tendance à décrire uniquement les cas « exceptionnels », qui sont les plus faciles à publier [Paradis, 1977].

Dans certains cas, l'aphasie affecte uniquement une seule langue du patient. Dans son étude de 1895, A. Pitres a été le premier à attirer l'attention sur le fait que la dissociation des langues provoquée par l'aphasie n'est pas un phénomène exceptionnel. A. Pitres a décrit sept cas cliniques dans lesquels les patients ont montré une récupération différentielle de leurs deux langues. En se basant sur la fréquence de dissociation, A. Pitres a avancé une hypothèse sur les raisons qui pourraient affecter la meilleure récupération d'une langue. Il a suggéré que les patients étaient plus susceptibles de récupérer une langue qu'ils connaissaient mieux avant le début de la maladie, car les éléments neuronaux qui soutiennent cette langue sont plus fortement liés les uns aux autres. Cependant, il n'y a toujours pas de raison suffisante pour soutenir ou réfuter cette hypothèse [Fabbro, 2001, p. 204].

Ainsi, en raison de la diversité des opinions touchant à la restauration de la parole chez les patients bilingues, l'étude de la conscience langagière des bilingues dans le contexte de l'aphasiologie est particulièrement pertinente. Sur la base des données analysées, en travaillant sur la restauration de la parole chez les Touvins, il est nécessaire de restaurer la langue maternelle - le touvin, car il serait plus résistant aux lésions en raison de son utilisation plus fréquente dans la communication quotidienne. Néanmoins, comme les Touvins apprennent également à un âge assez précoce le russe, cette langue peut être la moins endommagée. Dans ce cas, les méthodes de réhabilitation de la deuxième langue doivent tenir compte des spécificités de l’acquisition des mots russes par les personnes bilingues. Vu que les exercices de restauration de la parole qui sont utilisés maintenant sont orientés vers les monolingues, l'étude des paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe dans la conscience langagière des bilingues touvin-russe aidera à comprendre quels changements devraient être apportés à ces exercices pour qu’ils deviennent plus performants.

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3. Paramètres psycholinguistiques des mots

Les paramètres psycholinguistiques des mots sont depuis longtemps le centre d'intérêt de chercheurs [Paetzold, Specia, 2016, p. 435].

Yo Ehara dans l’article (Ehara, 2017) où il fait référence aux travaux du scientifique australien Max Coltheart (Coltheart, 1981) définit ainsi le paramètre psycholinguistique du mot : « the psycholinguistic properties of words <…> are measured real values of human responses in cognitive experiments in which participants are presented with the written or spoken form of words » [Ehara, 2017, p. 330]1.

G. H. Paetzold et L. Specia mentionnent que ces paramètres comprennent par exemple:

• l'âge d'acquisition (Age of Acquisition) – l'âge auquel la personne aurait connu le mot;

• la familiarité avec le mot (Familiarity) − la fréquence à laquelle la personne a vu, entendu ou utilisé le mot quotidiennement;

• la concrétisation (Concreteness) - le degré de corrélation d'un objet avec le mot qui le désigne;

• l’imagerie (Imagery) - l'intensité avec laquelle un mot évoque l'image qu'il signifie [Paetzold, Specia, 2016, p. 436].

Dans la science russe, les paramètres psycholinguistiques des mots sont présentés dans la base de données « La bibliothèque des stimuli » [Akinina et al., 2016]. Cette base contient 1071 mots. Chacun est caractérisé par dix paramètres réglementaires: la stabilité de la nomination, la connaissance du concept, l’âge d'acquisition du mot, l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot, la ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet, la perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet, la fréquence du mot, sa longueur syllabique, sa longueur en phonèmes.

Pour notre recherche nous avons choisi les paramètres suivants :

• l’âge d'acquisition du mot - l'âge auquel la personne, à son avis, a appris le mot;

• l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot - à quel point il est facile d'imaginer l'objet indiqué par ce mot;

• la ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet;

• la perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet - la complexité du dessin lui-même d’après le nombre de détails et de lignes représentées.

Afin d’identifier les spécificités des paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe, dans la conscience langagière des bilingues touvins, nous avons mené une expérience.

4. Le travail expérimental 4.1 Le questionnaire

Ce questionnaire qui se compose d’une partie sociolinguistique et d’une partie linguistique.

La première partie comprend huit questions : 1. Sexe

2. Nationalité 3. Éducation

4. Langue maternelle

Ensuite quatre questions sont liées à la deuxième langue du bilingue et à son utilisation : 5. Quand avez-vous commencé à apprendre votre deuxième langue ?

1 « Les paramètres psycholinguistiques des mots sont établis lors d’expériences cognitives avec des locuteurs natifs, au cours desquelles les mots leur sont présentés sous leur forme écrite ou orale » (c’est nous qui traduisons).

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6. Quelle langue parlez-vous à la maison ?

7. Quelle langue parlez-vous au travail / pendant vos études ?

8. Avez-vous des difficultés à communiquer dans votre deuxième langue ?

La deuxième partie du questionnaire se compose de 139 stimuli : 59 mots culturellement significatifs pour les locuteurs touvins, dont 51 sont tirés des travaux de C. S. Tsybenova

« L’expérience associative dans le cadre de l'étude de la situation linguistique: l'exemple de la République de Touva » [Tsybenova, 2013] ; ce travail a taché d’identifier les caractéristiques de la conscience langagière des bilingues touvin-russe. L'auteur a mené une expérience à partir de 51 mots qui étaient les plus familiers à la culture touvine, en proposant aux Touvins des exercices d’associations. 635 Touvins dont la langue maternelle était le touvin ont participé à cette expérience.

Le questionnaire a été complété par 72 mots issus de la base de données « La bibliothèque des stimuli: un nom et un objet », développée par Yu. S. Akinina ; elle s’est basée sur une enquête menée auprès de locuteurs natifs russes neurologiquement sains [Akinina et al., 2016].

Les mots pour les questionnaires ont été extraits à l'aide d'une méthode d'échantillonnage systématique : tous les dix mots ont été sélectionnés.

Chaque mot de la deuxième partie du questionnaire était complété par une image en noir et blanc, ainsi qu'une série de questions visant à identifier les paramètres psycholinguistiques du mot.

Le questionnaire contient quatre questions qui se rapportent aux paramètres suivants : 1. l’âge d'acquisition du mot;

2. l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot;

3. la ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet;

4. la perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet.

Les locuteurs interrogés ont été invités à répondre à des questions pour identifier les paramètres (2, 3, 4) ci-dessus, en utilisant une échelle à cinq points présentée sous chacune de ces questions.

Pour répondre à la question touchant à l'âge d'acquisition du mot, le locuteur est invité à utiliser une échelle et à indiquer quand, à son avis, il a appris ce mot.

Voici des exemples de questions du questionnaire.

Le paramètre de l’âge d'acquisition du mot était évalué ainsi :

Indiquez, s'il vous plaît, à quel âge, à votre avis, vous avez appris ce mot. Utilisez l'échelle proposée :

1-3 ans

4-6 ans

7-9 ans

10-12 ans

après 12 ans

Pour évaluer le paramètre de l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot, la question suivante a été proposée :

Évaluez la facilité avec laquelle vous pouvez imaginer l'objet indiqué par ce mot. Utilisez l’échelle de 1 (c’est facile) à 5 (c’est difficile).

1

2

3

(7)

56

4

5

Le paramètre de la ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet était évalué ainsi :

Imaginez l'objet indiqué par le mot ci-dessous, puis évaluez si l'image et le dessin ci- dessous correspondent. Utilisez l’échelle de 1 (complètement différents) à 5 (très similaires).

• 1

• 2

• 3

• 4

• 5

Si le dessin ne ressemble pas à ce que vous avez imaginé, décrivez, s’il vous plaît, la différence.

Enfin, la dernière question a été liée à la perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet. Cette question ne visait plus le mot lui-même, mais le dessin représentant l’objet désigné par ce mot.

Évaluez, s’il vous plaît, la complexité du dessin ci-dessous par le nombre de détails et de lignes représentés. Utilisez l’échelle de 1 (dessin simple) à 5 (dessin complexe).

• 1

• 2

• 3

• 4

• 5

Le questionnaire a été élaboré en ligne, en russe.

4.2 L’analyse des données reçues

Au total, 40 locuteurs résidant sur le territoire de la République de Touva, âgés de 17 à 45 ans, ont répondu au questionnaire.

Tous les participants ont commencé à étudier le russe étant enfant (avant 8 ans). La langue de communication à la maison pour la plupart des Touvins (31) est le touvin, six personnes à la maison communiquent en touvin et en russe, et trois individus en russe.

Au travail et / ou dans les études, la majorité des locuteurs (26 personnes) utilise le russe, 12 personnes utilisent à la fois le touvin et le russe, et seulement deux individus n’utilisent que le touvin.

La plupart des participants (22 informateurs) n'ont pas de difficultés à communiquer dans la deuxième langue (russe), 16 informateurs ont parfois des difficultés à communiquer en russe et seulement trois ont répondu qu'ils avaient rencontré des difficultés lors de la communication en russe.

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Il est à noter que les Touvins qui utilisent à la fois les deux langues dans la communication familiale n’éprouvent aucune difficulté à communiquer en russe. Dans le même temps, la majorité des individus qui utilisent les deux langues dans le domaine des affaires constatent des difficultés à communiquer en russe. Ainsi, nous pouvons dire que le bilingue parle mieux les deux langues s'il les utilise non seulement dans la communication des affaires, mais aussi dans la sphère familiale.

Voilà quelques exemples les plus représentatifs des paramètres psycholinguistiques des mots russes, tirés de la base de données « Bibliothèque des stimuli : nom et objet » [Akinina et al., 2016] (Tableau 1). Nous avons gardé 25 mots sur les 72 qui étaient proposés dans la base de données.

Tableau 1 : Les valeurs moyennes des paramètres psycholinguistiques des mots

Le mot L’âge

d'acquisition du mot

L’imaginabilité de l’objet représenté par

le mot

La ressemblance

de l’objet imaginé avec

le dessin représentant

l’objet

La perception personnelle

de la complexité

du dessin représentant

l’objet

1. La pharmacie 6,17 1,8 3,97 2,47

2. La tête 4,18 1,67 3,67 2,38

3. Le toit 5,20 1,47 2,94 2,31

4. Les chaussures 3,88 1,22 4,46 2,04

5. Le lac 6,59 1 4,56 2,19

6. Le volant 5,82 1,25 4,73 1,77

7. Le fleuve 5,1 1,18 4,2 2,56

8. Le tableau 5,6 1,16 4 2,22

9. Le trolleybus 8,18 1,36 4,5 2,3

10. La croix 8,9 1,3 4,26 2

11. Le verre 3,81 1,11 4,62 1,74

12. La banane 4,46 1,15 3 2,17

13. Le placard 4,87 1,13 2,42 2,14

14. Le journal 6,65 1,32 4,61 2,61

15. La cigarette 7,6 1,22 4,51 1,89

16. La phoque 6,88 1,2 4,46 2,16

17. La béquille 8,56 1,64 4,1 1,99

18. La perceuse 9,22 1,37 4,48 2,17

19. Les pantoufles 4,62 1 4,35 2,11

20. Le scorpion 8,7 1,22 4,49 2,4

21. Le poulpe 8 1,36 4,4 2,51

22. Le génie 6,57 1,63 4,38 2,58

23. Le kangourou 7,17 1 4,72 2,49

24. L’ordinateur portable

11,36 1,13 4,58 2,13

25. La jambe 4,86 1,22 4,39 2,38

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58

Examinons plus attentivement chaque paramètre d’après les exemples ci-dessus.

Nous voyons que les mots appris tôt par les participants (entre 1 et 5 ans) sont les suivants : la tête, les chaussures, le verre, la banane, le placard, la jambe, les pantoufles.

Notons que ces mots sont étroitement liés à la sphère quotidienne et, en effet, sont souvent utilisés dans la communication quotidienne, c'est pourquoi, à notre avis, ils ont été appris à un âge précoce. Ces mots appartiennent aux catégories suivantes : les vêtements, la nourriture, les parties du corps, la vaisselle, les meubles.

D’un autre côté certains mots ont été appris très tard (entre 8 et 12 ans et plus), par exemple : le trolleybus, la béquille, la perceuse, le scorpion, le poulpe, l’ordinateur portable.

Tous ces mots peuvent être attribués aux catégories suivantes: les animaux, l’équipement, les véhicules, la traumatologie, les outils. La rencontre avec des objets de ces catégories se passe à un âge plus conscient, et ces mots sont donc acquis ultérieurement.

En ce qui concerne le paramètre de « L’imaginabilité de l’objet représenté par le mot », tous les mots sont faciles à imaginer selon les Touvins. On peut juste distinguer les mots que les participants peuvent imaginer le plus facilement (1 point) : les pantoufles et le kangourou.

Comme vous pouvez le voir, il est facile pour les Touvins d'imaginer un assez grand nombre de mots en russe. Cela peut s'expliquer par le fait que ces concepts sont assez spécifiques et familiers à la plupart d'entre nous, donc leurs images apparaissent rapidement, sans efforts mentaux particuliers. Le mot le plus difficile à imaginer (avec une valeur de paramètre supérieure à 1,8) était la pharmacie. Cela est probablement dû au fait que cet objet représente un concept complexe à plusieurs composants, tels que : l'achat, la vente, les médicaments, le prix, etc., ce qui conduit à la nécessité de faire des efforts pour former une image mentale unique et complète.

Quant aux données du paramètre de la ressemblance entre l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet, les participants les situent sur l’échelle de 3 à 5 ; c'est-à-dire que les dessins sont, en moyenne, similaires aux images mentales des Touvins lors qu’ils perçoivent le mot.

Les mots qui font partie de l’échelle basse (en-dessous de la valeur 3,8) sont les suivants : la tête, la banane, le placard. Au contraire, un mot fait partie de l’échelle haute ; la majorité des participants notent une plus grande ressemblance entre le dessin présentée et l’image mentale du mot le kangourou (de 4,70 à 5). Cela est peut-être dû au fait que le kangourou n'est pas un animal qui vit en Russie, il est donc peu connu et représente un objet prototypique.

Enfin, en ce qui concerne les dessins eux-mêmes, leur complexité, en fonction des détails et des lignes qui y figures, est considérée par les participans comme moyenne. Parmi les exemples ci-dessus, le dessin le plus simple (en-dessous de la valeur 1,8) concernait le verre.

Afin d'identifier les différences dans les paramètres psycholinguistiques des mots russes, nous avons également comparé les réponses des Touvins et des Russes (Tableau 2). Les données sont présentées dans le tableau ci-dessous, où « T » correspond aux Touvins et « R » aux Russes. Ces données ont été tirées de la base de données « Bibliothèque des stimuli : nom et objet » [Akinina et al., 2016].

Tableau 2 : La comparaison des valeurs moyennes des paramètres psycholinguistiques, selon les bilingues touvins et les monolingues russes

Le mot L’âge

d'acquisition du mot

L’imaginabilité de l’objet représenté par

le mot

La ressemblance

de l’objet imaginé avec

le dessin

La perception personnelle

de la complexité

du dessin

(10)

59

représentant l’objet

représentant l’objet

T R T R T R T R

1. La pharmacie 6,17 1,9 1,8 1,18 3,97 3,99 2,47 3,41 2. La tête 4,18 1,14 1,67 1.14 3,67 3,69 2,38 2,01 3. Le toit 5,20 1,46 1,47 1,09 2,94 4,28 2,31 3,60 4. Les chaussures 3,88 1,33 1,22 1,09 4,46 4,24 2,04 2,71

5. Le lac 6,59 1,75 1 1,13 4,56 3,93 2,19 3,39

6. Le volant 5,82 1,80 1,25 1,12 4,73 4,43 1,77 2,12 7. Le fleuve 5,1 1,38 1,18 1,20 4,2 3,47 2,56 3,30

8. Le tableau 5,6 1,58 1,16 1,23 4 4,11 2,22 2,82

9. Le trolleybus 8,18 2,29 1,36 1,16 4,5 4,52 2,3 3,53

10. La croix 8,9 1,73 1,3 1,08 4,26 3,57 2 2,09

11. Le verre 3,81 1,38 1,11 1,07 4,62 4,73 1,74 2,47

12. La banane 4,46 2,08 1,15 1 3 4,59 2,17 2,46

13. Le placard 4,87 1,32 1,13 1,04 2,42 3,45 2,14 2,51 14. Le journal 6,65 1,72 1,32 1,05 4,61 4,09 2,61 3,15 15. La cigarette 7,6 2,34 1,22 1,04 4,51 4,61 1,89 2,13 16. La phoque 6,88 2,57 1,2 1,56 4,46 4,33 2,16 2,59 17. La béquille 8,56 2,69 1,64 1,27 4,1 4,66 1,99 2,61 18. La perceuse 9,22 2,95 1,37 1,34 4,48 4,58 2,17 3,17 19. Les pantoufles 4,62 1,40 1 1,09 4,35 4,27 2,11 2,53 20. Le scorpion 8,7 2,94 1,22 1,34 4,49 4,48 2,4 3,43

21. Le poulpe 8 2,46 1,36 1,15 4,4 4,37 2,51 3,3

22. Le génie 6,57 2.37 1,63 1,52 4,38 3,52 2,58 3,71 23. Le kangourou 7,17 2,10 1 1,04 4,72 3,20 2,49 2,23 24. L’ordinateur

portable

11,36 4,52 1,13 1,11 4,58 4,56 2,13 2,84 25. La jambe 4,86 1,14 1,22 1,04 4.39 4,40 2,38 2,61 Ensuite, pour identifier la signification statistique des différences entre les paramètres, nous avons fait le test de Student (t-test) en comparant deux échantillons. Le premier échantillon est la valeur moyenne des paramètres de mots obtenus à la suite d'une expérience avec des Touvins, le second est la valeur moyenne des paramètres de mots obtenus à la suite d'une expérience avec des Russes. Dans le cadre de l’article nous présentons le résultat d’analyse de la totalité des mots (72) tirés de la base de données « Bibliothèque des stimuli : nom et objet » [Akinina et al., 2016] qui ont été analysés lors de notre recherche. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 3 : Le test de Student

Le paramètre t-test

l’âge d'acquisition du mot 24,2

l’imaginabilité de l’objet représenté par le mot

0,2 la ressemblance de l’objet imaginé avec le

dessin représentant l’objet

2,2 la perception personnelle de la complexité

du dessin représentant l’objet

8,2

(11)

60

Comme vous pouvez le voir dans le tableau, l'écart le plus important est observé dans les valeurs concernant le paramètre de « L’âge d'acquisition du mot ». Les Touvins apprennent les mots russes à six ans environ, beaucoup plus tard que les Russes qui les apprennent à deux ans environ.

La valeur du paramètre de « L’imaginabilité de l’objet représenté par le mot » n'est pas significative. C'est-à-dire qu’il est tout aussi facile pour les Touvins que pour les Russes d'imaginer un objet représenté par un mot.

La valeur du paramètre de « La ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet » est statistiquement significative, bien qu'il n'y ait pas de grands écarts entre les valeurs moyennes des deux échantillons.

En moyenne, les participants touvins, dans une plus large mesure que les Russes, pensent que les dessins présentés coïncident avec les images qui apparaissent lorsqu'ils perçoivent le stimulus. Cela peut être dû au fait que dans la conscience langagière des Russes, ces images sont plus complètes. En même temps, en raison d'une connaissance insuffisante de la langue russe, les images qui apparaissent chez les Touvins sont assez schématiques, par conséquent, les Touvins ne trouvent pas de grandes différences entre les dessins et les images qui apparaissent dans leurs têtes.

Enfin, la tendance suivante peut être observée dans les valeurs du paramètre de « La perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet » : en moyenne, les Touvins considèrent les dessins présentés comme assez simples, tandis que les Russes les jugent plus complexes. Cela est probablement dû au fait que les dessins qui représentent les mots de la base de données semblent assez simples pour les Touvins, car les objets représentés sont assez schématiques.

4.3 Caractéristiques des paramètres psycholinguistiques des mots qui ont une signification culturelle pour les Touvins

Pour identifier la place des mots culturellement significatifs pour les Touvins dans leur conscience langagière, nous avons également calculé les valeurs moyennes des paramètres psycholinguistiques de ces mots.

Dans le cadre de cet article nous ne vous présenterons qu’une partie des exemples illustratifs (tableau 4), c’est-à-dire 15 sur un total de 59 mots précédemment analysés.

Tableau 4 : Les valeurs moyennes des paramètres psycholinguistiques des mots culturellement significatifs pour les Touvins

Le mot L’âge

d'acquisition du mot

L’imaginabilité de l’objet représenté par

le mot

La ressemblance

de l’objet imaginé avec

le dessin représentant

l’objet

La perception personnelle

de la complexité

du dessin représentant

l’objet

1. La famille 4,3 1,3 4,11 2,18

2. Le chaman 7,74 1,69 4,42 3,46

3. Cinq 3,8 1 5,2 1

4. La mère 2,8 1,09 2,69 2,59

5. La yourte 5,63 1,21 4,65 2,44

6. Le rite 9,12 2 4,15 2,85

(12)

61

7. Le fleuve 5,1 1,18 4,2 2,56

8. Le feu 5,62 1,33 4,56 2,35

9. Le bouddhisme 9,22 2,1 4,2 3,95

10. La religion 8,12 2,12 3,88 2,52

11. L’ovâa (touv.

Оваа)1 [o-vaa]

9,4 2 3,71 3,18

12. L’argeâan (touv.

Аржаан)2 [ar-ʒaan]

6,75 1 4,45 3

13. Bleu 3,75 1 4,47 1

14. La sœur 3,9 1,16 3,94 1,93

15. Le frère 4,7 1,21 4,29 1,67

L’analyse des valeurs du paramètre de « L’âge d'acquisition du mot » nous permet de conclure qu'en moyenne, l'acquisition des mots culturellement significatifs par les Touvins se produit bien plus tard que les mots russes désignant des objets de la vie de tous les jours. À partir des exemples ci-dessus, on peut voir qu’entre 1 et 5 ans les Touvins apprennent des mots comme : la famille, la mère, la sœur, le frère, cinq, bleu. Ces mots peuvent être considérés comme : les nombres, les couleurs, les termes de parenté.

Plus tard (entre 8 et 12 ans et plus), les locuteurs touvins apprennent les mots tels que : le rite, le bouddhisme, la religion, l’ovâa. Notons que ces mots sont directement liés à la culture et à la religion touvines, et que l'enfant s’y familiarise à un âge plus conscient, ce qui explique leur assimilation assez tardive.

En ce qu’il concerne le paramètre de « L’imaginabilité de l’objet représenté par le mot

», on peut noter qu'il est plus facile pour les participants de se représenter les images à partir des mots suivants (avec la valeur du paramètre égale à 1) : cinq, l’argeâan, bleu. Les mots les plus difficiles à imaginer selon les Touvins sont : le bouddhisme, la religion, le rite (de 2 à 5).

En comparant l'image mentale avec le dessin proposé, les participants ont noté une plus grande ressemblance entre les images et les dessins relatifs aux mots suivants : la famille, le chaman, cinq, la yourte, le rite, le fleuve, le feu, le bouddhisme, l’argeâan, bleu, le frère.

Enfin, en ce qui concerne le paramètre de « La perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet », les dessins les plus simples (en-dessous de la valeur 2) sont ceux concernant les mots : cinq, bleu. Les dessins les plus complexes (de 3 à 5) sont les dessins relatifs aux mots suivants : le chaman, le bouddhisme, l’ovâa, l’argeâan.

À la suite de notre travail avec les mots culturellement significatifs pour les Touvins, et de la comparaison des données reçues par rapport aux mots de la vie quotidienne, il est possible de faire un résumé.

Les Touvins apprennent donc des mots russes simples ainsi que des mots ayant une signification culturelle à peu près au même âge (6 ans). Ce fait coïncide avec le début de leur apprentissage de la langue russe. Il est plus difficile pour les Touvins d'imaginer des concepts qui sont abstraits (comme la religion, le bouddhisme, etc.). Ensuite, les Touvins trouvent moins de ressemblance entre les mots qui sont culturellement significatifs pour eux et les dessins qui présentés. Cela peut s'expliquer par le fait que ces images dans l'esprit des informateurs sont présentées de manière plus complète et détaillée, tandis que sur les dessins certains détails peuvent être absents ou, à l'inverse, superflus. Enfin, les dessins présentés pour illustrer des mots ayant une signification culturelle semblent aux Touvins plus complexes que ceux

1 Un lieu sacré pour honorer la nature, les esprits, pour prier et méditer.

2 Une source d'eau thérapeutique.

(13)

62

présentés pour des mots de la vie de tous les jours. Cela peut s'expliquer par le fait que les mots culturellement significatifs sont abstraits, et il est assez difficile de les dessiner schématiquement.

Conclusion

Suite à l'étude menée, des différences ont été révélées entre les paramètres psycholinguistiques des mots de la base de données « Bibliothèque de stimulus: nom et objet

» et les paramètres obtenus lors de l'expérience avec les Touvins. De plus les paramètres psycholinguistiques des mots ayant une signification culturelle pour les Touvins ont été déterminés. Lorsque l'on compare les valeurs des paramètres obtenus à la suite de notre expérience avec les Touvins, et les valeurs des paramètres obtenues lors de l'expérience avec les Russes, les différences les plus significatives sont observées dans les paramètres de « L’âge d'acquisition du mot », « La ressemblance de l’objet imaginé avec le dessin représentant l’objet», « La perception personnelle de la complexité du dessin représentant l’objet ».

Les Touvins apprennent les mots de la langue russe plus tard que les Russes. Les dessins associés aux mots de la base de données sont considérés par les Touvins comme similaires aux images mentales, dans une plus large mesure que les Russes. En plus, selon les locuteurs touvins, les dessins présentés étaient assez simples, tandis que les Russes les ont jugées plus complexes. En ce qui concerne les mots culturellement significatifs, il s'est avéré plus difficile pour les participants touvins de les imaginer.

Ainsi, les résultats de l'étude montrent que la langue russe occupe une place particulière dans la conscience langagière des Touvins, par rapport aux monolingues russes. Malgré le fait que l’apprentissage du russe commence dans l'enfance, les Touvins ne font pas toujours preuve d’un bon niveau de connaissance de la langue russe, et la conscience langagière e touvine représente un certain fondement de la construction de la conscience langagière russe.

Ainsi, notre hypothèse d’une prise en compte nécessaire des paramètres psycholinguistiques des mots, pour développer des exercices de récupération de la parole des billingues touvin-russe aphasique se trouve confirmée. Il est nécessaire de prendre en compte les spécificités des paramètres psycholinguistiques des mots de la langue russe dans la conscience langagière des représentants de cette communauté ethnique.

Nous pensons que plus les mots seront appris tôt, mieux ils seront adaptés à la restauration, car ils occupent une place plus solide dans la conscience langagière des bilingues.

Ensuite, il faut également prendre en compte le paramètre de « L’imaginabilité », c’est-à-dire, il faut d’abord récupérer des mots que le patient peut facilement imaginer. Enfin, lors de l'utilisation de matériaux visuels (les dessins), les objets qui y sont représentés doivent correspondre autant que possible aux images imaginées par les patients. Il faudrait utiliser, par exemple, les dessins avec une petite quantité de détails, ainsi que des mots qui désignent des objets concrets.

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