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Quelques mots sur la vie scientifique de Genève
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Quelques mots sur la vie scientifique de Genève. Suisse contemporaine , 1942, no. 5-6, p. 1-16
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E. PITTARD
l
I
i
1
I
i
l
QTIELQUES MOTS
SUR LA VIE SCIEI\TIFIQTJE
DE GnxÈvn
Tirage à
part
de Sadsse ContemporaineNo 5-6.
-
Mai'Juin t9&2LAUSANNE
IMPRIMERIE LA
CONCORDE,.9&2
QUELQUES MOTS SUR LA VIE SCIENTIFIQUE DE GENÈVE
Les coqrtes notes qui
vont
suivre côncernent presque exclu-, sivement leXVIIIe
et,leXIXe
siècles. Elles s'arrêteront au seuit du XXe siècle.II
est indispensable de laisser à la critique objectiveet
à l'histoire le temps demûrir
leurs opinions au sujet de nostravaux.
Peut-être même, puisqu'iln'était
question, pour moir qued'un
coupd'æil sur
les progrès dela
science générale, à Genève, aurai-jedû
arrêter plustôt
cet.inventaireet
aurais-jepu
me borncr à' marqucr quelquestraits
seulement, ceux qui, imprimés sur un visage,lui
donnent sa physionomie propre ?Vers
le milieu du XIXe
siècle, des événements politiqùes créèrent de graves perturbationsau
sein de I'Académie,et
deregrettables dêmissions furent enregistrées.
Il
est certain que la sciencedoit
ignorer les passions politiquesI
maisla
politique,hélas
!
ne montre pas toujoursla
même objectivité. On se rap, pelle le motqui
condamna Lavoisier.Il
faut reconnaltre cepen-dant
que, chez nous, les choses n'atteignirent jamais une telle âpreté ; aujourd'hui les animosités-
souvent légitimes-
crééespar ces aventures, se sont calmées et les opinions partisanes se sont beaucoup clairsemées.
Au surplus, en allant jusqu'au seuil du temps présent,
il
eûtfallu
allonger consid6rablement cet article, car I'qotivit6 scienti- fique de Genève, àla fin du XIXe
siècleet
au commencement du XXe, se maintint sans faiblesses.En écrivant ces li$nes restrictives, je suis obligé de faire vio- lence à mes sentiments personnels.^J'aurdis vivement aimé pou-
voir
parler d'hommes éminentsqui furent
nos'maîtres ou nos amis, à qui nous devofis maintes et maintes découvertes, maints précieux enseignements.Et
je souhaite qu'une autre occasion, me2
quEr,euEs Mors suR LÀ vrn scrENTrFreuE pp onNÈvs soit donnêe pour exprimer à leur mémoire-
ou leur dire à eux' mêmes-
mon admiration personnelleet
aussima
reconnais- sance de citoyen.Gcnève, dont, au
XVIIIe
et au débutdu XIXe
sièole, l'essor scientifiquefut
si brillant, ne présente pas une image semblablepour
les périodesplus
andiennes. Son histoire explique cette di{Iérence.La
Réforme avait créé chez nous un état d'âme par- ticulier où I'absolu théologiquefut,
pendant longtemps,la
domi- nante morale- et
intellectuelle. Jusqu'audébut du XVIIe
siècle, I'ancienne Académie ne connut guère que des théologiens, des juristes, des philosophes, Mais ces derniers étaient d'observance métaphysique :
il
y en eut d'ailleurs-
des uns et des autres-
derenommés. Parmi les théologiens de la première époque, un nom s'élève très haut, Théodore de Bèze, le premier Recteur de l'Aca- démie.
Mais, à Genève, comme ailleurs, le temps marche. Les esprits s?évadent peu à peu de la tutelle des Anciens. Aristote est discuté.
Le bloc intellectuel primitif, jusqu'alors si bien cimenté, se fissure.
Les dogmes traditionnels relatifs à notre conception du monde ne sont plus acceptês sans essais de contrôle. Petit à petit I'observa-
tion
directe s'impose, puis I'expérience. Les phénomènes de la nature et de la vie, par l'abandon graduel des o priori, par I'inven-tion
de méthodes d'investigations qui donnent le désir-
et lespossibilités
-
d'aller au delà des idées reçues et des premiers faits constatés, prennent une place prépondérante dans les préoccupa- tions des esprits.Pendant le cours du XVIe siècle, I'Académie, le lieu où, selon toute vraisemblance,
la
science devait naître, est donc, surtout, une Ecole de théologie. Enco"u une foisil
ne pouvait en .être autrement. Le fondateur de la Maison, et ses premiers collabora- teurs n'étaient-ils pas des théologiens ? Maisil
faut souligner que très vite, cependant, I'Acadêmie errt des chaires de lettres et de,qchaires de
droit.
L'une de ces dernièresfut, au XVIIIe
siècle,*
+
QUELQUES MOÎS SI'R LÀ VIE SCIENTIFTQUE OE CENÈVE 3 célèbre : son détenteur était J.-J. Burlamaqui, l'auteur des n Prin- cipes
du droit
naturel r.On
dit
que I'esprit souffle oùil
veut. La position géographique de Genève assure à la < Ville élue r des relations de tous les côtés ;et ces relations peuvent être de qualités intellectuelles très diver- ses. Puis, n'oublions pas que Genève est devenue
la
<< Cité du Refuge )) et que, parmi les réfugiés pour cause de religion, beau- coup étaient des hommes cultivés, des savants même.On
nepeut laisser de côté leurs capacités et leurs talents. Aussi voit-on
bientôt
figurer, dans les programmes de I'Académie, des cours de mathématiques, de géométrie euclidienne, de géographie, d'as"tronomie.
Et
Borgeaud a pu écrire ces lignes : < On peut dire que I'enseignement des sciences proprement dites-
ou du moins cequi en tenait lieu au XVIe siècle
-
a été inauguré à Genève dèsla
forrdation de l'Acatlémiepar le
prernier Litulaire(il
s'agit de Tagaut) de la chaire des Arts r.L'atmosphère de Genève
avait,
depuis toujours, été respirée par des hommes habitués à la liberté de pensée, et dont les cou- dées voulaient être franches. Calvin lui-même enfit
la dure expé- rience. Les sciences telles que nous les entendons aujourd'hui, les sciences objectives, trouveront dans la cité leur compte à untel
état d'âme. Déjà en 1564, le Conseil n'avait-il pas autorisé, dans unbut
de démonstration, les a anatomies >, c'est-à-dire les dissec-tions du corps humain, celui des suppliciés,
et
même, dans cer- tains cas, celui des décédés de I'Hôpital de la ville ! Or, n'oublions pas que c'est trois ans auparavant-
en 1561-
que le plus grandanatomiste de son époque, André Vésale, a été condamné à mort
par
I'Inquisition pour une dissection qualifiée detrop
oséeI
etqu'il
ne dut la vie qu'à I'intervention de PhilippeII
dontil
étaitle
médecin.En
1567,à
Genève, Simoni-
Simon Simonius est appelé à une chaire de médecine. On le trouvera plustard -
à Heidelberg et à Leipzig. En 1568, nous voyons installé à Genève,un Bâlois illustre, celui qu'on
a
appelé le père dela
botanique, Jean Bauhin (L541-L6L2),trle
Pline allemand>.Il
est médecin o{ficiel dela
République.Il fut
chargé, à l'Académie, d'un cours de botanique médicale. On saitqu'il
a écrit une histoire générale des plantes. Elle nefut
publiée,à
Yverdon, que quarante ans4
qunr,eues Mors suR LÀ vrc scrENTrFIQuEop
cBnùvp après sa mort. Faut-il imputer à Bauhinle
goût ardent que les Genevois,au
cours des siècles- ils
neI'ont
jamais' perdu eurent pourla
botanique ?-
:
C'est exactement un siècle plus tard que le moment où Bquhin est monté dans sa chaire que la science, telle que nous l'entendonsaujourd'hui
ses libertés d'observations et tout son domaine expérimental-.
s'installera, pourla
première fois, modestement d'ailleurs.Et I'on peut
ajouter;
s'installera définitivement à I'Académie.Et
c'està
Jean-Robert Chouet (L642'L73L) que nous devons cet éclat.C'est une grande figure de Genève que celle de Jean-Robert Chouet. Cellérier a pu dire que si l'époque de
la
Réforme < avait donné lavie à
Genève, l'époque de Chouetlui
donna plus tard sa direction scientilique et son mouvement propre >.Et
Charles Borgeaud, dans sa monumentale Histoire de I'Académie ajoute :< Cela est si
vrai
que, si l'on peut parcourirtout
le premier sièclede I'Ecole genevoise en
y
étudiant l'ceuvre de Calvin et de Théo- dore de Bèze, on pourrait mettre le second presque entier sous le nom comparativement inconnu de Robert Chouet n.Le
t5
mai 1669, Chouet est appelé àla
chaire de philosophie.Il
afait
ses études à Genève, puis à Nîmes.Il
se rend à Saumur où se trouve une Académie protestante etil y
devient professeur de philosophie. Aprèsun
séjourde cinq
ansà
Saumuron
le retrouve dans sa ville natale. Chouet était cartésien. Le < Discours de la méthode > est de 1637. Choqet naîtra cinq ans plustard. Il
est, à Genève, le premier cartésien. Pour l'époque et pour le lieu où
il vivait,
une telle appartenance intellectuellen'était
pas unfait
banal. On sait les obstacles que les idées de Descartes ren- contrèrenttout
d'abord. Faut-il rappeler, pour cequi
concerne notre pays, que'la Seigneurie de Berne avait frappé d'interdit le< Discours > un mois avant que Chouet s'installât dans son ensei'
gnement ?
, Le
lrouveau professeurde
philosophieétait
porté vers les scicnces expérimentales; Pierre Bayle, qui fut, son élèwe, a noté, dans une de ses lettres, la valeur pédagogique exceptionnelle deQUELQUES MOTS SUR LA VIE SCIÉNTIFIQUE DE GENÈVÉ 5
Chouet.
Il a
aussi indiqué quelques-unes des expériences faites sous ses yeux.Malheureusement l'Académie ne
put jouir
longtemps de l'en- seignement de cet homme éminent. Genève, à cause des di{Iicultés sans nombreau milieu
desquellescette
malheureuseville
sedébattait réclamait, pour sa politique, I'e{fort des meilleurs de ses
citoyens, Chouet, nommé plusieurs
fois
syndic,fut
chargé de missions diplomatiques à Berneet à
Zurich.Et
moins de vingt ans après sa désignation académique, en 1686,il
est appelé auPetit Conseil.
Il y
3iégea comme conseiller, secrétaired'Etat
et,syndic.Et la
science, comme bien on pense, sou{ïrit de tous ces hon- neurs..
Toutefois l'élan était donné. La recherche scientifique ne sera plus guère enchaînée-
chez quelques-uns-
que par les soucispersonnels de maintenir des traditions
-
très respectables sansdoute
-
par exemple, plus tard, chez un Charles Bonnet. Mais ense plaçant au
point
de vue exclusivement scientilique, on peut regretter que ces puissances traditionalistes aient encore,à
cemoment, dominé certains esprits. Plusieurs savants genevois de cette époque ont passê à côté de grandes découvertes ; les ayant peut-être pressenties, aperçues,
ils n'ont
pas osé les proclamer.Heureusement pour
le
développementfutur
dela
science à Genève, que Jean-Robert Chouet vécut longtemps. Son influence s'imposa non seulement à I'Académie, mais aussi en dehors d'elle-
et à presque deux générations-
chez les hommes cultivés du moment.Il
semble que c'est, en partie, au rôle intellectuel de Chouet, au dynamisme de son esprit, prolongé bien au delà de lui-même, quel'on
doit le déclenchement de cette extraordinaire période scientifique qui caractérisa leXVIIIe
siècle genevois.Et
auspi une grande partie du
XIXe
siècle : celui-ci n'étant, comme disent les juristes, qu'une sorte de tacite reconduction. Dans son<
Histoire
des scienceset
des savants depuisdeux
siècles >,Alphonse de Candolle a montré que Genève est la ville du monde
qui,
proportionnellement au nombre de ses habitants (en 18126
ouEleuEs Mors suR LÀ vIE scrENTrFreuÉon
cnNÈvs elle n'en compte pas encore 25 000), a produit, à ce moment-là, le plus grand nombre de savants réputés.Il
ne faudrait pas être injuste envers les siècles précédents. Si la pensée calviniste, bien ou mal interprétée, avait presque imposé aux hommesla
vue d'un seul horizon, elle avait aussi créê des énergies spirituelles peut-être inégalégs. Ces qualités allaienttrou' ver
leur emploi.Un
soucidu travail
bicnfait,
dola
r6flcxion acérée,le
contrôle incessant de son esprit,le
scrupule detout
examen, ces vertus s'apprêtaient à révolutionner ce qu'on appe'lait
alorsla
philosophie, en instituant, pour I'endroit dont nous parlons, les sciences d'observations-
d'observations particu- lièrement minutieuses(on a
parlé de minuties d'horlogers) comme celles qui conduisirent Abraham Trembley, Charles Bonnet,-
Jean Sénebier, François Huber, Théodore
de
Saussure, Pierre Huber et tant d'autres à leurs découvertes, parfois retentissantes.Car le
XVIIIe
sièclevoit
naître à Genève quelques investiga- tions de haut vol. Elles sont comme le point de départ de plusieurs des chapitres principaux dela
science contemporaine' C'est, en 7744, qu'Abraham Trembley constatele
phénomène dela
régé- nération des tissus chez les hydres vertes-
les polypes d'eau douce. Ces expériences, dès lors, seront reprises à toutes les épo- ques, amplifiées, perfectionnées, interprétées en profondeur; les magnifiques résultats fournis aujourd'huipar la
grefie animale n'en sont-ils pas commeun
aboutissement ? C'est en 1745 que Charles Bonnet-
par ailleurs considérê commele
fondateur dela
psychologie animale-
découvrela
parthénogenèse des puce- rons-
I'un des points de départ de toutes les études sur la repro- duction. Quelquedix
ans plus tard, le même Charles Bonnetfait
une autre découverte, celle-là aussi de premier ordre : la respira-tion
véritable des plantes.La
lignée des grands naturalistes genevois est commencée, Après Bonnet et Trembley, c'est Fran' çois Huber (L750-1831), < I'homme des abeilles rr, et c'est son fils Pierre Huber (L777-L840) <tl'homme des fourmis tr, dont les noms resteront 6ternelloment associésà la
biologie animaleI
c'estJean Sénebiet (L742-L809) qui comprend pour la première fois la
fonction
chlorophyllienne; c'est
Jean-Pierre-Etienne VaucherQUELQUES MOTS SUR LA VIE SCTENÎITTIQUE DE SENÈVE 7 (L763-LUL)
qui,
aussile
premier, observela
conjugaisonet
la sexuqlité des alguesI
c'est Horace-Bénédict de Saussure, le créa'teur
dela
géologie alpine,un
des plus grands esprits de cette époque.Et l'on voit
aussi apparaître les premiers physiciens :Pierre Prévost
qui
< énoncele
principesi
fécond de l'équilibre mobile de températures D. D'autres savantsdont la
réputationfut
moins éclatante devraient, en bonne justice, augmenter cette liste de leurs noms et de leurs découvertes:
ainsi Jean-André deLuc
(L727-L817);
son frèreet
collaborateur Guillaume-Antoine (L729-L8L2);
Louis Jurine (1751-t8tg)Avant la Iïn de ce
XVIIIo
siècle qui met cette grande lumièresur
Genève, deux importantes sociétês scientifiques sont insti- tuées:
en 1766,la
< Société des Arts >, dont Horace-Bénêdict de Saussureet
l'horloger Faizan sont lesinitiateurs; en
1790, la<Société de Physique
et
d'Histoire naturelleu. Toutes deux sont encore bien vivantes aujourd'hui. Et c'est aussi à la fin duXVIIIe
siècle que paraissent, pour la première fois ({-795), les Archit'es iles Sciences plrysiques et naturelles dont la publication n'a jamais été intenompue. Dans
trois
ans, cette revue poqrra fêter son 150e anniversaire.Ces quelques indications montrent à quel degré I'esprit scien- tifrque avait conquis Genève.
Et il l'avait
conquise presque d'un seul coup.Pour plusieurs,
un tel
développement scientifique, dans uneville
encoresi
petite, apparaît comme une sorte de génération spontanée;
presque commeun
miracle. Maisil
ne faudrait pas êtreingrat; il
ne faut pas oublier la préparation des esprits dans les deux siècles précédents. C'ôtait, en réalité, l'éclosion, lente- ment élaborée, d'une fleur dont I'espèce était encore insoupçonnée.On remarquera, dans ce
XVIII€
siècle, quesi les
savants genevois donnèrent à la science universelle quelques-unes de ses plus importantes acquisitions, ce furent surtout les sciences natu- relles et la biologie qui en eurent le bénéfice. Non pas que la phy- siqueet la
chimie n'aientrien
àvoir
figurer dans ce palmarès8
qrJELeuEs Mors sun LÀ viE scrENTrFIeûEop
csxùvp général;
nous venons de citer Pierre Prévost-
et Ia physico:chimie semble
lui
devoir belaucoup-
maisil
est incontestable qu'à Genève, à presque toutes les époques, jusqu'au moins vers le milieu duXIXe
siècle, les sciences naturelles l'emportent, par la richesse des inventions, sur les autres disciplines.Comment interpréter cet élqn qui portera si loin la renommée des naturalistes genevois ? On a essayé de I'expliquer par lo padro
de nature, sa variété et son charme, dans lequel est situêe Genève.
Cela, en partie au moins, est si
vrai
que plusieurs de nos grands natqralistes, comme Charles Bonnet et Horace-Bénédict de Saus- sure,l'ont
indiqué commel'un
des dêterminants de leur carrière.Ecoutons sur ce point le pasteur J.-P.-E. Vaucher parlant de'ses propres préoccupations de botqniste : < Ce penchant inné, et pres- que irrésistible, était encore excité par les contrées que j'habite, les montagnes qui entourent mon heureuse patrie >.
Mais
il
faut aussi expliquer cet élan par le besoin intellectuel1-
par l'impérieuse nécessité morale-
que sentait presque toutGenevois, lui dictant un devoir à accomplir, lui imposant I'obliga-
tion
de < faire quelque choser.
On peut ajouter qu'untel
senti- ment està
I'honneur de ceux dont nous parlons, car,à
cette époque, particulièrement, ces hommes appartenaient aux familles aisées de la République et ils auraient pu être,tout
simplement, des oisifs.Mais,
aux
deux raisonsde
caractère généralqui
viennent d'être invoquées,il
manquetout
de même le déclic quifait
réa-liser l'instant unique
qui
nousjette
dansun
avenir inévitable.Au début d'une canière
il
y a, comme cela, un jour, une heureoù un
événementintervient qui va
décider detoute
une vie.N'est-ce pas à la lecture d'un ouvrage de Bu{fon que G. Cuvier, d'un seul coup, eut la vision de ce
qu'il
devait étudier.. La
même aventure est survenueà I'un
de ceuxqui
figureparmi les
chefsde file
dgs grands naturalistes genevois, à Charles Bonnet. Elle est intêressante à rappeler.Dans son histoire de I'ancienne Académie, Ch. Borgeaud a
cité
la
lettre, jusqu'alors inêdite, dans laquelle Charles Bonnet, s'adressant à de Haller, lui raconte ce qu'on pourrait appeler son coup de foudre scientifique. aJe
m'étaisun jour
rendu chezQUELQUES MOTS SUA LÀ VIE SCTENTIFIQUE DE GENÈVE 9
M. de
la
Rive pour assister, à mon ordinaire, à son cours public.Il
le donnait dans son logis.'.. J'aperçus sur la table un grand livrein
quarto...j'allai
autitre et je
lus:
a Mémoires pour servir à l?histoire des insectes par M. de Réaumur'.. tr, je le feuilletai rapi- dement ouplutôt
je le dévorai des yeux !>Et
plus loin:
< Je l'ailu
et relu... etje
le sais presque par cæur... celivre
si désiré et qui: devait faire de moi unpetit
naturaliste... Je n'imaginais pas alors que je serais un jour possesseur de ce grand ouvrage et que je le tiendrais de la main même de I'illustre auteur )).A peu près à la même heure où Abraham Trembley et Charles Bonnet apportaient à
la
biologie générale le résultat magnifique dè leurs observations, naissaitI'un
des plus grands savants duXVIIIe
siècle européen, Horace-Bénédict de Saussure,le
décou'vrcur
dcs Alpcs.Ilvit
le jour à Genève,le t7 février L740.L
18 ans-
alors onêtait précoce
- il
est déjà en commerce épistolaire avec I'illustre Albert de Haller. A 22 ans,il
est nommé professeur de philosophieà
l'Académie.Esprit
encyclopédique, comme on pouvait l'être encore à cette époque, Horace-Bénédict de Saussure qui, bientôt, sera en relation avec tous les hommes réputés de son époque, n'est pas seulement le créateur dela
géologie des Alpes.Il
a étéphysicien et météorologiste et presque botaniste ;
il
a inventé desinstruments pour ses propres observations ou ses expériences et plusieurs servent encore aujourd'hui. Son esprit
fut
grand dans tous les domaines de la vie intellectuelle et sociale. Les < Voyages dans les Alpes > ont fait surgir des écoles de géologues. Et la Suissefut,
grâce àlui,
dansle
domaine tlela
géologie alpine,tout
au moins, une féconde initiatrice.La fenêtre largement ouverte, au
XVIIIe
siècle, à Genève, sur les phénomènes de la.natqre, sur les sciences d'observation-
etI'on peut dire, déjà, sur la science expérimentale
-,
ne se refer'mera plus. Plusieurs générations d'hommes, ayant
un
esprit demême qualité, viennent
s'y
accouder pour qiguiser leurs regards et parfaire leurs méditations. Et la liste des découvertes-
petitespt
grandes,-
dès lors devient, pourun
si minuscule territoire, impressionnante.10
eunleuts Mors sun LA vrE scrENTrFreuE DE cENÈvEEt
sile
développement général de notreville fut,
dès cette époque, relativement heureux, nousle
devons en grande partie aux hommes éminents qui attirèrent sur elle les yeux de l'étran- ger.Et
I'Europe entière passa nos murs. Beaucoup de ces voya- geurs, séduits sans doute parla
beautédu
paysageet
I'intérêt intellectuel qu'ils rencontraient partout, demeurèrent.avec nous.Ou, au moins, restèrent en relation avec nous. Ils aidèrent ainsi à mieqx acheminer l'économie générale du pays.
Comme son prédécesseur,
le XIXe
siècle est, pourla
science genevoise, une époquede
gloire.Il
agrandit,sur la cité
déjà célèbre, une quréole dont l'éclat, malgré les années qui viendront, ne s'atténuera pas.Le
goût des recherches désintéressées s'est emparé aussi de la nouvelle génération, et c'est la botanique quiva
principalement bénéficierde
cette magniliquevertu.
Alors commencela
dynastie des de Candolle, avec Augustin Pyramus (L778-L84L). Immédiatementles
recherchesde
systématique vont, parlui,
prendre une ampleur qui, au dire des spécialistes, dépasse celle de Linné.Le
grand ceuvrede
savie fut le
a Prodromus Systematis naturalis Regni vegetabilis >, considéré comme le plus important ouvragedu
siècle.Horace-Bénédict de Saussure n'avait pas oublié,
tout
au cours de sa vie, qu'étant < citoyen de Genève >, cetitre lui
donnait de hautes responsabilités morales.Et il
ne s'y déroba pas. Augustin Pyramus de Candolle,lui
non plus, n'oublia jamais le devoir quelui
imposait cette noblesse.Cuvier, dans
un
de ses Eloges historiques, a noté-
s'ss1|
propos d'Horace-Bénédict
de
Saussirre- que
l'hérédité destalents est chose rare.
En
écrivant le nom d'Alphonse de Can-dolle,
fils
d'Augustin Pyramus, nous repensonsà la
phrase de Cuvier. La grande ombre du père-
elle se projeta sur d'immen- ses espaces-
ne voila jamais levif
éclat des travaux entrepris par le fils. Alphonse de Candolle (1806-1893), encore très jeune, collabora au Prodromus de son père. Puisil
aborda une série deQUSLQUES MOTS SUR LA VIE SCTENTIFIQUE DE GENÈVE
'.'1,
publications qui placèrent aussitôt son nom très haut parmi les
botanistes du monde entier. C'est
lui qui
entreprit les ( Lois dela
nomenclature botaniquer dont le projet fut
acceptépar
le Congrès international de Paris en 1867.A
ce proposil
n'est pas sans intérêt de souligner quela
suite de cette réforme-
et sonaboutissement
au XXe
siècle-
est dueà un
autre botanistegenevois, John Briquet.
Deux ouvrages d'Alphonse de Candolle marquent principale- ment la fabuleuse étendue de ses connaissances
: la
t< Géographie botanique raisonnée r et l'< Origine des plantes cultivées r.Grâce à ces maltres éminents, la botanique
allait
connaître, à Genève, des sqccès retentissants.Ils
eurentrà
côtéd'eux,
et après eux, des disciples nombreux: Edmond Boissier (1810-1885) publia une <Flora orientalis>-en cinq volumes quilui
assura une place envue, et il
constituaun
Herbier considérable, aujour-d'hui
propriété de I'Université.Et si
d'aqtres auteurs apparte-nant à
cette époque, n'atteignirent pasla
réputation de leurs prédécesseurs,ils
apportèrent néanmoinsde
nombreux maté- riaux à ce somptueux édifice. On sait que les Herbiers divers et les Bibliothèques spécialisées que possède Genève constituent des documents d'unetelle
richessequ'ils
netrouvent
leurs pareils que dans flsux-
peut-être trois-
des plus grandes capitales.Nicolas-Théodore
de
Saussure (L767-L845),Iils
d'Horace' Bénédict, peut demander aux botanistes delui
accorder une place dans leur cénacle;
une place pour l'éternité, puisqu'ildoit
être placé autout
premier rang des savants qui étudièrent, dans son intimitê, la circulation et le comportement de la matière dans les tissus végétaux. On adit
que la physiologie végétale était née à Genève grâceà
quatre savânts de cetteville:
Charles Bonnet, Jean Sénebier, J.-P.-E. Vaucher, Théodore de Saussure. Ce der' nierfut,
à la fois, un chimiste et un physiologiste, et ses ( Recher' ches chimiques sur la végétation )) sont encore aujourd'hui admi'rées.
Pendant le même temps
la
zoologie etla
paléontologie gene' voises trouvaient, dans la personne de François-Jules Pictet de la Rive (1809-L872),le premier de leurs grands maîtres' F.-J. Pictet commença une carrière de zoologiste en publiant un traité sur lesLZ
euELeuEs Mors sun LÀ vre scrENTrFreuE DE cENùvENévroptères. Mais, $ientôt,
tout
son intêrêt se porta sur l'étude des animaux fossiles. Après une vie de travail assidu,il
a laissé à ses contemporains-
et à nous-mêmes-
des n Matériaux pour la Paléontologie suisse > et un tt Traité de Paléontologie > en quatre volumes. De telles ceuvres as$urent à leur auteur-
alors, noussommes à I'entrée d'une avenue nouvelle
-
une place d'honneurdans Ie palais de
la
science universelle.Les élèves de F.-J. Pictet ne suivirent pas tous
-
nous parlonsde ceux
qui
laissèrentun
souvenir particulièrementvivant
de leurs travaux,- la
voie dela
paléontologie.La
zoologie, par contre,allait
bénéficier de plusieurs des meilleurs disciples deF.-J. Pictet. C'est d'abord, dans l'ordre chronologique des nais- sqnces, Henri de Saussure (1829-1905) dont le nom sera à jamais inséparable
de I'Histoire
naturelle des insectesI c'est
encoreEdouard Claparède (1832-1871), mort à la fleur de l'âge,
et
qui, dans sa courte vie, publia des documents essentiels sur plusieurs groupes d' Invertébrés.Il
faut encore, avant que ne se termine leXIXê
siècle, inscrire dans le palmarès dela
science genevoise, le nom fameux,à
destitres
divers,de
CarlVogt
(1817-1895)dont
lestravaux
sont nombreux, importants et variés, et dont I'influence à I'Universitéfut
considérable, notqmment à I'heure où I'on créa la Faculté de Médecine ; et celui d'Hermann Fol (1845-1892) dont les biologistes d'aujourd'hui et de demain rappelleront toujours les travaux.Au
coursdu
siècle précédent, Horace-Bénédict de Saussureavait porté très haut les recherches relatives
à l'Histoire
de la Terre.Il
n'eut pas,à
Genève même, de continuateur immédiat.Mais au milieu
du
siècle suivant nous trouvons de nouveau, à Genève,un
géologue de grande classe, Alphonse Favre (1815- 1890). Les environs de Genève furent, de sa part, l'objet d'inves- tigations suivies et précises, et par cela mêmeil
peut être placé, dans ce répertoire sommaire,à la
suite d'Horace-Bénédict de Saussure. Alphonse Favreétablit la carte
géologiquede
cesparties de la Savoie, du Piémont et de la Suisse, voisines du Mont- Blanc, et
il y
ajouta trois volumes d'interprêtations qrri ne sont pas périmées.QUELQUES( MOTS SUR LÀ VTE SCIENTTFIQUE DE GENÈVE 13
,
On pourrait croire, àla
lecture des pages qui précèdent, que Genève n'inscrivit, dans ses annales scientifiques, que desnatu'
ralistes. Les mathêmatiques,la
physique etla
chimie ont égale' ment ledroit
de revendiquer quelques savants éminents.Parmi ceux à qui les mathématiques sont redevables de pro' grès certains,
il faut citer
Gabriel Cramer (L704-L757), SimonL'Huillier
(1750-1840), Charles Sturm (1803-1855), membre de l'Académie des sciencesà
33 ans, Charles Cellérier (1818-1889).L'astronomie et la météorologie revendiquent, à leur tour, Emile Plantamour (1815-1882).
Parmi les physiciens nous n'aurions garde d'oublier
:
Marc- Auguste Pictet (L752-L825), le successeur d'H.-B. de Saussure àI'Académie
(travaux sur le
calorique); Piene
Prévost (L751"-1839), considéré comme
I'un
des précurseursde la
physiquemoderne et dont
il a
déjà-été question; Gaspardet
Auguste dela
Rive. Le premier (L770'1834) est connu par ses recherches surl'électricité.
Ses relations scientifiques étaientsi
étendues quetous les physiciens de I'Europe passèrent dans son laboratoire.
Le
second (1801-1873), après avoir, au début, étudiéla
chaleur spécilique des gaz, voua son tempsà
l'électricité.Il
irrventa la dorure galvanique, résolut le problème de I'aurore boréale, écrivit untraité
d'électricité théorique et pratique en trois volumes quifit
époque.Enfin
il
paraît légitime d'associerà
ces noms de physicienscelui de
Jean-Daniel Colladon (1802-1893).On lui doit,
entre autres, la mémorable expérience, en collaboration avec Sturm, dela vitesse du son dans l'eau, exécutée sur notre lqc.
La
chimie, elle, vénérerala
mémoire de Charles de Marignac (1817-1894), car la grande ceuvre de sa vie, la détermination des poids atomiques d'une trentaine d'éléments, est considérée comme touchant à la perfection. Elle a suscité I'admiration des chimistesdu
monde entier;Au
débutdu XIXe
siècle, Genèvevit
naître une association scientifiquedont
I'importancefut et
reste grande dans I'his'14
euEr,euEs Mors suR LÀ vrE scrENTrFreuE DE cENÈvEtoire intellectuelle de la Suisse : la Société helvétique des Sciences naturelles. Elle est la plus ancienne société scientifique itinérante
du
monde.Elle a
aujourd'hui L27 ans d'âge.Or,
nous devonscette
créationau
GenevoisHenri-Albert
Gosse (1754-1816).Genève venait à peine d'entrer dans la Confédération.
Il
estvrqi
que ses relations avec les principales villes dela
Suisse dataient deloilr. Au XVIIIo
siècle les savarrls geuevuis s'eulr'elelraielrt avec leurs collègues des autres cantons des problèmes scientifi- quesqui
préoccupaientleur esprit. Il suflit de citer,
comme exemple, la volumineuse conespondance échangée entre Charles Bonnetet
Albertde
Haller.En
1814 les cæurs étaient remplis d'allégresse. C'est alors que Gosse eut I'idée de réunir les sqvqnts d'une même patrie dans une assemblée annuelleoù ils
expose-raient les résultats de leurs recherches, où ils échangeraient leurs points de vue. Le
6
octobre 1815,H.-4.
Gosse, alors président de la Société de physique de Genève, assemblait, dans sa propriété du Petit Salève, une trentaine de savants venus de divers cantons..Et c'est là, devant un admirable panorama, dans un pavillon que son propriétaire avait appelé le Temple de
la
Nature, oùil
avait placé les bustes de Linné, de Charles Bonnet, de de Haller, de de Saussure, de Jean-Jacques Rousseau, que la Société helvétique des Sciences naturellesfut
fondée. Elle est notre Académie des Sciences;
une académie ouverteà
tous les travailleurs.Elle
a joué un rôle considérable dans lavie
intellectuelle dela
Suisse.Si I'on devait faire le compte de ce que
lui
doit la science univer- selle, on sqrait grandement étonné dq résultat d'un tel inventaire.L'ceuvre scientifique de Genève est intéressante à rappeler à un autre
titre
encore que celui de l'invention même. On peut direqu'il
n'est pas unfait
nouveau, apparaissant quelquepart
dansle
monde,qui n'ait
été aussitôt,à
Genève même, repris, com- menté, contrôlé;
non pas dansla
médiocre intention d'en cher- cher les défauts ou les erreurs, mais avec le seul désir d'augmenter son propre savoir et aussi d'en faire proliter les autres.A tous les moments, depuis le
XVIIIe
siècle, et dans tous les domaines, et quelles qu'aient été leurs origines, les grandes décou-+
QUELQUEs MOÎS SUN LÀ VIE SCIENTIFTQUE DE CENÈVE L5
vertes ont instantanément trouvé
à
Genèveun
écho (le premier exemplaire de l'< Origine des espèces n arrivé sur le continentfut
celui envoyêpar
Darwin à Alph. de Candolle).Et
souvent cet écho s'est prolongé bien au delà du lieu oùil
retentissait.Il
serait facile d'en fairela
démonstration. Un seul exemple:
I'invention de Jennerfut
connue-
en dehors de I'Angleterre-
en premierlieu à Genève.
Et
c'est dans cetteville
que le terme de vaccinfut
inventé.Et le
zèlequ'à
Genève les savants mettaientà
recevoir lesacquisitions nouvelles se manifestait encore d'une autre manière.
Beaucoup de trouvailles scientifiques faites en pays de langues étrangères étaient aussitôt traduites
et
commentées par les spé-cialistes genevois, très souvent polyglottes, et publiées dans nos revues. La liste serait longue qui devrait contenir
tout
ce que les savants appartenant aux pays de langue françaiseont
dû à cesintermédiaires bénévoles.
Le caractère international de Genève
-
dans un cadre cepen-dant si fermement national
-
est ainsi, à toutes les époques, pré- sent à chaque pas de la vie intellectuelle.Parfois
il
I'est encore sous une autre forme : ce sont les Revues scientifiques paraissant à Genève qui, les premières,-
eela peutmontrer en quelle estime on les tenait
-
publièrent les inventions de savants étrangers,Àinsi, sous des formes variées, Genève a contribué à enrichrr les connaissances humaines. Elle
l'a fait
soil sous l'aspect de faits scientifiques jusqu'àlors insoupçonnés(et la
liste,ici,
est hono- rable),soit en
aidantà porter
plusloin
les résqltats cibtenus ailleurs.Aujourd'hui encore, Genève
a
gardé sa fidélitéà Ia
science.Pour en être convaineu,
il n'y
a qu'à constater lavitalité
de sesassociations scientifiques.
La plus
importante d'entre elles, la Société de physique et d'histoire naturelle, fêtait naguère le 150eanniversaire de sa nqissance.
A
cette occasionil
a étédit
quelleavait
été loactivité créatrice de cette Compagnie savante. On arappelé qu'au cours des cinquante dernières années plus de 2800 t
l
î
t6
euEleuEs .Mors suR LÀ vIE scrENTrFrQUE DE cENÈvEcommunications scientifiques avaient été présentées en séances.
Sans doute elles ne modifiaient pas toutes notre savoir sur
tel
ou tel problème considéré comme essentiel, néanriroins beaucoup sont des adjonctions importantes à nos connaissanbes.Et
peut-êtreiin
jour modifieront-elles celles-ci. Ainsi le flambeau qllumé principa- lement par Chouet, tenu si fermement en mains par ses succes:seurs dès
le XVIIIo
siècleet
dorrl l'éclaL parluis fuLsi vif,
rr'u pas perdrr son rayonnement.Un tel aperçu
- il
ne peut être davantage-
est certainement entaché d'injustices. Etil
ne peut en être autrement. Semblable à un voyageur aérien à quiil
serait permis de poser le pied seulement sur les cimes les plus élevées,j'ai
dû laisser dans I'ombre bien des sommets-
ici des hommes-
qui ne méritaient pas cet abandon.Dans une chaîne de montagnes, les plus hautes altitudes comme.
les plus basses, sont fonction du hasard qui a créé le massif.
Et
chacirn sait que les montagnes moins élevées renferment aussi des beautés diverses, des sources où I'on peut largement s'abreuver, des fleurs aux couleurs et aux parfums variés. Sans elles l'ensemble serait singulièrement incomplet.
Tous les hommes de valeur irrtellectuelle égale
- s'il
est pos-sible d'établir une
telle
égalité-
n'atteignent pasà la
mêmegloire. Des causes qui
n'ont
rien àvoir
avecla
science peuvent apporter, ou ne pas apporter, des IauriersEn associant toutes les ceuvres scientifiques, réalisées à Genève,
-
les plus hauteset
les autre$-, on
reste confondu devant I'e{Tort déployé par un si petit pays. Quand on sait le désintéres- sement qqe réclamela
recherche scientifique, on ne peut qu'ad- mirer cet élanqui
portasi loin, au
cours de deux siècles, lessavants genevois. Sans doute ils furent aidés dans leur tâche comme ceux d'hier et ceux d'aujourd'hui
-
-
par le désir, si vivantdans le cæur des < citoyens de Genève r, de hausser, aux yeux du monde, leur petite patrie.
Car, République minuscule, Genève
ne pouvait
grandir quepar l'Esprit.
Leu8m€.
- Imp. La Oomrde. 6 42