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Virus de l’hépatite E : faut-il désormais le dépister systématiquement dans le sang ?

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1522 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 août 2014

actualité, info

Pr Thomas Bischoff Médecine interne FMH 1030 Bussigny

Directeur de l’Institut universi­

taire de médecine générale PMU, Lausanne

cobiri@@bluewin.ch

Virus de l’hépatite E : faut-il désormais le dépister systématiquement dans le sang ?

Pendant longtemps on ne parla, faute de mieux, que des «hépatites». Puis vint la vi­

ro logie et, avec elle, le démembrement de cette entité. On découvrit alors, l’un après l’autre, les agents pathogènes qui avançaient jus qu’alors masqués. D’abord, le virus de l’hé patite B et celui de l’hépatite A. Avec le mystère du «non­A non B». Puis, le virus responsable de l’hépatite C – dont les nou­

veaux et dispendieux traitements font aujour­

d’hui couler beaucoup d’encre. Et, enfin, celui de l’hépatite E (VHE).

Les virologues ont cloné et caractérisé son génome, il y a près d’un quart de siècle. On sait désormais que le VHE est un virus non enveloppé à génome ARN brin positif classé dans la famille des Hepeviridae (dont il est le seul membre). «Si un seul sérotype est con nu, ce virus présente une diversité génétique im­

portante, actuellement représentée par qua tre

génotypes infectant l’humain. Ce pendant, de nouvelles souches virales spéci fiques à certains animaux ont été récemment identi­

fiées (lapin, rat et oiseau) et viennent agran­

dir cette famille, pouvait­on lire l’an dernier dans ces colonnes.1 Les auteurs ajou taient que ce virus est transmis par voie féco­orale

ou par l’intermédiaire de produits anima­

liers carnés insuffisamment cuits.

«On estime chaque année à vingt millions le nombre d’infections par le VHE, à plus de trois millions de cas aigus et à 56 000 le nom­

bre de décès liés à la maladie, indique pour sa part l’OMS. L’hépatite E régresse généra­

lement spontanément mais peut évoluer en hépatite fulminante. L’hépatite E sévit par­

tout dans le monde mais sa prévalence est la plus élevée en Asie de l’Est et du Sud. La Chine a produit et homologué le premier vac­

cin, qui n’est pas encore disponible partout dans le monde.»

Le VHE se transmet donc principalement par la voie féco­orale (contamination fécale de l’eau de boisson) ainsi que par voies alimen taire (ingestion de produits dérivés d’ani maux infectés) et transfusionnelle. «Des quatre génotypes connus, le génotype 3 est responsable d’infections autochtones dans les pays développés, avec une séroprévalence en Suisse estimée jusqu’à 22%, précisent les auteurs de la Revue Médicale Suisse. La majorité des pa­

tients infectés sont asympto­

matiques mais une minorité d’entre eux, notam ment des hommes de plus de 50 ans ou avec une hépatopathie préexis­

tante, peuvent pré senter une hépatite aiguë sévère. Une évolution chronique de l’infec­

tion par le VHE de génotype 3 est possible chez des patients im munosupprimés, no­

tamment des patients transplantés. La séro­

logie n’offrant pas une sensibilité suffisante, surtout chez ces patients, le diagnostic d’une avancée thérapeutique

… les conséquences cliniques de l’infection à VHE ne doivent pas être minimisées …

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 13 août 2014 1523

1 Hiroz P, Gouttenoire J, Viet Loan Dao­Thi VL, et al. Mise à jour sur l’hépatite E. Rev Med Suisse 2013;9:1594­8.

2 Hewitt PE, Ijaz S, Brailsford SR, et al. Hepatitis E virus in blood components : A prevalence and transmission study in southeast England. Lancet 2014 ; epub ahead of print.

; c’est la demande du malade et le risque accepté du médecin»

Jean Carpentier, Thèses sur l’art médical infection active repose sur la PCR.»

Une nouvelle question est aujourd’hui sou­

levée avec la publication d’une étude et d’un commentaire dérangeant dans The Lancet.2 Cette publication est signée d’un groupe diri gé par le Pr Richard Tedder (Service na­

tional britannique de transfusion et de trans­

plantation). Quant au commentaire, il est si­

gné du Pr Jean­Michel Pawlotsky (Centre national de référence français pour les hépa­

tites B, C et D ; Département de virologie de l’Hôpital Henri Mondor, Créteil).

Le travail du Pr Tedder et de ses collègues a consisté en une analyse rétrospective de 225 000 dons de sang individuels recueillis dans le sud­est de l’Angleterre entre octobre 2012 et septembre 2013. Une recherche sys­

tématique de l’ARN viral de l’agent VHE a été effectuée. Ils ont alors trouvé 79 don­

neurs ayant une virémie positive pour le gé­

notype 3 du VHE (prévalence de 1/2848).

Ces 79 dons ont été utilisés pour préparer 129 composants sanguins, dont 62 ont été utilisés chez des receveurs. Le suivi de 43 d’entre eux a montré qu’une transmission virale avait eu lieu dans 18 cas (42%).

«L’infection par le génotype 3 du VHE est

très répandue dans la population anglaise, y compris chez les donneurs de sang. Nous estimons qu’entre 80 000 et 100 000 infections sont susceptibles d’avoir été contractées en Angleterre au cours de l’année de notre étude, commente le Pr Richard Tedder. Bien que se manifestant rarement par une mala­

die aiguë, les infections par le virus de l’hé­

patite E peuvent évoluer ultérieurement chez les patients immunodéprimés. Ceci les ex­

pose au risque de pathologie hépatique chro­

nique et une politique est nécessaire pour identifier ces patients infectés de façon per­

sistante et leur fournir un traitement antivi­

ral approprié.»

Pragmatisme aidant, le Pr Tedder précise que son étude indique que la charge globale du préjudice collectif résultant d’une infec­

tion post­transfusionnelle par le VHE est lé­

gère. Il ne semble donc pas urgent selon lui d’instaurer un dépistage systématique chez les donneurs de sang. Il renvoie toutefois ici à l’organisation d’un débat plus large centré sur le rapport bénéfice/risque. «Je partage l’analyse de Richard Tedder, explique le Pr Francis Barin, spécialiste de virologie (CHU – Université François Rabelais de Tours). La quasi totalité des infections à VHE sont tran­

sitoires, spontanément résolutives. Les con sé­

quences sévères sont une hépatite fulminante (fort heureusement assez rare) et une infec­

tion chronique (uniquement chez le sujet im­

munodéprimé). Si on franchit le pas du dé­

pistage systématique pour le VHE, il faudrait se poser la question de la nécessité du scree- ning pour le génome d’autres virus (parvo­

virus B19…). »

Le point de vue du Pr Jean­Michel Paw­

lotsky est radicalement différent. Dans son commentaire du Lancet, le spécialiste français se dit surpris des conclusions que ses col­

lègues anglais tirent des faits qu’ils révèlent au grand jour. Selon lui, les conséquences cliniques potentielles de l’infection à VHE ne doivent pas être minimisées. «Je crois que le dépistage systématique des composants san guins pour les marqueurs de l’hépatite E

doit être mis en œuvre dans les zones où le VHE est endémique, par exemple, dans les pays de l’Union européenne.»

Le Pr Pawlotsky sait que cette position sera débattue au sein de la communauté des experts. Viendra ensuite le temps de la déci­

sion politique. Mais pour lui aucun doute n’est permis : le dépistage de l’ARN du virus de l’hépatite E s’ajoutera bientôt à la liste de tous ceux, obligatoires, qui permettent d’as­

surer une sécurisation maximale de la trans­

fusion sanguine. Restera bien sûr la question du coût. Mais on sait, depuis les affaires dites

«du sang contaminé» (par le VIH), que la lec­

ture des responsables politiques français dif­

fère sensiblement de celle que peuvent faire sur le même sujet (et avec les mêmes don­

nées chiffrées) leurs homologues européens.

«L’infection par le VHE est préoccupante chez les transplantés (de rein, de cœur) chez lesquels on observe des formes chroniques que l’on peut traiter. Chez les sujets immuno­

compétents, l’infection est le plus souvent asymptomatique, précise le Pr Alain Gou­

deau, chef du Service de bactério­virologie du CHU de Tours. Nous nous sommes pré­

occupés de l’impact des infections à VHE dans la population des transplantés rénaux qui ont eu souvent des transfusions itéra­

tives. Nous avons repris les sérums des trans­

plantés en 2013 (126 patients testés sur 131 greffés), 20 sujets avaient des anticorps anti­

VHE (15%) mais parmi eux aucun n’était virémique. Cela relativise de beaucoup, me semble­t­il, les propos incitant au dépistage systématique.»

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

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