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Bloc-notes: Un peu de clarté éthique

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Academic year: 2022

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– ce qui s’est un peu perdu de vue, du côté des politiciens – mais surtout que cette éthi- que se déploie en une science. Et que cette science permet d’interroger les bonnes inten- tions politiques.

...

Hurst et Mauron s’intéressent au grand pro- jet politique actuel : la fin de l’obligation de con- tracter. Utilisant une méthode dite de «bench- marking of fairness», ils examinent ce que la réalisation de ce projet changerait au critère qui représente, selon eux, la pierre de touche de tout système de santé : l’équité. Pascal Cou- chepin, avec la légèreté intellectuelle qu’on lui connaît, présente ce projet comme une juste chasse aux «moutons noirs», instaurant une saine compétition au sein d’une corporation de nantis financièrement replets. Hurst et Mauron montrent qu’il s’agit de tout autre chose. Pour mener leur travail éthique, ils enquêtent sans a priori. Dissèquent les conséquences possi- bles. Analysent les expériences d’autres pays.

Comparent. Reprennent point par point les ar- guments. Le résultat est saisissant. Adminis- tration, bureaucratie ? Augmentées. Liberté, em- powerment des malades ? Diminués. Plaisir de travailler des médecins ? En évidente régres- sion. Coûts ? Minime chance d’une baisse.

Equité ? Quasi-certitude d’une atteinte grave.

...

Hurst et Mauron se montrent encore plus subversifs lorsqu’ils s’intéressent au socle lo- gique de l’édifice de la fin de l’obligation de contracter. Ce socle se résume à deux asser- tions : 1) les médecins sont trop nombreux ; 2) ils induisent une demande de soins. Or ces assertions centrales du mythe politique suisse en matière de santé ne sont pas prouvées.

Deux possibilités existent pour expliquer le lien entre la densité de médecins et l’augmenta- tion des coûts. Soit, effectivement, l’offre mé- dicale induit la demande – crée une consom- mation de soins «inutiles». Soit elle améliore l’accès à des soins appropriés mais encore peu disponibles. D’où ce raisonnement limpi- de de Hurst et Mauron. «Si les coûts de la santé augmentent via l’induction de la deman- de, alors réduire le nombre de médecins de- vient souhaitable pour améliorer l’efficience.

Si les coûts augmentent via une disponibilité accrue des soins, alors réduire le nombre de médecins introduirait un mécanisme de ration- nement implicite dans le système de santé».

Seulement voilà, une étude menée en Nor- vège montre que la deuxième hypothèse l’em- porte sur la première : augmentation des coûts par une meilleure accessibilité plutôt que par une induction. Des travaux menés aux Etats- Unis suggèrent la même chose. Chez nous ?

L

e grand problème du système de santé ? La prise de pouvoir par l’administratif. Le manque de relais entre ceux qui font le travail, les soignants, et ce pouvoir. Chassés de la plu- part des grands rouages de décision, les mé- decins doivent obéir à des gestionnaires qui leur imposent une façon de travailler n’ayant rien à voir avec les questions que pose la réa- lité. Le problème n’est pas la perte de pouvoir en soi. C’est l’humiliation de comprendre tous les jours, par la pratique, ce qu’il faudrait, et que cette compréhension ne serve à rien. C’est la difficulté d’agir d’une façon non reconnue, de devoir même biaiser, mentir en remplissant des questionnaires de plus en plus inquisi- teurs, simplement pour défendre la justice ou le bien des patients, parce que le système est devenu absurde. Rien de plus déprimant que cela.

Il est temps de se révolter contre l’arro- gance des assureurs. Mais pour résister à une forme de pouvoir qui apparaît déshumanisante, on ne peut simplement en dénoncer les fautes et critiquer l’institution qui le manifeste. Il s’a- git de porter le couteau plus profond. Ce qu’il faut contester, c’est la forme de raisonnement en présence. Michel Foucault disait déjà cela à propos du pouvoir carcéral : se contenter de critiquer les prisons ne sert à rien. La véritable question est : «comment sont rationnalisées les relations de pouvoir ?». C’est au niveau global du fonctionnement, de sa logique, de ses dis- positifs ouverts ou cachés visant une emprise sur les consciences, cherchant à instaurer des îlots de totalitarisme au nom de l’efficacité, qu’il faut intervenir. Sinon, rappelle Foucault, on ne fera que remplacer les institutions que l’on veut changer par d’autres, portant des noms différents mais aux effets et aux buts identiques. Le chantier doit donc s’ouvrir lar- gement. Décortiquer les conséquences éthi- ques de la politique est un premier pas. Puis, sur cette base de lucidité, il s’agit de construi- re du nouveau qui le soit vraiment. Et de le faire pour de bonnes raisons, c’est-à-dire cel- les de la liberté, de l’équité – bref, des valeurs.

...

Quelques mots sur la première étape, fon- damentale pour le renouveau de la politique de santé : le décorticage éthique. Ce qui man- que le plus, en ces temps déprimants de mon- tée en force de l’administration anti-médecins sur fond d’infantilisme politique, ce n’est mê- me pas le courage. C’est la clarté d’esprit. La démarche intellectuelle rigoureuse, le raison- nement précis. Justement : voici un article à lire.1Samia Hurst et Alex Mauron, deux éthi- ciens genevois, y rappellent non seulement qu’existe une éthique des systèmes de santé

POST-SCRIPTUM

2496 Médecine&Hygiène 2508, 8 décembre 2004www.medhyg.ch

REVUE

www.medhyg.chMédecine&Hygiène 2380, 20 février 2002 0000

Bloc-notes

Un peu de clarté éthique

1 Hurst S.H., Mauron A. Selective contracting of Swiss phy- sicians : Ethical issues and open questions. Swiss med wkly 2004 ; 134 : 632-9.

On ne sait pas. C’est là que l’attitude politique actuelle se dévoile dans toute sa légèreté : notre pays s’apprête à lancer une mesure ad- ministrative d’une importance majeure, alors que tout indique qu’elle repose sur un fond sa- blonneux. Négligence ou efficacité du lobby des assureurs ?

...

Dans leur conclusion, les auteurs mettent le doigt sur deux problèmes. D’abord le prix de l’équité : si l’on supprimait le remboursement des maladies chroniques, les coûts de la san- té diminueraient sérieusement. Pour qui ne s’intéresse qu’à l’économie, l’opération serait excellente. Même l’efficience globale du sys- tème semblerait s’améliorer. Car, rappellent Hurst et Mauron, «l’efficience des traitements aux patients atteints de maladies chroniques, bien que réelle, s’avère bien plus difficile à mesurer que celle des traitements qui sauvent des vies». Le bon traitement des malades chro- niques ne s’évalue qu’avec des critères d’équi- té. Voilà pourquoi «il est essentiel que l’équité ne soit pas absente de l’agenda politique».

Ensuite, la certitude que l’équité ne se cons- truit pas dans la logique du commerce. «Ren- dre des assureurs responsables de la gestion des soins est en soi un but problématique.

Les forces du marché ne peuvent pas fonc- tionner en faveur d’une optimalisation du sys- tème de soins» rappellent Hurst et Mauron.

N’allons pas chercher chez les assureurs, quel- que part dans leur organisme, des récepteurs sensibles à l’équité : ces récepteurs sont tel- lement spéciaux – et allergisants pour l’éco- nomie – que seuls les politiciens qui ont des comptes à rendre à l’opinion les ont encore à la surface de leur pouvoir (un peu comme une maladie prurigineuse, il faut l’avouer). A eux re- vient donc de protéger l’équité : «abandonner la responsabilité démocratique du système de santé est un choix dangereux» rappellent les auteurs. C’est pourtant, en gros, le choix qu’ont fait non seulement notre gouvernement, mais quasiment tous les partis politiques et leurs représentants au Parlement.

B. Kiefer

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