1890 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 septembre 2011
actualité, info
Paludisme, trypanosomiase : bonnes nouvelles
Point n’est besoin d’espérer pour entrepren
dre ni de réussir pour persévérer. Certes.
Reste que la réussite peut aussi être un fac
teur contagieux poussant à continuer dans ses entreprises. Deux informations en pro
venance de la lutte contre le paludisme et contre la maladie du sommeil viennent au
jourd’hui nous démontrer que l’on peut ne pas toujours désespérer des actions de lutte contre des maladies tropicales souvent qua
lifiées de «négligées».
Paludisme. En dix années de lutte, la ré
duction observée de la mortalité a été de moitié dans plus de dix pays d’Afrique et l’objectif fixé à l’horizon 2015 est de parve
nir à l’élimination de la maladie dans dix autres pays. Tel est le message, depuis peu martelé par la direction générale des Nations Unies, à l’occasion de la publication d’un
rapport du partenariat publicprivé Roll Back Malaria/Faire Reculer le Paludisme.1 Les ac
tions entreprises depuis une décennie au
raient ainsi permis de sauver la vie de plus d’un million d’enfants en Afrique subsaha
rienne. Depuis le début du XXIe siècle, les
cas de paludisme auraient chuté de moitié dans plus de dix pays africains comme dans la plupart des pays où la maladie sévit sur un mode endémique. Trois pays dans le monde sont depuis peu parvenus à l’éradi
cation : le Maroc, le Turkménistan et les Emi
rats arabes unis. Le Pr Awa Marie CollSeck, responsable de ce partenariat public/privé,
fondé en 1998, a précisé que l’on était passé de 100 millions de dollars de subventions sur le plan international en 2003 à 1,5 mil
liard en 2010.
Le Swaziland a réduit de 80% ses cas de paludisme notifiés et l’Afrique du Sud com
me la Namibie n’en recensent presque plus.
Au Rwanda, la couverture des interventions antipaludéennes atteint près de 100%. Les clefs du succès de la lutte ? Des mousti
quaires imprégnées d’insecticide, des pul
vérisations d’insecticides sur les murs des maisons et le développement de l’accès aux médicaments réunissant une combinaison thérapeutique à base d’arté
misinine, tenue pour être ef
ficace à 100% mais qui peut toutefois (comme à la fron
tière de la Thaïlande et du Cambodge) induire des phénomènes de ré
sistance ; un nouveau défi à relever.
Les actions préventives ciblent notamment les femmes enceintes, particulièrement ex
posées à l’infection. «En leur donnant des médicaments, à chaque visite médicale, tous les trois mois, on évite des morts maternelles et infantiles, souligne le Pr CollSeck. Mais avancée thérapeutique
… Quant au vaccin, il ne devrait pas être disponible avant 2015 et ne risque fort d’être efficace qu’à hauteur de 50% …
50_53.indd 1 23.09.11 12:58
Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 septembre 2011 1891
1 www.rollbackmalaria.org/
la mise en œuvre de cette mesure est irrégu
lière. Certains pays le font très bien – comme le Rwanda, l’Ethiopie, la Zambie, le Bénin…
– et d’autres moins.» La recherche porte d’au
tre part sur de nouvelles thérapeutiques, as
sociations différentes de médicaments exis
tants ou médicaments différents qui ne seront pas sur le marché avant quelques années.
Quant au vaccin, véritable serpent de mer, il ne devrait pas être disponible, si tout va bien, avant 2015 et ne risque fort d’être efficace qu’à hauteur de 50%.
En marge de ce bilan encourageant, des experts de l’ONU ont rappelé que l’Inde ré
sistait à la tendance mondiale du recul du paludisme et que la dengue continuait à s’ins
taller sur le continent africain. «Ce n’est pas parce que le nombre des cas de paludisme chute que nous pouvons dire que c’est fini, a déclaré le Pr CollSeck à l’Agence France
Presse. La dengue est un nouveau phéno
mène. Il y a des cas diagnostiqués en Afri que.
Auparavant, on n’en faisait pas état.»
Maladie du sommeil. Ou, mieux, trypa
nosomiase africaine ; affection transmise par la piqûre sanguine d’une glossine (la mouche tsétsé). On sait que deux parasites sont ici
impliqués : Trypanosoma brucei ssp. gambiense (le plus fréquemment retrouvé, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale) et Trypano- some brucei ssp. rhodensiense (en Afrique de l’Est et australe). L’information nouvelle con
cerne l’infection transmise par le premier, soit plus de 95% des cas officiellement noti
fiés. L’annonce en a été faite dans le cadre de la 31e conférence scientifique internationale sur la recherche et le contrôle des trypano
somiases organisée à Bamako (Mali) du 12 au 16 septembre. Les résultats obtenus grâce à une nouvelle technique d’amplification génétique devraient permettre de simplifier grandement le diagnostic et ainsi de traiter précocement et plus efficacement les mala
des. Ces résultats démontrent aussi pour la première fois qu’il est possible d’adapter les techniques de biologie moléculaire aux mul
tiples difficultés rencontrées en pratique sur le terrain dans les pays africains concernés.
Selon l’OMS, la trypanosomiase africaine menace environ 60 millions de person nes – pour l’essentiel des populations rurales – dans 36 pays subsahariens. Pour l’heure l’af
fection semble, pour l’essentiel, présente en République démocratique du Congo (RDC) et en République centrafricaine ainsi, dans une moindre mesure, qu’en Angola, au Tchad, au Soudan et en Ouganda. Le diagnostic de la forme due à Trypanosoma brucei ssp. gam- biense est particulièrement complexe : il n’est le plus souvent positif qu’à un stade avancé lorsque le système nerveux central commence à être atteint, ce qui réduit considérablement les chances de guérison. Cette situation fait aussi qu’il est impossible d’organiser un dé
pistage actif et exhaustif de la population à risque alors que ce dépistage est indispen
sable pour repérer les personnes infectées à
un stade encore précoce afin de les traiter et de réduire ainsi la transmission.
C’est là que se situe tout l’intérêt du «pre
mier test moléculaire de terrain», une avan
cée qui résulte d’un partenariat public/privé réunissant la fondation à but non lucratif FIND, basée à Genève, et la société japonaise de diagnostics Eiken. Dénommé LAMP (loop- mediated isothermal amplification), ce test a été spécialement conçu pour pouvoir être utili
sé à température ambiante dans les zones rurales africaines. Il permet, via leur ADN, d’identifier de manière très simple la pré
sence des parasites dans le sang et ce même lorsqu’ils ne sont présents qu’en très petit nombre et invisibles au microscope. Ceci laisse espérer une réduction considérable de la durée de la période de suivi des malades ainsi que la fin des multiples ponctions lom
baires aujourd’hui indispensables. Cette mé
thode qui ne nécessite pas d’outils de labo
ratoire sophistiqués peut également être mise en œuvre sur de grands échantillons de pré
lèvements sanguins séchés et conservés. Il sera disponible pour utilisation clinique en 2012 et il est prêt à être utilisé dans des études accélérées sur le terrain, sur plusieurs sites en République démocratique du Congo et en Ouganda. Il sera d’autre part, assurent les promoteurs, d’un coût de nature à per
mettre son utilisation dans les pays concernés.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
CC BY Geoffrey M. Attardo
50_53.indd 2 23.09.11 12:58