1172 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 25 mai 2011
actualité, info
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Le SDRA grippal peut être lié soit à une agression virale directe et isolée, soit à une surinfection bactérienne secondaire précoce
…Gencives et aorte ; tabac et cerveau
L’actualité de la recherche médicale nous offre quelquefois de séduisants raccourcis anatomiques et physiopathologiques. Ainsi celle qui vient, sur nos écrans, réunir une publication de nature vasculaire et une autre, aux frontières de l’assuétude que l’on pourra sans mal ranger sur les rayons d’une biblio
thèque à la fois neurologique et politique. Ré
sumons au plus court notre propos.
Le premier travail est signé, sur le site de PloS One,1 par un groupe réunissant des chercheurs travaillant dans différentes équi
pes françaises basées à Paris, Rennes et Nancy. Ce groupe, dirigé par le Dr Jean
Baptiste Michel, de l’unité «Hémostase, bio
ingénierie, immunopathologie et remodelage cardiovas culaires» (Hôpital Bichatuniversité Paris DiderotInserm), démontre l’existence d’un lien fort entre les parodontites (inflam
mations des tissus de soutien dentaire) et le risque de développement d’anévrismes de l’aorte abdominale.
Il est bien établi que l’athérosclérose et ses multiples complications cliniques (accidents vasculaires cérébraux ; infarctus du myocar de notamment) constituent la première cause de mortalité dans les pays industrialisés. On sait d’autre part, nous rappelle l’Inserm, que
les anévrismes de l’aorte abdominale repré
sentent une manifestation clinique particu
lière d’athérothrombose touchant jusqu’à 9%
de la population adulte et pouvant expliquer entre 1 et 2% de la mortalité prématurée des hommes âgés de plus de 65 ans.
Ces anévrismes se caractérisent par la for
mation d’un thrombus dans la lumière aorti
que, thrombus qui participe à la dégradation de la paroi artérielle et – le cas échéant – à sa rupture ; un phénomène aux conséquences le plus souvent mortelles étiqueté «rupture d’anévrisme». En pratique, le thrombus ainsi
constitué ne «bouche» pas la circulation san
guine aortique ; en revanche, son existence génère la production d’enzymes qui partici
pent à l’érosion de la paroi artérielle et peu
vent, de ce fait, servir de point d’accroche à certaines bactéries circulantes.
«Depuis quelques années, des travaux ont montré qu’un traitement antibiotique à base de doxycycline réduisait la croissance des
anévrismes de l’aorte abdominale. Des étu
des récentes ont également permis de détecter des bactéries parodontales dans des échan
tillons athérosclérotiques de patients japonais, préciseton auprès de l’Inserm. Cependant, aucune preuve sur l’animal, attestant d’un lien de cause à effet, n’avait jusqu’à présent pu être apportée.»
Les travaux des auteurs de la publication de PloS One expliquent avoir découvert que les bactéries responsables des maladies paro
dontales (comme Porphyromonas gingivalis) étaient bel et bien présentes dans les bio p
sies aortiques d’anévrismes humains. Ils ont alors cherché à élucider les mécanismes phy siopa tholo gi ques permettant d’expliquer com ment des bactéries présentes dans la gencive pouvaient être retrouvées au niveau aortique. C’est ainsi qu’ils ont pu mettre en évidence (chez des rats chez lesquels on avait préalable
ment injecté Por phyromonas gin- givalis) des tailles d’anévrisme plus im por tan tes ainsi – mieux encore – qu’une absence de cicatrisation si
milaire à ce qui est observé chez l’homme.
«La noncicatrisation de ce thrombus pour
rait être expliquée par un recrutement chro
nique de neutrophiles dont l’activation mè
nerait à la libération d’élastase participant à la "digestion" de la paroi aortique» expli
quentils.
Ils ajoutent que la présence de ces neutro
philes sur la face luminale du thrombus (chez l’homme) «ne peut être expliquée que par un agent qui les attire». C’est pour cette raison que l’équipe de recherche fait l’hypo
thèse que des bactéries (peu pathogènes) pourraient entretenir ce phénomène de re
crutement chronique. L’his tologie montre en effet que chez les rats infectés par Porphyro- monas gingivalis de nombreux neutrophiles s’accumulent à la surface du thrombus alors que les rats «non injectés» commencent à ci
catriser et que, chez eux, les neutrophiles sont rares.
Pour les auteurs de cette publication, le recrutement de ces cellules pourrait être dû à des infections bactériennes – à bas bruit mais récurrentes – d’origine buccale. «Ces résultats, à terme, pourraient permettre de ralentir, voire de stopper, la progression des anévrismes de l’aorte abdominale en trai
tant la maladie parodontale ou par l’utilisa
tion d’antibiothérapies adaptées» ajoutentils.
Cette équipe cherche d’ores et déjà à vérifier la transposition possible de ces résultats à d’autres manifestations cliniques de l’athé
rothrombose comme les pathologies caroti
diennes ou coronaires. Nul ne sait quelle est la distance exacte, chez l’homme, de la coupe avancée thérapeutique
… les bactéries responsables des maladies parodontales étaient bel et bien présentes dans les biopsies aortiques d’anévrismes humains …
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Livre analysé : Donzé J. Brevimed. Bréviaire clinique des médicament. Genève : éditions Médecine et Hygiène, 2011.
Les informations officielles concernant les médicaments suisses sont regroupées dans le Compendium suisse des médicaments.
Dans cet ouvrage, l’information est le plus souvent peu structurée et il est souvent diffi
cile de trouver les répon ses aux problèmes quotidiens qui se posent aux prescripteurs.
Le Brevimed, un «bréviaire clinique des médi
caments» apporte, dans un format de poche, une information riche et con densée sur les molécules les plus couramment utilisées en thérapeutique. En plus des données classi
ques de pharmacologie clinique (propriétés, pharmacocinétiques, indications, posologie), cet ouvrage apporte des informations prati
ques concernant les médicaments qu’il est parfois difficile de retrouver ailleurs (écrasa
bilité et sécabilité des comprimés, concen
tration maximale de certains médicaments d’usage parentéral).
Deux bémols toutefois. Le premier concerne les effets indésirables médicamenteux, sou
vent listés de manière exhaustive, sans que les plus importants soient mis en évidence.
Par exemple, l’oméprazole peut effectivement être associé à la survenue de céphalées ou d’éruptions cutanées, mais le Brevimed ne mentionne pas le risque d’infection à Clostri- dium ou d’ostéoporose lors d’utilisation chro
nique des IPP. Les informations concernant l’utilisation des médicaments pendant la gros
sesse sont également un peu succinctes. Il est un peu trop réducteur d’indiquer qu’une classe entière de médicaments (antipsychoti
ques) est autorisée ou non. Comment per
mettre le clométhiazole (Distraneurin) pendant la grossesse ou la lactation, alors que la litté
rature est muette à ce sujet ?
A la suite des monographies consacrées aux médicaments, le Brevimed mentionne de nombreuses informations supplémentaires permet tant de guider le prescripteur dans ses choix thérapeutiques. Plusieurs tableaux permettent de comparer les profils pharmaco
logiques des médicaments tels que les anti
dépresseurs ou les opioïdes, ou les spectres d’action des antiinfectieux.
Le Brevimed aura donc toute sa place tant dans la poche de jeunes médecinsassistants en formation que sur le bureau des praticiens installés qui ont besoin d’une information ac
tuelle et objective sur les médicaments.
Dr Nicolas Schaad Pharmacienchef de la Pharmacie
interhospitalière de la Côte (PIC) 1110 Morges
Brevimed : bréviaire clinique des médicaments
aux lèvres. Celle des gencives aux princi
pales artères pourrait être moins longue que celle établie de longue date par les savants anatomistes.
La deuxième publication concerne le ta
bagisme passif. Elle est depuis peu accessi ble sur le site des Archives of General Psychia try 2 et semble indiquer que les perturbations phy
siopathologiques survenant au sein des es
paces cérébraux des consommateurs de tabac seraient également présentes dans ceux des nonfumeurs exposés au tabagisme. Une con
clusion à bien des égards dérangeante puis
que cette étude (financée par les Instituts nationaux américains de la santé) établit de quelle manière l’exposition passive aux fu
mées de tabac est de nature à augmenter la dépendance à cette substance. En clair : le ta
bagisme passif aurait un impact direct et mesurable sur le cerveau et son effet serait parfaitement similaire à ce qui se passe dans le cerveau de la personne qui fume. L’expo
sition à cette fumée «secondaire» susciterait, de la même manière, l’envie de fumer.
Les chercheurs du National Institute on Drug Abuse ont ici eu recours à la tomogra
phie par émission de positons. Ils apportent la démonstration, sur un échantillon de vingt
quatre jeunes adultes (onze fumeurs modé
rément dépendants et treize nonfumeurs) que plus d’une heure d’inhalation de fumée
«secondaire» dans un espace clos est suffi
sant pour que la nicotine atteigne les récep
teurs a4b2 du cerveau, habituellement visés par l’exposition directe à la fumée du tabac
(récepteurs à l’acétylcholine nicotinique – nAChR). L’exposition à la fumée «secondaire»
a conduit à une occupation moyenne de 19%
du cerveau des récepteurs a4b2 de l’nAChR.
Des recherches antérieures avaient déjà montré que l’exposition à la fumée «secon
daire» augmentait la probabilité (pour les enfants et plus encore pour les adolescents) de devenir fumeurs et qu’elle rendait égale
ment plus difficile l’obtention du sevrage.
Ces nouveaux résultats viennent à l’appui de ce constat. Ils apportent aussi de nou
velles preuves, concrètes, de nature à soute
nir les politiques sanitaires d’interdiction de fumer dans les lieux publics.
Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com
1 Delbosc S, Alsac JM, Journe C, Louedec L, Castier Y, et al. Porphyromonas gingivalis participates in pathoge
nesis of human abdominal aortic aneurysm by neutro
phil activation. Proof of concept in rats. PLoS ONE 2011;6:e18679. doi:10.1371/journal.pone.0018679 www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%
2Fjournal.pone.0018679
2 Brody A, Mandelkern M, London E, et al. Effect of se
condhand smoke on occupancy of nicotinic acetylcholine receptors in brain. Arch Gen Psychiatry. Published online May 2, 2011. doi:10.1001/archgenpsy chiatry.2011.51
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