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La galerie d art Pellet était une galerie comme on en trouvait beaucoup à Paris dans les environs du Louvre. Abritée par un vieil immeuble

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Academic year: 2022

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La galerie d’art Pellet était une galerie comme on en trouvait beaucoup à Paris dans les environs du Louvre. Abritée par un vieil immeuble Haussmannien parfaitement rénové par la mairie du premier arrondissement, elle accueillait toute sorte d’expositions que le mécène jugeait rentable. Certaines mauvaises langues auraient affirmé qu’elle n’était qu’un lieu de rencontre pour privilégiés qui souhaitaient acquérir les dernières œuvres à la mode pour se vanter auprès d’autres privilégiés. Mais il aurait été insultant d’oublier les artistes qui étaient bien heureux de pouvoir exposer leur art dans un lieu aussi prestigieux et de vendre leurs œuvres pour des prix qu’ils n’auraient jamais osé demander s’ils n’avaient pas été les premiers à les suggérer.

Et ce soir, l’artiste qui exposait n’était autre que le célèbre sculpteur Oswald Flamel. Ce dernier se tenait au centre de la galerie dans son costume noir des grands jours, une coupe de champagne à la main. De grands lustres illuminaient l’endroit, projetant une puissante lumière qui contrastait avec le noir de la nuit au dehors. A travers les grandes fenêtres de la galerie on pouvait apercevoir une nuée de flocon doucement tomber sur les dalles de la cour extérieure et la recouvrir d’un épais manteau blanc.

Cependant, le froid et la neige n’avait pas découragé les visiteurs de se rendre à l’exposition. Louper un tel évènement pour quelques intempéries serait fou. Oswald Flamel était un véritable phénomène. Inconnu du monde de l’art jusqu’à un an auparavant, ce grand homme de quarante ans aux cheveux grisonnants et au sourire chaleureux était désormais la nouvelle figure de la sculpture à Paris.

Et il en était conscient. Il observait les différents visiteurs et chaque fois que l’un d’entre eux manifestait un quelconque signe d’admiration envers son art, il souriait d’un air satisfait et hautain. Il se complaisait dans l’exaltation que suscitait ses œuvres. Il se retourna et son sourire s’élargi aussitôt lorsqu’il vit arriver devant lui un homme d’une trentaine d’année dans un costume visiblement coûteux et dont la fine moustache taillée avec soin ressemblait plus à un trait de crayon qu’à autre chose. A son bras, en robe de soirée, se trouvait son épouse, une jeune femme blonde dont la beauté n’avait d’égal que sa stupidité.

Il s’agissait d’Auguste et Marie d’Emmay, deux de ses admirateurs les plus fidèles. Ils se rendaient à chacune de ses expositions et se lançaient alors dans des discours grandiloquents, complimentant son art tout en essayant d’avoir l’air d’être des connaisseurs.

Oswald s’amusait souvent à les entendre sortir des termes bien trop complexes pour qu’ils aient la moindre idée de ce qu’ils signifiaient vraiment.

Peut-être était-ce pour cela qu’il passait autant de temps en leur compagnie malgré le fait qu’ils ne lui achetaient jamais rien. Et puis, chacun avait la possibilité de lui être utile en parlant de ses expositions à ses amis ou à ses réseaux.

Le sculpteur posa sa coupe et avança vers le couple qui se rapprochait de lui :

-Monsieur Flamel, s’exclama Auguste, votre art est tout simplement saisissant !

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-Chacune de vos expositions surpasse la précédente, renchérit sa femme, admirative.

-C’est bien simple, continua-t-il, nous n’en manquons pas une seule.

Oswald eut un petit rire intérieur. Bien sûr qu’il les fascinait tous les deux qui étaient si ordinaires. Bien sûr qu’ils revenaient encore et encore se délecter de la beauté de ses œuvres.

-Je suis flatté de ces compliments, répondit-il, vous devez effectivement apprécier mon art pour revenir me féliciter à chaque fois.

L’enthousiasme du couple gagna en vigueur :

-Ainsi vous vous souvenez de nous ! se réjouit Marie. C’est merveilleux ! -Il est difficile de vous oublier, dit Oswald toujours aussi souriant.

- Qu’est-ce que l’on peut s’amuser ici ! reprit Auguste. Tenez, je faisais

remarquer à ma femme que l’une de vos statues nous faisait penser aux Angery, avec leur affreux petit garçon, toujours si turbulent.

-Entre nous, renchérit Marie, nous le préférons largement en statue, n’est-ce pas Auguste ?

Elle éclata d’un rire aigu qui résonna dans toute la galerie. Oswald sentit des regards tous se tourner vers eux.

-Ma chère amie, un ton plus bas je vous prie, la calma-t-il doucement, je ne voudrai pas que d’autres viennent se joindre à notre conversation, nous sommes bien mieux entre nous n’est-ce pas ?

-Oh ! s’exclama-t-elle en mettant sa main devant sa bouche, bien sûr. Je suis confuse ! J’espère que les Angery n’étaient pas là pour entendre cela.

-Non, ne vous inquiétez pas, la rassura le sculpteur, je ne les invite plus depuis que leur enfant a manqué de peu de me casser une œuvre il y a quelques

semaines lors d’une autre exposition. Véritablement intenable ! Je préfère m’en tenir à des invités de choix comme vous.

-Nous sommes flattés, gloussa Marie.

-En tout cas, ça ne m’étonne pas de ce garnement ! renchérit Auguste.

D’ailleurs, ça me rappelle une anecdote...

Il furent alors interrompus par un petit homme chauve qui venait de tapoter le bras d’Oswald.

-Excusez-moi messieurs-dames, dit le nouveau venu sur un ton grinçant, mais je dois vous emprunter monsieur Flamel un instant.

Il s’en alla aussi vite qu’il était venu et se dirigea vers le hall d’entrée.

-Je vous prie de me pardonner, s’excusa Oswald, je crois que l’on a besoin de moi, le devoir m’appelle constamment. Je reviens très vite.

Il s’éloigna rapidement, laissant Marie et Auguste, plantés au milieu de la galerie, mais qui à en juger par leurs grands sourires benêts n’y voyaient aucun véritable inconvénient.

Oswald rejoignit le hall d’entrée de la galerie sans un regard en arrière.

Devant la grand double porte d’entrée, au bout du tapis rouge qui accueillait les visiteurs, il retrouva le petit homme chauve, Alexandre Pivau, son agent, chargé

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d’organiser ses expositions et d’entretenir son portefeuille de relations. Debout derrière un petit pupitre sur lequel était posée la liste des invités, il saluait chacun des nouveaux venus avec une expression des plus professionnelles.

Une fois à côté de lui, Oswald posa sa main sur son épaule : -Alors Alexandre, demanda-t-il d’un air bien plus décontracté que son interlocuteur, qu’est-ce qui peut bien être si urgent ?

-Ce couple d’énergumène, Oswald ! Voilà ce qu’il y a de si urgent ! répliqua Alexandre qui avait du mal à se contenir.

-Couple d’énergumènes ? Ce n’est pas ce qui manque ici, soit plus spécifique.

-Tu sais très bien de qui je veux parler ! poursuivit l’agent. Ces deux imbéciles de la haute qui viennent à chacune de tes expositions et avec qui tu échangeais des mondanités !

Alexandre s’interrompit lorsqu’un nouveau visiteur entra. Oswald et lui, lui adressèrent en chœur un sourire poli et l’invitèrent à apprécier l’exposition. Dès que ce dernier fut hors de portée de voix, Alexandre reprit, toujours aussi énervé : -Je t’avais pourtant dit dès la première fois que je ne voulais plus les voir ! Ils n’ont aucune relation ni connaissance notable, ce n’est que du gâchis sur ta liste d’invités ! J’essaie de te créer un réseau, Oswald. Tu sors de nulle part et sans la moindre connexion ! Tu veux perdurer dans ce milieu ? Il va falloir faire le tri et te séparer de tous les inutiles, peu m’importe qu’ils te soient sympathiques ou non.

Oswald gardait son sourire, comme s’il s’amusait de voir Alexandre, toujours si professionnel en temps normal, enfin craquer et abandonner son habituelle façade de politesse.

-La célébrité n’a jamais offert la possibilité de choisir ses admirateurs, Alexandre, répondit le sculpteur, très calme. Ils veulent venir, je ne vais pas refuser, cela fait du beau monde.

Alexandre désigna la galerie d’un brusque geste de la main.

-Du beau monde il n’y a que ça ici ! répliqua-t-il. Et c’est grâce à moi ! Nous étions d’accord lorsque j’ai accepté de m’occuper de ton portefeuille de relations ! J’utilisais mon propre réseau pour construire le tien, mais non ! Tu rajoutes toujours des noms d’idiots inutiles dont personne n’avait jamais vraiment entendu parler comme la famille Angery, et maintenant ce couple de…de…

-Auguste et Marie d’Emmay, l’informa Oswald.

-Je m’en moque ! explosa Alexandre. Ils sont stupides, ils ne nous achètent jamais une statue, ils passent leur temps à me demander où tu te trouves, m’empêchent de m’occuper correctement des autres invités et...et...la femme à un rire insupportable ! C’est la dernière fois que tu les invites !

-Soit, Alexandre, concéda Oswald, résigné. Tu sais mieux que moi comment tout cela fonctionne. Je vais tâcher de profiter de cette dernière soirée en leur

compagnie. Mais je persiste à dire que si tu traites tous les invités ainsi, nous allons finirons par tomber à cours de visiteurs !

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-Ne t’en fais pas pour ça, je veille à ce que ça n’arrive jamais, répondit

Alexandre radoucit par l’idée de ne plus jamais voir le couple d’Emmay. Merci Oswald, je ne comprendrai jamais ce que tu leur trouve.

Le sculpteur laissa son agent marmonner à l’accueil et retourna dans la galerie vers Marie et Auguste qui n’avaient pas bougé d’un pouce.

-Je suis navré de vous avoir abandonnés, s’excusa-t-il en arrivant près d’eux, mais je suis souvent sollicité, c’est à se demander ce qu’ils feraient sans moi.

Une autre exposition je suppose ! Marie éclata à nouveau d’un rire aigu.

-Monsieur Flamel, je ne peux m’empêcher m’interroger, demanda alors Auguste.

Où trouvez-vous toute votre inspiration ?

-Cela va vous paraître un peu cliché, répondit Oswald, mais je la trouve chez les gens qui m’entourent, ceux que je vois et je rencontre.

-Ainsi, peut-être, mon mari et moi allons-nous vous inspirer une nouvelle œuvre ? suggéra Marie en passant son bras autour de la taille d’Auguste.

-Eh bien qui sait ? acquiesça Oswald. Tenez et si nous allions dehors un instant ? J’ai quelque chose de spécial à vous montrer.

Il se dirigea vers une des grandes portes-fenêtres qui donnaient sur la cour et l’ouvrit en faisant signe au couple d’Emmay de le rejoindre.

-On nous a dit que la cour était interdite d’accès, remarqua Auguste.

-Bien sûr, répondit Oswald, complice. J’ai demandé qu’elle le soit pour qu’elle puisse abriter la surprise que je réserve à mes invités. Mais je tiens à ce que vous soyez les premiers à la voir.

Il les fit alors passer devant lui dans la cour et leur glissa : -Appréciez le spectacle mes amis !

Il referma alors rapidement la porte derrière eux.

Auguste et Marie se retrouvèrent seuls dans la cour. Il s’agissait d’un grand jardin rectangulaire dont les pelouses et allées étaient désormais difficiles à différencier à cause de l’épaisse couche de neige qui la recouvrait. Les flocons ne tombaient plus désormais, mais les nuages étaient toujours là, obstruant le ciel, ne laissant voir ni la lune, ni les étoiles. Seuls quelques petits lampadaires et la lumière des lustres de la galerie filtrant à travers les vitres illuminaient l’endroit.

Le couple d’Emmay n’eut pas le temps de se demander où Oswald était parti que quelque chose au centre de la cour retint leur regard. Il s’agissait d’un groupe sculpté représentant un homme et une femme, nus, s’embrassant passionnément, allongés sur le sol. Auguste et Marie, émerveillés se dirigèrent vers l’œuvre et commencèrent à l’observer sous tous les angles. Jamais ils n’avaient vu une telle merveille. Chaque courbe, chaque contour, chaque ligne était parfaite. Il y avait une telle tension entre les deux personnages, un tel amour exprimé sur leurs visages. Auguste serra Marie contre lui, et tous les deux restèrent muets contemplant l’œuvre d’une manière presque religieuse.

Oswald sortit à son tour avec deux coupes de champagne à la main.

-Alors, demanda-t-il avec fierté, que dites-vous de cela ?

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Marie se dégagea doucement de l’étreinte de son mari et s’agenouilla devant la statue, et lu le petit écriteau métallique planté dans le sol :

-« Alchimie ». Est-ce le nom de ce chef d’œuvre monsieur Flamel ? Oswald arriva à son niveau et lui tendit une des coupes.

-En effet, il s’agit là de la pièce maîtresse de cette exposition, n’est-elle pas magnifique ?

Marie approuva d’un hochement de tête, se redressa, accepta le champagne et le bu avec délectation.

-Le nom, poursuivit Oswald, a été choisi pour des raisons évidentes.

-Quelle poésie, gloussa Marie.

Auguste, qui pendant ce temps avait fait le tour de la statue, les rejoignit. Oswald lui tendit la seconde coupe.

-De toute ma vie je n’ai jamais rien vu d’aussi beau. Dit-il admiratif. Il y a une telle finesse, un tel souci du détail, les proportions sont parfaites...C’est si vivant...Je ne sais que dire.

Il interrompit ses bafouillements en buvant son champagne, son épouse continua alors :

-Ils me font frissonner, nus ainsi dans la neige. On pourrait croire qu’ils sont gelés, mais non. Pour eux, c’est comme s’ils étaient couchés sur un lit douillet et ne ressentaient plus le froid grâce à la chaleur de leurs corps enlacés.

Oswald eut un sourire flatté.

-Je n’ose imaginer le temps qu’a pu demander un projet d’une telle perfection ! reprit Auguste. Des jours et des nuits je suppose ? Comment avez-vous fait ? Quel est ce matériau ? Du marbre ? De la pierre ? C’est si détaillé.

Oswald baissa modestement la tête.

-Oh, ce n’est pas très intéressant, répondit-il, je ne voudrais pas vous ennuyer.

Marie posa sa main sur le bras d’Oswald.

-Allons, je suis sûr que cela sera passionnant, ne vous faites pas prier !

D’épais flocons se remirent alors à tomber depuis le ciel, effaçant toute trace de pas dans la neige et les époux d’Emmay se serrèrent l’un contre l’autre afin d’échapper à la morsure du froid. Oswald se racla la gorge et commença alors :

-Soit, laissez-moi vous expliquer. Voyez-vous, la sculpture est pour moi l’un des arts les plus difficiles au monde à maîtriser. Cela demande tellement de temps, de minutie, de soucis du détail. Beaucoup commencent très jeunes afin de perfectionner leur art, mais pas moi. Je n’ai pas toujours été sculpteur.

Oswald commença à tourner autour de la statue, l’observant à son tour comme s’il cherchait une erreur à corriger quelque part.

-Tout a basculé pour moi, enchaîna-t-il, le jour où ma femme m’a quitté. J’ai trouvé dans l’art, une nouvelle vocation, bien différente de mon ancienne profession.

-Certains noient leur chagrin dans l’alcool, d’autres le sublime dans la créativité, déclara Marie en frissonnant.

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-Vous avez fait le bon choix mon ami. Affirma Auguste. Mais que faisiez-vous alors auparavant ? Avant cette révélation ?

-Quelque chose de très différent, répondit Oswald avec une pointe de regret dans la voix. Un métier qui ne m’attirait guère de reconnaissances et m’accaparait tout mon temps libre. En deux mots, j’étais biochimiste. Je passais des journées entières dans mon laboratoire. J’étais obsédé à l’idée de trouver quelque chose de nouveau, d’extraordinaire. Et ce nefut que peu de temps qu’avant que ma femme ne me quitte que je fis cette incroyable découverte ! Et elle allait changer ma vie à tout jamais.

Oswald marqua une pause, et arriva derrière sa statue, regardant Auguste et Marie immobiles. Oswald reprit alors sur un ton détaché :

-J’ai découvert une molécule capable d’induire une calcification fulgurante du corps en libérant, lors de l’apoptose des cellules, le calcium contenu dans les mitochondries. En gros, en cas d’ingestion, la pétrification survient en quelques minutes à peine. Cette substance, je l’ai testée à point nommé sur ma femme et son amant. Je l’ai perfectionné sur d’autres nuisibles comme les Angery et pour finir...je l’ai mise dans vos verres.

Oswald se dirigea vers Auguste et Marie qui étaient désormais transformés en statues. Il passa une main sur eux avec délicatesse et satisfaction.

-Je vous l’avais dit, continua-t-il sans se soucier de si les d’Emmay pouvaient encore l’entendre. Je trouve mon inspiration chez les gens que je rencontre et qui m’entourent. J’ai appelé ma femme et son amant « Alchimie ». Vous, je vous appellerai... « Les Mondanités » !

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