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L'Union Internationale de Secours aux Enfants et sa délégation générale en Amérique latine

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Academic year: 2022

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Master

Reference

L'Union Internationale de Secours aux Enfants et sa délégation générale en Amérique latine

CARVALHO DE AZEVEDO, Juliana Marisa

Abstract

Ce mémoire aspire à traiter les actions menées par deux femmes dans une cause humanitaire au XXe siècle. Le contexte historique étant également marqué par divers mouvements internationaux dont les féministes, il devient alors pertinent d'étudier les apports de ces actrices qui, travaillant pour une ONG, contribuaient tout à la fois aux mouvements liés à l'émancipation des femmes. Pour aborder cette thématique, je propose d'étudier, à travers le cas de l'Union Internationale de Secours aux Enfants, les actions qu'ont menées la déléguée et la secrétaire générale de l'Union en Amérique latine. Ces deux femmes, au nom de l'enfance victime de la guerre en Europe, ont accepté de créer un organisme sur lequel le siège social pourrait compter pour faire face aux difficultés qu'il traversait à l'heure où il était fortement sollicité. Cette expérience leur aura conféré des responsabilités, les amenant indéniablement à occuper une place dans l'espace public.

CARVALHO DE AZEVEDO, Juliana Marisa. L'Union Internationale de Secours aux Enfants et sa délégation générale en Amérique latine. Master : Univ. Genève, 2017

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:95485

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L’Union Internationale de Secours aux Enfants et sa Délégation générale en Amérique latine.

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA MAITRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’ÉDUCATION-

ANALYSE ET INTERVENTION DANS LES SYSTÈMES EDUCATIFS (AISE)

PAR Juliana Carvalho

DIRECTRICE DU MEMOIRE Joëlle Droux

JURY

Abdeljalil Akkari

Béatrice Haenggeli-Jenni

GENEVE, JANVIER, 2017

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION SECTION SCIENCES DE L’EDUCATION

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1 RESUME

Ce mémoire aspire à traiter les actions menées par deux femmes dans une cause humanitaire au XXe siècle. Le contexte historique étant également marqué par divers mouvements internationaux dont les féministes, il devient alors pertinent d’étudier les apports de ces actrices qui, travaillant pour une ONG, contribuaient tout à la fois aux mouvements liés à l’émancipation des femmes.

Pour aborder cette thématique, je propose d’étudier, à travers le cas de l’Union Internationale de Secours aux Enfants, les actions qu’ont menées la déléguée et la secrétaire générale de l’Union en Amérique latine. Ces deux femmes, au nom de l’enfance victime de la guerre en Europe, ont accepté de créer un organisme sur lequel le siège social pourrait compter pour faire face aux difficultés qu’il traversait à l’heure où il était fortement sollicité. Cette expérience leur aura conféré des responsabilités, les amenant indéniablement à occuper une place dans l’espace public.

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L’UNION INTERNATIONALE DE SECOURS AUX ENFANTS ET SA

DÉLÉGATION GÉNÉRALE EN AMÉRIQUE LATINE

Anita Sandelmann (à gauche) et Marjorie Duvillard (à droite)1

1Photo provenant des archives privées d’Anita Christiane Little.

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Table des matières

REMERCIEMENTS ... 4

Présentation de la thématique ... 5

INTRODUCTION ... 5

Raisons de la recherche ... 5

PROBLÉMATIQUE ... 8

Sources et méthodologie ... 10

Difficultés ... 12

Structure du mémoire ... 12

ÉTAT DE LA LITTÉRATURE ... 13

Histoire de l’humanitaire ... 13

ONG, acteurs privés ... 18

Organisation Non Gouvernementale : quelle définition pour un domaine hétérogène ? ... 18

Les ONG dans les relations internationales ... 19

Les femmes dans les mouvements internationaux ... 21

Les femmes à la SDN ... 22

Le féminisme : quelle définition ? ... 24

CHAPITRE I : L’UNION INTERNATIONALE DE SECOURS AUX ENFANTS : SON HISTOIRE ET SES ACTEURS ... 29

Les profils des trois principaux acteurs de ce travail... 36

Georges Thélin ... 36

Marjorie Duvillard ... 40

Anita Sandelmann ... 43

CHAPITRE II: LA DÉLÉGATION DE L’UNION INTERNATIONALE DE SECOURS AUX ENFANTS EN AMÉRIQUE LATINE... 52

Les premiers pas de Marjorie Duvillard dans l’arène internationale : ... 52

L’appel à l’aide aux États d’Amérique latine ... 54

Le travail préliminaire de la Délégation générale de l’Union Internationale de Secours aux Enfants en Amérique latine. ... 56

Le développement de la Délégation générale : construction sous contraintes ... 65

Réorganisation et stabilisation de la Délégation générale ... 69

Quand la demande devient l’offre : vers une nouvelle forme d’assistante humanitaire ... 76

CHAPITRE III : LES RÉSEAUX DE LA DÉLEGATION GÉNERALE DE L’UISE EN AMÉRIQUE LATINE ... 81

Réseaux politiques et diplomatiques ... 82

Réseaux philanthropes et associatifs ... 86

Réseaux des Sociétés des Croix-Rouges et CICR ... 88

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Entreprises privées ... 89

Réseaux de femmes ... 90

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 95

SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ... 99

Archives consultées ... 99

Références bibliographiques ... 103

REMERCIEMENTS

Je remercie infiniment toutes les personnes qui ont bien voulu me consacrer du temps dans ma recherche, en particulier, ma directrice de mémoire, Joëlle Droux, qui s’est toujours montrée à l’écoute et qui m’a fait des retours critiques m’amenant à chaque fois à approfondir ma réflexion. Merci de votre générosité et de votre patience !

J’adresse mes remerciements aux archivistes des Archives d’État de Genève et les proches des trois acteurs principaux de cette recherche, en particulier Margarita de m’avoir mise en relation avec sa sœur ainée, Anita Christiane. Vous retrouver a été un vrai challenge, mais votre contribution m’a été précieuse. De plus, nos échanges téléphoniques m’ont permis de voyager dans le temps.

Je remercie également tous mes proches qui m’ont moralement soutenue, en particulier mon cousin Tiago, surtout dans les moments les moins faciles marqués par le doute et la fatigue.

Merci à tous !

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Présentation de la thématique

Ce mémoire aspire à traiter les actions menées par deux femmes dans une cause humanitaire au XXe siècle. Ces deux protagonistes aux parcours de vie et professionnels différents, par un concours de circonstances, ont vu leurs chemins se croiser et ont décidé, pendant un laps de temps, d’unir leurs forces et compétences pour faire des secours et de la protection de l’enfance leur métier. Parallèlement, le contexte historique étant marqué par divers mouvements internationaux dont les féministes, il devient alors pertinent d’étudier les apports de ces deux femmes qui, travaillant pour une ONG, contribuaient simultanément aux mouvements liés à l’émancipation des femmes.

Pour aborder cette thématique, je propose d’étudier, à travers le cas de l’Union Internationale de Secours aux Enfants, les actions qu’ont menées et développées la déléguée générale et la secrétaire générale de la Délégation générale de l’Union en Amérique latine. Ces deux femmes animées par le besoin de soulager les souffrances que subissaient les enfants victimes de la guerre en Europe, ont accepté de relever un défi : la création d’une délégation sur laquelle le siège social, représenté par un troisième acteur (le secrétaire général), pourrait compter pour faire face aux difficultés financières qu’il traversait à l’heure où il était fortement sollicité.

Cette expérience leur aura conféré un certain nombre de responsabilités, les amenant indéniablement à occuper une place dans l’espace public.

INTRODUCTION Raisons de la recherche

Aspirant à intégrer le domaine des organisations internationales d’aide au développement, de défense des droits de l’homme et/ou de l’humanitaire, je porte aussi un intérêt tout particulier aux questions relatives au fonctionnement de ces organisations en tant que telles, aux négociations et interactions entre les acteurs, soient-ils étatiques ou privés, qui ensemble collaborent et contribuent à la défense d’une cause.

Les motivations qui m’ont animée à choisir la thématique de la défense de l’enfance découlent d’une part, de deux cours qui m’ont particulièrement fascinée, à savoir : « Internationalisation des politiques éducatives » et « Les droits de l'enfant. Genèse, transformations, controverses (19e-20e s.) ». Le premier cours fut l’occasion d’aborder certaines questions liées à la coopération internationale, l’évolution, le rôle et l’influence des organisations internationales dans les politiques éducatives nationales, surtout dans les pays du Sud. Le deuxième, s’inscrivant dans l’histoire sociale de l’éducation, était en rapport avec les questions de protection de l’enfance, les droits de l’enfant et les débats qui en découlaient.

D’autre part, c’est grâce aux nombreux échanges avec ma directrice de mémoire sur les possibles thématiques en lien avec mes intérêts et aspirations futures, qu’il m’a été permis de

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6 découvrir l’existence d’une ONG très active à Genève dans la cause de la protection de l’enfance au cours du XXe siècle et jusqu’aux années 1980. Il s’agit de l’Union Internationale de Secours aux Enfants, dont j’ignorais l’existence jusqu’alors. Ma directrice de mémoire ayant fait des travaux sur cette ONG m’a indiqué qu’il y avait encore matière à traiter et a réussi à éveiller ma curiosité au sujet de cette organisation. A ces échanges sont venues s’ajouter mes premières lectures concernant l’internationalisation de l’enfance et l’assistance humanitaire.

Au fur et à mesure que j’immergeais, des thématiques davantage précises se dessinaient : les politiques de protection à l’enfance et comment elles étaient traitées d’un continent à l’autre, les représentations de l’enfance, la réalité des acteurs venus en aide et celle des victimes sur le terrain, les questions de logistique, le développement des organisations en termes de lobbying, de recherche de fonds et de réseaux. Au vu de cette multitude, le choix allait s’avérer difficile. Cela a bien pris des mois et les conseils de Mme Droux furent cruciaux tout au long de mon cheminement. Progressivement et en parallèle avec de nouvelles lectures, je commençais à me rendre compte qu’il y avait une question peu traitée dans la littérature et, me semble-il reste aussi importante que la question des acteurs de terrain, c’est celle liée aux acteurs restés au siège et qui tentaient de déployer les moyens nécessaires pour le bon déroulement des actions sur le terrain. Ceux qui ont peut-être joué des rôles aussi importants et louables dans la même cause, mais dont on ne parle que très peu.

J’ai donc pensé qu’il serait intéressant de me pencher sur l’Union Internationale de Secours aux Enfants dont les archives sont accessibles à Genève. La thématique prenait ainsi forme et l’appel à l’aide de l’Union Internationale de Secours aux Enfants en Amérique latine pour les enfants européens de la Seconde Guerre mondiale fut la décision. Nous avions enfin trouvé le thème qui englobait à la fois mes intérêts personnels tout en me permettant de mener une première recherche et de ce fait de contribuer à créer de nouvelles connaissances concernant les acteurs de l’humanitaire qui se sont battus durant la Seconde Guerre mondiale pour une cause depuis l’Amérique latine essentiellement. Acteurs cruciaux, mais restés dans l’ombre de l’histoire de l’humanitaire et du monde des causes.

A ces deux raisons vient se greffer une troisième, c’est-à-dire, une récente expérience professionnelle dans une ONG. Cette expérience a permis d’approfondir mon questionnement en l’orientant davantage sur le développement des organisations non gouvernementales et ses acteurs, étant cette fois-ci, moi-même engagée dans une cause.

Entre janvier et juillet 2016, j’ai effectué un stage dans une ONG de petite taille, basée dans un canton romand en Suisse. J’ai occupé le poste de responsable de projet et de représentante aux Nations Unies à Genève. Cette organisation étant activement engagée dans le développement, mais aussi dans le droit à l’éducation, j’ai été amenée à effectuer un travail pédagogique auprès de certaines Missions permanentes représentées à l’ONU afin de les sensibiliser et de les inciter à se mobiliser pour la reconnaissance d’un modèle de formation au sein de la communauté internationale. C’est dans ce contexte que j’ai pour la première fois

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7 été confrontée à des actions de plaidoyer qui parfois ont abouti, non sans difficultés, à une collaboration étroite avec certains diplomates et d’autres acteurs privés.

Lorsque j’ai intégré cette organisation, j’ai dû m’imprégner de ses valeurs, appréhender la démarche et les objectifs à atteindre. Puis, ultérieurement, mon supérieur hiérarchique m’a guidée dans la mise en place des stratégies d’approche et de plaidoyer. Assez rapidement, je me suis rendue compte que cette phase n’allait pas être linéaire et que des ajustements devaient avoir lieu au vu de la pluralité des discours des acteurs que je rencontrais. Afin que le projet avance, nous ne pouvions pas rester figés sur une seule position, ou une seule démarche, celle stipulée par mon supérieur. Garantir un certain succès au projet demanderait de passer par des ajustements au fur et à mesure que nous rencontrions les diplomates. Ainsi, faire preuve d’écoute, d’analyse et de flexibilité cognitive étaient des ingrédients nécessaires pour que nous trouvions un juste milieu et du soutien. Ce processus d’adaptation et de réajustement fut une expérience stimulante marquée par des moments de doutes, de réflexion, de pression, de réussite, de déceptions et de négociations de sens. Ces doutes ne découlaient pas uniquement des échanges avec les diplomates.

J’ai également rencontré des moments de crise interne, au sein même de l’ONG. En effet, parallèlement, je rencontrais des désaccords avec mon supérieur, des divergences quant aux arguments et à la démarche. Très souvent, je me suis sentie dans un carrefour où plusieurs routes et visions pouvaient se croiser et se différencier : celles des diplomates portant leurs lunettes de représentants officiels d’un pays aux stratégies plus au moins claires, celles de mon supérieur qui voulait gagner en crédibilité et obtenir des fonds pour développer des projets dans les pays du Sud, puis, finalement, les représentations des autres collègues et/ou experts. Trouver le juste milieu a donc été une tâche extrêmement difficile.

Cette expérience m’a donné un aperçu du fonctionnement du Conseil des droits de l’homme, mais aussi de ses coulisses. Elle m’a permis de cerner les relations qu’entretiennent certains diplomates entre eux, leurs démarches, leurs motivations, leurs stratégies et leurs représentations vis-à-vis des ONG et des acteurs non-étatiques. Il a été curieux de constater que parfois, lorsque l’on échange de manière informelle, les propos ne sont pas exactement en accord avec l’image formelle que le diplomate veut faire passer. Au sein même de l’ONG, je me suis rendue compte que les discours officiels ne coïncidaient pas forcément avec ce que les mêmes acteurs partageaient à l’interne. J’ai aussi remarqué qu’être une femme dans un milieu où la gent masculine est largement représentée est un vrai défi. S’affirmer et gagner en crédibilité lorsque l’on n’appartient pas au corps diplomatique est une tâche ardue.

La question du genre dans le milieu des relations internationales m’a donc beaucoup intéressée. Au vu de certaines situations ambiguës que j’ai pu rencontrer, je m’étais demandée comment les femmes engagées dans une ONG du XXe étaient perçues, quels étaient leurs profils et qu’ont-elles fait concrètement pour atteindre leurs aspirations. Ainsi, ayant déjà à l’idée de traiter le développement de l’Union Internationale de Secours aux Enfants en Amérique latine, cela me semblait tout à fait pertinent de rester sensible à l’aspect

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8 du genre sachant que parmi les acteurs phares ayant favorisé son développement, deux étaient des femmes.

De manière générale, mon stage fut une expérience très enrichissante. Il m’a permis de développer un réseau professionnel et de me donner un aperçu du fonctionnement d’une ONG, mais aussi d’éveiller une certaine sensibilité au statut de la femme au sein de la communauté internationale.

PROBLÉMATIQUE

Au cours de l’histoire, les ONG ont réussi à occuper une place indéniable dans l’espace international : dans l’humanitaire, dans l’aide au développement, dans la défense des droits de l’homme et, de manière générale, dans les relations internationales. Leur présence est incontestable et elles sont vues par bon nombre de chercheurs, dont Delaunay et Denéchère (2006) comme étant un acteur à part entière.

L’image publique des ONG est souvent associée aux actions humanitaires et aux acteurs de terrain venant en aide aux victimes vulnérables des conflits armés ou des catastrophes naturelles, par exemple. Ces actions sont souvent perçues par le grand public comme étant revêtues d’un pur sentiment de solidarité. Or, ni l’humanitaire, ni les ONG, ni les humanitaires ne peuvent se résumer à cette image naïve, car elle ne renvoie pas toute la réalité. Chacun de ces trois termes (interconnectés) posent des questions bien plus complexes que celles que nous voyons à travers les médias. Les activités de l’acteur social engagé dans l’humanitaire ne se résument pas au terrain et à la proximité avec les victimes, d’ailleurs ces acteurs ne se résument ni au médecin ni à l’infirmière.

Il existe une pluralité d’acteurs, aux engagements et statuts divers, qui collaborent au nom d’une cause. Parmi ces acteurs, il y a des femmes, qui au cours de l’histoire se sont mobilisées pour se faire une place dans l’espace public, au nom de leur cause ou à travers d’autres.

La fin du XIXe et le début du XXe siècles ont été des époques propices pour l’engagement des femmes dans le monde des causes : de la santé, de l’hygiène, de la (mal)nutrition des enfants, de l’humanitaire, de l’éducation, etc. Ceci fut l’occasion pour elles de revendiquer et d’accéder à un « espace public qui leur restait globalement fermé, la solidarité leur offrait un terrain d’expérimentation pour intervenir dans les questions de la société, et de façon encore plus flagrante lors d’une projection international (Slim, 2011). » (Ryfman, 2014, p.76). L’ouverture de l’espace public représentait aussi une opportunité pour certaines de revendiquer leurs droits et leur statut dans la société.

Bien que des études récentes croisant l’histoire des femmes et l’histoire des relations internationales aient été élaborées, peu traitent le rôle des femmes au sein des organisations non gouvernementales internationales et leurs contributions dans le développement de ces organisations (Delaunay & Denéchère, 2006).

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9 Sans me prétendre historienne, ce travail de recherche limité dans le temps et dans l’espace tentera de contribuer à l’état actuel des connaissances de l’histoire de l’humanitaire et, plus précisément, de l’histoire du rôle des femmes en tant qu’acteurs historiques en vue de leur émancipation. Etudier le cas de la délégation de l’Union Internationale de Secours aux Enfants en Amérique latine permet de démontrer comment ces femmes ont fait d’une opportunité de travail, l’occasion d’occuper une place dans l’espace public, au nom de l’enfance victime de la guerre. Cet exemple s’inscrit dans un contexte historique où plusieurs mouvements féministes (à l’échelle nationale et internationale) se manifestaient depuis la fin du XIXe siècle. Il reste alors à savoir, si elles étaient des féministes qui, au nom de cette cause, aspiraient parallèlement à montrer qu’une femme pouvait occuper des postes à responsabilités, gérer une organisation et jongler entre ses responsabilités professionnelles et personnelles. Ne pourrait-on pas se dire que consciemment ou inconsciemment, elles adhéraient aux valeurs fondamentalement féministes ?

Ce travail aspire essentiellement à mettre la lumière sur deux portraits de femmes ayant joué un rôle essentiel à la fois dans le développement de cette ONG et dans celui de la question du genre. Ainsi, il s’agira de savoir qui elles étaient ; quels étaient leurs profils ; comment elles ont fonctionné pour atteindre les buts qui leur avaient été assignés par leur siège ; en faisant quelles démarches et avec quelle marge de manœuvre. Cette approche semble pertinente car elle permet de replacer ces actrices dans un contexte et dans des réseaux divers où des interactions ont eu lieu, avec des acteurs étatiques ou privés, des hommes et des femmes, montrant ainsi la construction de la légitimation du statut de l’Union en Argentine et le leur, par la même occasion.

Pour mieux les situer, il est alors nécessaire d’intégrer un troisième acteur, Georges Thélin, qui est resté la personne de référence, faisant le trait d’union entre elles et l’organisation pour laquelle elles collaboraient.

En mettant l’accent sur les deux femmes, je propose d’étudier ces acteurs durant la période de la Seconde Guerre mondiale. Cette période de crise, par un concours de circonstances, a favorisé un nouveau tournant dans la vie de ces deux jeunes femmes. En effet, l’Union était fortement sollicitée pour venir en aide aux enfants victimes de la guerre, mais les difficultés financières qu’elle traversait ne lui permettait pas d’agir efficacement. Afin de pallier à ces contraintes, cet organisme a décidé de passer un appel à l’aide aux États sud-américains, non sans difficultés car pendant longtemps cette ONG avait tourné le dos à ce continent (Droux, 2014). Les circonstances ont amené ses acteurs à reconsidérer cette attitude et à devoir mettre en œuvre des stratégies pouvant débloquer la situation et trouver des donateurs.

L’Amérique latine, région épargnée par les conflits armés, certes, mais qui subissait tout de même des conséquences directes des restrictions européennes/nord-américaine, s’est-elle montrée favorable à l’appel de l’Union ?

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10 Les besoins pressants ont amené la commission temporaire de direction de l’ONG à se mobiliser2 et à trouver dans ses réseaux, des personnalités vivant en Amérique du sud susceptibles de bien vouloir accepter de les aider dans ce nouveau départ où tout était à faire3. Ces deux femmes qui ne s’étaient jamais côtoyées à Genève, étant rentrées en Argentine à cause de la guerre, vont accepter de collaborer. L’Union, de son côté, en leur demandant de l’aide, et étant à des milliers de kilomètres, a confié et a dû faire confiance à celles qui des mois plus tard deviendraient officiellement leur déléguée générale et secrétaire générale, ayant comme mission de développer des actions (récolte de fonds, parrainages, envoi de vivres et de vêtements, développement de l’agence et promotion de ses activités futures) au nom de l’enfance. S’intéresser à leurs profils et à cette expérience permet de révéler leurs pratiques en tant que professionnelles de l’humanitaire, laissant également présager leurs représentations quant au rôle social de la femme.

Sources et méthodologie

Au début de ma recherche, j’ai consulté plusieurs numéros de la « Revue internationale de l’Enfant » éditée par l’Union Internationale de Secours aux Enfants, disponibles à la Bibliothèque de Genève (BGE). Il a été intéressant de parcourir cette source pour me faire une première idée des activités de l’Union. Toutefois, étant consciente que cette revue était un outil de propagande pour le grand public, l’utiliser comme source dans le cadre de cette recherche me paraissait insuffisant. Elle a toutefois permis de prendre conscience de ce que l’Union exposait dans sa « vitrine » et de ce qu’elle faisait en coulisses.

La méthode de recueil de données de cette recherche est croisée. Elle se base essentiellement sur la consultation d’archives sous format papier (que j’ai pour la grande majorité pris en photo pour des questions pratiques), de quelques documents/photos, ainsi que par des témoignages.

Concernant les archives privées de l’Union se trouvant au dépôt de Terrassière, des Archives d’État de Genève, il a été question d’analyser cette source en tant que « correspondance croisée ». En effet, dans ce fond d’archives, des lettres reçues et envoyées à toute une multitude d’acteurs sont disponibles.

Au fur et à mesure que ma problématique se construisait, les noms de Georges Thélin, de Marjorie Duvillard et d’Anita Sandelmann devenaient de plus en plus saillants. Cependant, les sources dans les archives privées de l’Union ne me permettaient pas de dresser leurs profils,

2Archives d’Etat de Genève, Archives de l’Union Internationale de Protection de l’enfance (AUIPE), AP 92.1.12: Procès- verbaux de la commission temporaire de direction de l’UISE de la 37ème séance du Comité directeur, datant du 20.08.1940 ; 38ème séance, datant du 29.08.1940 ; 44ème séance, datant du 22.10.1940 ; 48ème séance, datant du 20.12.1940. Ici on voit les discussions quant au besoin de mobiliser des personnalités vivant en Amérique latine afin d’aider l’UISE dans son plan de secours d’hiver 1940-1941.

3AEG, AUIPE, AP 92.38.2 : lettre de Georges Thélin à Marjorie Duvillard, datant du 17.04.1941. Il affirme que la propagande et les relations avec l’Amérique latine depuis le voyage de Mlle Ferrière, dans les années 1920, ne se sont pas faites de manière régulière : « Dans ces conditions on doit partir de presque rien sinon de rien pour arriver à quelque chose (…) ».

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11 de découvrir d’où ils venaient et ce qu’ils avaient fait auparavant. Afin de pallier à ce manque, j’ai été amenée à chercher d’autres sources. Ainsi, pour apprendre davantage sur Anita Sandelmann, je me suis rendue aux archives historiques du BIT, à Genève. Concernant Marjorie Duvillard, j’ai utilisé comme source principale le livre qu’elle a co-écrit avec Danièle Lanza : « Rencontres au bout du monde. L’histoire d’une vie au service des soins infirmiers ».

Ceci explique le fait que les informations retraçant sa carrière professionnelle post-Union soient davantage abondantes comparativement aux deux autres acteurs et que les portraits aient donc une allure inégale.

Relativement à Georges Thélin, en plus d’avoir consulté le récent travail d’Aurélien Zaragori (2015), j’ai fait des recherches sur des sites web d’archives en ligne.

En consultant tous ces documents, l’idée de m’entretenir avec les proches de ces trois acteurs m’habitait. J’ai alors cherché à les contacter et à savoir s’ils étaient d’accord de m’accorder un peu de leur temps.

Ces entretiens informels, pour lesquels je n’ai pas préparé de canevas, ont apporté une dimension davantage vivante et ils m’ont effectivement permis d’obtenir des informations et parfois des documents complémentaires.

Relativement à Georges Thélin, j’ai rencontré son fils ainé (aujourd’hui âgé de 97 ans), à Genève et je lui ai demandé s’il avait des documents susceptibles de m’aider dans ma recherche. Malheureusement, les documents existants sont privés et je n’ai donc pas eu accès.

Toutefois, M. Thélin m’a fourni des informations intéressantes quant au voyage que Georges Thélin avait fait en Amérique du nord et en Amérique latine en 1946.

Concernant Marjorie Duvillard, j’ai réussi à entrer en contact avec son neveu et sa filleule qui m’ont évoqué certains aspects relatifs à sa vie personnelle et professionnelle. Ils m’ont confirmé que des documents appartenant à Marjorie Duvillard se trouvaient dans les fonds d’archives privés de la famille Duvillard dans le canton de Vaud. Mais ayant en ma possession l’ouvrage déjà mentionné, j’ai estimé que cette source me serait suffisante. En effet, elle a permis d’entrer dans l’histoire de Marjorie Duvillard, à travers son propre récit et des témoignages de certain(e)s de ses collègues/amis.

Relativement à Anita Sandelmann, dont les informations se faisaient très rares, trouver des membres de sa famille a été tâche ardue. Après des semaines de recherches intensives sur internet, je suis parvenue à joindre ses deux filles. Toutes deux habitant aux États-Unis, j’ai entretenu des échanges téléphoniques et de courriels, surtout avec sa fille ainée (aujourd’hui âgée de 85 ans) qui s’est toujours montrée coopérative. Cette dernière a bien voulu me fournir des informations, des documents et des photos qui m’ont permis de compléter le profil d’Anita Sandelmann.

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Difficultés

L’une des plus grandes difficultés inhérentes aux archives, c’est incontestablement la qualité et l’état de certains documents. En effet, certains étaient quasiment transparents et parfois il était difficile de distinguer le contenu sur le recto et le verso du papier. Cette difficulté pouvait être accrue s’il s’agissait d’un document manuscrit. De plus, ils étaient extrêmement fragiles, et il a fallu prendre beaucoup de précaution pour les manipuler. Ceci explique ma décision de les prendre en photo. En utilisant un logiciel, j’ai pu améliorer la qualité de certaines photos et bien que cela rende le travail plus long, la qualité des sources s’est notablement agrandie.

À Genève, il y a une grande quantité d’archives appartenant à l’Union, accessibles au public, mais cela ne veut pas dire pour autant que tous les documents y figurent. J’ai remarqué que dans le dossier 92.38.1 ayant la description « Appels de l’UISE à l’Amérique latine en faveur des enfants européens victimes de la guerre : correspondance classée par ordre alphabétique des pays. », la correspondance échangée avec la Bolivie est introuvable, selon l’archiviste.

A un moment donné de ma recherche, j’ai pensé que d’autres correspondances échangées entre la Délégation générale en Amérique latine et d’autres acteurs (autres que ceux de Genève) devaient exister quelque part en Argentine. Pendant plusieurs semaines, j’ai ainsi cherché à savoir si des documents avaient été déposés auprès d’une institution à Buenos Aires. Ayant aussi contacté l’ambassade de Suisse et plusieurs musées à cette fin, j’ai fini par abandonner l’idée. Aujourd’hui je ne suis pas en mesure de savoir s’il existe bel et bien des archives de l’Union à Buenos Aires.

Structure du mémoire

Ce travail de mémoire se compose essentiellement de trois grandes parties. La première

« Problématisation et méthodologie » révèle sous quel axe la thématique de ce travail a été approchée et quelles sources ont été utilisées. La deuxième partie présente l’« état de la littérature ». Elle permet de situer les thématiques dans leur contexte historique et de montrer comment ce passage a permis d’élaborer la problématique. La troisième partie comporte 3 chapitres, elle renvoie au travail d’analyse des sources permettant de répondre à la problématique et les conclusions qui peuvent en être tirées.

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13 ÉTAT DE LA LITTÉRATURE

Ce travail englobe principalement trois grands sujets : l’humanitaire, les ONG et les femmes.

C’est en découvrant le premier domaine que je me suis rendue compte que d’autres étaient indéniablement corrélés. Il est difficile de dissocier les ONG de l’humanitaire, tout autant que de parler d’acteurs privés dans les ONG sans mentionner la présence des femmes. Ce postulat est très réducteur, je l’admets, et il cache des questions complexes et des évolutions historiques que j’ai tenté d’appréhender en consultant la littérature.

Histoire de l’humanitaire

« Des visions segmentées se donnent pour la réalité de l’humanitaire. Certains y verront l’expression la plus pure de la solidarité entre êtres humains quand d’autres le taxeront d’avatar néocolonial ou de soutien à l’ennemi dans un conflit armé. D’aucuns ne le percevront qu’à travers le prisme des médias ou comme constituant une figure métaphorique de la modernité, voire, dans un monde globalisé, comme une ultime aventure individuelle, à la fois intellectuelle et concrète. » (Ryfman, 2016, p.3).Appréhender ce domaine est donc un enjeu.

On associe souvent l’humanitaire à l’aide technique et matérielle apportée sur le terrain et à des actions véhiculant un certain nombre de valeurs. Cependant, ces aides peuvent être critiquées de manière positive ou négative, par exemple, à cause de leur caractère fortement occidental. Dès lors, il devient légitime de se questionner si tout est vraiment transposable.

Ce dualisme n’est pas récent, car la construction de l’humanitaire- et l’aide aux vulnérables- s’est développée en étant accompagnée d’une réflexion relative aux pratiques humaines en période de guerre et de conflits vis-à- vis des victimes civiles et/ou des soldats (Ryfman, 2016).

Selon l’auteur, en faisant référence à Bannet (2011), il existe encore des incompréhensions relatives à cette notion et il n’est pas alors surprenant d’apprendre que sa définition ne fait pas l’unanimité. Il faut souligner que c’est un domaine difficile à cerner et cela pourrait être également dû à sa nature évolutive (Ryfman, 2016).

Bien que les chercheurs se penchent davantage sur la question de l’humanitaire, on ne connaît finalement que peu son histoire et il serait incorrect de penser que ses origines dateraient de la seconde moitié du XXe siècle. Il est, certes vrai, que les dernières décennies ont été marquées par une croissance exponentielle des actions humanitaires mais ce domaine a bien des « ancêtres » qu’il est bon de mentionner.

Les origines des actions solidaires s’inscrivent dans la religion, la philosophie et dans la philanthropie. Elles ne sont pas propres à un seul peuple ou comme on pourrait le croire, à l’Occident uniquement. En effet, on retrouve dans plusieurs cultures et religions l’idée de venir en aide aux nécessiteux, aux démunis. Ainsi, on associe, par exemple, le concept de « charité » venant de « tsedaka» juive (voulant dire justice-vertu), mais encore « zakat » (aumône) dérivé de l’Islam voulant dire un impôt presque obligatoire ou «sadaqua», un don spontané. Dans

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14 l’Antiquité gréco-romaine, également on percevait déjà des mouvements philanthropes caractérisés par la volonté d’aider les individus (Ryfman, 2014).

L’humanitaire a rencontré des mutations tout au long de l’Histoire. Selon Ryfman (2016), chaque décennie est marquée par de nouvelles mutations aussi bien en termes d’actions de secours aux victimes qu’épistémologiquement. Ce domaine a évolué avec des événements historiques tels que la sécularisation de la société et l’émergence des premières structures charitables privées ; la Révolution française du XVIIIe siècle qui au début l’a anéanti puis, dans les siècles suivants, de nouvelles questions et préoccupations ont surgi, telles l’efficacité des actions de secours. Selon Ryfman (2007), un aspect transversal et original dans l’histoire de l’humanitaire est l’importance de sa dimension privée, souvent manifestée par des structures à but non lucratif.

Au XIXe siècle, les premières structures associatives défendant des causes de plus en plus diverses ont vu le jour. Bien que l’on puisse croire que l’engagement des acteurs privés dans l’humanitaire relève plutôt des périodes des grandes guerres mondiales, c’est pourtant à cette période qu’a eu lieu la première grande action de secours internationale avec des partenaires public-privé. Il s’agit des secours envoyés, en 1812, par convoi maritime aux victimes d’un séisme à Caracas (au Venezuela) pendant la guerre de l’indépendance (Ryfman, 2014).

En Europe, la première initiative solidaire à caractère privé a eu lieu pendant la guerre d’indépendance grecque (1821-1829). Par la suite, les initiatives et les actions menées par des acteurs non gouvernementaux n’ont pas cessé de se développer : l’interdiction et l’abolition de l’esclavage en Grande-Bretagne.

Un autre exemple d’initiative privée est celui de Florence Nightingale, infirmière britannique, qui, pendant la guerre de Crimée 1854-1856 (opposant l’alliance franco-britannique à la Russie), a organisé des soins médicaux en formant des équipes d’infirmières pour venir aux secours des victimes.

Selon Ryfman (2016), l’histoire de l’humanitaire, depuis sa « naissance officielle », comporte deux périodes dont la première qui englobe un siècle entier : allant de la bataille de Solferino (1859) jusqu’à la guerre du Biafra (1967).

Au XIXe siècle, on distingue déjà la présence et les enjeux que représentent les initiatives privées (confessionnelles ou pas) dans le domaine.

Ce premier siècle fut fortement marqué par la création en 1863 des « Sociétés de secours aux blessés » par Henri Dunant. Organisation qui deviendra ultérieurement l’actuel CICR4.

Henri Dunant, entrepreneur suisse, après un voyage au nord de l’Italie où avait lieu la bataille de Solferino, est rentré à Genève étant persuadé qu’il fallait créer des organisations venant en aide aux blessés de guerre (Seguchi, 2002).

Les actions de secours aux blessés conduites par la Croix-Rouge lui a conféré une grande popularité pendant la première moitié du XXe siècle, surtout pendant la Grande Guerre.

4 Comité Internationale de la Croix-Rouge/Croissant-Rouge

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15 L’organisation et son effectif se sont rapidement développés et elle a pu compter sur le soutien de personnalités connues. Cependant, l’image du CICR, suite à la Seconde Guerre mondiale, a été ébranlée par une vague de critiques. On lui a reproché de ne pas avoir dénoncé ce que subissaient les populations juives et tsiganes pendant le conflit. Son inaction et son silence ont remis en question le modèle idéal de l’humanitaire qu’il incarnait et une crise interne a perduré jusqu’aux années 1980, selon Ryfman (2016).

Pendant que le CICR perdait le monopole de l’humanitaire, les décennies qui ont suivi ont favorisé l’apparition de nouveaux acteurs avec la création de nouvelles organisations non gouvernementales et organisations internationales. Selon Ryfman (2016), c’est un fait plutôt récurrent : les catastrophes ou les conflits dévastateurs favorisent leur l’apparition, des changements de paradigme, des changements dans les modes de fonctionnement, de financement et opératoires. Cette tendance peut être illustrée, par exemple, par le fait que graduellement l’humanitaire a fait de ses priorités les secours aux populations civiles alors qu’à ses débuts, il tendait à se centrer sur les combattants.

Un autre exemple de transition se situe pendant la période de l’Entre-deux-guerres. En effet, un mouvement de groupes de citoyens en Europe s’est mobilisé après avoir pris connaissance que des civils, notamment des enfants, rencontraient des conditions de vie précaires telles la famine. Des associations d’assistance humanitaire ont vu le jour et ont, parfois, défié les interdits de leur gouvernement pour secourir les victimes. Un exemple emblématique, en Grande-Bretagne, est celui de « Fight the Famine » avant qu’il ne devienne le Save the Children Fund (SCF). Ses fondateurs, dont Eglantyne Jebb, ont déclenché une forte mobilisation de récolte de fonds et de matériel afin de fournir de l’assistance médicale et alimentaire aux victimes de la famine (Ryfman, 2016).

Pendant la Seconde Guerre mondiale, mais surtout pendant les décennies qui l’ont succédée, les actions humanitaires privées et publiques à l’échelle internationale ont fortement augmenté. Des ONG telles que « Oxford Committee for Relief Famine » (OXFAM) en 1942 (devenue ultérieurement OXFAM International), « Committee for Assistance and Remittance for Europe » (CARE) en 1945, en sont des exemples (Denéchère, 2014). En termes d’acteurs étatiques, pendant le conflit et au vu des conséquences qui se faisaient déjà ressentir, certains États- surtout les pays neutres- se sont mobilisés pour fournir de l’aide aux victimes. Les Alliés prenant conscience de la situation ont également réagi en créant « United Nations Relief and Rehabilitation Administation » (UNRRA). Cette agence, en collaboration avec des organisations non gouvernementales, aura accompli l’une des plus grandes actions humanitaires de l’histoire, selon Ryfman (2016).

Au lendemain de la guerre et au vu de l’échec de certaines agences interétatiques de l’ère SdN, les États ont compris qu’investir dans l’humanitaire représentait des enjeux sur la scène internationale. Avec la naissance de l’Office des Nations Unies (ONU), de nouvelles organisations internationales (OI) interétatiques sont apparues et elles se sont emparées de

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16 bon nombre de causes (Ryfman, 2014). Des organisations telles que le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF de l’anglais United Nations Children's Emergency Fund), le Haut- Commissariat pour les réfugiés (HCR), etc., financées en grande partie par les États, et ont donc rivalisé avec les plus anciennes et celles ayant essentiellement comme bailleurs des fonds privés.

Selon Ryfman (2016) dans les décennies qui ont suivi, pendant la période de la décolonisation, l’humanitaire a encore rencontré des évolutions. S’inscrivant pendant la période des « trente glorieuses », l’idée de développement était positivement connotée. Ainsi, on constate que les organisations tendaient à passer d’une approche urgentiste à une approche développementaliste. Selon l’auteur, en se référant à D’Orfeuil (1984), plusieurs analystes supposaient ce fait irréversible. Or, face aux nouveaux désastres et conflits, la demande d’aide humanitaire éclatera engendrant à nouveau l’apparition de nouvelles ONG en rupture avec les préexistantes.

On entre alors dans le second siècle de l’histoire de l’humanitaire. On se situe à la fin des années 1960 et où la guerre du Biafra sera « le moment historique de ce tournant majeur » (Ryfman, 2016, p.47). Un groupe de médecins européens émus par les conséquences de ce conflit va repenser l’humanitaire. Médecins Sans Frontières (MSF) va alors incarner ce nouveau paradigme, appelé « sans-frontiérisme » (Ryfman, 2016). Ces acteurs

« revendiquaient un humanitaire médical d'urgence, léger, rapide, non institutionnel […] » (Siméant, 2001, p.29). Ce modèle se fortifiera avec la professionnalisation graduelle des structures et des professionnels exerçant divers métiers de tous horizons et ceci fait émerger de nouvelles problématiques relatives au recrutement et à la rémunération des employés, aux bonnes pratiques, à la bonne gouvernance, aux contrôles et audits, par exemple, Ryfman (2016).

Siméant (2001) affirme que la professionnalisation des ONG et des humanitaires fait débat au sein même de la communauté et que ce terme n’a pas le même sens pour tous. Alors que certains préfèreront parler de salarisation des expatriés ou des volontaires humanitaires (à ne pas confondre avec le statut de bénévole), d’autres voient en ce terme une transition de paradigme dit moins militant pour devenir davantage managérial. Pour d’autres encore, ce terme désigne le niveau de compétences accrues requis et le niveau de qualité des programmes. Le terme professionnalisation tendrait même à s’opposer à celui de militantisme associatif, selon l’auteure. Mais ce terme, à l’instar de celui de professionnalisation, ne fait pas l’unanimité : « Or, pas plus que le terme de professionnalisation, celui de militantisme ne peut acquérir de signification univoque dans des structures aussi complexes que les ONG, dans lesquelles cohabitent des populations aux investissements et aux statuts très différents (médicaux et non- médicaux, bénévoles épisodiques ou membres d'un conseil d'administration, volontaires, salariés...). » (Siméant, 2001, p. 34).

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17 Malgré le travail que Ryfman a proposé avec « Une histoire de l’humanitaire », l’auteur avoue que l’historiographie de l’acteur non gouvernemental « reste un champ à approfondir pour la recherche. » (p.109).

Ainsi, au fur et à mesure que je me renseignais sur la question de l’humanitaire, je me rendais compte que certains aspects méritaient une attention particulière. Le concept de professionnalisation, par exemple. Si selon Ryfman (2016) et Siméant (2001), cette problématique est plutôt récente et se serait posée dans la deuxième période de l’histoire de l’humanitaire, je serais tentée d’avancer, à travers l’analyse de mes sources, que son développement se situerait déjà dans les années 1940.

Un autre aspect a également attiré mon attention qui est celui des paradigmes dits urgentiste et développementaliste. Il est intéressant de constater que la transition entre ces deux paradigmes tendait aussi à se manifester au sein de l’Union Internationale de Secours aux Enfants, quand on apprend que cette organisation avait plusieurs sections et dont l’assistance humanitaire, appelée « section de secours »5 et l’Association internationale de pédiatrie préventive »6 en étaient des exemples. Droux (2014) a mentionné que l’organisation a passé par une période de discussions à l’interne et d’hésitations quant à son avenir déjà dès les années 1920. Après des mois de discussions, l’agenda de l’Union a changé donnant un nouveau tournant à l’organisation non gouvernementale: “urgent aid for children in the event of disasters therefore became secondary purpose behind the newest ambition of the SCIU to develop itself into a platform of information (clearing house) and diffusion of the best child welfare practices (health, education, employment, assistance).” (Droux, 2014, p. 381). Mais contrainte par les contextes politique, économique et social des années 1930 et au vu des demandes grandissantes de secours, l’organisation a dû remettre cette aspiration à plus tard.

Ainsi, je pense que dans la première moitié du XXe siècle, on peut parfois retrouver les mêmes tendances que dans l’humanitaire dit contemporain, peut-être pas exactement sous la même forme, mais on peut en dégager les prémices. Un autre exemple est celui de la tendance à récolter des fonds publics, qui selon Ryfman (2016), se serait développée également dans l’humanitaire contemporain. Selon l’auteur, les nouvelles ONG désormais ne dépendent plus uniquement des donateurs privés. Cette façon d’envisager la récolte de fonds représenterait des enjeux importants, car elle oblige à repenser les pratiques « classiques ». Mais peut-on affirmer que cette tendance est exclusivement inhérente à l’humanitaire contemporain ? Ne peut-on imaginer que les ONG, ayant étroitement collaboré avec des dirigeants étatiques au début du XXe siècle, aient envisagé la possibilité de faire appel aux fonds publics ? L’Union Internationale de Secours aux enfants, tout en voulant garder son autonomie vis-à-vis des États, a contacté des chefs d’État en Amérique latine en vue de récolter des fonds pour les enfants de la guerre entre 1941 et 1942.

5 AEG, AUIPE, AP 92.38.2 ; Lettre de G. Thélin à M. Duvillard, datant du 18.02.1941, lui donnant des renseignements sur le fonctionnement de l’Union.

6 AEG, AUIPE, AP 92.38.2

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ONG, acteurs privés

En appréhendant l’histoire de l’humanitaire, on se rend compte que la présence des acteurs privés est incontestable. L’humanitaire n’est pas une affaire exclusivement traitée par les acteurs étatiques. Depuis les débuts, on remarque que des individus, des groupes d’individus, des associations ou des organisations se sont mobilisés pour venir en aide. Plus récemment, le terme organisation non gouvernementale (ONG) semble même être devenu indissociable de l’humanitaire. Mais qu’est-ce véritablement une ONG ? Qu’est-ce qui distingue une ONG d’une association ?

Organisation Non Gouvernementale : quelle définition pour un domaine hétérogène ?

Bien que le domaine des organisations non gouvernementales soit devenu sujet d’études, on peine encore à trouver une définition claire et unanime. Selon Ryfman (2014), l’acronyme ONG (organisation non gouvernementale) est largement répandu du Nord au Sud. Cependant, ce terme ambigu porte à confusion dû au fait que de plus en plus d’entités de toutes tailles s’autoproclament ONG et ne correspondent pas à une catégorie juridique circonscrite dans les droits nationaux et internationaux. Ainsi, élaborer et définir de manière précise une

« théorie générale des ONG » est extrêmement difficile vu l’hétérogénéité et la variabilité du milieu où structures et statuts sont divers, Ryfman (2014).

Plusieurs experts, juristes, économistes, politistes, sociologues ou anthropologues, ont tenté de donner une définition explicite et théoriquement fondée. Mais selon Ryfman (2014), en dépit des apports, les définitions comportent des limites. L’un des obstacles rencontrés par les juristes est, qu’au niveau législatif, elles ne sont pas régies par le droit international et des lacunes législatives existent encore au niveau national. Les sociologues tiennent davantage compte du caractère international. Mais là encore, il y a des divergences. Certains parlent de reconnaissance par un organisme international, d’autres mettent l’accent sur la visée à intervenir dans la gouvernance internationale. D’autres encore les comparent aux organisations internationales, à la différence que ces dernières ont des membres étatiques.

En Suisse, selon Ryfman (2014), de Senarclens et Ariffin (2010) optent par la définition s’inscrivant dans le cadre de l’ONU. Or, toutes les ONG n’ont pas et n’aspirent pas à être bénéficiaires du statut consultatif ECOSOC.

Bien que donner une définition précise à la notion d’ONG soit une difficulté, Ryfman (2014) a tenté de dégager cinq éléments pouvant les caractériser :

- Groupement de personnes privées de façon durable (et nullement étatiques) défendant communément une cause et assurant des actions (envers d’autres personnes) ;

- Être un organisme à but non lucratif ;

- Défendre volontairement des valeurs s’inscrivant dans un cadre démocratique ;

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19 - Avoir un caractère transnational, outre le pays d’origine mener une action dans un

autre pays, au moins ;

- Être autonome par rapport aux autorités publiques ou privées (nationale et/ou internationale) bien que des relations soient admises ;

Selon lui, lorsque l’un des cinq éléments mentionnés ci-dessus est manquant, l’organisation ne devrait pas être désignée d’ONG mais plutôt d’association, par exemple.

Les ONG dans les relations internationales

Au fil des années, certaines ONG ont gagné en notoriété. Nul ne doute de la capacité de certaines à répondre aux besoins, de leur expertise, de leur efficacité et de leur professionnalisme. Parfois gérées à l’image d’une entreprise, mais davantage flexibles, elles savent mobiliser l’opinion publique, récolter des fonds et utiliser les moyens nécessaires afin d’obtenir des résultats escomptés (de la Carrière, 2009). Mais leurs activités ne se résument pas uniquement à l’interventionnisme sur le terrain. Désormais, les acteurs privés tendent à gagner davantage de visibilité et d’influence dans le domaine des relations internationales.

Leur présence et leur volonté à vouloir traiter ces questions engendrent de nouvelles problématiques venant interpeler les spécialistes et les professionnels (de la Carrière, 2009).

Les plus influentes ont rencontré un certain succès auprès des gouvernements et leurs initiatives ont, parfois, débouché sur la signature d’accords internationaux. De la Carrière (2009) s’interroge : « répondent-ils à des attentes, celles d’une démocratie qui voudrait s’étendre à des domaines jusqu’ici réservés, celles d’une société civile qui aspirerait à être écoutée dans un univers de technocrates, ou ne sont-ils qu’une manifestation de l’affaiblissement des Etats ? » (p.41). Ryfman (2010), quant à lui, se demande si ce mouvement sur la scène internationale n’a pas fait apparaitre de nouvelles formes de diplomatie comme la « diplomatie humanitaire » dite aussi « diplomatie humanitaire non étatique », qui serait pratiquée par des acteurs non gouvernementaux. Si tel est le cas, la définition traditionnelle de diplomatie, postulant que seules les personnes officiellement mandatées par les nations traitant des questions des affaires étrangères, semble depuis quelques années être soumise à l’examen critique, (de la Carrière, 2009). Ces questions génèrent un débat fort intéressant au sein des spécialistes en la matière et des professionnels.

Bien que certains auteurs tendent parfois à nuancer leurs propos, on peut, de manière générale, dégager deux courants de pensée relatifs à la nature des interactions entre les acteurs étatiques et non étatiques. L’un qui postule que les acteurs privés font désormais de la diplomatie sous une forme qui parfois se rapprocherait de la diplomatie classique. Cette idée sous-tend que des négociations avec les acteurs étatiques ont lieu et que les acteurs privés ont désormais une marge de manœuvre et parviennent à faire pression sur les politiques et avoir un certain poids sur la scène internationale.

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20 A l’inverse, et ce malgré le succès rencontré par certaines ONG, d’aucuns soutiennent que dans le meilleur des cas, les ONG ne peuvent jouer qu’un rôle subalterne par rapport aux États et à la diplomatie étatique. Pourtant lorsqu’on analyse leur niveau d’indépendance, d’habileté à définir des stratégies et à mener des actions efficaces, on se rend compte que leur rôle peut s’avérer important, Ryfman (2010). Denéchère (2014), tend à nuancer cet aspect. Bien qu’admettant que les acteurs trans-nationaux pratiquent une certaine diplomatie privée, il soutient que cette indépendance vis-à-vis des États ainsi que leurs relations sont parfois ambivalentes.

Charnovitz (2002) a proposé une analyse historique tout à fait intéressante quant à la collaboration des ONG avec les gouvernements au cours des deux cents dernières années. En émettant l’hypothèse qu’il existerait un modèle cyclique divisé en sept périodes quant à l’influence des ONG à l’égard des États, l’auteur dégage l’idée que finalement ce qui explique le mieux ces cycles, ce sont les besoins des gouvernements.

Malgré les opinions et théories divergentes, tous partagent l’idée que la présence des acteurs privées sur la scène internationale est un fait (Ryfman, 2010).

Bien que la thématique paraisse récente, la tendance des acteurs privés à vouloir saisir la scène des relations internationales était en fait déjà réelle au début du XXe siècle. Selon Charnovitz (2002), « le rôle croissant des ONG dans la politique et la législation internationales est un événement significatif, mais qui n’est pas sans précédent. Ces organisations, dans le passé, ont déjà influé fortement sur la gouvernance internationale, surtout vers 1900 et dans les toutes premières années de la Société des Nations (SDN). » (p.6). L’auteur affirme que ces acteurs (publics et privés) ont à maintes reprises entretenus des relations étroites, apportant des contributions mutuelles, et cela a permis aux ONG de prendre conscience de leur influence.

Le CICR depuis fort longtemps pratique de manière ponctuelle la « diplomatie humanitaire ».

Elle reflète des relations entre ses représentants de terrains, appelés également délégués, avec les autorités publiques et/ou militaires locales ou régionales. Ryfman (2010) affirme

« dans certaines circonstances, le fait que des agences humanitaires soient les seuls acteurs extérieurs présents sur un terrain peut conférer une dimension paradiplomatique à des opérations d’assistance […] et transformer l’humanitaire en auxiliaire de diplomaties étatiques. » (p.566). L’auteur soutient que dans certains contextes, les pratiques des ONG peuvent être davantage efficaces que celles de la diplomatie étatique. Il dénomme ainsi ce type d’actions la « diplomatie alternative ». Denéchère (2014), quant à lui, soutient que « ces ATN [acteurs transnationaux] entendent agir pour suppléer des déficiences inhérentes aux États et aux organisations internationales. » (p.120).

Aborder la thématique des ONG, de leurs actions et de leurs relations avec les acteurs étatiques semble donc être tout à fait pertinent dans le cadre de cette recherche. A travers les lectures, j’ai constaté que les travaux effectués cherchent à comprendre des organismes

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21 complexes où différents intervenants sont présents à différentes échelles. Toutefois, j’ai remarqué que cette complexité est souvent attribuée aux organisations parues après la période Deuxième Guerre mondiale. Ceci pourrait nous amener à croire que les premiers organismes au début du XXe siècle travaillaient de manière « artisanale ». Or, l’Union Internationale de Secours aux Enfants a également entretenu et développé des relations étroites avec des personnes influentes à Genève et s’est même rapprochée de la Société des Nations. Gagnant en visibilité et en notoriété dans le champ de l’action humanitaire et de la protection à l’enfance, l’Union a publié la Déclaration des droits de l’enfant appelée également la « Déclaration de Genève » en 1923. Ce texte qui se voulait universel a connu un franc succès, et avec réseaux et appuis, l’Union a réussi à ce qu’en 1924, le Comité de Protection de l’Enfance (CPE) de la Société des Nations l’adopte et lui confère un mandat d’assesseur. Mais ce comité qui aspirait à élaborer un programme d’action internationale, n’aura finalement eu que peu d’influence (Droux, 2011).

Cependant, les rapports étroits entre l’Union et la Genève internationale lui auront notamment permis d’être présente dans les discussions quant à l’élaboration de la Déclaration relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1959 par l’Assemblée générale des Nations Unies (Moody, 2015).

A travers l’exemple de l’Union Internationale de Secours aux Enfants, il est possible de percevoir qu’au début du XXe siècle déjà, cet organisme était complexe et participait également aux discussions des politiques internationales, aspirant parallèlement à occuper une place importante dans le domaine de la protection à l’enfance et à bénéficier d’une forte légitimité (Droux, 2011). Dès lors, ne peut-on pas se demander si cette organisation répondait déjà aux critères postulés par Ryfman (2014) quant à la définition contemporaine d’une ONG ? Ceci est d’autant plus intéressant lorsque l’on sait qu’au début du siècle ce vocable n’était pas encore employé, selon Cortès (2016). Dans tel cas, je pense qu’il devient pertinent de penser cette organisation non pas comme faisant partie de la « pré-histoire » des ONG, mais plutôt comme étant l’une des ONG matrices dans l’histoire des organisations et de l’humanitaire.

Les femmes dans les mouvements internationaux

Précédemment, j’ai traité la présence des acteurs privés dans le domaine de l’humanitaire et mentionné le fait que parmi eux, il y avait des femmes. Ce domaine a commencé à les intéresser car elles y voyaient un moyen d’investir et d’intervenir dans les questions de la société, tout en s’affirmant et en revendiquant leurs droits et statuts.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les activités philanthropiques des femmes, à qui on attribuait souvent une grande sensibilité, sont devenues saillantes surtout en termes de secours (Martin Moruno, 2013). Henri Dunant dans « Un Souvenir de Solferino » met en avant la mobilisation et le rôle des femmes-(infirmières) qui s’étaient manifestées dans la bataille de Solferino : « Ainsi, l'appel que Dunant lance [] est une opportunité décisive pour la

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22 population féminine de s'intégrer au service de la société en s'enrôlant à la cause humanitaire.

[…] la définition du rôle d'infirmière était une occasion pour l'émancipation de la femme et c'est pour cela que leurs initiatives philanthropiques peuvent être comprises comme une sorte de négociation avec les autorités politiques, militaires et médicales de leur temps, paru un espace où les femmes pourraient réaliser une activité rémunérée. » (Martin Moruno, 2013, p.

52).

La volonté des femmes à vouloir saisir l’espace public s’était déjà manifesté avant même la Révolution française, selon Branciforte et Portalo (2007) :

« En effet, avant la Révolution de nombreux écrits étaient apparus où s’exprimaient déjà leurs protestations et revendications de forme véhémente et innovatrice : les femmes commençaient déjà, alors, à e sentir incommodées par leur exclusion dans la vie publique. » [traduction libre] (p. 241).

Pourtant ce ne sera que vers la fin du XIXe siècle que les mouvements internationaux de femmes ont commencé à dresser les premières lignes directrices quant à leur rôle social et quant au rôle qu’elles pouvaient jouer dans les questions d’intérêt général. Les premières femmes et collectivités de femmes ont commencé à se mobiliser et les premières associations s’alliant à d’autres permettaient la survie de leurs causes aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale (Branciforte, 2009).

Des études récentes croisant l’histoire des femmes et l’histoire des relations internationales ont été faites dans la littérature francophone. Les recherches présentées dans l’ouvrage Femmes et relations internationales au XXe siècle (Delaunay & Denéchère, 2006) permettent d’appréhender la question des femmes en politique, les femmes en diplomatie, les féministes et les militantes qui avec des engagements divers aspiraient à se faire entendre et à gagner leur place sur la scène nationale et/ou internationale. En outre, il a aussi montré que malgré leur intégration graduelle dans l’arène internationale, leur nombre est resté faible si l’on compare avec la participation des hommes dans ce domaine (Delaunay & Denéchère, 2006).

Pourtant, les femmes ont contribué à faire son histoire : femmes occupant des postes à responsabilités, femmes d’État, femmes diplomates, femmes au service d’organisations (nationales/internationales), femmes dans les organisations non gouvernementales, les militantes, les féministes, etc.

Les femmes à la SDN

Dès la fin du XIXe siècle plusieurs organisations composées de femmes ont été créées : le Conseil international des femmes et l’Alliance internationale des femmes en sont des exemples. Bien que la Grande Guerre ait divisé certains groupes, elles ont décidé de réagir au nom du pacifisme, de la paix, de la cohésion européenne et mondiale (Walle, 2006). En ce sens, maintes organisations se sont mobilisées et ont mené des campagnes pour soutenir la

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