A NNALES SCIENTIFIQUES
DE L ’U NIVERSITÉ DE C LERMONT -F ERRAND 2 Série Mathématiques
P IERRE S AMUEL
Méchants anneaux de séries formelles
Annales scientifiques de l’Université de Clermont-Ferrand 2, tome 24, série Mathéma- tiques, n
o3 (1964), p. 109-111
<
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109
MÉCHANTS ANNEAUX DE SÉRIES FORMELLES
Pierre SAMUEL
Soit A un anneau commutatif.
Rappelons qu’on
note A[X] (resp.
A[[X]])
l’anneau des pol y-nômes (resp.
sériesformelles)
à une variable surA,
c’est-à-dire l’anneau des sommes formelles finies(resp. infinies) £ anXn(anE A),
avec l’addition et lamultiplication
bien connues. Ce sont làn>o
deux notions
voisines,
pourlesquelles
théorèmes et démonstrations sont souventparallèles.
Toutau
plus
on doitquelque
foisremplacer
une démonstration danslaquelle
on raisonne sur ledegré
d’unpolynôme (c’est-à-dire
leplus grand exposant
n tel quean f 0),
par une démonstrationportant
sur l’ordre d’une série formelle(c’est-à-dire
leplus petit exposant
n tel quean f 0).
Exemples
de telles démonstrations.1/
Si A estintègre,
il en est de même de A[X]
et A[[X]].
On raisonne ici"par
lebas".
Soient
P(X)
etQ(X)
deuxpolynômes (resp.
sériesformelles)
nonnuls, aXp
etbXq
leurs termes deplus
basdegré (alors a ~
0 etb ~ 0).
Le terme deplus
basdegré
deP(X)Q(X)
estabXP 1 q;
il estnon nul car
ab ~
0d’après l’intégrité
de A.2/
Si A estnoethérien,
il en est de mtme de A[X]
et A[[X]].
Ici on raisonne"par
lehaut"
pour les
polynômes
et"par
lebas"
pour les séries formelles. VoirZariski-Samuel, "Commutative
Algebra"
vol.1,
ch.IV,
th. 1 et vol.II,
ch. VII. th. 4.3/
Si A estcomplètement intégralement
clos, il en est de même de A[X]
et A[[X]]. Rappe-
lons
qu’un
anneau A est ditcomplètement intégralement
clos s’il estintègre
etsi,
pour tout élé- ment x du corps des fractions deA,
l’existence d’un élémentd f
0 de A tel que dxn E A pour toutn
(c’est-à-dire
d’un dénominateur commun pour tous lesxn) implique qu’on
a x E A. Un anneaucomplètement intégralement
clos estintégralement clos ;
laréciproque
est vraielorsque
l’anneauest noethérien.
Ceci
étant,
soit z un élément du corps des fractions de A[X] (resp.
A[[X]]),
et soitd(X)
unélément ~
0 de A[X] (resp.
A[[X]])
tel que A[X] (resp.
A[[X]])
pour tout n. Notons K le corps des fractions deA ;
les excellents anneauxprincipaux
K[X]
et K[[X]]
étantcomplète-
ment
intégralement clos,
z est unpolynôme (resp.
sérieformelle)
surK,
que nous noteronsZ(X) = 1 znXn.
Ils’agit
de montrer que tous les coefficients dez(X)
sont dans A. Sinon soit p le n>o1
plus petit
entier tel quez, (t A ;
posonsz§(X)
+ ... ; commez(X) - z’(X)
a sescoefficients dans
A,
on ad(X). zl(X)’
E A[X] (resp... )
pour tout n > 0. SidXq
est le terme deplus
basdegré
ded(X),
celui ded(X).
etXq+np ;
on a doncd(zP)n
E A pour tout0 ,
d’où
zp
E Apuisque
A estcomplètement intégralement
clos. Contradiction.C. Q. F. D.
Mais
l’analogie
entrepolynômes
et séries formelles n’est pascomplète ;
il y aplus
de dif-férences
qu’on
ne croitgénéralement.
Je neparlerai
pas des éléments inversibles(nettement plus
nombreux chez les séries
formelles),
maisje
vais donner troisexemples
de différences dùes à ceque le fini n’est pas l’infini
(oh !
laPallisse ! ! ).
I - LE CORPS DES FRACTIONS -
Etant donné un anneau
intègre B,
nous noteronscf(B)
son corps des fractions. Soit A un an-neau
intègre.
Le fait que les coefficients d’unpolynôme
surcf(A)
admettent un dénominateur com- mun prouve aisémentqu’on
acf(A) [X]
Ccf(A [X] ) ;
on en déduit quecf(A [X])
est le corps de fonctions rationnellescf(A) (X).
110
Pour les séries
formelles,
l’inclusioncf(A) [[X]] C cf (A [[X]])
n’est pas vraie engénéral.
Ona cf
(A [[X]]) C cf (A) ((X)) (le
second membre étant uncorps) ;
mais les deux membres sont engénéral
distincts.Voyons
le dans le cas où A est l’anneau d’une valuation discrète v. Considérons une sérieformelle E znXn
surcf(A) qui appartienne
àcf(A [[X]]).
On a alors des éléments an,bn
de A tels n>o.
que :
d’où :
On
peut
supposer 0 sans inconvénient(sinon
on divise par unepuissance
deX).
En utilisant(1)
et les
propriétés
desvaluations,
onvoit,
par récurrence sur n ;qu’on
a :Ainsi la fonction n -
v(zn)
est minorée par unefonction
linéaire de n.Par
exemple,
si a est tel quev(a)
>0,
lasérie L. a-n2 Xn n’appartient
pas àcf(A [[XII),
Parn>o
contre la
série 1
Xnappartient
à ce corps des fractionspuisqu’elle
vaut1/(a-X).
n>o
On
peut
se demandersi, réciproquement,
toutesérie 1 znXn
surcf(A)
telle quev(zn)
soitnao
minorée par une fonction linéaire de n, est dans
cf(A [[X]] ).
Laréponse
estnégative ;
pour lemontrer nous aurons besoin du lemme
suivant, qui
nous sera aussi utile ultérieurement : LE/OiE -Soit A un anneau
tntègre
et a E A. Il existe une sérieformelle u(X) unXn
avec un Ecf(A)
n> o telle que :
En effet la relation de
a) équivaut
à u.u,, + + ... + 0 pour n > 0 etauo=
1. Ces relations déterminent les Un par récurrence. Deplus,
si on a E Apout tout j
n, on a :et la formule ci-dessus montre
qu’on
a :ceci démontre
b)
par récurrence.C.Q.F.D.
Ceci
étant,
prenons pour A l’anneau d’une valuation discrète v et a E A tel quev(a)
>0(a ~ 0) .
La série
Xu(X)
vérifie la condition demajoration
par une fonction linéaired’après b). D’après a) ,
Jc’est un élément entier sur
A [ [X]].
Comme A estcomplètement intégralement clos,
il en est de même de A[[X]].
DoncXu(X)
nepeut appartenir
àcf(A [[X]]),
car,sinon,
ce serait un élément de A[[X]].
II - LA NOTION D’ANNEAU INTEGRALEMENT CLOS -
Rappelons qu’un
anneau A est ditintégralement
clos s’il estintègre
et si tout élément decf(A) qui
est entier sur A est dansA.
On démontre que les anneauxintégralement
clos ne sontautres que les intersections d’anneaux de valuations
(discrètes
ou non, de hauteursquelconques) .
Au moyen de ce critère
(ou
par une autreméthode),
on démontre que, si A estintégralement clos ,
il en est de même de l’anneau depolynômes
A[% .
Par contre :111
THEOREHE 1 -Il existe un anneau
intégralement
clos A tel que A[[X]]
ne soit pasintégralement
clos.Prenons pour A un anneau
intégralement
clos contenant deux éléments non nuls et non inver- sibles a, d tels que A pour tout n >0,
parexemple
l’anneau d’une valuation de hauteur > 2(Notons qu’un
tel anneau A ne peut êtrecomplètement intégralement clos).
Construisons la sérieXu(X)
du lemme.D’après b)
on adun é A
pour toutn >. 0,
de sorte queXu(X)
Ecf (A [[ X]]).
Com-me u =
A,
on aXu(X) ~ A [[X]].
EnfinXu(X)
est entier sur A[[X]] d’après a).
AinsiA[[X]]
n’est pas
intégralement
clos.III - LA NOTION D’ANNEAU FACTORIEL -
Rappelons qu’un
anneau A est dit factoriel s’il estintègre
et si tout élément de As’exprime ,
de
façon
essentiellementunique,
commeproduit
d’éléments extrémaux(certains
disent"irréducti- bles").
Tout anneauprincipal,
Z parexemple,
est factoriel. Si A estfactoriel,
il en est de mêmede A
[X] (th.
deGauss).
Par contre : THEOREME 2 -Il existe un anneau
factoriel
A tel que A[[X]]
ne soit pasfactoriel.
La démonstration repose sur deux
résultats,
dont on trouvera lesdémonstrations,
assez com-pliquées,
dans :P.
Samuel "On unique
factorizationdomains",
I 11 . J. Math. 5(1961),
1-17(pour
leler).
P. Samuel
"Un exemple
d’anneaufactoriel",
Bull. Soc. Math. SaoPaulo,
1963(pour
le2ème).
P. Samuel
"Factorial rings",
Courspolycopié,
TateInstitute, Bombay,
1963(pour
lesdeux).
PROPOSITION 1 -
Soient A un anneau
intègre.
x, y, z trois éléments de A eti,j,k
trois entiers >.0. On suppose : Ax estpremier . Ax n Ay
=Axy,
Ax +Ay, z~
E Axi +Ayk,
etijk - ij -jk-ki~
0. Alors A[[X]] ]
n’est pasfactoriel.
PROPOSITION 2 -
Soient K un corps,
F(xl, ... , xn)
unpolynômes
à n variables sur Kqu’on
supposeirréductible,
etisobare de
poids
w,lorsqu’on
muni t depoids
wl, ... ,w" > o.
Siiest un entier étran~er à w ,
l’anneau K
[XIJ...,
xn’z] 1
oùz’
= est factoriel.L’hypothèse "K
est uncorps" peut
être affaiblie en"K
est un anneau factoriel surlequel
toutmodule
projectif
detype
fini estlibre". Lorsque
i z 1(mod w),
ellepeut
même être affaiblie en"K
est un anneaufactoriel".
Ceci
étant,
on choisit trois entiersi, j, k étrangers,
deux àdeux,
et assezgrands
pourqu’on
ait
ijk - ij - jk -
ki > 0(par exemple 2,3
et7).
Onprend
pour F lepolynôme xi
+yk (isobare
depoids jk
si on munit x dupoids
k et y dupoids j) ;
alors A =K [x,
y,z]
aveczi
=x ~
+y
est fac-toriel