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Les eaux saviésannes : évolution du réseau d'irrigation et gestion de l'eau potable

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Academic year: 2022

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(1)

lülffl UNIV€RSIT€

D€

_ LAUSANNE

INSTITUT DE GEOGRAPHIE FACULTE DES LETTRES

Mémoire de licence

LES EAUX SAVIESANNES:

évolution du réseau d'irrigation et gestion de l'eau potable

PB 12.783

Sous la direction Héritier Jean-Nicolas

du Prof. Jörg Winistörfer juin 1998 f- 2" <"'«

Médiathèque VS Mediathe

(2)

MÉBlAMdUE VALAIS

m

MLOIATHEK

! WALLIS

(3)

TABLE DES MATIERES

1. But d u travail 2 2. I n t r o d u c t i o n 3 3. Eau d'irrigation 5

3.1. Introduction aux bisses 5 3.2. Historique des bisses de Savièse 6

3.3. Introduction 1850-1930 12 3.4. Evolution 1850-1930 20

3.5. Conclusion 30 4. Eau potable 3 2

4.1. Introduction et définition 32 4.2. Origine historique des consortages villageois 34

4.3. Evolution du réseau à partir de 1957 35

4.4. Les consortages villageois 38 4.4.1. Le consortage de Saint-Germain 39

4.4.2. Le consortage de Drône 41 4.4.3. Particularités drônoises 43 4.4.4. Le consortage d'Ormône 44 4.4.5. Le consortage de Roumaz 46 4.4.6. Le consortage de Granois 47 4.4.7. Le consortage de Chandolin 49 4.5. Points communs et différences 50

4.6. Organisation communale 54 4.7. Avantages et inconvénients d'une centralisation 55

4.8. Conclusion 57

5. Lien entre eau d'irrigation et eau potable 58

6. Conclusion 61

7. Bibliographie 63

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BUT DU TRAVAIL - 2 -

1. BUT DU TRAVAIL

L'eau, élément naturel sans quoi la vie n'existerait pas. Le Valais, pays de montagnes et de neiges éternelles, mais aussi, paradoxalement région jouissant d'un climat relativement chaud et sec. Savièse commune du Valais central soumise à ce manque d'eau. Par l'exploitation de sources, la construction de bisses, la mise en place de réseaux d'irrigation, les citoyens de Savièse ont tout mis en oeuvre au cours des siècles afin de transporter les eaux aux endroits désirés.

Dans ce travail, j'étudierai les points suivants.

1. Concernant l'eau d'irrigation, je m'attarderai peu sur les aspects historiques. Je concentrerai mon étude sur la période située entre 1850 en 1935. Le début de cette étude correspond à un nouveau partage des eaux d'irrigation alors que 1935 signifie la mise en service du tunnel sous la montagne du Prabé. Néanmoins, pour comprendre et expliquer l'état actuel, il est nécessaire de mentionner l'évolution du réseau. Les aspects largement décrits par différents auteurs ne seront pas profondément traités. Par contre certains points moins connus relatifs au Torrent-Neuf, aux autres bisses, aux étangs et aux bisses secondaires du plateau de Savièse feront l'objet d'une attention particulière. Cette partie sera accompagnée de différentes cartes démontrant les modifications intervenues à partir du milieu du XIX siècle jusqu'en

1935.

2. L'eau potable sera traitée de différentes manières. Après une description des villages et de l'administration de ceux-ci, je tenterai de répondre aux questions suivantes: Comment le système actuel de consortage villageois s'est-il mis en place? Quelles sont les différences, les points communs et les particularités de ceux-ci? Quelles sont les relations entre les villages et la commune et finalement, vers quoi s'achemine-t-on; quel est le futur pour ces consortages?

3. Une dernière partie fera le lien entre l'eau potable et l'eau d'irrigation et étudiera dans quelle mesure ces deux points se joignent?

Les méthodes utilisées pour ce travail sont les suivantes. Pour

l'approche historique, la plupart des informations ont été fournies par

les archives communales. Pour la partie concernant les consortages, les

entretiens avec différentes autorités tant villageoises que communales

sont à la base de cette étude.

(5)

INTRODUCTION - 3 -

2. INTRODUCTION

La question de l'eau à Savièse. Voilà toute une étude qui mérite en préambule une présentation de la région ( en annexe se trouve une carte au 1: 25'000 du coteau de Savièse). Située au centre du Valais d'après 1815, la commune de Savièse couvre plus de la moitié du district de Sion. Savièse est en fait le- nom politique assemblant les six villages d'Ormône, Roumaz, Saint-Germain, Granois, Chandolin et Drône, ainsi que les hameaux de Vuisse, La Sionne, Monteiller, Prinzières et La Crettaz. Limitée à l'est par la vallée de la Sionne, à l'ouest par celle de la Morge, elle s'étend du nord au sud, des Alpes bernoises à la commune de Sion. Son territoire comporte de notables dénivellations, où l'on distingue une partie haute, ou arrière-pays (région montagneuse et de glaciers) et une région basse s'étalant en différents paliers jusqu'à la plaine du Rhône. Le Prabé, montagne escarpée qui culmine à 2042 mètres, constitue la frontière entre ces deux zones. La région basse forme ce qu'on appelle le plateau de Savièse. Celui-ci comprend dans sa partie sommitale une étendue forestière et les flancs du Prabé (de 1300 à 2000 mètres). Puis, de 900 à 1300 mètres, on trouve des prairies cloisonnées par des torrents. Ensuite, deux plateaux se succèdent: le premier, entre 800 et 900 mètres, où sont implantés quatre villages entourés de champs, jardins et prés: Chandolin le village le plus à l'ouest avec en contrebas Vuisse, Granois près de la colline du Château de la Soie, St-Germain, village central où se trouvent église et maison communale, et enfin Drône à l'est au dessus du hameau de la Sionne. Sur le deuxième plateau, plus accidenté topographiquement, se trouvent les villages de Roumaz et d'Ormône (entre 700 et 800 mètres). Le vignoble se situe en-dessous des villages, et ce à une altitude allant de 515 à 880 mètres

1

. La superficie totale de la commune est de 7114 ha, dont plus de la moitié est recouverte de roches, de neige, de glace, d'éboulis et de marais.

Grande vallée au milieu de l'arc alpin, la plaine du Rhône, en Valais, est bordée au nord par les Alpes bernoises et au sud par les Valaisannes.

Ces deux chaînes relativement hautes jouent le rôle d'obstacles aux différentes perturbations. A cause de ces particularités, le Valais central jouit d'un climat relativement chaud et sec en plaine et sur les coteaux et de précipitations abondantes en montagne. Savièse est soumis à ce microclimat chaud et sec; les précipitations moyennes annuelles

1 ROTEN-DUMOULIN Rose-Marie, Savièse, une commune rurale dans le Valais du XDCe siècle, Thèse Univ. Fribourg, Brigue 1990, p. 13-14.

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INTRODUCTION - 4 -

atteignent 700 à 850 mm au niveau des villages, mais ne sont que de 250 à 300 mm de mai à août

2

. De plus, le taux d'humidité du terrain est souvent bien au-dessous des normes requises pour un développement régulier des cultures. Concernant ce dernier point, il est à noter que la consommation en eau des plantes se traduit par l'évapotranspiration or, en Valais, cette évapotranspiration est très élevée. Elle dépend de plusieurs facteurs qui sont la température élevée, les vents fréquents, la faible humidité de l'air et l'ensoleillement intense. Tous ces facteurs font qu'il manque 300 litres d'eau par m2 dans la plaine du Rhône durant la période estivale

3

.

Dans ces conditions et vu que le climat fait agir l'homme parce qu'il influence le milieu naturel dans lequel il vit, les Saviésans vont prendre les dispositions nécessaires afin de rendre leur vie plus commode.

2 HERITIER Marc, ROTEN Norbert, ROTEN-DUMOULIN Rose-Marie, Savièse, Commune de Savièse, Savièse 1982, p. 122.

3MERMOUD André, Première table ronde, in: Actes du colloque international sur les bisses, Sion, 15-18 septembre 1994, Annales valaisannes, 2ème série, 70,1995, pp.105-116.

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EAU D'IRRIGATION - 5 -

3. EAU D'IRRIGATION

3.1. Introduction aux bisses

Certes, on trouvait de l'eau sur le plateau de Savièse sous la forme de sources. Ces sources fournissaient de l'eau pour les hommes et le bétail, mais n'assuraient pas le fourrage nécessaire au développement de l'élevage des bovins. Ces terrains très bien exposés demandaient un arrosage régulier pour devenir productifs et fournir les foins et les fruits de la vigne. De plus, la période durant laquelle les hommes avaient le plus besoin de cet élément vital coïncidait avec l'étiage de certaines rivières.

De par ce manque et similairement à la plupart des communes des coteaux valaisans, les Savièsans ont dû amener l'eau des rivières latérales (la Morge et la Sionne) sur leur plateau.

Ces constructions, certaines fois titanesques, sont appelées bisses et peuvent être définies de la manière suivante: canaux artificiels creusés ou construits au flanc des monts et qui, transportant les eaux sur un parcours de plusieurs kilomètres, permettent l'irrigation nécessaire à la fertilité des sol

1

. Ces canaux rencontrent sur leur chemin des obstacles difficiles à vaincre. Ils doivent fréquemment conduire le bisse à travers des parois, des moraines, des pierriers, des éboulis, des cônes de déjection, rencontrant également des cours d'eau auxquels ils ne doivent pas porter atteinte. Mais le gros de l'ouvrage est la détermination de la pente de telle façon que l'eau s'écoule de manière régulière. Les bisses semblent suivre une sorte de courbe de niveau qui s'abaisse peu à peu.

De la justesse de l'inclinaison du bisse dépend la réussite du projet: trop pentu, l'eau risque d'éroder grandement les berges du bisse; trop plat, l'eau n'arriverait pas en suffisance à l'endroit désiré.

Quand et comment ces déviations ont-elles commencé? Très loin dans le passé, dès l'installation des premiers habitants dans certaines régions privées d'eau. Il est facile de faire de petites rigoles à travers des forêts ou des prés pour conduire l'eau des torrents voisins jusque sur des terres cultivées. Le résultat était évident et, peu à peu, ces rigoles se sont multipliées et étendues. Il est donc probable que nos bisses ont été

tyAUTIER Auguste, Au pays des bisses, Editions Ketty et Alexandre, Chapelle-sur- Moudon, 1997 (première édition: 1928, deuxième édition: 1942), p. 19.

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EAU D'IRRIGATION - 6 -

pensés, construits et améliorés par les habitants du pays même, et non par les Romains ou les Sarrasins comme certains auteurs l'ont écrit.

Sous le terme de bisses, on comprend tous canaux artificiels transportant l'eau. Mais, il faut noter qu'il y a deux sortes de bisses: Les bisses amonts et les bisses aval. Les premiers cités sont les canaux principaux d'amenée d'eau et leurs fonctions ne résident que dans le transport de ce liquide. Les deuxièmes mentionnés forment les réseaux d'irrigation et servent à répartir et à arroser les terrains

2

.

Ce n'est que vers le Xlle et surtout le XHIe siècle qu'on trouve des données historiques sur certaines conduites ayant une grande importance et existant déjà depuis très longtemps

3

. On peut prendre pour exemple le bisse de Clavoz, dont les premiers actes de rénovation datent du XIIle siècle. Ou encore, la canalisation qui conduit les eaux de la Raspille vers les hauteurs de Varone, et qui est assignée au Xlle siècle

4

. Mais dans ces deux cas, comme pour la plupart des bisses, les premiers documents sont postérieurs à l'existence du bisse même.

Il convient de noter à ce niveau le problème de documentations et d'archives lié aux constructions, réparations et entretiens des bisses.

Mêmes si les actes et les papiers sont de plus en plus nombreux à partir du XlVe siècle, les travaux sur les bisses sont coutumiers et leur connaissance pour les générations suivantes se font la plupart du temps par voix orale. Pour cette raison, l'étude des premiers bisses en Valais se fait plus par analyse et déduction des documents parvenus jusqu'à nous que par papiers relatant des faits précis. Cette tradition orale, qui est problématique pour les historiens, n'en détient pas moins une part de charme, puisqu'elle est intimement liée à toute l'épopée des bisses en Valais.

3.2. Historique des bisses de Savièse

Pour la présentation des bisses de Savièse et de leurs modifications au cours des siècles, il est indispensable de donner quelques indications sur leurs origines et leurs buts. Cette partie du travail sera résumée, car les

2CRETTAZ Bernard, Autour du bisse Pour une problématique globale, op. cit., Anna/es valaisannes, pp. 17-32.

3AMMAN Hans-Robert, Aperçu sur les documents relatifs aux canaux d'irrigation du Haut-Valais à l'époque médiévale (XHIe - XVe siècles), op. cit., Annales

valaisannes, pp. 263-280.

4COURTHION Louis, Les bisses du Valais, Echo des Alpes, n.7-8,1920, p.221.

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Carte modifiée, tirée de : REYNARD Emmanuel, L'irrigation par les bisses en Valais. Approche géographique, in : Actes du colloque international sur les bisses, Sion 15-18 septembre 1994, Annales Valaisannes, 2e série, 70,1995, p. 61.

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EAU D'IRRIGATION - 8 -

bisses valaisans ont déjà fait l'objet de recherches approfondies. Un exposé sur ce sujet n'apporterait donc pas grand chose de plus. Ainsi, si les pages suivantes paraîtront succinctes et incomplètes, il suffira de se reporter aux bibliographies exhaustives concernant le bisse de Savièse.

Comme pour beaucoup de régions du Valais, on ignore quand l'irrigation du plateau de Savièse a commencé. Les Saviésans, constatant que leurs terres nécessitent un apport d'eau pour les rendre fertiles, tentent de bonne heure de construire quelques canaux d'irrigation pour compenser l'insuffisance des pluies.

Les habitants de Savièse vont chercher l'eau dans les deux rivières bordant leur plateau. Tout d'abord à l'est, dans la Sionne et le Drahin, ils construisent les bisses du Déjour, du Tsampé et du Bourzi.

Malheureusement, la Sionne a un régime nival alpin et lorsque la fonte des neiges est terminée ces bisses sont tous soumis à l'étiage estival

5

. A l'ouest du plateau, c'est un tout autre problème auquel est confronté la communauté saviésanne. En effet, les eaux de la Morge, alimentées par les glaciers de Tsanfleuron et du Brotset, sont abondantes et suffiraient largement aux besoins des Saviésans; Malheureusement, leur accès est difficile et des gorges sur 5 à 6 kilomètres forment un obstacle qui fût longtemps infranchissable.

Certes, il existe un bisse, le Vieux Torrent (Torin viou), mais il ne débouche qu'à une altitude de 950 m et n'irrigue que les terres de Chandolin. Il s'agit donc de capter les eaux de la Morge assez haut afin que celles-ci débouchent à une altitude permettant l'irrigation de toutes les terres cultivables, y compris celles insuffisamment irriguées de la partie orientale de la commune.

C'est en 1430 que la population saviésanne entreprend la construction du bisse qui est considéré par beaucoup comme le plus remarquable et le plus intéressant du Valais. Comme mentionné plus haut, ce bisse doit traverser une paroi rocheuse friable. Ces travaux délicats sont adjugés à Arnold de Leukron et coûtent aux communes de Savièse et de Sion 32 setiers de vin, 72 fichelins de blé et la somme de 800 florins

6

. Le bisse, baptisé Torrent-Neuf, prend sa source à la Nettage, vers 1660 m.

d'altitude. Si la captation est si élevée, c'est pour éviter la paroi des Brenlires à laquelle on n'a pas osé s'attaquer. Malheureusement, à cause de l'altitude de la prise et l'augmentation des terrains à irriguer, le débit

5ROTEN-DUMOULIN Rose-Marie, Savièse, une commune rurale dans le Valais du XECe siècle, Thèse Univ-Fribourg, Brig, 1990, p. 17.

6LUYET Fernand, le bisse de Savièse, aperçu historique, Revue des PTT, 25,1974,5, p. 21.

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EAU D'IRRIGATION

- 9 - d'eau ne suffit plus à la demande des Saviésans. Donc, environ un siècle plus tard on construit le prolongement du bisse à travers la paroi des Brenlires, afin d'augmenter le débit en abaissant la prise à 1320 m au pied du Mayen du Dilogne. La région des Brenlires est faite de parois de calcaires massifs dont les pendages coupent la ligne d'écoulement du bisse. La figure

7

suivante illustre bien ces propos.

Coupe des plis des Brenlires

Cet abaissement de la prise permet de capter les eaux de la Nettage et du torrent descendant de l'alpage de l'Infloria. Le bisse suit son cours sur le flanc nord du Prabé et arrive à Sainte-Marguerite, sur le plateau de Savièse, est à 1170 m.

La légende raconte que c'est une certaine Marie Rosset^aurait fourni l'argent nécessaire. Frappée par la terrible épidémie de peste qui ravage alors le pays, Marie est transportée sur un char à sa dernière demeure;

un choc violent la projette dans le canal qui longe le chemin; Cette eau l'aurait rappelée à la vie et, en reconnaissance, elle aurait fait construire le bisse des Brenlires.

L'aspect technique de la construction du bisse est tout à fait remarquable. Le bisse n'est pas bâti de manière uniforme; au contraire, il s'adapte à toutes les situations auxquelles il est confronté. Parfois un mélange de terre, de pierres et de bois maintient l'eau, ailleurs c'est un rocher entaillé qui assure l'écoulement et dans les parois, la conduite est

7figure tirée de LUGEON Maurice, Les Hautes Alpes Calcaires entre la Lizerne et la Kander, publié par la commission géologique de la société helvétique des sciences naturelles, Berne, 1912, p. 148.

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EAU D'IRRIGATION

- 1 0 - entièrement suspendue dans le vide, soutenue par une double rangée de poutres (boutzets).

Depuis la prise d'eau jusqu'à son arrivée sur le plateau, on a donné des noms aux différentes parties du bisse. Ces noms sont en rapport soit avec l'aspect du paysage, soit avec la ressemblance à un objet ou enfin avec la présence d'animaux ou de végétaux Citons: Ecortiou (tunnel au milieu des éboulis), le Fô (roc ressemblant à un four à pain), la Zena de l'Ours (endroit où on avait tué un ours), Barma nire (paroi noire), etc

8

. Après avoir traversé les roches friables de la rive gauche de la Morge, l'eau du Torrent-Neuf débouche sur le plateau de Savièse à Sainte- Marguerite (1170 mètres). De là, ce bisse, désormais nommé bisse de Sainte-Marguerite, s'écoule paisiblement d'ouest en est. Comme expliqué précédemment, un autre bisse (le Déjour), coule à la même altitude d'est en ouest. Ainsi, l'aride plateau de Savièse est muni d'une auréole aquatique dominant ses terres.

A partir du moment où l'eau est parvenue au sommet du plateau, toute une organisation s'est mise en place pour rationaliser le plus possible ce liquide tant convoité. Ainsi, la répartition des eaux des bisses de Sainte- Marguerite et du Déjour se font en six quartiers qui correspondent chacun à un étang: Mouchy, Silandan, Ouchelet, Motone, Rocher, Arvige.

Ces étangs font office de réservoir lorsque l'eau n'est pas utilisée pour l'irrigation à savoir les dimanches et les jours de fêtes. De là, un réseau secondaire de bisses et de torrents s'est mis en place et irrigue les champs.

Le bisse est entretenu par les intéressés réunis en un consortage

9

, sans le recours de subsides

10

: le bisse était une affaire communale jusqu'en 1810, Savièse décida alors de créer un consortage

11

. La jouissance de l'eau est répartie en 830 "poses" (ou actions d'eau). Chaque "pose" donne droit à un laps de temps de trois heures d'usage d'eau. Le contrôle de la jouissance de l'eau est assurée par deux computistes. La direction des travaux d'entretien et de répartition de l'eau se fait sous les ordres d'un métrai qui est aidé dans sa besogne par deux procureurs, eux-mêmes

8MARIETAN Ignace, Les bisses. La lutte pour l'eau en Valais, Editions du Griffon, Neuchâtel, 1948, p. 10.

9ce terme de consort ou de consortage sera développé dans le chapitre de l'eau potable, mais il faut savoir que le consortage est une assemblée de personnes ayant un intérêt commun dans l'exploitation d'un bien.

10MARIETAN Ignace, Le bisse de Savièse, Bulletin de la Murithienne, 1933/34, p.125.

nROTEN-DUMOULrN Rose-Marie, La quête de l'eau à Savièse, op. cit., Annales valaisannes, pp. 329-340.

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EAU D'IRRIGATION

- 11 - aidés par deux arzieux qui ont pour tâche la surveillance des six quartiers d'eau

12

.

A partir du moment où le réseau d'irrigation est en place, le travail principal sur le bisse consiste en la levée des eaux au printemps. En effet, durant l'hiver, l'eau est coupée et le bisse n'est pas utilisé. Lors des premiers beaux jours, généralement au mois d'avril, 150 à 200 membres du consortage vont travailler sur le Torrent-Neuf pour la mise en charge de celui-ci. Grâce à une technique éprouvée depuis des siècles qui consiste à boucher les interstices des poutres grâce à un mélange de terre et d'aiguilles de sapin, le bisse retrouve immuablement, chaque année, son rôle béni.

Plusieurs auteurs se sont attardé sur la journée de la levée des eaux du bisse de Savièse (Seylaz 1961). Certains ont plus été attirés par la technique ( Franzoni 1894, Mariétan 1948), d'autres par la fonction sociale du bisse ou encore par la foi et le courage des Saviésans (Mariétan 1934, Hofstetter 1974).

Actuellement, nous avons de la peine à imaginer ce que représentait le bisse pour la communauté saviésanne. Habitués que nous sommes à ouvrir les robinets à longueur de journée, il est difficile de concevoir qu'à l'époque une décision telle que la venue au monde d'un enfant supplémentaire dépendait de la nourriture disponible, donc de la capacité du bisse à irriguer des terres. Dans cette vision, la phrase de Louis Seylaz résume bien la fonction du bisse: "C'est que le bisse est pour Savièse ce que le Nil est pour l'Egypte: c'est la fertilité, c'est la vie, c'est le pain et le vin"

13

.

Toute cette organisation et ces travaux ont été grandement modifiés en 1935. En effet, à cette date, Savièse a construit un tunnel à travers le mont Prabé afin d'acheminer l'eau d'irrigation sur le plateau. A cause de cet ouvrage, la partie du Torrent-Neuf se trouvant dans la vallée de la Morge a été abandonnée. Durant les chapitres suivants, je vais m'attarder sur l'époque située avant le percement du tunnel et plus précisément sur la période allant de 1850 à 1935.

12FRANZONI Albert, L'aqueduc ou bisse de Savièse, Genève, 1894, p.9.

13SEYLAZ, Louis, Adieu au bisse de Savièse, Bulletin de la Murithienne, 1961, p.119.

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EAU D'IRRIGATION

- 1 2 -

3.3. Introduction 185Q-193Q

Avant de présenter l'évolution des bisses du coteau de Savièse au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, il est opportun de faire un état des lieux du réseau d'irrigation en 1850. Après 1850, nous suivrons l'évolution du réseau saviésan jusqu'au chamboulement qu'est la percée du tunnel en 1935. En effet, on trouve passablement de documents officiels, d'articles et de plans du percement, par contre, on trouve peu d'éléments concernant la période "pré-tunnel". Dans cette optique, je présenterai les améliorations et les prolongements et les créations des bisses du coteau de Savièse. Les principales sources d'informations ont été les protocoles du conseil communal de Savièse. Les deux premiers de ces documents (PC I et PC II) couvrent la période allant de 1823 à 1886 et se trouvent aux archives cantonales valaisannes de Sion. Les protocoles suivants: PC III, PC IV, PC V et PC VI peuvent être consultés aux archives de la commune de Savièse.

Le coteau de Savièse est donc irrigué par plusieurs bisses provenant des rivières de la Sionne et de la Morge. Ceux-ci aboutissent dans des étangs ou se prolongent dans des torrentières qui s'écoulent dans des lits naturels. C'est à la description de ce réseau en 1850 que je vais m'attarder dans un premier temps. Dans l'ordre, je présenterai l'état des bisses, des étangs et enfin des torrentières.

Prenant l'eau dans la Nettage (un affluent de la Morge), le Torrent-Neuf est le seul bisse provenant de la vallée de la Morge à irriguer les terres saviésannes. Captant le précieux liquide à une altitude de 1320 mètres

14

, le Torrent-Neuf traverse d'impressionnants précipices pour déboucher sur le plateau de Savièse. Après ce tortueux parcours de 4,5 km, il arrive à la chapelle Sainte-Marguerite à 1170 mètres. A partir de cet endroit, il coule paisiblement d'ouest en est sur le haut de Savièse.

Vitales pour la population, les eaux du bisse se déversent le long de son parcours dans les différents bisses secondaires et dans les étangs.

Dans sa partie est, Savièse, en 1850, reçoit l'eau de trois bisses. Le plus élevé est celui du Déjour. Il capte les eaux de la Sionne à une altitude de 1290 m, grossit grâce à l'apport de différentes sources de la région de Planige, puis franchit le ravin du Drahin. Enfin arrivé sur le plateau de Savièse, il traverse un forêt d'épicéas pour accomplir la même mission que le Torrent-Neuf qu'il rejoint à une altitude de 1120 m. S'écoulant à

14VAUTIER Auguste, op. cit., p. 126.

(15)

EAU D'IRRIGATION

-13 - la même altitude, mais dans un sens opposé, ces deux bisses parcourent le plateau de Savièse sur toute sa longueur et forment de ce fait une sorte de ceinture d'eau sur les hauts de la commune.

Il est difficile de déterminer précisément la fin d'un bisse. En effet, le long de son parcours, le bisse se divise et se vide progressivement pour n'être finalement qu'un ruisseau qui utilisera le tracé d'une torrentière.

Là est la difficulté de savoir s'il peut encore être considéré comme bisse ou non. Pour le Torrent-Neuf et le Déjour, on peut dire qu'ils se terminent à l'endroit où, ne suivant plus leur courbe de niveau, ils forment un coude et dévalent la pente du coteau.

Plus bas, prenant leurs eaux dans le Drahin à une altitude de 1060 m, les bisses du Tsampé et du Bourzi se confondent dans leur partie initiale. Après moins d'un kilomètre ensemble, ils se séparent. Ensuite, le Tsampé lui-même se divise en deux: une partie s'en va alimenter l'étang de Miers, alors que l'autre se dirige vers l'ouest pour sillonner à travers Saint-Germain et Roumaz. Là, il se déverse dans l'étang de la Zéna et continue sa route au milieu du village d'Ormône pour finalement emprunter une torrentière au nord de Montorge et terminer son périple dans la Morge.

Le Bourzi, après s'être séparé du Tsampé, traverse les hauts du village de Drone, se dirige vers l'ouest pour achever son parcours dans l'étang du Zampy se trouvant au sud-est de Saint-Germain. Ces deux derniers bisses irriguent principalement les prés de la région de Drône.

En 1850, le Torrent-Neuf, le Déjour, le Tsampé et le Bourzi forment la

base du réseau d'irrigation du plateau de Savièse. Certes, il n'est pas à

exclure que quelques ruisseaux issus de différentes sources soient

utilisés pour fertiliser les champs, mais l'apport principal d'eau

d'irrigation provient de la Morge, du Drahin et de la Sionne.

(16)

Réseau en 1850 14

| 2100-1900

| 1900-1700

| 1700-1500 H 1500-1300 1 1300-1100

1100-900 900-700 700-500

Rivières Bisses

Bisses secondaires Torrentières

Etangs, lac

(17)

EAU D'IRRIGATION

-15 -

Le bisse du Torrent-Neuf à l'est de Sainte-Marguerite

Pour stocker les eaux acheminées sur le coteau, plusieurs étangs ont été

construits afin de ne pas perdre le précieux liquide les moments où il

était interdit d'arroser, à savoir pendant les jours de fêtes. La plupart

des étangs se trouvent sur les hauts de Savièse. Situés entre 970 et

1080 mètres d'altitude, les six étangs alimentés par le Torrent-Neuf et

le Déjour sont disposés d'est en ouest de la manière suivante: Au dessus

de Chandolin, le seul étang naturel des six, l'étang de Mouchy, au nord

de Granois, Ouchelet, puis Silandan et Motone et enfin Arvige et les

(18)

EAU D'IRRIGATION <*

- 1 6 - Rochers. On ne connaît pas les dates exactes d'aménagement de ces étangs, mais tout porte à penser qu'ils ont été creusés durant la construction du Torrent-Neuf. En effet, on voit mal comment les Saviésans, après tant de sacrifices consentis pour acheminer l'eau sur ses terres, puissent laisser perdre ce précieux liquide durant les jours fenes.

L'organisation de tout ce système est la suivante. Pour être actionnaire du Torrent-Neuf, il faut posséder au minimum un quart de pose (équivalent à quarante-cinq minutes de droit d'eau). A partir du moment où l'on est en possession de ce droit et suivant quel village on habite, on est placé dans un des six étangs: les habitants de Chandolin étaient principalement à Mouchy et ceux de Drône à Arvige. Donc, dès qu'on est actionnaire au Torrent-Neuf, on fait automatiquement partie d'un étang. Il existe une organisation interne pour chaque étang ressemblant à un consortage, mais jamais mentionnée en ce terme dans les archives. L'activité principale de cette organisation consiste dans le

"curage" (vidange) de l'étang chaque douzaine d'années. L'organisation du système dépend donc du consortage du Torrent-Neuf qui chapeaute les organisations internes de chaque étang. Au niveau des entretiens du réseau, le consortage du Torrent-Neuf se charge des réparations de celui-ci depuis sa captation jusqu'à Sainte-Marguerite, les membres des étangs s'occupent de leurs étangs et la commune est responsable du reste du réseau.

Ne faisant pas partie de ce groupe de six étangs partout mentionné lorsque l'on parle de l'histoire du Torrent-Neuf, l'étang du Déjour se situe à mi-distance entre Silandan et Arvige. Au-dessus de Drône, à une altitude de 980 m l'étang de Miers est alimenté par le bisse du Tsampé.

Ce même bisse remplit l'étang de la Zéna situé entre les villages de

Roumaz et Ormône à 770 m. Le dernier étang connu est celui de Zampy

qui recueille les eaux du bisse du Bourzi et qui se localise au sud-est de

Saint-Germain à 760 m.

(19)

EAU D'IRRIGATION

- 17 -

L'étang de Motone

En principe, la surface occupée par l'ensemble des étangs de la commune est propriété privée, mais l'utilisation de l'eau est publique.

Cette affirmation n'est pas certaine, elle est le résultat des entretiens avec des personnes ayant eu affaire avec le consortage du Torrent-Neuf.

Actuellement, les fonds des étangs font partie du domaine bourgeoisial.

Au coté des bisses et des étangs, les torrentières et les bisses secondaires permettent d'acheminer l'eau sur les prairies à irriguer.

Généralement plus restreints et plus nombreux, ils quadrillent le

territoire saviésan. Les bisses secondaires ont été construits par

l'homme et se trouvent principalement sur les hauts du coteau. Reliant

les bisses principaux aux étangs, ils alimentent ces derniers tout en

irriguant les prés se trouvant sur leurs chemins. On trouve certains

bisses secondaires, longs de quelques hectomètres, qui prennent leurs

eaux dans les étangs. C'est le cas des étangs de Mouchy, de Ouchelet et

de Motone.

(20)

EAU D'IRRIGATION

- 1 8 - Mais, depuis l'altitude des étangs jusque dans la vallée du Rhône, les eaux du coteau empruntent ce qu'on appelle les torrentières. Les torrentières sont des espaces formés d'un ruisseau et de ses berges.

Souvent bordées d'arbres, elles sont, pour la plupart d'origine naturelle et servent à la réception et à l'évacuation des eaux non-utilisées. A ce sujet, il est à noter que les personnes possédant des propriétés côtoyant des torrentières vont tout naturellement utiliser les eaux de ces dernières pour irriguer leurs champs. Donc, outre le fait d'être des moyens de réception et d'évacuation, les torrentières jouent un rôle dans l'irrigation des terres de moyenne et basse altitude du coteau.

Au dessus de Chandolin, captant ses eaux dans l'étang de Mouchy, le

bisse du même nom prend la direction sud-ouest et disparaît dans les

gorges de la Morge. Plus à l'est, la torrentière de la Tsatonire débute à

quelques hectomètres à l'est de l'étang de Mouchy, se dirige plein sud

sur 900 mètres puis, vire à l'ouest-sud-ouest durant 1.7 km, récolte les

eaux de la région de Chandolin et se jette dans la Morge. Partant à

l'ouest de l'étang des Ouchelets, la torrentière Temporie (4.5 km)

traverse le village de Granois se dirige vers le sud-ouest, rejoint le

torrent provenant de l'ouest de Roumaz puis s'en va vers l'ouest se

déverser dans la Morge. A l'est de Saint-Germain, toutes les torrentières

terminent leur trajet dans la Sionne. A cause d'une topographie plus

pentue, celles-ci sont plus courtes et prennent toutes la direction sud-

est. Parmi les principales, on peut citer la torrentière issue de Saint-

Germain et surtout celle originaire du nord de Monteiller et faisant

frontière entre les villages de Saint-Germain et Drône.

(21)

EAU D'IRRIGATION

- 1 9 -

La torrentière de la Temporie à 600 m d'altitude

Voici donc la situation du réseau d'irrigation du plateau de Savièse en

1850. Avant de parler de l'évolution à partir de cette date, il semble

opportun de mentionner quelques aspects. L'eau d'irrigation de l'époque

n'est pas utilisée à des mêmes fins que nos jours où du moins d'une

autre manière. En effet, comme déjà cité, l'eau de 1850 est surtout

employée pour l'irrigation des champs et des prairies qui permettront

de nourrir le bétail durant l'hiver. Par contre, la viticulture ne profite

pas ou peu d'apport d'eau supplémentaire. D'un autre ordre, le problème

de documentation et de sources est important; les archives se résument

aux protocoles du conseil communal et ceux-ci sont souvent très

résumés et incomplets au début, puis deviennent de plus en plus

abondants.

(22)

EAU D'IRRIGATION - 2 0 -

3.4. E v o l u t i o n 1850-1930

Outre les améliorations et les constructions des bisses durant cette période, toute une série de travaux d'entretien se font chaque année. Le plus mentionné et le mieux décrit dans les documents est celui de la levée des eaux du Torrent-Neuf.

Ce labeur annuel est rôdé depuis des siècles et est d'une efficacité remarquable. Ayant lieu à la fin du mois d'avril, il comporte plusieurs travaux orchestrés par le métrai. Premièrement, il s'agit de remplacer les poutres endommagées par les avalanches, les chutes de pierres et le soleil. Puis, il faut vérifier l'état du bois et enfin boucher tous les joints avec des rameaux,de sapin et de la mousse. Lorsque tout est terminé, les femmes versent dans le bisse un mélange de terre brune et d'humus (le dajou) qu'elles sont allées chercher dans la forêt. Au moment de la mise en charge, un homme s'accroupit dans le chenal et l'obstrue de tout son corps pour arrêter le front de la colonne liquide. Dans cette gouille sautent trois autres hommes qui pataugent afin de mélanger l'humus avec l'eau. Ce mélange doit colmater toutes les fissures en quelques secondes. Sitôt l'entreprise réussie, le métrai donne l'ordre au

"barragiste" de sortir du bisse. Ainsi, de cinquante mètres en cinquante mètres, l'opération se répète jusqu'à la chapelle Sainte-Marguerite

15

. Concernant les probables travaux d'entretien des torrents et des étangs une absence de documentation ne permet pas de savoir en quoi ils consistaient. Par contre, grâce à cette note de 1851, " Vu les dommages considérables que différents propriétaires ont efsuivé faute d'avoir fait les déduites soit nettoyée des ruifseaux, le conseil aura soin de faire surveiller les délinquants et de les punir.."

16

tout laisse supposer que des travaux réguliers devaient se dérouler sur les torrents.

Même si ces travaux ne modifient pas le réseau, il est naturel de les mentionner dans la mesure que s'ils n'étaient pas effectués, des débordements, des ruptures et des infortunes diverses auraient probablement eu lieu. Et, si ceux-ci s'étaient passés , ils auraient vraisemblablement affecté le réseau.

15SEYLAZ, Louis, Adieu au bisse de Savièse, Bull de la Murithienne, 1961, pp. 120- 121.

16Archives de Savièse (A Sav), SR 8, Protocoles des séances du conseil communal (I), 11.10.1851.

(23)

EAU D'IRRIGATION

- 2 1 - Dès 1835, on remarque que la rationalisation de l'eau amenée sur le plateau est totale. Malgré un nouveau système de contrôle de distribution

17

et un repartage des eaux du Torrent-Neuf

18

, "nul bien pourra avoir le droit d'eau, si l'eau ne peut y être conduit à raison de la position"

19

. Donc il y a impossibilité d'irriguer des terres dont le positionnement est en dehors du réseau d'irrigation de l'époque.

En 1856 et suite aux problèmes cités ci-dessus, les Savièsans se mobilisent. " Après une due et légale convocation s'assemblèrent les consorts du Torrent-Neuf, les quels à l'unanimité des présences appréciant le grand besoin de faire arriver en plus grande quantité d'eau par dit aqueduc chargèrent le conseil de nomer une commission de 6 membres composée d'hommes de tous les quartiers (un pour chaque étang), qui après mur examen des lieux ne reculeront pas de devant les sacrifices pour agrandir l'aqueduc, d'entreprendre les travaux à neuf, s'il le faut sur le même tracet, pour faire arriver une si grande quantité d'eau que faire prudemment se pourra.... Les travaux devront se commencer le plutôt que faire se pourra "

20

. A partir de cette date et durant les années à venir, tout une série de modifications et d'améliorations vont être entreprises au Torrent-Neuf.

Suite à ce décret, " le conseil considérant que dans plusieurs localités des biens incultes de la commune il se trouve de terrain qui peuvent être mis en culture"

21

, une commission est nommée pour déterminer les zones susceptibles d'être irriguées. Cette décision montre l'évolution depuis 1835. En effet, 22 ans après avoir interdit l'irrigation de terres ne se trouvant pas dans le réseau, la commune cherche de nouveaux parchets à arroser. Cette démarche anticipe l'augmentation de la quantité d'eau due à l'amélioration du Torrent-Neuf.

Les travaux proprement dit du Torrent-Neuf ont été mis aux enchères par la commune et concernent autant la largeur et la hauteur du bisse que la protection de celui-ci

22

. Ces améliorations se dérouleront en 4 phases et s'échelonneront de 1858 au printemps 1860. La distance de ces travaux n'est pas indiquée dans les documents du conseil communal et il est donc impossible de déterminer le nombre de kilomètres affectés par ces transformations. Par contre, vu la grande quantité de lieux-dits

17Ibidem, conseil de la Saint-Pierre 1928.

^Ibidem, 13.4.1852.

19Ibidem, 13.5.1835.

20Ibidem, 14.9.1856.

21Ibidem, 22.1.1857.

22" l'acqueduc devra être enfoncé dans le rocher de manière a être complètement à l'abris des eboulements..."Ibidem, 23.8.1857

(24)

EAU D'IRRIGATION -22 -

qui subissent des changements, on peut imaginer que le bisse a largement été remis à neuf.

Il est intéressant de noter que malgré que le Torrent-Neuf et les étangs soient des consortages et que par ce fait la commune n'a théoriquement rien à voir avec ces organisations, elle a non seulement un droit de regard, mais elle a un certain pouvoir. Gette autorité n'est pas indiquée dans les statuts, mais " le Torrent-Neuf est d'une importance telle pour la commune de Savièse"

23

que l'autorité suprême du territoire doit s'impliquer dans les affaires des consortages d'eau d'irrigation. Ceci afin d'éviter les abus et sans doute pour une meilleure planification des travaux extraordinaires. Différents articles mentionnent cette "intrusion"

dans l'organisation des consortages tels" l'eau du Torrent-Neuf étant pour ainsi dire semi-communale à raison des grands frais que fournit la

bourse communale"

24

.

En 1858, les premiers contacts sont pris entre les communes de Sion et de Savièse pour la construction d'un bisse irriguant les terres sédunoises, mais prenant sa source sur Savièse. " Craignant la pénurie d'eau qui se fait de plus en plus sentir le president de la municipalité de Sion proposa parla missive du 15 courant au conseil de Savièse s'il était intentionné de se joindre à eux afin de faire des études pour faire arriver un plus grande d'eau, qui joindrait la Sionne au moyen de travaux extraordinaires"

25

.

La même année, le projet d'un nouveau bisse reçoit l'aval du conseil communal. " Quelques propriétaires des vignes situées lieu dit à la Cota Soit Sie (sans doute le coteau du Château de la Soie) ayant demandé de pouvoir construire un aqueduc à travers la Culieretta arrivant à la Tailla

de Sie (?) pour l'irrigation de ces meubles". La commune accorde les terrains nécessaires à la réalisation du bisse sans indemnité, mais une fois construit, celui-ci devra être considéré comme public et communal

26

. Ce bisse capte l'eau de la torrentière de la Temporie dans le village de Granois. Il prend la direction sud-ouest en longeant le flanc nord d'une colline; après 800 mètres il forme une sorte de "S" pour s'écouler sur le flanc sud du coteau du Château de la Soie. D'une longueur totale de l'700 mètres, il irrigue les prairies au nord et les vignes au sud du Château de la Soie.

2 3 Archives de Savièse (A Sav), SR 9, Protocoles des séances du conseil communal (11), 13.1.1875.

24Archives de Savièse (A Sav), SR 8, Protocoles des séances du conseil communal (I), 17.2.1835.

25Ibidem, 23.6.1858.

^Ibidem, 11.10.1858.

(25)

EAU D'IRRIGATION - 2 3 -

La note "Su l'aqueduc qui est en voie de construction par la municipalité de Sion à travers une partie du territoire de Savièse correspondant à la région de Prafaminet..."

27

nous indique que les contacts pris 4 ans auparavant ont abouti et que le bisse de Lentine est en passe de voir le jour. Ce bisse est la deuxième grande innovation sur le plateau de Savièse de cette fin de siècle. Après le bisse de la Couluirette, mentionné ci-dessus, le bisse de Lentine étend le réseau d'eau d'irrigation du plateau dans une zone qui était totalement dépourvue de moyen d'arrosage. Ce bisse capte son eau dans la Sionne à une altitude de 750 mètres, s'écoule paisiblement sur sol saviésan puis sédunois durant 4.5 kilomètres. Il arrose les vignes de ces communes avant de se déverser dans le lac de Montorge. Actuellement, la gestion est assurée par la commune de Sion qui désigne un garde chargé de l'entretien et de la distribution des eaux mais, l'article 17 de la société des Hommes de Drône mentionne que le procureur commande la manoeuvre du bisse , de Lentine: par cet article, tout porte à croire qu'initialement l'entretien était effectué par le garde d'une part et les Hommes de Drône d'autre part

28

. Ce bisse, le plus bas du plateau de Savièse, a aussi la particularité d'être le premier à irriguer des zones viticoles. Jusqu'en 1862, aucun moyen anthropique n'existait pour irriguer les vignes. Par ce constat, tout porte à croire que nos ancêtres n'arrosaient pas les domaines viticoles et que les précipitations seules suffisaient. Cette vue est renforcée par les documents. En effet, avant cette date, il n'est nulle part fait mention d'irrigation des vignes. Chaque fois que l'on parle d'arrosage, on cite les champs et les prairies.

Malgré ces améliorations, le manque d'eau se fait toujours sentir. La rationalisation de ce précieux liquide passe par deux mesures:

l'acheminement d'une plus grande quantité sur le plateau et la diminution des pertes.

Le premier point est indiqué sous la note: "le conseil Vu la pénurie d'eau qui se fait sentir, venant pour alimenter le Torrent-Neuf a certaine époque de l'année, propose de faire un aqueduc à neuf continuellement à une quantité d'eau à notre Torrent-Neuf autant qu'il pourra en contenir soit compatu"

29

.

Le second passe par de nombreux décrets et amendes émanant du conseil communal. Les prises d'eau dans les étangs sont interdites avant

27Archives de Savièse (A Sav), SR 9, Protocoles des séances du conseil communal (II), 3.3.1862.

2 8I e Drônois, Fondation pour la sauvegarde du patrimoine historique de Drône, 31 août 1990.

29Ibidem, 9.10.1868.

(26)

EAU D'IRRIGATION - 2 4 -

le lever du soleil

30

, l'utilisation de l'eau sur des terrains situés hors de la commune est prohibée

31

, il est refusé de vendre les parts du bisse du Tsampé à la commune de Sion

32

, on a obligé à démolir un bisse sur la colline de Zuppui qui avait été construit sans autorisation

33

.

En 1868, des améliorations sont effectuées sur les bisses du Déjour et du Tsampé. Sur ce dernier, des normes de largeur et de hauteur sont édictées et une partie du bisse devra traverser une galerie creusée dans le roc. Vu que le système de bisse suspendu a fait ses preuves au Torrent-Neuf, on l'adapte également sur un tronçon du Tsampé. Pour le Déjour, en plus de déterminer des largeurs et des hauteurs, on modifie une partie du trajet du bisse et le haussant de quelques mètres. Pour finir, dans certains endroits, on construit des murs neufs en lieu et place des anciennes bordures

34

. Au total, ce sont 218 pieds qui ont été modifiés au Tsampé et 380 au Déjour (la valeur du pied est de 33 centimètres)

35

.

Une année plus tard, en 1869, c'est le bisse de Lentine qui subit quelques changements: " la comission de Sion de l'aqueduc de Lintina ordonnerait des réparations à faire a cet aqueduc" en deux endroits différents. Sur le premier cette comission " propose de construire l'aqueduc dans le rod' et sur le second" d'y faire un mur tenant lieu de chenawf

36

.

Dans la continuité de ce qui a été cité en 1868, la commune décide d'ajouter un canal à ciel ouvert, afin d'aller chercher un supplément d'eau dans la Morge à 1360 m. Ces travaux augmentent le débit du bisse; il passe de 350 1/s à 400 1/s et permettent surtout de ne plus souffrir du manque d'eau auquel était parfois soumise la Nettage

37

. En 1874, les travaux à exécuter sont mis aux enchères et doivent être terminés pour le mois de mai de la même année. Ils sont divisés en quatre tronçons qui ont au total une longueur de 200 toises. La valeur de la toise étant d'à peu près 3.8 mètres, on peut estimer la longueur du

30Archives de Savièse (A Sav), SR 8, Protocoles des séances du conseil communal (I), 22.2.1840.

^Ibidem, 30.10.1858.

^Ibidem, 27.4.1859.

33Archives de Savièse (A Sav), SR 9, Protocoles des séances du conseil communal (E), 17.3.1863.

^Ibidem, 26.7.1868.

^Ibidem, 3.10.1868.

^Ibidem, 16.4.1869.

37LUYET Fernand, le bisse de Savièse, aperçu historique, Revue des PTT, 25,1974,5, p. 22.

(27)

EAU D'IRRIGATION -25 -

nouveau bisse à 750 mètres

38

. Cette construction est le dernier grand ouvrage entrepris sur le Torrent-Neuf avant la percée du tunnel sous la montagne du Prabé.

En 1877 et 1878, plusieurs améliorations s'effectuent sur le réseau. On modifie le trajet du bisse du Tsampé dans le village de Roumaz

39

, une partie du Déjour est élargie

40

, un tronçon du Torrent-Neuf est mis dans le roc au couloir dit Losette

41

.

En 1895, un autre bisse voit le. jour: Le bisse de Montorge

42

. Similairement à celui de Lentine, il est construit par la commune de Sion et cette dernière nomme un garde qui se charge de l'entretien et de la distribution de l'eau. Ce bisse a la particularité de prendre sa source, non pas dans une rivière, mais dans le lac du même nom à une altitude de 643 m. D'une longueur de 2.5 km, il s'écoule d'est en ouest sur le flanc sud de la colline de Montorge. Ce bisse, qui est le prolongement du bisse de Lentine, irrigue comme ce dernier des domaines viticoles. Ces deux constructions montrent le changement des types de cultures irriguées: Jusque vers 1850, l'eau ne servait qu'à arroser les prairies de moyenne altitude (700 à l'IOO m), puis après cette date, les terres viticoles de basses altitudes (500 à 700 m) ont progressivement été irriguées par un réseau qui s'est petit à petit mis en place.

38Archives de Savièse (A Sav), SR 9, Protocoles des séances du conseil communal (H), 6.4.1874.

^Ibidem, 29.4.1878.

^Ibidem, 15.4.1877.

4lIbidem, 10.4.1878.

42Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (III), 20.3.1895.

(28)

Réseau en 1900

2b -

2100-1900 1900-1700 1700-1500 1500-1300 1300-1100 1100-900

900-700 700-500

J J r ^ ^ 0 500m.

Rivières Bisses

Bisses secondaires Torrentières Etangs, lac

Modifications depuis 1850

— — Nouveaux bisses

— Améliorations locales

— — Améliorations effectuées, mais difficiles à situer

(29)

EAU D'IRRIGATION - 2 7 -

De 1900 à 1935, date de la construction du tunnel du Prabé, cette évolution va se poursuivre grâce à de nouveaux moyens techniques.

C'est ainsi qu'en 1905, ce besoin d'irrigation des vignes se manifeste par la remarquable construction d'un siphon permettant d'acheminer l'eau au sommet de la colline de Zuppui. Ce système utilisant la notion des vases communicants permet d'arroser une région jusque là aride.

Provenant d'un marais situé au nord du village d'Ormône, l'eau s'écoule dans un tuyau sur plus d'un kilomètre avant de resurgir pour irriguer les vignes. Selon les archives, ce siphon est l'oeuvre d'un particulier (Raymond Evéquoz), mais si les Saviésans désirent "prendre part à ce canal d'irrigation puisse le faire comme le propriétaire lui-même"

43

. Aujourd'hui encore ce siphon fonctionne encore, mais l'eau provient d'une greffe sur le réseau d'irrigation.

Ce même moyen d'irrigation est construit en 1934 sur la colline de Montorge sous le nom de siphon de la Muraz. L'eau est prise dans le bisse de Lentine pour être acheminée par tuyau au sommet de la colline.

Puis, à ciel ouvert, elle s'écoule parallèlement au bisse de Montorge d'est en ouest sur un kilomètre avant de finir son trajet dans un réservoir

44

. Actuellement, l'eau ne provient plus du bisse, mais du lac et elle est transportée au sommet de la colline par un système de pompage.

Durant cette période différents travaux sont effectués sur les bisses principaux et les étangs. Le Déjour subit quelques améliorations dans la région de Planige et du Drahin en 1907

45

. En 1911, "Vu l'importance de la réparation à faire à l'étang des Husselets.."

46

, des travaux sont effectués avec le soutien de la commune. En 1917, la note "le directeur des travaux publics est chargé de faire faire les travaux nécessaires pour la mise en état des étangs de la Zena et des Miers"

47

montre que ces 2 étangs ont subi quelques modifications. Dans ces deux cas, il est difficile de déterminer la nature des travaux exécutés et dans quelle mesure ceux-ci ont amélioré le réseau d'irrigation.

A partir de 1920 les améliorations du réseau d'irrigation consistent en le recouvrement des bisses et torrents traversant les villages. Pour des mesures pratiques et d'hygiène, presque tous les villages vont enterrer leurs eaux. Cette pratique devait déjà exister plutôt, mais elle se

43Ibidem, 5.8.1905.

^Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (VI), 3.4.1934.

45Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (III), 22.8.1907.

^Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (rv), 9.6.1911.

47Ibidem, 30.3.1917.

(30)

EAU D'IRRIGATION - 2 8 -

généralise à partir de cette date. En 1920, "les riverains du Tsampé dans l'intérieur du village de Saint-Germain se sont engagé pour couvrir le dit

bisse"

48

. En 1922, on canalise le bisse du Bourzi au sommet de Drône

49

. Par la suite ce sont successivement les villages d'Ormône

50

, de Granois

51

et à nouveau de Saint-Germain

52

qui connaissent ces transformations.

Voilà donc l'évolution et la situation du réseau d'eau d'irrigation à la veille du percement du tunnel sous la montagne du Prabé. Il est à noter que l'idée de ce percement était dans l'esprit des Saviésans depuis quelques temps, mais que sa réalisation n'est intervenue qu'en 1935.

"^Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (III), 1.4.1920.

49Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (V), 26.5.1922.

50Ibidem, 15.11.1928.

51Archives de Savièse (A Sav), Protocoles des séances du conseil communal (VI), 11.4.1929.

52Ibidem, 1.8.1930.

(31)

Réseau en 1935

29

2100-1900 1900-1700 1700-1500 1500-1300 1300-1100 1100-900

900-700 700-500

Rivières Bisses

Bisses secondaires Torrentières Etangs, lac

Modifications depuis 1900

— - Nouveaux siphons Améliorations locales Améliorations effectuées, mais difficiles à situer Améliorations des étangs

(32)

EAU D'IRRIGATION - 3 0 -

3.5. C o n c l u s i o n

Durant la période étudiée, on remarque une évolution dans le type de terrains irrigués. Ce changement s'intensifiera au cours des années par la construction de bisses destinés à l'arrosage exclusif de vignes. Ce changement provient de la nature des ceps de vignes. En effet, avant 1860, les plants de vignes n'avaient pas besoin de plus d'eau que les précipitations; les racines des ceps allaient chercher en profondeur le liquide nécessaire à la croissance. Malheureusement à cette période une maladie détruit une grande partie du vignoble: le phylloxéra. Ce désastre est causé par un parasite qui attaque les racines du cep. Pour contourner la maladie, on mit au point un système ingénieux: on greffa sur des plants américains résistant au parasite les cépages locaux. On évitait la maladie, mais à cause de la plus grande absorption d'eau de ces plants américains, on dût construire de nouveaux bisses irriguant les vignes.

De cette étude, on peut dire que deux aspects sont à retenir.

Premièrement, le réseau a été modernisé sur une grande partie de la surface. Que ce soit par l'agrandissement ou l'endiguement, les bisses et les étangs ont presque tous subit des modifications. Le deuxième point est certainement le plus intéressant puisqu'il s'agit de l'irrigation de terres qui n'avaient jamais été arrosées jusque là. En effet, pour diverses raisons dont le phylloxéra, on a vu se développer un réseau d'irrigation dans les terres situées entre 500 et 700 mètres. Durant la période étudiée, le réseau d'irrigation du coteau de Savièse se modifia de manière conséquente et les bases de ce nouveau réseau sont encore présentes aujourd'hui

Malgré toutes les améliorations apportées au réseau durant cette période, le débit de 300 litres seconde du Torrent-Neuf ne suffit plus, en

1935, à assurer l'irrigation normale des prairies. Vu ce manque, la

commune décide alors de creuser un tunnel traversant la montagne du

Prabé et allant chercher l'eau de la vallée de la Morge. Le tunnel est

alimenté par une prise principale dans la Morge à 1390 m d'altitude et

une captation secondaire dans la Nettage. Long de 4'700 mètres, le

tunnel débouche sur le coteau de Savièse aux Mayens de la Zour à une

altitude de 1370 m. De là, trois embranchements principaux partent

pour alimenter le Torrent-Neuf à Sainte-Marguerite, un siphon qui se

dirige vers la commune voisine de Grimisuat et enfin une canalisation

(33)

EAU D'IRRIGATION

-31 - acheminant l'eau dans les bisses du Déjour et du Tsampé

53

. Ce tunnel, ayant un débit de 700 à 800 litres secondes, n'a modifié en rien la structure du réseau d'irrigation de Savièse.

53MARIETAN Ignace, Le bisse de Savièse, Bulletin de la Mwithienne, 1933/34, p.130.

(34)

EAU POTABLE - 3 2 -

4. EAU POTABLE

4.1. Introduction et définition

Après s'être intéressé à l'eau d'irrigation, il est naturel de s'attarder sur l'eau potable à Savièse. L'étude de cette deuxième partie se déroulera ainsi. Premièrement, j'expliquerai ce qu'est un consortage. Ensuite, après avoir présenté de manière résumée la situation actuelle, je m'attarderai sur l'origine des consortages villageois. Puis, je développerai de l'évolution de l'ensemble du réseau d'eau potable pour enfin présenter les particularités de chaque village. La dernière phase traitera des questions actuelles et de l'avenir des consortages.

Il existe plusieurs mots pour évoquer les assemblées de personnes. Dans ce travail, le terme de consortage sera souvent utilisé. Le consortage peut être défini comme une association de personnes ayant un intérêt commun dans la réalisation ou l'exploitation d'un bien. Cette réalisation ou cette exploitation est faite par les membres mêmes du consortage dont le but est l'amélioration ou l'entretien du bien. Utilisés dans beaucoup de cas tels que les pâturages de montagne, les laiteries et plus tard l'arrosage des vignes, les consortages jouent un rôle essentiel dans l'organisation de la communauté.

Le consortage d'eau potable d'un village regroupe les personnes du même village recevant les eaux des mêmes sources. Actuellement, il y a un consortage par village, mais il faut savoir que cela n'a pas toujours été le cas et que des villages comme Roumaz ont eu 3 différents consortages d'eau potable, alors que Chandolin en a eu 4. Ce qui est sans doute unique en Valais, c'est que ces consortages étaient totalement autonomes et indépendants. Ils avaient leurs sources particulières, leurs réseaux, leurs administrations propres et aucune liaison n'existait entre les villages.

Il est étonnant de voir que dans une région formant une identité

communale, une denrée aussi vitale que l'eau potable soit sous la gestion

d'une multitude d'associations. On peut se référer à Ignace Mariétan

pour expliquer cet état de fait. Primitivement ni les communes ni l'état

ne se sont occupés de ces travaux: l'ère des subsides n'était pas née. Ce

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EAU POTABLE -33 -

sont des particuliers qui se sont associés en consortages pour supporter tous les frais de construction, d'entretien et de partage des eaux

1

.

Comme déjà mentionné pour l'eau d'irrigation, le principal problème d'une telle recherche consiste dans la faiblesse de la documentation écrite. Les tracés des conduites et les améliorations se transmettaient de génération en génération par voix orale. Pour cette raison, certaines affirmations ne trouveront d'autres certitudes que la sincérité des personnes qui les ont dites.

Actuellement, la situation du réseau d'eau potable à Savièse est la suivante. Une grande conduite, empruntant le même tunnel destiné à l'irrigation sous le Prabé, va chercher les eaux de deux sources: la source principale de Dilogne dans la vallée de la Morge (1680 m d'altitude) et la source de la Dzeme qui surgit dans le tunnel. Après cette traversée souterraine du Prabé de plus de 4 km, la conduite apparaît sur les hauts de Savièse à 1370 m. A partir de cet endroit, tout en approvisionnant les ménages se trouvant sur son trajet, cette conduite va se déverser dans plusieurs réservoirs avant d'alimenter en eau tous les villages de la commune. Il faut mentionner que ce réseau est également alimenté par la source des Monons située au-dessus du village de Drône.

Après cet aperçu du réseau au niveau pratique, intéressons-nous à l'aspect administratif. Une carte se trouvant à la fin du dossier montre les aspects suivants. L'ensemble du réseau est divisé en neuf compétences différentes: la commune, qui se charge d'acheminer l'eau à l'entrée des villages, les six consortages villageois, le consortage du hameau de la Sionne et quelques consortages privés dont celui de la Chervignine à l'est de Chandolin, un autre à l'est du hameau de Prinzière et un dernier dans les hauts de Savièse à Monsévron.

Vu le puzzle que représente cette situation, je vais m'attarder dans le chapitre suivant sur les consortages villageois et me poser la question de l'origine historique de ces consortages.

1MARIETAN Ignace, Les bisses. La lutte pour l'eau en Valais, Editions du Griffon, Neuchâtel, 1948, p . 7.

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EAU POTABLE - 3 4 -

4.2. Origine historique des consortages villageois

Plusieurs éléments peuvent être mentionnés pour expliquer ces consortages.

L'aspect purement topographique est indéniable. Les six villages et les hameaux de la commune n'ont pas toujours été aussi développés qu'actuellement. Si on se réfère aux cartes anciennes et notamment à la carte touristique du club alpin suisse de 1880

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, on remarque que la commune de Savièse est un rassemblement de petits villages distants parfois de plusieurs kilomètres. Vu cette situation, il est tout naturel que le premier organe décisionnel se trouve dans le village même. Cet organe est connu,sous le nom de la société des hommes ou société du privilège. Presque tous les villages en sont pourvus et les statuts se ressemblent.

Constituées au moyen-âge autour des chapelles sous la protection du patron du village, ces sociétés des hommes ne tardent pas à prendre de l'importance. Elles deviennent des états dans l'état. A cette époque Savièse ressemblait donc à une petite confédération: une autorité communale avec un règlement et des villages avec des statuts particuliers.

Ces sociétés des hommes sont à la base de l'organisation villageoise. Elles sont multifonctionnelles et ont divers buts. Au niveau religieux, elles entretiennent les chapelles villageoises et paient le marguillier.

Politiquement, elles répondent à l'appel de la patrie en cas de danger.

Économiquement, elles administrent le village dans une certaine mesure, nomment les agents de police et s'occupent de la défense contre l'incendie

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.

Vu que ces structures villageoises existent, qu'elles s'adaptent aux nouveaux besoins et qu'elles remplissent correctement leurs obligations, tout porte à croire que ces sociétés des hommes ont pris en charge l'administration des eaux potables du village, appelée plus tard consortage.

Même si, actuellement, certaines activités mentionnées n'ont plus lieu et que la principale occupation de ces sociétés est la gestion des eaux

2ROTEN-DUMOULIN Rose-Marie, Savièse, une commune rurale dans le Valais du XJXe siècle, Thèse Univ. Fribourg, Brigue 1990, p. 15.

3RIVAZ Paul de, Savièse, Petites Annales Valaisannes, 1928.

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potables, cette structure villageoise existe toujours et tend même, en cette fin de millénaire, vers de nouveaux buts. A Chandolin, Drône et Granois, par exemple, la société des hommes s'occupe de la restauration et la mise en valeur du patrimoine du village.

En outre, cette structure villageoise n'aurait jamais vu le jour si une identité villageoise n'existait pas. Cette identité se traduit par ce que l'on peut observer actuellement: les villages possèdent leurs chapelles, leurs écoles, leurs cafés, leurs magasins et organisent à tour de rôle la Fête- Dieu

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. Tous ces éléments montrent que l'identité villageoise, même si, de nos jours, elle est un peu ternie, a toujours existé et qu'elle est à la base de l'identité saviésanne.

Pour conclure ce chapitre et montrer l'importance des villages à Savièse, il suffit de se reporter aux archives et remarquer que toutes les notes concernant la démographie et les surfaces des terrains irrigués sont mentionnées par villages.

4.3. Évolution du réseau à partir de 1957

Le choix de cette date ne résulte pas d'un hasard. En effet, en 1957, un grand changement pour ne pas dire une révolution est intervenue: la commune s'est immiscée dans le réseau d'eau potable. Avant cette date, le réseau était composé de consortages villageois indépendants n'ayant aucune liaison entre eux et possédant chacun leurs sources propres. A partir de ce moment, il existera une relation entre la commune et les villages qui va évoluer au cours des années.

Avant 1957, les villages de Chandolin, Granois, Roumaz, Ormône, St- Germain, Drône et les hameaux de Monteiller, Prinzière et Vuisse ont tous une distribution d'eau plus ou moins importante en main de consortages. La commune de Savièse, comme telle, n'a pas d'installations d'eau potable.

Ces consortages villageois ont bâti et agrandi leurs distributions isolément. L'aspect technique de ces constructions est variable: les captages de sources sont sommairement faits, il n'existe pas de plans des

"^Cette fête catholique célébrée 60 jours après Pâques est la fête religieuse la plus traditionnelle de la commune. Chaque année, un village différent l'organise et tous les villageois défilent en costume. Durant une journée, les participants

marchent au rythme des tambours et des fanfares à travers leur village et celui de Saint-Germain pour aller célébrer la messe dans l'église paroissiale.

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