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Article pp.108-110 du Vol.2 n°2 (2012)

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CAS CLINIQUE COMMENTÉ /COMMENTED CASE REPORT

Épanchement pleural et insuffisance respiratoire aiguë au décours d ’ un traumatisme chez une patiente cirrhotique

Pleural effusion and acute respiratory failure after a trauma in a cirrhotic patient

C. Martin · H. Rigot · Y.-E. Claessens · C. Andreotti

Reçu le 10 octobre 2011 ; accepté le 20 janvier 2012

© SFMU et Springer-Verlag France 2012

L’insuffisance respiratoire aiguë est un motif fréquent d’intervention pré-hospitalière et de consultation aux urgen- ces. Les causes en sont très variées et leur diagnostic souvent guidé par le contexte. Des étiologies spécifiques existent chez le patient cirrhotique, parmi lesquelles l’hydrothorax hépatique, fréquemment rencontré. Le cas clinique que nous présentons illustre ce diagnostic dans le contexte particulier des urgences.

Cas clinique

Une patiente de 65 ans est admise aux urgences pour détresse respiratoire, adressée de son domicile par les secours non médicalisés après une évaluation par le service d’aide médicale urgente (SAMU) à domicile. Ses antécé- dents comportent une hypertension artérielle, une notion de tachycardie et un tassement vertébral L1 avec discarthrose lombaire étagée. Elle souffre par ailleurs d’une cirrhose d’origine alcoolique child C12, responsable de nombreuses décompensations œdémato-ascitiques dans un contexte d’inobservance thérapeutique et d’une thrombose porte découverte deux mois auparavant.

La patiente rapporte une chute accidentelle dans les esca- liers quatre jours auparavant, avec impact sur le siège et trau- matisme lombaire. Elle a développé une dyspnée d’intensité progressivement croissante, sans fièvre, ni toux, ni douleur thoracique, qui l’a conduite à alerter les secours. À son admission aux urgences, la patiente est en détresse respira-

toire et installée en salle d’accueil des urgences vitales. La saturation capillaire à l’oxymètre de pouls est de 96 % sous 15L d’oxygène au masque à haute concentration, la fré- quence respiratoire à 28 cycles par minute, la pression arté- rielle à 189/87mmHg, la fréquence cardiaque à 115 par minute et la température à 37,1 °C. Il existe des signes de lutte respiratoire avec un tirage et un balancement thoraco- abdominal, un murmure vésiculaire aboli à droite et audible à gauche. Les bruits du cœur sont réguliers sans souffle, il n’y a pas de marbrure et les extrémités sont chaudes et colo- rées. La patiente se plaint de douleurs lombaires non repro- duites à la palpation du rachis, et il existe un hématome en regard du cinquième arc costal postérieur à droite. L’hémo- cue est à 9g/dL (pour une concentration en hémoglobine mesurée à 10 g/dL deux semaines auparavant). La patiente est ictérique, son abdomen est tendu par l’ascite et non dou- loureux. Elle rapporte une majoration du volume de l’ascite sansœdème des membres inférieurs, ni facteur déclenchant retrouvé à l’interrogatoire et l’examen clinique ; notamment il n’existe pas d’hémorragie digestive extériorisée. La radio- graphie thoracique de face réalisée en position semi-assise (Fig. 1) met en évidence une opacité dense homogène non systématisée du côté droit, pas de signe d’épanchement du côté gauche. Un examen échographique confirme la nature liquidienne du volumineux épanchement avec un paren- chyme pulmonaire sous-jacent rétracté. Les gaz du sang réa- lisés sous oxygène (15 L/min) sont les suivants : pH à 7.24, PaCO2 42 mmHg, PaO2 100 mmHg, bicarbonates 18 mmol/L.

Ces résultats sont en faveur d’une acidose métabolique non compensée sans étiologie évidente, l’examen de la patiente ne retrouve pas d’argument pour un processus infectieux, la fonction rénale est normale et une lactatémie dosée le lendemain revient normale. L’électrocardiogramme montre une tachycardie sinusale sans trouble de la repolarisation.

Devant ce tableau, un hémothorax droit post- traumatique responsable d’insuffisance respiratoire aiguë est retenu comme première hypothèse diagnostique.

La patiente est transférée en réanimation chirurgicale

C. Martin · H. Rigot · Y.-E. Claessens (*) · C. Andreotti Service des urgences, Hôpital Cochin,

Assistance Publique-Hopitaux de Paris, 27, rue du Faubourg Saint-Jacques, F-75679 Paris cedex 14, France

e-mail : yann-erick.claessens@cch.aphp.fr Faculté de médecine, Université Paris Descartes, 10, rue de lécole de médecine, F-75006 Paris, France Ann. Fr. Med. Urgence (2012) 2:108-110

DOI 10.1007/s13341-012-0171-3

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où est réalisé le drainage pleural. De manière inattendue, celui-ci rapporte 2000 mL d’un liquide citrin transsudatif avec 130 éléments/mm3dont 3 % de polynucléaires neutro- philes (PNN), 10 g/L de protides, puis une nouvelle évacua- tion de 1000 ml est réalisée le lendemain devant l’épanche- ment persistant. La ponction d’ascite exploratrice ne montre pas de signe d’infection (100 éléments/mm3dont 10 % de PNN, pas de germe à l’examen direct, protides 10 g/L). Le reste du bilan biologique retrouve : leucocytes à 6200/μL, hémoglobine 10,1 g/dL, volume globulaire moyen 108 fL, plaquettes 127000/μL, taux de prothrombine stable à 47 %, transaminases à 109 et 55 UI/L, gamma gluthamyl trans- férases 68 UI/L, phosphatases alcalines 231 UI/L, biliru- bine totale/conjuguée 217/104μmol/L, protéine C réactive 9,7 mg/L, natrémie 143 mmol/L, kaliémie 4,5 mmol/L et créatininémie 68μmol/L. L’évolution est favorable après le drainage, la patiente devient eupnéique sous 4 L/min d’oxy- gène. Elle est transférée en hépatologie dès le lendemain pour la prise en charge étiologique de cet épisode. Une fibro- scopie œsogastroduodénale objective des varices œsopha- giennes de grade 1. Les cultures du liquide pleural et du liquide d’ascite restent négatives. Il n’est pas réalisé d’écho- doppler hépatique de contrôle.

Le diagnostic retenu est donc une nouvelle décompensa- tionœdémato-ascitique avec ascite pleurale droite dans un

contexte de non compliance limitant les options thérapeu- tiques. Malgré la formulation d’un projet de sevrage, la patiente fugue du service deux semaines après son hospita- lisation et rentre à son domicile.

Discussion

La présentation clinique que nous rapportons est peu typique pour un hydrothorax, la symptomatologie étant le plus sou- vent d’installation lentement progressive et non aiguë comme ceci est rapporté. Dans le cas de notre patiente, il s’agit d’évoquer cette complication classique de la cirrhose, lorsque des causes plus probables (hémothorax post- traumatique) ont été réfutées.

L’hydrothorax hépatique se définit comme un épanche- ment pleural d’origine ascitique de plus de 500 mL. Il concerne les patients cirrhotiques en l’absence de toute pathologie cardiaque ou pulmonaire et touche 6 à 10 % des patients présentant une cirrhose à un stade avancé et ce, quelle que soit son étiologie [1]. L’incidence de l’hydrotho- rax hépatique est supérieure chez les patients présentant une ascite préalable mais il peut apparaître chez les patients cir- rhotiques non ascitiques. Les deux espaces pleuraux peuvent être impliqués mais l’hydrothorax est droit isolément dans 85 % des cas (gauche 13 % ; bilatéral : 2 %) [1]. La faible capacité de distension de la cavité pleurale contrairement à la cavité péritonéale entraîne une symptomatologie bruyante dès l’accumulation de faibles volumes (un litre). La sévérité de l’hydrothorax est liée, comme l’ascite, à la gravité de la maladie hépatique sous-jacente [2].

Plusieurs mécanismes ont été proposés quant à l’origine de l’hydrothorax hépatique : fuite liquidienne à partir du canal thoracique, passage de liquide d’ascite dans la plèvre au travers des lymphatiques transdiaphragmatiques, hypoal- buminémie avec diminution de la pression oncotique, fuite plasmatique à partir des volumineuses anastomoses entre le système porte et le système veineux azygos. La seule hypo- thèse retenue à l’heure actuelle est celle d’un passage direct de liquide d’ascite au travers de brèches diaphragmatiques.

Ces brèches ont été mises en évidence par différentes tech- niques : apparition d’un pneumothorax significatif en moins de 48 heures après la création d’un pneumopéritoine chez des patients présentant un hydrothorax, injection intrapérito- néale peropératoire de bleu de méthylène avec mise en évidence et localisation des brèches diaphragmatiques, injec- tion intrapéritonéale d’albumine marquée au99mTc avec pas- sage des radio-isotopes vers la cavité pleurale [3]. Sur le plan microscopique, il existe des lacunes du maillage collagène du diaphragme tendineux [4]. Ces brèches sont créées ou élargies par l’augmentation de la pression intra-abdominale liée à l’ascite. Des évaginations péritonéales peuvent se for- mer au travers de ces lacunes. Ces évaginations ou « blebs » Fig. 1 Radiographie thoracique de face en position semi-assise.

Opacité majeure dense non systématisée du champ pulmonaire droit avec disparition complète du parenchyme pulmonaire et refou- lement des structures médiastinales vers la gauche témoignant plus probablement de la présence dun volumineux épanchement liqui- dien de lespace pleural droit

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pleuro-péritonéales sont d’une taille généralement inférieure à un centimètre de diamètre. Leur rupture entraîne une libre communication entre le secteur péritonéal et le secteur pleu- ral [5]. Le passage du liquide est unidirectionnel vers le sec- teur pleural, il se fait sous l’effet d’un gradient de pression hydrostatique dirigé de l’abdomen vers la cavité pleurale où réside une pression négative.

Une ponction pleurale exploratrice doit être réalisée en cas de doute clinicoradiologique : diagnostic alternatif probable, étiologie néoplasique, hémorragique, infectieuse (empyème spontané bactérien pleural, similaire sur le plan physiopathologique et de l’incidence à l’infection spontanée du liquide d’ascite). Il est important de tenir compte des troubles de coagulation liés à la cirrhose.

Le liquide retrouvé est un transsudat, pauvre en cellules (< 500/mm3), < 250 polynucléaires/mm3, pauvre en proti- des (< 2,5 g/dL), les rapports lactico-déshydrogénases (LDH) pleurales/LDH sériques ainsi que protéines pleura- les/protéines sériques sont inférieurs à 0,5 [1].

Selon son abondance, l’hydrothorax peut être asympto- matique, paucisymptomatique (toux non productive, douleur pleurale, asthénie secondaire à l’hypoxémie) ou bien causer une dyspnée sévère, voire une compression médiastinale en cas d’épanchement abondant ou de constitution rapide. En cas de risque vital immédiat, l’urgence est à l’évacuation du compartiment pleural par une ponction évacuatrice immé- diate pour restaurer la fonction diastolique ventriculaire droite [6]. Le volume évacué lors de la première ponction doit être limité à 2 litres pour éviter unœdème pulmonaire de réexpansion. En cas d’ascite tendue associée, son évacua- tion doit précéder celle de l’hydrothorax [2].

En dehors de l’urgence, le traitement de l’hydrothorax hépatique est identique à celui de l’ascite. En première inten- tion, un traitement médical par régime hyposodé (< 5 g/jour) a pour objectif d’obtenir une balance sodée négative, accom- pagné si besoin d’un traitement diurétique optimal avec spironolactone (+/- diurétique de l’anse) sans oublier l’arrêt des facteurs aggravants (consommation alcoolique) [7]. Un hydrothorax récidivant, constitue une menace vitale à court terme. La réalisation de ponctions pleurales itératives est déconseillée du fait du risque d’hémopneumothorax et d’infection du liquide pleural. Il doit faire discuter une trans- plantation hépatique, seul traitement curatif. En l’absence de possibilité de transplantation ou dans l’attente de celle-ci (> 4 mois), plusieurs options sont possibles. La réalisation d’un shunt intra-hépatique porto-systémique par voie trans- jugulaire (TIPS) est indiquée chez les patients présentant les caractéristiques suivantes : âgés de moins de 65 ans, score de

Child-Pugh inférieur à 12 (hydrothorax étant un équivalent à l’ascite) fraction d’éjection ventriculaire gauche supérieure à 60 %, absence d’hypertension artérielle pulmonaire. La contre-indication à la pose d’un TIPS et à une transplantation doit faire discuter une pleurodèse chimique ou une réparation chirurgicale des brèches diaphragmatiques par thoracoscopie.

Conclusion

En France, la proportion de personnes atteintes de cirrhose est estimée à 2000 à 3300 cas par millions d’habitants. Le nombre de décès est estimé à 15000 par an et est en grande partie lié à la survenue d’une complication. Les complica- tions respiratoires sont peu fréquentes mais nécessitent une démarche diagnostique particulière en raison de causes spécifiques à la maladie. L’hydrothorax hépatique doit être suspecté devant toute dyspnée dans un contexte de cirrhose évoluée, en raison de sa gravité et de la simplicité de sa prise en charge diagnostique et thérapeutique.

Conflit d’intérêt : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflit d’intérêt.

Références

1. Kiafar C, Gilani N (2008) Hepatic hydrothorax: current concepts of pathophysiology and treatment options. Ann Hepatol 7:313–20 2. Recommandations professionnelles concernant la prise en charge des complications chez les patients atteints de cirrhose HAS, septembre 2007 http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/

application/pdf/prise_en_charge_des_complications_des_cirrho- ses_-_recommandations_2007_12_21__16_27_7_579.pdf der- nier accès le 8 décembre 2012

3. Ajmi S, Sfar R, Nouira M, et al (2008) Role of the peritoneal pres- sure gradient in the genesis of hepatic hydrothorax. An isotopic study. Gastrenterol Clin Biol 32:72933

4. Lieberman FL, Hidemura R, Peters RL, Reynolds TB (1966) Pathogenesis and treatment of hydrothorax complicating cirrhosis with ascites. Ann Intern Med 64:34151

5. Huang PM, Chang YL, Yang CY, Lee YC (2005) The morphology of diaphragmatic defects in hepatic hydrothorax: Thoracoscopic finding. J Thorac Cardiovasc Surg 130:141–5

6. Kaplan L M, Epstein S K, Schwartz SL, et al (1995) Clinical echo- cardiographic and hemodynamic evidence of cardiac tamponade cause by large pleural effusion. Am J Resp Crit Care Med 151:9048

7. Rochling FA, Zetterman RK (2009) Management of ascites. Drugs 69:1739–60

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