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Article pp.71-75 du Vol.38 n°221 (2012)

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Texte intégral

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D O S S I E R

Innovation et partage des connaissances

sous la direction de

Pascal Corbel

Gilda Simoni

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L

a littérature sur le management de l’innovation et les travaux sur la gestion des connaissances se sont, pour partie, développés indépendamment.

L’une des raisons de ce relatif cloisonne- ment est probablement due à l’influence de Schumpeter (1912/1935, 1951) dans la recherche sur l’innovation. Dès lors, le cœur de la littérature sur l’innovation s’est focalisé sur ses effets économiques, puis stratégiques, en la distinguant de l’inven- tion. Dans la littérature d’inspiration schumpéterienne, les connaissances ont tout de même été prises en compte mais sou- vent de façon sous-jacente, comme dans le cas des approches évolutionnistes qui ont mis en avant la notion de « sentiers d’inno- vation » liés à l’influence des « routines » de l’organisation (Nelson et Winter, 1982). Les connaissances seront ensuite plus directe-

ment mobilisées comme dans les travaux de Kline et Rosenberg (1985) qui les situent à l’interface entre les services recherche et les différentes phases de l’innovation, concep- tualisée dans ce cas comme un processus comprenant de multiples boucles d’interac- tion. Tout un pan de la littérature écono- mique sur l’innovation s’intéresse par ailleurs aux relations entre science et inno- vation technologique, notamment à travers la notion de système national d’innovation (voir par exemple Amable et al., 1997), amenant aussi, au niveau d’analyse de l’en- treprise, au concept de capacité d’absorp- tion (Cohen et Levinthal, 1990). Au niveau stratégique, l’émergence d’une approche centrée sur le savoir (Knowledge-Based- View) a également permis de construire des ponts féconds avec le management de l’innova tion.

PASCAL CORBEL

Université Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, Larequoi

GILDA SIMONI

Université Paris Ouest Nanterre La Défense, CEROS

Innovation et partage des connaissances

D O S S I E R

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Tout comme le corpus général du manage- ment stratégique (Déry, 2001), la littérature sur les stratégies d’innovation a des racines largement économiques, ce qui explique que les thèmes dominants se trouvent plutôt en aval du processus d’innovation : dilemme pionnier-suiveur, rythme de l’in- novation et délais de développement, confi- dentialité et effets d’annonce… (Martinet, 2003). Il existe certes une autre tradition du management de l’innovation, d’inspiration plus sociologique. Elle se concentre plus particulièrement sur les problématiques de structures organisationnelles (voir notam- ment les travaux fondateurs de Burns et Stalker, 1961) ou met en évidence la place problématique de l’innovation dans l’orga- nisation, comme la conceptualisation en termes de « dilemme exploration/exploita- tion » proposée par March (1991), rejoi- gnant les analyses évoquées précédemment au sujet de la dépendance de sentier.

Du côté du management des connaissances, un premier ancrage en sciences écono- miques est également repérable. Les trois propriétés de la connaissance définies par Arrow (1962) ont représenté une avancée importante. Mais, information et connais- sance étaient alors assimilées et il est ensuite apparu nécessaire de les distinguer. Ainsi, en s’intéressant aux processus de création et de diffusion des savoirs, Dosi (1988) propo- sera de réserver à l’information les caracté- ristiques des flux de messages et aux connaissances la condition d’une production subjective de la part de l’agent. Cette acti- vité de production consiste à sélectionner, traiter et interpréter des messages pour en produire de nouveaux.

La distinction information/connaissance constitue désormais un incontournable et la littérature en gestion ou management des

connaissances s’est depuis largement déve- loppée. Différents processus sont étudiés, dont les définitions et les frontières ne sont pas véritablement stabilisées. Il est cepen- dant possible d’adopter la position présen- tée par Management Science en 2003 et d’en retenir trois : la création, le partage, et la rétention. La rétention, plus souvent abordée en France sous le terme de capita- lisation, a fait l’objet de travaux spéci- fiques, notamment sous forme d’outils (Ermine, 2000, par exemple). La création se rapproche davantage de l’innovation, et peut être servie par le partage, processus qui peut comprendre le transfert et la diffu- sion des connaissances. Les approches sont alors multiples, médiatisées par des outils ou mettant davantage l’accent sur les dimensions sociales (communautés de pra- tique, Brown et Duguid, 1991, par exemple) ou organisationnelles du management des connaissances. Dans ce dernier cas, nous sommes au cœur de travaux qui s’intéres- sent explicitement aux liens entre innova- tion et connaissances : les travaux de Nonaka (Nonaka, 1994 ; Nonaka et Takeu- chi, 1995) qui relient les capacités d’inno- vation à la transformation et à la combinai- son de connaissances de natures différentes (explicites/tacites).

Le succès de ces travaux a été important, car ils mettaient l’accent sur la dimension tacite des connaissances et avançaient plu- sieurs propositions relatives aux conditions organisationnelles de la gestion des connaissances pour l’innovation (proposi- tions précisées par la suite, Von Krogh et al., 2000). Cependant, ainsi que le souli- gnent Le Masson, Weil et Hatchuel, la ques- tion de Nonaka est bien plus celle de l’échange que de la création, Nonaka ne s’intéressant « ni à la question de la genèse 72 Revue française de gestion – N° 221/2012

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ni réellement à la question de l’explicitation du tacite » (Le Masson et al., 2006). Dans une perspective de théorie de la conception innovante, ces auteurs proposent une approche fondée sur l’articulation de concepts, existants ou nouveaux, et de connaissances, existantes et nouvelles, comme cœur du processus d’innovation (théorie C-K). Ils répondent plus précisé- ment à la question de la création, tout en proposant une approche complète de la dynamique des connaissances.

Ainsi, au croisement entre innovation et connaissances, ces deux approches sem- blent dominer, et on ne s’étonnera donc pas de les retrouver en arrière-plan de plusieurs des quatre articles de ce dossier.

Celui-ci est issu d’une journée de recherche du groupe thématique « Innovation » de l’Association internationale de manage- ment stratégique (AIMS). Parmi les douze communications présentées lors de cette journée1, un thème émergeait plus particulièrement : celui du partage des connaissances. Nous avons vu que le par- tage est un processus clé du management des connaissances. Nous savons par ailleurs que la combinaison de connaissances de natures différentes est une des bases de la créativité (voir par exemple Kogut et Zander, 1992 ; Nonaka et Takeuchi, 1995 ; Leonard et Straus, 1997). De plus, les orga- nisations sont de plus en plus souvent ame- nées à ouvrir leur processus d’innovation vers l’extérieur (Chesbrough, 2003). Les quatre articles sélectionnés pour ce dossier l’ont été parce qu’ils contribuaient à ce cor-

pus de connaissances encore en construc- tion sur les liens entre innovation et partage des connaissances.

Amel Attour et Cécile Ayerbe utilisent la théorie C-K de la conception innovante pour analyser le positionnement de différents acteurs au sein d’un écosystème d’affaires constitué pour la mise en œuvre d’un projet de carte virtuelle intégrée aux téléphones mobiles sur les campus de l’université de Nice Sophia-Antipolis, projet dans lequel les auteures sont directement impliquées. Le croisement de la théorie C-K et de celle des écosystèmes d’affaires permet de faire res- sortir d’une manière originale le rôle des différents acteurs de la communauté straté- gique formée autour de « NFCampus ».

Dans le cas étudié, c’est dans les connais- sances d’usage que se situe l’essentiel de la variation, donnant ainsi un rôle pivot aux entreprises détenant ces connaissances.

Carine Deslée et Philippe Guirod mobilisent également la théorie C-K, dans une approche exploratoire. Ils montrent comment ce modèle peut être utilisé pour analyser la combinaison de connaissances de natures différentes nécessaire pour proposer des ser- vices d’assurance innovants dans le cadre de la distribution. L’originalité du cas provient de la base de connaissances très dissem- blable dont disposent au départ les acteurs qui sont amenés à coopérer dans le cadre d’un processus d’innovation conjointe.

Guillaume Imbert et Vincent Chauvet s’inté- ressent également à la relation entre deux types d’acteurs différents. Ils analysent la manière dont une entreprise de conseil en Introduction 73

1. Les quatre articles sélectionnés ici avaient fait l’objet d’une première procédure de sélection en double aveugle pour la journée de recherche. Ils ont ensuite été sélectionnés sur des critères qualitatifs et d’adéquation au thème de ce dossier et ont été de nouveau évalués en double aveugle, avec d’autres évaluateurs. Nous tenons à remercier à la fois les membres du comité scientifique de la journée de recherche et les différents évaluateurs sollicités, qui ont assuré des évaluations de qualité dans des délais très restreints.

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innovation procède pour développer les capa- cités d’absorption d’une entreprise cliente.

Cette analyse conduit à un intéressant renver- sement de perspective cristallisé dans le concept de capacité « d’insémination », qui mobilise quatre mécanismes : adoption, sélection, contextualisation et préservation des connaissances ainsi transférées.

Enfin, Virigine Jacquier-Roux, Nelson Camilo Montana et Claude Paraponaris s’in- téressent à travers une série d’études de cas aux mécanismes mis en place dans les firmes multinationales pour gérer le risque de dis- persion des connaissances lié à leur participa- tion à de nombreux réseaux d’innovation locaux. Ces dernières jouent à la fois sur les structures de R&D, la codification des expé- riences, les communautés techniques et l’évaluation des compétences. Mais les auteurs insistent surtout sur la nécessité de favoriser les interactions en situation, notam- ment à travers le travail sur des projets conjoints.

L’ensemble de ces contributions nous rap- pelle que les systèmes d’innovation d’au- jourd’hui, qui ont tendance à être plus

ouverts que par le passé (même si la situa- tion est sans doute moins contrastée que ne le laisse entendre la présentation qu’en fait Chesbrough) et plus internationalisés sont également plus complexes à gérer. Qu’il s’agisse de la coordination de multiples acteurs au sein d’un écosystème d’affaires, des relations entre deux entreprises ayant des bases de connaissances différentes ou de la gestion des multiples sources de connaissances au sein d’entreprises multi- nationales, les éléments à prendre en compte pour tirer le meilleur parti des connaissances ainsi créées et diffusées sont multiples et objets d’interactions com- plexes. Des modèles comme la théorie C-K, mobilisée par deux des articles de ce dos- sier, peuvent aider à mieux comprendre et construire ces interactions. Mais ce dossier montre que les concepts au cœur des tra- vaux reliant management des connaissances et de l’innovation (ici la distinction concepts/connaissances, les capacités d’ab- sorption, la distinction connaissances expli- cites/tacites) demandent à être enrichis pour mieux prendre en compte cette complexité.

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Introduction 75

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Références

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