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Le canton de Vaud a huit milliards de dettes.

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w i s s n o n - o p e r a t i n g a s s o c i a t i o n . A l l r i g h t s r e s e r v e d .

S ' i m p o s e r d a n s l e s e c t e u r

é c o n o m i q u e .

P o u r s u i v r e s o n d é v e l o p p e m e n t

p e r s o n n e l .

T o u t e n r e s t a n t f i d è l e

à s o i - m ê m e .

E n t a m e z v o t r e c a r r i è r e a u s e i n d ' u n e é q u i p e

d e K P M G .

a s s u r a n c e t a x a n d l e g a l f i n a n c i a l a d v i s o r y s e r v i c e s b u s i n e s s a d v i s o r y s e r v i c e s

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Vaud a huit milliards de dettes.

Est-ce grave, docteur?

Pendant que les cantons et la Confédé- ration s'affrontent durement à propos de leurs finances respectives, «Allez savoir! » vous propose de découvrir comment des chercheurs évaluent la santé financière d'un Etat. Zoom sur l'exemple vaudois avec Délia Nilles, directrice adjointe du Créa. Lej compte*) jont en page 13

Mix & Remix, dépliant «La T a p , é t a p e p a r etapa»

Adminiatration cantónale d e s impóts

«Une société de l'information?

Parlons plutôt de société du conformisme»

Alors que les individus ont l'impression de faire leur choix, ils font exactement le même que leur voisin. C'est l'une des dérives de cette «société de l'information»

qui se réunira prochainement en sommet mondial à Genève, sans convaincre G é - rald Berthoud, professeur à l'Institut d'an- thropologie et sociologie de l'Université de Lausanne. Explications en page 40

IMPRESSUM

Allez savoir!

Magazine de l'Université de Lausanne

№ 27, octobre 2003 Tirage 23'000 ex.

48'400 lecteurs (Etude M.I.S Trend 1998) Internet: http://www.unil.ch/spul Editeur responsable:

Université de Lausanne Service de presse de l'UNIL

Axel-A. Broquet resp., Florence Klausfelder BRA, 1015 Lausanne-Dorigny

Tél. 021 / 692 20 71 - Fax 021 / 692 20 75 uniscope@unil.ch

Rédaction:

Rédacteur en chef:

Jocelyn Rochat, journaliste à L'Hebdo Ont collaboré à ce numéro:

Sonia Arnal, Michel Beuret, Pierre-Louis Chantre, Anne Gaudard et Elisabeth Gilles

Photographe: Nicole Chuard Correcteur: Albert Grun

Concept graphique: Richard Salvi, Chessel Publicité:

EMENSI publicité,

Case postale 132, 1000 Lausanne 7 Tél. 021 / 729 98 81, fax 021 / 729 99 08 e-mail: emensi@bluemail.ch

Imprimerie Corbaz SA

Avenue des Planches 22, 1820 Montreux Photos de couverture :

Matrix: Warner Bros.

Grenouille: www.photos.com

Amphores: Musée archéologique de Nice Cimiez

S O M M A I R E

Edito page 2

La religion de «Matrix»

page 3

Une trinité de héros page 5 Les figures du mal page 7 Des décors mythiques page 9 Et quelques références en vrac page 11

Le canton de Vaud a huit milliards de dettes.

Est-ce grave?

page 13

Comment mesurer la gravité de la situation? page 17 Comment expliquer cette situation? page 18 Quelle est l'importance d'un rating médiocre? page 19 Quand une dette devient-elle excessive? page 21

Comment le vin vint aux Gaulois

page 22

Le lever de coude à la gauloise page 28 Le dieu du vin page 30

L'homme et l'animal, une histoire d'amour?

page 32 L'homme, mère du chiot page 34 La domestication rend bête page 38

«Une société de l'information? Parlons plutôt

de société du conformisme»

page 40

Interview de Gérald Berthoud, professeur à l'Institut d'anthropologie et sociologie de l'Université de Lausanne, à l'occasion

du prochain Sommet mondial sur la société de l'information page 40

La fertilité humaine et animale est menacée

page 48 Sur la piste du perturbateur! page 52 Et les grenouilles, dans tout cela? page 55

CE Q U ' I L S EN P E N S E N T . . .

I

La recette gagnante des marchés de Noël

Avec Francis Scherly, professeur associé à l'UNIL page 56

F O R M A T I O N C O N T I N U E

Demandez le programme page 59

Abonnez-vous, c'est gratuit! page 62 A C T U S

L'Université de Lausanne en mutation page 63

(3)

E D I T O

Le poidd de no¿ dette**

H u i t milliards et demi de dettes, c'est grave? Difficile d'évoquer les mauvais résultats financiers de l'Etat de Vaud sans provoquer des haussements d'é- paules. D'abord parce que les Genevois viennent d'annoncer 11 milliards de dettes sans faire de vagues. Mais encore parce que ces montants semblent com- plètement irréels pour la plupart des ménages qui doivent surveiller leurs comptes avec l'attention d'une fourmi inquiète avant un hiver rigoureux.

Alors 8, et probablement 9,4 milliards de dettes en 2004, franchement, quelle différence?

A p r è s tout, l'Etat doit bien compenser la baisse d'activité des entreprises en période de crise. Et d'ailleurs, tout le monde semble gérer le problème avec la même insouciance. Prenez les Etats- Unis, par exemple. Là aussi, la dette semble astronomique et inquiète plus d'un observateur. Mais cela n'empêche pas George W. Bush de supprimer l'impôt sur les successions tout en dépensant sans compter (et hop, 87 mil- liards de rallonge pour financer l'opé- ration irakienne!). Même topo en France, où nos voisins célébreront l'an prochain leur trentième déficit budgé- taire consécutif avec, à la clé, une dette colossale. Et là encore, le gouvernement s'engage à tenir les promesses électo- rales du candidat Chirac en baissant les impôts.

R e s t e , malgré la décontraction qui règne, que nous devrions nous intéres- ser à l'état de nos finances publiques.

Notamment parce que certains ana- lystes, comme la spécialiste de l'Uni- versité de Lausanne Délia Nilles, nous

avertissent que l'endettement d'un can- ton comme le nôtre a des limites. Et qu'en l'occurrence, elles sont atteintes, puisque la dette croît désormais toute seule, entraînée par un effet «boule de neige» (voir en page 13).

B o n gré, mal gré, nous devrons enfin débattre de la question parce qu'une dizaine d'Etats suisses, dont le vaudois, viennent de tirer la sonnette d'alarme en faisant aboutir le premier référendum des cantons de l'histoire du pays. Ce blo- cage d'un genre inédit vise le paquet fis- cal et cherche à entraver cette baisse d'impôts promise récemment par la Confédération aux familles et aux pro- priétaires. Motif de ce bras de fer inédit : certains cantons qui se serrent la cein- ture supporteraient mal une chute sup- plémentaire de leurs revenus.

D e s baisses d'impôts bloquées par des cantons fortement endettés? Voilà sans doute le meilleur moyen d'interdire aux contribuables de hausser les épaules quand on évoque ce sujet rébarbatif. Et d'ouvrir ce débat difficile, avant que le canton ne se retrouve sous tutelle.

Jocelyn Rocbat

2

T H E O L O G I E

La religion

hénomène cinématogra- phique, La daga de dcience-fic-

tion fait appela un maeUtrôm de référencée mythico-reii- gieuded. QueLqued pointé de

repère pour comprendre, avant la dortie du troisième épidode.

F

aut-il prendre au sérieux le discours reli- gieux de « M a t r i x » ? Le premier épisode de la trilogie permettait de créditer les frères Wachowski d'une certaine consistance spiri- tuelle. Dès les premières images, le deuxième épisode semble confirmer cette ambition.

« M a t r i x reloaded» n'a pas commencé depuis cinq minutes que le spectateur est plongé dans un tourbillon de références mythico-religieuses qui puisent principalement dans les traditions grecque classique et judéo-chrétiennes.

Voici d'abord le transporteur Nabuchodo- nosor, le capitaine Niobé, la cité de Zion et la transmission Osiris. Plus tard, ce sera Perséphone, Séraph, la porte lumineuse, la source, le Grand Architecte - sans compter le triangle sacré des héros de l'histoire formé par Trinity, Morpheus et Néo. v

«Matrix»

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La r e l i g i o n de «Matrix»

T H E O L O G I E

Une religion du jeu vidéo?

M a i s plus le deuxième volet avan- ce, et plus le sentiment d'éparpille- ment a u g m e n t e . Faut-il a b a n d o n n e r toute velléité de trouver une cohé- rence quelconque à « M a t r i x » ? Et si l'on voulait vraiment parler de reli- gion, ne faudrait-il pas plutôt s'attar- der sur celle du jeu vidéo dont les clas- siques (la course de voitures, la course de motos et le combat truffé d'arts m a r t i a u x ) structurent manifestement le second épisode de la trilogie?

Olivier Simioni, doctorant en so- ciologie à l'Université de L a u s a n n e et spécialiste de la science-fiction, ne

sépare pas vraiment les d e u x univers, lui qui souligne que «le monde des jeux vidéo utilise beaucoup les figures mythologiques et religieuses». Bien moins que de concevoir une œ u v r e a u x résonances m é t a p h y s i q u e s , les frères W a c h o w s k i reproduisent peut- être simplement les codes d'un uni- v e r s qui é c h a p p e encore au commun des mortels. Pas la peine de c h e r c h e r plus loin.

L a «Matrice» des écoles d'instruction religieuse

Et puis bon. Le succès hors norme du film, les discussions qu'il provoque sur l'origine de ces références et sur

Olivier Simioni, doctorant en sociologie à l'Université de Lausanne

le sérieux qu'il convient de leur accor- der, justifient finalement qu'on se donne la peine de remonter à la source de ce b o m b a r d e m e n t de réfé- rences. Q u e le discours des frères W a c h o w s k i soit très structuré ou non n'a finalement q u e peu d'importance.

C'est le s é r i e u x qu'on veut bien lui donner qui en a.

Professeur et ancien doyen de la Faculté de théologie de l'Université de Lausanne, Thomas Rômer a suivi l'effet « M a t r i x » depuis le début. Il note par exemple avec intérêt que le film est désormais utilisé dans les écoles allemandes pour les cours d'instruction religieuse: «Les frères W a c h o w s k i

Thomas Romer, professeur et ancien doyen de ta Faculté de théologie de l'Université de Lausanne

j

i

4 A L L E Z S A V O I R ! / № 2 7 O C T O B R E 2 0 0 3

Une trinité de héros

sont complètement dans l'esprit du temps. Leur utilisation des réfé- rences religieuses est à l'image du paysage religieux d'aujourd'hui, qui ressemble à une sorte de grand supermarché dans lequel les gens prennent un peu à gauche et un peu à droite, un peu de résurrection par- ci et un peu d'incarnation par-là, hors de toute institution et de toute idéologie officielle.»

Plus que sa cohérence, c'est donc sa fonction de lien avec une certaine culture immémoriale, r é c e m m e n t retournée d a n s l'ombre, qui fait la v a l e u r spirituelle de la trilogie

« M a t r i x » .

Néo, de son autre nom Thomas Anderson, un mélange du Christ et de Moïse

Néo Thomas Römer voit encore de nom- b r e u x liens entre Néo et Moïse. «Néo apparaît comme une combinaison des figures de M o ï s e et de J é s u s - C h r i s t . Comme Moïse, Néo a une double identité et, après une longue résis- tance, il finit par accepter son rôle messianique. Comme le sauveur du peuple d'Egypte adopté par la famille royale des pharaons, Néo doit quitter le monde illusoire du confort pour découvrir sa vraie nature et celle de l'humanité, afin de libérer son peuple de l'esclavage de la matrice.»

Enfin, les observateurs ont souvent noté le cousinage de «Néo» avec «The One» qui désigne l'élu. On peut rele- ver le même cousinage avec Noé, refondateur de l'humanité après le Déluge.

O l i v i e r Simioni, q u i s'est parti- c u l i è r e m e n t i n t é r e s s é à la m a n i è r e dont la science-fiction traite les corps Impossible de suivre les aventures

du héros de « M a t r i x » sans y voir une référence au Christ, cet autre «Elu»

pétri de doutes, ce sauveur très humain que décrit le Nouveau Testa- ment. «Néo semble désigner l'Homme nouveau, dit Thomas Römer. Dans ses épures, l'apôtre Paul présente souvent le Christ comme l'homme nouveau, qu'il oppose à Adam, l'homme ancien. »

Le deuxième nom du héros fait éga- lement appel à des références chris- tiques. Puisque Néo s'appelle encore Thomas Anderson. Le prénom renvoie inévitablement au doute du fameux apôtre et à sa quête de la vérité tan- gible. Avec la racine g r e c q u e «aner», qui signifie «homme», Anderson veut littéralement dire «Fils de l'homme».

Enfin comme le Christ, Néo est trahi pendant un repas lors du premier volet de la trilogie.

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r e l i g i o n Matrix»

T H E O 1 ,0 G I E

de ses p e r s o n n a g e s , note aussi la m a n i è r e dont le corps de Néo est r a d i c a l e m e n t c o n t r a i n t d a n s sa robe de p r ê t r e q u i le corsète

j u s q u ' a u cou. U n e c o n t r a i n t e q u i é- v o q u e la maîtrise que toute religion v e u t imposer s u r le corps et ses pul- sions. Q u i rejoint aussi le fan-

t a s m e des j o u e u r s v i d é o : «Avec la maîtrise exceptionnelle de son corps, N é o vit l ' e x p é r i e n c e ultime de tout joueur, q u i ne rêve q u e de l â c h e r son joystick et de se libérer totalement d e s c o n t r a i n t e s c l a s s i q u e s du

corps p o u r se p l o n g e r totale- m e n t d a n s le j e u . »

eus

Le mentor de Néo s'appelle M o r p h e u s . Il nous

propose u n e réfé- r e n c e c o m p l e x e

et o b s c u r e . C a r

M o r p h é e est le nom du dieu des rêves d a n s la m y t h o l o g i e g r e c q u e , fils de la Nuit et du Sommeil. O r M o r p h e u s e n s e i g n e à N é o à faire la différence entre le rêve et la réalité, entre la m a t r i c e et le m o n d e réel. Du point de v u e biblique, M o r p h e u s p o u r r a i t s ' a p p a r e n t e r à J e a n - B a p t i s t e qui, comme lui, annonce le M e s s i e à venir.

Enfin, si l'on suit l'interprétation de T h o m a s Rômer, M o r p h e u s d e v r a i t encore être vu c o m m e le p r é d é c e s - seur du sauveur, c o m m e l'est M o ï s e p o u r les c h r é t i e n s .

Trinity

L'amante de Néo «a les traits de M a r i e - M a d e l e i n e qui devient l'amour

Morpheus, un mélange de Jean-Baptiste et du dieu du sommeil grec

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Les figures du mal

et l'amoureuse du Christ dans dif- férentes légendes chrétiennes», dit Thomas Römer. M a i s , malgré un nom très chargé de sens, l'héroïne sur g r a n d écran ne véhicule pas d a v a n t a g e de références précises, si ce n'est l'amour salvateur qui inonde tant de films américains. Tout au plus peut-on y voir la figure de l'androgyne, qui est à l'origine de l ' h u m a n i t é , p u i s q u ' A d a m é t a i t a n d r o g y n e avant que Dieu ne lui prenne un morceau de son flanc pour créer Eve.

Trinity, entre Marie-Madeleine, l'amante du Christ, et l'androgynie première d'Adam

L'agent Smith

Bien qu'une certaine fraternité avec Néo semble poindre dans « M a t r i x reloaded», il reste difficile de voir l'agent Smith comme une figure de l'Antéchrist, puisque son nom évoque la banalité et l'impersonnalité de l'exé- cutant sans âme. Ce personnage appa- raît d'abord comme simple envoyé de la matrice infernale, sans autre res-

ponsabilité que celle d'obéir à son maître. Avant de changer petit à petit de statut, puisque son échec contre Néo (à la fin du premier volet de la trilo- gie) et sa mort suivie d'une résurrec- tion semblent pousser l'agent Smith vers une forme d'humanisation.

Comme il se reproduit en vampiri- sant des êtres humains, l'agent Smith ne saurait que devenir petit à petit tou-

7

(6)

La r e l i g i o n de «Matrix»

T H E O L O G I E

jours plus humain. Pour devenir quoi?

La référence biblique ou mythologique n'est pas claire, s'il y en a une. Tout au plus peut-on penser à la figure du Golem de la tradition juive, dans laquelle un être de pur argile, sorte de robot avant la lettre, échappe à sa condi- tion en devenant toujours plus humain.

Mérovingien

Cet amateur de vin et de plaisirs lubriques - dont le nom ne rappelle à première vue rien au-delà de la pre- mière dynastie des rois francs qui régna de 511 à 751 - est plus clairement défi- nissable. La rangée de tridents qui or- nent le hall de sa demeure l'apparente clairement au prince des ténèbres chré-

tien. M a i s c'est dans son discours, lon- guement développé, que sa vraie nature se révèle.

Mérovingien est un adorateur de la raison, qui nie l'existence du libre ar- bitre en décrivant l'univers comme une simple suite de causes et d'effets dans laquelle l'existence d'une divinité n'est jamais une explication valable. Il est le négateur de la liberté et de la foi. Plus prosaïquement, il appartient au courant déterministe, qui a permis les belles po- lémiques entre les hommes de science et l'Eglise à travers l'histoire.

Le Grand Architecte

Avec sa barbe blanche soigneuse- ment taillée en pointe, ce personnage

fait penser à Dieu le père et à Zeus, le chef des dieux grecs. Thomas Römer souligne que l'idée de grand architecte remonte à une idéologie précise, celle de la gnose qui naît au 1er siècle après Jésus-Christ. Dans ce courant religieux fondé sur le principe de dualité, le Grand Architecte désigne un dieu mau- vais, qui a construit un univers maté- riel auquel l'homme doit échapper.

Le Grand Architecte de la matrice rappelle bien cette puissance créa- trice malfaisante, sauf que les héros doivent é c h a p p e r à un monde virtuel pour retourner dans le monde maté- riel du corps et de la matière a u t h e n - tique. Tout au contraire, «le monde matériel est m a u v a i s dans la gnose,

Le Grand Architecte de «Matrix» fait penser à Dieu. La preuve?

La production ne propose aucune photo de ce personnage. Seules des images du comédien Helmut Bakaitis sont disponibles

Mérovingien, le diable négateur de liberté

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I

Des décors mythiques

alors que la matrice est une construction de l'esprit».

Perséphone

Dans la mythologie grecque, elle règne sur les enfers aux côtés de Hadès, qui l'a emmenée de force dans son monde souterrain. C'est une reine malheureuse, forcée de passer six mois par année dans un endroit et avec un conjoint qu'elle n'aime pas.

Elle joue un rôle dans plusieurs légendes, dont celles d'Orphée et d'Hercule où elle aide les héros à atteindre leur but. Autant de réfé- rences qui ont visiblement nourri le personnage de «Matrix» interprété par Monica Belluci.

Dans les mythes grecs comme dans «Matrix», Perséphone aide

les héros à atteindre leur but

La matrice

Cette matrice, qui a donné son titre au film, régit entièrement les univers où évoluent les personnages. M a i s est- elle un paradis ou un enfer? Elle se présente a priori comme un enfer où les apparences prennent ignoblement le pas sur la réalité. M a i s cet univers libéré des contraintes matérielles et de l'asservissement du corps, ce lieu spi- rituel où les êtres peuvent voler compte beaucoup de points communs avec l'idéal paradisiaque.

Le traître qui a p p a r a î t dans le pre- mier volet de la trilogie se laisse d'ailleurs tenter p a r ce lieu de plaisirs faciles, où l'homme n'a a p p a r e m m e n t plus à porter sa croix. «L'histoire de la matrice pourrait être l'histoire du P a r a d i s que l'homme doit transgres- ser pour pouvoir trouver sa liberté, dit Thomas Römer. Le libre arbitre est la g r a n d e question de toutes les reli- gions. L'homme est-il fait pour vivre dans le P a r a d i s ? » Comme le dit le Grand Architecte de « M a t r i x reloa-

A L L E Z S A V O I R ! / № 2 7 O C T O B R E 2 0 0 3 9

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La religion de «Matrix»

T H E O L O G I E

ded», la première matrice était par- faite, mais l'homme ne l'a pas sup- portée car il est incapable de vivre dans un monde sans souffrance - c'est-à-dire sans liberté.

La porte lumineuse

« A p r è s avoir été expulsé du P a r a - dis, A d a m ne peut retourner p a r la porte lumineuse qui y mène, raconte Thomas Römer. D a n s les religions orientales, les portes symbolisent une étape s u p é r i e u r e de la connaissance sur la voie de la perfection.» On retrouve aussi souvent des portes de ce genre chez les Celtes, ou chez des philosophes comme D e s c a r t e s ou Platon.

Dans « M a t r i x reloaded», la porte lumineuse mène Néo chez le Grand Architecte : «Tu vas rentrer chez toi», lui dit le « K e y m a k e r » , le petit homme qui en détient la clé. En clair : «Tu vas accéder à une connaissance supérieure de toi-même.»

Le temple de Zion

L'immense grotte où Morpheus gal- vanise les foules rebelles, cette cathé- drale souterraine où les derniers hom- mes libres se livrent à une rave sensuelle à connotation vaudoue, rappelle im- manquablement le mythe de la caverne platonicien. Un récit qui décrit l'exis- tence comme un cortège d'apparences qui défilent devant l'homme enchaîné.

M a i s dans la symbolique univer- selle, le passage dans une grotte (que ce soit l'estomac de la baleine visité par J o n a s , ou la caverne qui accueille le Christ après la crucifixion) précède souvent une renaissance. Le temple de Zion représente donc cet antre mater- nel d'où une humanité libre doit renaître.

Zion

Le nom de la cité rebelle qui résiste à l'emprise de la matrice contient une référence biblique si évidente que même un petit-fils d'athée endurci la verra. M a i s à quoi fait-elle allusion?

«Sion est l'autre nom de J é r u s a l e m , dit Thomas Römer. C'est le centre du

Le temple souterrain de Zion,

double référence à Jérusalem et à la grotte de Platon

Au bout du couloir, la porte lumineuse qui mène à une plus grande connaissance de soi.

Mai) l'agent Smith barre le passage

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Et quelques références

p a y s promis aux J u i f s qui revien- nent en terre d'Israël, une ville sainte toujours protégée par Dieu. Dans la Bible hébraïque, Sion subsiste mê- me si tout sur la Terre est détruit.

Les psaumes disent aussi que le Messie arrivera à cet endroit.»

Le film propose cependant une inversion, puisque dans les récits bibliques, Sion est une montagne alors qu'au cinéma, elle est située dans un immense puits. A noter (puisque les frères W a c h o w s k i sont J u i f s ) que Sion est la racine du mot sionisme, qui désigne un mouve- ment né au X I Xe siècle, et qui prô- nait alors le retour des J u i f s sur leur terre d'origine.

en vrac...

Nabuchodonosor

C'est le nom du vaisseau de la bande à Néo. Comprendre pourquoi reste ardu. Nabuchodonosor était un roi de Babylone, qui prit d'assaut J é r u s a l e m après un long siège et déporta les juifs à Babylone, en 587 av. J . - C . Il appa- raît dans le livre de Daniel, dans

l'Ancien Testament, où l'on raconte comment le roi est hanté de cauchemars qu'il n'arrive pas à interpréter, et dans lesquels il visionne la destruction de son empire comme sa propre fin. Le seul lien apparent avec le film serait les rêves de Néo, dans lesquels il craint la mort de Trinity.

(8)

La religion de «Matrix»

T 11 K O L ( > ( ; 1 E

Niobé

Dans la mythologie grecque, Niobé est une reine légendaire de Thèbes qui eut quatorze enfants et fit l'erreur de s'en vanter devant la déesse Léto, qui n'en avait que deux. Ces derniers, deux garçons vindicatifs, vengèrent leur mère en tuant les sept fils et les sept filles de Niobé avec leurs flèches avant que, pour couronner le tout, Zeus ne transforme la pauvre reine en rocher d'où jaillit une source.

Quel rapport avec la capitaine de vaisseau matrixien qui vient à la res- cousse de Trinity, malmenée au som- met d'un camion? Aucune idée. La source du rocher légendaire a peut-être quelque chose à voir avec la source que retrouve Néo?

Séraph

C'est le nom du gardien de l'Oracle, qui teste Néo avant son entrevue avec la visionnaire dans « M a t r i x reloaded».

Dans la tradition biblique, ce nom fait référence à un type d'ange gardien, qui appartient à l'une des plus hautes hié- rarchies angéliques. Les séraphins glo- rifient Dieu mais peuvent aussi avoir une action purificatrice sur l'homme.

En hébreu, «saraph» veut dire brûlant.

Dans l'Ancien Testament, un séraphin touche les lèvres d'Isaïe avec un char- bon ardent pour le laver de son péché.

Pierre-Louis Chantre

Séraph (à droite) joue les doubles (combatifs) des grands anges gardiens de

l'Ancien Testament

La capitaine Niobé a-t-elle

un rapport avec la reine féconde et vantarde de la mythologie grecque?

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É C O N O M I E

Le canton de Vaud a

huit milliards de dettes.

Est-ce grave?

J^ndant que Led cantotu et La Confédération d'affrontent durement à propod de Leurd financed red- pectived, «ALLez davo ir!» voud propode de découvrir

comment Led chercheurd évaluent L'importance ded detted d'un Etat. Zoom dur L'exemple vaudou avec DéLla NlLled, directrice adjointe du Créa.

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(9)

Le canton de Vatid a hait milliards de dettes. Edt-ce grave?

E C O N O M 1 E

Entre la Berne fédérale et les cantons, la guerre des impôts est déclarée...

L

es finances publiques figurent en bonne place dans l'agenda poli- tique de cet automne. A cause notam- ment des élections fédérales, de la pré- sentation des budgets ou de la situation économique, mais encore de la nouvelle péréquation financière entre la Confé- dération et les cantons. Et surtout à cause du nouveau paquet d'allégements fiscaux. Un sujet brûlant, puisque l'on a parlé à son propos d'une jacquerie cantonale, référendum au poing. Et ce pour la première fois depuis que la Suisse existe.

Pour beaucoup de cantons, en effet, ces décisions fédérales ne représentent rien de moins qu'un coup de pied rava-

geur dans leur laborieuse tentative de recherche d'équilibre financier. Car elles pourraient signifier diminution des recettes et parfois même augmen- tation des charges.

Le poids des dettes vaudoises

Parmi les cantons suisses, il en est un qui s'inquiète tout particulièrement : le nôtre. Vaud vit en effet dans un rouge toujours plus foncé depuis le début des années 1990. Cette période de stagna- tion économique a vu une forte aug- mentation des revenus et des charges, avec une petite longueur d'avance pour ces dernières, longueur que les reve- nus ne sont, depuis, jamais parvenus à

rattraper. Creusant le lit de la dette.

L'Institut de macroéconomie appliquée C r é a de l'Université de Lausanne rele- vait ainsi en 1998 que, depuis 1992, on remarque une forte augmentation des charges d'intérêts «non pas à cause d'une hausse des taux d'intérêt mais à cause de l'augmentation massive de la dette».

En 2002 encore, le Conseil d'Etat constatait que, malgré les mesures prises, la croissance des charges restait

«plus importante que la progression des revenus». A fin 2003, selon Standard

& Poor's, la dette devrait représenter plus de 150% des recettes de fonc- tionnement, contre 1 2 7 % à fin 2001.

Q COMPTE, ;ÎEUR,PAME?, M PETIT

...Comme le référendum des cantons a abouti, avec notamment le soutien du Conseil d'Etat vaudois (ci-dessus), nous voterons sur le paquet fiscal qui prévoit de diminuer les impôts des familles et des propriétaires,

mais qui affaiblit les finances cantonales

4BS'a O -

11

§ 5

M Í X k R f M Ï X

(10)

Le canton de Vaud a huit milliards de dettes. Est-ce gravel E C O N O M I E

les conséquences d'une évolution à la hausse ou à la baisse des impôts, mais aussi sur l'importance et la nécessité des mesures à prendre en période de mauvaise conjoncture.

Sachant, comme le relevait le Créa en automne 1998, qu'«il n'y a aucune raison de chercher à réduire le déficit à zéro. Il s'agit plutôt de viser la sta- bilisation du ratio dette/revenu can- tonal nominal.»

Au-delà de la confrontation idéolo- gique, peut-on mesurer le degré de gra- vité de la situation vaudoise? Survol théorique de la situation - donc «sans états d'âme», précise-t-elle - en trois questions en compagnie de Délia Nilles, directrice adjointe du Créa.

La recapitalisation de la Banque cantonale a fait exploser la dette vaudoise qui dépasse désormais les huit milliards de francs

Huit milliards de dettes

Signalons tout de même que la reca- pitalisation de la B C V a passé par là...

Ainsi, entre 1990 et 2002, la dette brute du canton a augmenté de 385 %. L a dette totale du canton dépasse au- jourd'hui les 8 milliards* de francs. Les intérêts passifs - bien qu'en régression en raison de l'évolution des taux d'inté- rêt - se montaient en 2002 à près de 300 millions de francs.

Conséquences, pour continuer dans rénumération de chiffres et pour es- sayer de schématiser la situation : sur 1000 francs d'impôts qui entrent dans les poches de l'Etat, quelque 100 francs

partent directement pour le service de la dette. Une vision encore : sur cha- cun des 627'933 Vaudois décomptés à fin 2002 pèsent plus de 13'000 francs de dettes, toujours selon le Créa.

«Inutile de réduire le déficit à zéro»

Et l'avenir? Selon le budget pré- senté, l'exercice 2003 devrait présen- ter le déficit le moins élevé depuis dix ans, un degré d'autofinancement posi- tif et une charge d'intérêts stable. Des mesures ont été annoncées. Le débat est éminemment politique. Il se con- centre sur les cibles des économies, sur

A L L E Z S A V O I R ! / № 2 7 O C T O B R E 2 0 0 3

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1. Comment mesurer la gravité

de La situation?

Afin de mesurer le poids de la dette du canton, Délia Nilles se base sur quelques indicateurs communément admis (voir en page 2 1 ) . Tout d'abord, le canton de Vaud répond à deux mesures d'endettement excessif, une statique et une dynamique. «En obser- vant la courbe qui décrit la relation entre les intérêts passifs et les recettes fiscales structurelles dans le canton de Vaud, nous observons que de 1965 au début des années 1990, le poids des

intérêts passifs demeure sous les 1 0 % ( 7 , 2 % en moyenne). Dès le début des années 90, tout se dégrade et il passe, dès 1995, au-dessus de la barre des 12%.» Limite déterminante pour me- surer le poids acceptable ou non d'une dette. Certes, en 2001, la tendance s'est inversée, mais cette variation est liée à la baisse des taux d'intérêt, «ce qui ne signifie pas que la situation se soit vrai- ment améliorée. Elle s'est améliorée artificiellement.»

Vaud, Genève et St-Gall puisent dans les réserves

Autre indice alarmant pour le can- ton de Vaud, constate-t-elle, «le taux de croissance de l'économie est infé-

rieur au coût moyen de la dette, il fau- drait dégager un solde financier posi- tif pour payer les charges d'intérêts. Or, ce n'est pas le c a s : le solde financier est négatif depuis des années déjà dans le canton.»

Par ailleurs, le degré d'autofinance- ment du canton est le seul en Suisse à avoir été négatif en moyenne sur la période 1994-2002. En 2002, pour prendre des images plus statiques, cite Délia Nilles, «des cantons, comme le Valais ou Fribourg, ont pu financer la totalité de leurs investissements, le J u r a à hauteur de 80 %; Vaud, comme Genève et Saint-Gall, en revanche, n'ont rien pu financer en puisant direc- tement dans leur porte-monnaie.»

(12)

Le canton de Vaud a huit milliards de dettes. Ejt-ce grave?

E C O N O M I E

«La situation se détériore»

Ce n'est donc pas le chiffre de 8,4 mil- liards de d e t t e s0 en l u i - m ê m e q u i est grave, poursuit-elle,

«non, ce qui compte c ' e s t d ' a v o i r l e s moyens de p a y e r les i n t é r ê t s de c e t t e dette». Et c'est là que le bât blesse, à ses y e u x . Le canton de Vaud se trouve dans u n e situation financière g r a v e de- puis 1995 environ, date depuis laquelle il subit le phéno- mène appelé «boule de neige» (voir en page 2 1 ) . En l'obser- vant sur plusieurs années, «on constate que la situation se dé-

tériore puisque la dette s'accroît plus vite que ne croît le revenu cantonal».

Ainsi, «le canton se trouve dans une période où le seul poids des intérêts passifs, autrement dit le poids du ser- vice de la dette, suffit à faire aug- menter cette même dette de manière plus que proportionnelle a u x moyens financiers, a u x revenus.» Du coup, la marge de m a n œ u v r e de l'Etat pour s'engager dans d'autres investisse- ments se réduit. «En fait, actuelle- ment, cette capacité d'action est pra- tiquement nulle. Vaud n'a plus les moyens de financer ses investisse- m e n t s ! » On risque ainsi le double p o n c t i o n n e m e n t des g é n é r a t i o n s futures : les arriérés de la dette et le manque d'infrastructures nouvelles.

.,T'A$ VU

Y A L£S IMPOTS qui BAISSENT j j

2, Comment expliquer cette

situation?

L'économiste situe l'époque char- nière entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. La cause? C'est à ce moment que se creuse l'écart entre les charges et les recettes du compte de fonctionnement (qui comprend les charges et les revenus bruts, sans les investissements). Depuis, le fossé n'a jamais pu être comblé.

«Derrière ces chiffres, on retrouve des décisions politiques. Des réduc- tions d'impôts ont alors été décidées.

En 1987, par exemple, le coefficient

familial a été introduit, puis quelques années plus tard, il y a eu deux baisses consécutives du coefficient cantonal d'imposition. Ces décisions ont engen- dré une diminution des recettes fiscales qui n'a jamais pu être compensée.»

Les recettes baissent, les dépenses augmentent

Et, sale concours de circonstances, les dépenses ont augmenté dès l'entrée en vigueur de ces mesures, notamment sous la pression de la dégradation de la situation conjoncturelle. Si, au début, analyse Délia Nilles, «les raisons de l'augmentation de la dette étaient clai- rement structurelles - l'écart s'est creusé très vite entre charges et recet-

A L L E Z S A V O I R ! / № 2 7 O C T O B R E 2 0 0 3

tes, dû aux effets de prises de décision - , par la suite, elles ont été aggravées par des raisons conjoncturelles - crise des années 90. Aujourd'hui, nous vivons une période d'imbrication des deux types de causes. L'économie vau- doise ne croît pas assez pour tenter de réduire ce fossé, d'où l'augmentation de la charge de la dette.»

«Le problème des économies, c'est qu'elles sont d y n a m i q u e s ! » insiste Délia Nilles. Les conséquences d'une décision politique sur une économie ne se font en effet pas sentir immédiate- ment. Difficile, donc, de savoir quand elle déploiera ses effets et surtout si ce sera le moment opportun.

5 . Quelle eét l'importance d'un

rating médiocre?

Au printemps 2003, Standard &

Poor's a publié son rating annuel pour le canton de Vaud, une manière d'éva- luer la solvabilité de l'Etat. Résultat:

un A. La meilleure note étant AAA (elle est notamment attribuée à la Confédé- ration), la moins bonne D. A cela s'a- joute une perspective dite «stable».

Cela signifie concrètement que, lors- qu'un canton emprunte de l'argent, les établissements bancaires vont notam- ment se baser sur leur rating pour fixer

le prix de l'argent qui lui sera accordé.

Idem lorsqu'il cherchera à lever des fonds. Ainsi, celui qui brandit une meilleure note obtient un meilleur taux d'emprunt en raison du moindre risque que court l'établissement prêteur.

La Confédération est bien mieux notée

Le Conseil d'Etat ne l'a pas caché :

«Le rating faible du canton suscitera la prudence des investisseurs, et sera susceptible de renchérir le coût des emprunts.» Avant d'ajouter, en préci- sant qu'en 2003 l'Etat vise des emprunts à hauteur de 2 milliards : «Le marché seul décidera.»

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Le rating évalue la solvabilité d'un Etat. Celui-ci, diffusé

par la société Standard eJ Poor's, attribue au canton de Vaud

la note A (la meilleure est et la moins bonne un D)

un AAA

1 9

(13)

Le canton de Vaud a huit milliards de dettes. Est-ce grave?

E C O N O M I E

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A ce propos, le syndic de Lausanne Daniel Brélaz rappelait cet été dans les colonnes de «24 heures», lors d'une prise de position contre les coupes budgé- taires drastiques envisagées dans le bud- get fédéral et qui pénaliseraient ainsi les cantons, qu'«aujourd'hui encore, la Confédération effectue ses emprunts au meilleur niveau possible, soit 0,2 % de moins que le minimum théorique cor- respondant à la cotation AAA».

L'influence d'un mauvais rating

Ces instruments de mesure ont par ailleurs le mérite de pouvoir faciliter les comparaisons d'un canton à l'autre ou d'une année à l'autre, de servir de référence. M a i s ces éléments d'esti- mation de la capacité financière d'un canton ont-ils une influence écono- mique déterminante? «Fondamentale- ment, je ne le pense pas, relativise Délia Nilles, dans la mesure où les banques connaissent la situation des cantons ou de la Confédération.»

Rating ou pas, la capacité de rem- boursement d'un canton est donc con- nue. Reste qu'il est clair que la situa-

tion des

finances

cantonales et donc également de ces ratings influe sur le poids de la dette, tient-elle à souligner : plus le rating est mauvais, plus la prime de risque du prêt est élevée, plus la dette sera donc difficile à rembourser.

Anne Gaudard

*8,4 milliards: chiffre obtenu par l'addition des engagements courants (1,534 milliard), de la dette à court terme (1,882 milliard) et de la dette à long terme (4,977 milliards).Pour Délia Nilles, les engagements courants doivent être pris en compte car ils engendrent aussi des intérêts à payer.

Pendant que le canton de Vaud

reçoit la note A, la Confédération bénéficie de la note AAA. Ce qui lui permet

de réaliser des emprunts à un meilleur taux, observe le syndic de Lausanne

dans «24 heures»

P o u r e n s a v o i r p l u s : Délia Nilles en collaboration avec J e a n - C h r i s t i a n Lambelet,

«La situation financière du canton de Vaud. Une vue d'ensemble»,

in Analyses et prévisions, Créa, Lausanne, automne 1998.

J e a n - M a r c Natal,

«Finances des cantons»,

in Analyses et

prévisions, Créa, Lausanne, printemps 1997.

?

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4Í VEUX PAVER PLUS P' IMPÔTS ?

2 0 Mix l < R £ M Ì X

Quand une dette devient-elle excessive?

B r è v e p l o n g é e d a n s l e s o u t i l s u t i l i s é s p a r l e s é c o n o m i s t e s p o u r d é f i n i r l e s l i m i t e s d e l ' e n d e t t e m e n t d ' u n E t a t .

P

lusieurs théories existent en éco- nomie pour définir les limites d'endette- ment. Dans cette fo- rêt de références, deux arguments sont communément admis, relève Délia Nilles.

Des arguments statiques et dynamiques

Le premier est statique. Un endet- tement est excessif lorsque les intérêts passifs sont supérieurs à environ 12 % des recettes fiscales structurelles (l'es- sentiel des recettes fiscales sauf les revenus irréguliers, comme l'impôt sur les gains immobiliers, qui peut dé- pendre d'une bulle spéculative, ou comme les droits de mutation, etc.).

L'autre argument est dynamique.

Une dette est considérée comme trop élevée, si son poids par rapport aux revenus croît par l'effet d'une sorte d'entraînement automatique, par l'«ef- fet boule de neige». Ainsi, dans une économie en croissance, il est possible de cumuler les déficits sans pour autant augmenter la charge financière de la dette à condition que le taux de crois- sance de l'économie soit supérieur ou égal au coût moyen de la dette calculé

Délia Nilles, directrice adjointe de l'Institut de macroéconomie appliquée Créa de l'Université

de Lausanne

en fonction des taux d'intérêt. Ce qui signifie en d'autres termes que le rap- port entre le poids de la dette et le revenu cantonal demeure constant.

Le degré d'autofinancement

L a directrice adjointe du Créa cite encore deux autres notions importantes pour bien appréhender la notion d'endettement.

L a première est le degré d'autofi- nancement. Il est mesuré en comparant la marge d'autofinancement (somme restante une fois couvertes les dépenses courantes, qui sert en fait à financer les nouveaux investissements) et l'inves- tissement net. Si le degré d'autofinan- cement est supérieur à 100%, cela signifie que la totalité des investisse- ments peut être couvert par ce que pos-

sède l'Etat. Nul be- soin donc d'emprunt.

S'il est compris entre 0 et 100 %, une partie des investissements sera payée directe- ment de la poche de l'Etat, le reste sera couvert par des em- prunts. S'il est néga- tif, on doit recourir à l'emprunt pour tout nouvel investissement.

Capacité d'autofinancement et marge de manœuvre financière

La deuxième se nomme capacité d'autofinancement. Le rapports'établit entre la marge d'autofinancement et les recettes courantes. Le consensus veut qu'un canton possède une bonne capa- cité d'autofinancement lorsque sa mar- ge d'autofinancement est supérieure ou égale à 10 % des recettes courantes. Si elle est inférieure, les recours à l'em- prunt se multiplient et se profile alors la spirale négative du surendettement.

Ainsi, conclut Délia Nilles, la marge de manœuvre financière d'un canton est appréciée au regard de la capacité d'autofinancement et du poids du ser- vice de la dette par rapport aux recettes.

A.G.

(14)

H I S T O I R E

Comment le vin vint aux Gaulois

J^endant ded diècled, nod ancêtred celted ont pré- féré La bière et L'hydromel à ce vin que Led Greed et

Led Romaind cherchaient à écouler doud nod latitude*).

Enfin conquid, IL dont devenu*) de meilleurd vigne-

rond que Leurd maîtred.

Matthieu Poux, auteur d'une thèse

à l'Université 3e Lausanne sur les rites de boisson en Gaule indépendante

D

ifficile d'imaginer les côtes du lac Léman sans les vignes qui les recouvrent. Et pourtant, l'arrivée des ceps dans nos contrées ne s'est pas faite en un jour. Le jus de raisin a rencon- tré bien des résistances avant de s'imposer dans les festins gaulois où les chaudrons étaient traditionnellement remplis d'hydromel (un alcool tiré du miel) et de cervoise, cette bière à base de levures sauvages.

Selon l'archéologue Matthieu Poux, auteur d'une thèse à l'Université de Lausanne intitulée «Vin méditerranéen et rites de boisson en Gaule indépen- dante», la vigne a dû s'y reprendre à deux fois pour conquérir la Gaule.

Deux tentatives séparées par plusieurs siècles, et par un long interrègne où la bière et l'hydromel avaient retrouvé les faveurs des guerriers du Nord.

(15)

Comment le vin vint aux Gaulois H I S T O I R I :

Porteur d'amphores, Athènes, vers 520-510 av. J.-C

Les premiers rosés

de Provence

T o u t c o m m e n c e v e r s 600 a v a n t J . - C , quand des colons grecs ins-

tallent une colonie à Marseille et plantent les premiers ceps sur la côte.

C'est le début de la diffusion du vin vers le Nord. Cette tentative initiale se transforme rapidement en succès, explique Matthieu Poux. Puisque l'on retrouve la trace de ces b r e u v a g e s dans les tombes princières des habi- tats celtiques du Hallstatt, où ils repré- sentaient le comble du luxe.

Mais, si ces premières exportations connaissent un succès spectaculaire, leur implantation reste éphémère et les Celtes reviennent vite à la bière et à l'hydromel. « L a Gaule des I Ve et I I Ie siècles ne livre plus aucune trace de vin

importé, alors que le vignoble marseillais connaît son apogée.

Ce recul du vin en Gaule n'est donc pas causé par une crise de la production, mais par un effon- drement de la demande indigène», ajoute Matthieu Poux.

Le chianti débarque

Le commerce du vin vers la Gaule ne r e p r e n d r a qu'au I Ie siècle avant J . - C , à l'époque dite des oppida (places fortes, ndlr). Cette fois, le chianti a rem- placé la retsina. «Les marchands italiens ont pris le relais des Grecs, en achemi- nant de nouvelles amphores (dites Dressel 1) par dizaines de milliers sur les côtes de la Provence, poursuit l'archéologue. Là encore, la diffusion est fulgurante. On estime à plusieurs

millions d'hectolitres le volume de vin importé en moins d'un siècle. Les tes- sons d'amphores sont si nombreux que les Gaulois les réutilisent pour paver les rues ou construire des murs.»

Contrairement à ce que l'on entend souvent, ce n'est pas la conquête romaine qui a assuré la fortune des marchands de vins italiens qui arro- saient la Gaule. «Les Celtes avaient bien anticipé le mouvement. La demande précède l'offre, assure Mat- thieu Poux. C'est un net accroissement des besoins indigènes qui a incité les marchands romains à renforcer leur présence en Narbonnaise.»

Les Gauloises libérées lèvent le coude

Reste à expliquer les revirements des consommateurs celtes qui consi- dèrent tantôt le vin comme le comble

Ces amphores englouties près des côtes françaises témoignent de l'importance du commerce du vin entre Rome et la Gaule

Maquette d'un bateau de commerce romain qui a pu amener

du vin italien vers la Gaule

2 4

Cette «princesse» d'une trentaine d'années est morte vers 480 av. J.-C.

du côté de Vix (France).

Elle figurait parmi les personne les plus puissantes de son temps

Ce cratère exceptionnel retrouvé dans sa tombe témoigne de sa richesse.

Fabriqué en Grande Grèce, il pouvait contenir jusqu'à 1100 litres

de vin parfumé d'épices

du luxe, et tantôt comme un produit de l'étranger qui inspire la plus grande des méfiances. «Mon hypothèse, c'est que ces changements d'attitude reflè- tent des modifications internes aux sociétés gauloises, répond Matthieu Poux. Ces variations sont culturelles.»

Et l'archéologue d'expliquer que le vin marseillais était apprécié par des princes celtes qui avaient adopté un mode de vie à la grecque, à l'image de celui pratiqué par tous les aristocrates européens de l'époque. «Entre 600 et 400 avant J . - C , les sociétés celtes sont très ouvertes. Un vent d'exotisme et de pacifisme souffle sur la Gaule. Le dépôt d'armements se raréfie dans les tombes au profit de services à boire importés du Sud, comme celui qui accompagne la fameuse «princesse» de Vix. C'est une période de grande libération, où le pouvoir religieux recule et où les femmes arrivent au pouvoir. Ce sont également elles (fait exceptionnel) qui boivent le vin.»

Le grand retour aux valeurs du passé

Cette période «soixante-huitarde»

est suivie d'une ère réellement réac- tionnaire, marquée par le retour des guerriers, du religieux, une mise à l'écart des femmes et une redécouverte des boissons traditionnelles comme l'hydromel et la bière. Certains acces- soires du banquet antique reviennent

également à la mode, comme le chau- dron, les seaux en bois et les broches à rôtir que l'on retrouve à nouveau dans les tombes de l'élite.

« L a Gaule des I Ve et I I Ie siècles est dominée par une caste d'aristocrates qui revient a u x usages du passé et qui abandonne le vin pour d'autres sym- boles de la puissance, comme les armes et les chars de combat, note Matthieu Poux. Le vin est toujours là, à portée de main, mais les Gaulois n'en boivent plus.» J u s q u ' à ce que se produise une nouvelle évolution des sociétés gau- loises qui redécouvrent la vigne quel- ques décennies avant la conquête de J u l e s César, lequel fera définitivement entrer la Gaule dans le cercle des pays producteurs de vin.

La sobriété des Helvètes

Les populations celtes installées sur les rives de notre bleu Léman ont-elles connu les mêmes évolutions que l'ensemble des Gaulois? En fait, la situation varie passablement d'une région à l'autre. On a retrouvé quel- ques amphores à Genève, très peu sur le plateau suisse et beaucoup à Bâle.

Autant de nuances que Matthieu Poux explique à nouveau par des «diffé- rences culturelles».

En fait, le rapport au vin devait varier d'un peuple celte à un autre. «Les Rauraques, qui vivent à Bâle, ont visi- blement remplacé la bière par le vin,

A L L E Z S A V O I R ! / № 2 7 O C T O B R E 2 0 0 3 2 5

(16)

Comment le vin vint aux Gaulois H I S T O I R E

observe Daniel Paunier, professeur honoraire d'ar- chéologie gallo-romaine à l'Université de Lausanne.

Quant aux Allobroges, ins- tallés sur les rives du Léman (entre Genève et Thonon) et le long du Rhô- ne jusqu 'au nord de Valen- ce, ils étaient tournés vers

le monde méditerranéen et sont très vite devenus des producteurs de vin. Ce n'est pas le cas des Helvètes, qui habi- taient le plateau suisse et qui sont res- tés attachés à des traditions ancestrales.

Eux n'adopteront le vin qu'avec leur intégration dans l'empire romain.»

Le vin corrompt les esprits

Pour trouver une explication à la résistance de nos ancêtres, il faut relire

«La Guerre des Gaules» où J u l e s César décrit les Belges comme les plus braves des Celtes, avant de formuler une appréciation similaire à propos des Helvètes. Il ajoute que les Belges comme les Helvètes étaient peu portés sur le vin, parce qu'ils se méfiaient des marchands romains qui avaient la répu- tation de corrompre les esprits.

Selon Matthieu Poux, le refus de remplacer la bière par le vin traduirait une forme de résistance à l'influence romaine. On peut aussi y voir la trace des tensions qui devaient exister entre des sociétés gauloises qui se démocra-

t e vainqueur de la. guerre des Gaules,

Jules César

Détail de la tombe d'un négociant en vins

La Gaule, dans son entier, est divisée en plusieurs peuples celtes, dont les Allobroges et les Helvètes

A

tisaient sur le modèle romain, et d'autres qui restaient plus attachées à leurs valeurs traditionnelles.

Il en arrive d'Italie, d'Es- pagne, de Grèce et même de Gaule, où la production a démarré.» En plus des vins marseillais qui sont en vente depuis six cents ans, voilà que la Moselle donne des vins recherchés.

Quant aux Allobroges, ils produisent un vin réputé appelé l'Allobrogica, ou Allo- brogique. On y trouvait des côtes-du- rhône de l'époque, ainsi qu'un ancêtre de la mondeuse, ce cépage qui est

Le triomphe des vins gaulois

Reste que la conquête balaie tous ces freins culturels. «Dès que la Gaule entre dans l'empire, le vin est importé de partout, observe Daniel Paunier.

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encore produit aujourd'hui en Savoie et qui constitue, avec le syrah, un des plus vieux plants gaulois.

A r r i v é s tard d a n s le c o m m e r c e du vin, les Celtes romanisés ou gallo- r o m a i n s ont très vite rivalisé avec l e u r s m a î t r e s . « L e s Gaulois sont un peu les J a p o n a i s de l'époque, sourit M a t t h i e u P o u x . Ils ont c o m m e n c é p a r copier les Italiens et les G r e c s a v a n t de s'imposer sur les m a r c h é s e u r o p é e n s . » A tel point q u e R o m e doit vite limiter les e x p o r t a t i o n s de v i n s g a u l o i s , pour p r o t é g e r ses pro-

d u c t e u r s qui subissaient u n e trop forte c o n c u r r e n c e .

La Suisse, un cas à part

La Suisse romande a-t-elle participé à cette culture du vin gaulois à grande échelle? Pour l'instant, la réponse est non. «Il n'y a pas de trace archéolo- gique d'une production importante de vin sur les côtes suisses du Léman, répond Daniel Paunier. On a bien retrouvé des tonneaux, quelques outils nécessaires au travail de la vigne comme cette faucille de Nyon, et même des grains de raisin. M a i s il n'y a pas trace d'une production massive, comme on en trouve ailleurs en Gaule, où l'on a retrouvé des villas dotées de pres- soirs, de cuves, avec une importante production d'amphores, des zones de stockage et des dolia qui pouvaient contenir 1000 à 1200 litres à la fois.»

Est-ce à dire que les Helvètes, pour- tant bons cultivateurs, n'avaient pas entrevu le potentiel viticole des terrains situés sur les rives suisses du Léman?

Cela semble difficile à croire. Daniel Paunier sourit : «Ce n'est pas parce que les archéologues n'ont rien trouvé pour l'instant qu'ils ne trouveront jamais. On découvrira probablement des traces un jour ou l'autre. M a i s pour l'instant, la production de vin en Suisse n'est guère attestée : il faut se contenter d'un mini- mum d'indices.»

Jocetyn Rachat

Cette serpette, retrouvée à Nyon, est l'une des très rares preuves qui montrent

que nos ancêtres gaulois taillaient la vigne sur les rives du Léman

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Comment le vin vint aux Gaulois H I S T O I K K

Le lever de coude à la gauloise

L e s R o m a i n s c o n s i d é r a i e n t l e s C e l t e s c o m m e d e s s a o u l o n s i n v é t é r é s . E n r é a l i t é , n o s a n c ê t r e s b u v a i e n t p o u r se d o n n e r d u c o u r a g e e t p o u r d e s m o t i f s r e l i g i e u x .

Daniel Paunier, professeur honoraire d'archéologie gallo-romaine à l'Université de Lausanne

S

i l'on en croit de nombreux his- toriens de l'Antiquité comme Diodore de Sicile, le vin était importé en Gaule p o u r y être bu à grandes gor- gées par des ivrognes», rappelle Daniel Paunier, professeur honoraire d'ar- chéologie gallo-romaine à l'Université de Lausanne. Les textes antiques ne cessent de dénoncer les dérapages de ces «barbares» qui ne respectaient pas les «bonnes mœurs». Notamment quand des guerriers celtes, pris de bois- son, s'entretuent au premier prétexte.

Ou quand ils se font surprendre avant la bataille, à cuver leur vin. Voire même quand ils triomphent puis anéantissent leur butin sous l'effet de l'ivresse.

Le vin, vous le buvez avec ou sans eau?

«Tout aussi choquant pour un Ro- main de l'époque: les Celtes buvaient le vin sans le couper avec de l'eau», ajoute Daniel Paunier. Par goût de l'ivresse? Les historiens dépassent ce cliché tenace pour avancer des expli- cations plus sérieuses. «Le vin servi dans les banquets gaulois avait une signification religieuse, ajoute le pro- fesseur. Il était le symbole du sang et de la vie. Voilà pourquoi il n'était pas coupé d'eau, ce qui aurait constitué un sacrilège.» «Quant aux amphores, elles constituaient des substituts idéaux du

sacrifice animal ou humain à cause de leurs formes humanoïdes», poursuit Matthieu Poux.

Cela explique probablement la tech- nique «à la hussarde» utilisée par nos Gaulois pour décapsuler leurs ampho- res. «Elles étaient souvent sabrées, à grands coups d'épée, dans un lieu pu- blic et devant une assemblée, avant d'être déversées dans des fosses, en sacrifice, ou d'être vidées dans des seaux en bois ou des chaudrons pour être consommées», avance Matthieu Poux.

Le vin, vraie potion magique

Pour le consommateur gaulois, ce vin «sanguin» devait conférer force et

Amphore vinaire italique de type Dressel 1

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Détail d'une épée gauloise retrouvée près de Lyon

puissance, comme le montrent plu- sieurs textes antiques qui nous décri- vent des assemblées de Gaulois armés, assis à même le sol autour d'un grand feu, et qui festoient en dévorant à pleines mains d'énormes quartiers de viande. Puis les arrosent de vin avant de se livrer à des duels à mort. « L a consommation du vin devait jouer un rôle de potion magique, qui permettait aux Gaulois de se doper pour se don- ner du courage avant la bataille», ajoute Matthieu Poux.

Plus largement, la distribution de vin devait servir d'instrument de domi- nation et de séduction des foules. Plu- sieurs sources antiques nous racontent

en effet que les princes celtes se van- taient de régaler des centaines de per- sonnes en vin et en viandes durant des semaines. Ces convives étaient d'autant plus susceptibles d'apprécier l'invita- tion que le vin constituait alors la bois- son des plus riches (les moins riches se contentant de bière et les plus pauvres d'hydromel).

Produit de luxe, le vin coûtait en effet le tarif e x o r b i t a n t d ' « u n e a m p h o r e contre un esclave». C'est dire si son é t a l a g e public à une telle échelle conférait du prestige à l'orga- nisateur du festin.

J . R .

P o u r e n s a v o i r p l u s : Exposition « L y o n avant L u g d u n u m » , jusqu'au 30 novembre 2003.

Pôle Archéologie du département du Rhône, M u s é e de la civilisation gallo-romaine de Lyon.

Combat de Romains et de Gaulois, par Evariste Luminals

Ces amphores vinaires ont été «sabrées» à grands coups d'épées gauloises

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