ESSAI DE MODELISATION DU FONCTIONNEMENT HYDROLOGIQUE DU BASSIN VERSANT DE
TOUGOU A L’AIDE DU MODELE KINEROS2
Hamma YACOUBA, Harouna KARAMBIRI, Bruno BARBIER, Lawani MOUNIROU, SOMDA M. L.Wenceslas
Correspondant auteur : hamma.yacouba@2ie-edu.org
Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement 01 B.P. 594 Ouagadougou 01 –Burkina Faso
Introduction et Problématique
L’Afrique de l’Ouest est soumise depuis une quarantaine d’années à une sécheresse qui se traduit par une diminution des précipitations annuelles et qui impacte l’environnement. Dans la zone sahélienne, on observe une forte variabilité et irrégularité interannuelle de la pluviométrie avec des intensités élevées. Ainsi l’adaptation des populations du Sahel à l’évolution du climat et l'augmentation constante de leurs besoins ont entraîné une surexploitation des terres avec des pratiques culturales probablement peu adaptées au contexte (défrichage des zones de végétation naturelle, brûlis, surpâturage, culture en continu sans suffisamment d'ajout d'amendements organiques, raccourcissement des périodes de jachères, etc.). Ce phénomène climatique et l’action humaine ont souvent accéléré la dégradation des sols (encroûtement des sols), conduisant parfois à des situations paradoxales d’augmentation des écoulements en dépit d’un déficit de la pluviométrie : on observe sur de nombreux hydrosystèmes du Sahel une augmentation du coefficient d’écoulement annuel. Ces hydrosystèmes qui offrent des conditions de ruissellement plus élevé se caractérisent par une diminution du couvert végétal, une extension des surfaces cultivées et des surfaces dégradées (Mahé et al., 2005). C’est le cas du bassin de Tougou situé dans la partie sahélienne du bassin de Nakambé. Le fonctionnement hydrologique de ces hydrosystèmes semble avoir évolué et il apparaît donc nécessaire en vue d’une meilleure gestion des ressources en eau par une connaissance plus précise des quantités disponibles de mieux comprendre le fonctionnement actuel de ces bassins versants : d’où la modélisation du bassin sahélien de Tougou.
Présentation de la zone d’étude et du matériel
Le bassin de Tougou est situé au nord du Burkina Faso dans la province du Yatenga à 23 km environ de Ouahigouya sur la route Ouahigouya-Titao. Sa superficie d'environ 40 km² englobe trois unités géomorphologiques majeures (végétation naturelle 6%, zone de culture 72 %, zone fortement dégradée ou sol nu 22 %). Ainsi deux sous-bassins représentant chacune une unité paysagère ont été identifiés et étudiés (le 1er en zone de culture, le 2ème en zone fortement dégradée). Le bassin ainsi que les sous-bassins ont été équipés en matériels de mesures des données hydroclimatiques (Pluie,
ETP, débit), d’humidité de sol et d’érosion. Des levés topographiques ont été réalisés sur les sous- bassins et ont permis de fournir les valeurs des pentes variables entrantes du modèle. Un échantillon de dix (10) événements pluvieux repartis sur trois années de mesures (2004, 2005 et 2006) a été retenu, pour la mise en œuvre du modèle.
Présentation du modèle et de la méthodologie appliquée
Le modèle cinématique d'écoulement et d'érosion KINEROS2 (KINEmatic Runoff and EROSsion) est un modèle mis à la disposition du public par Agricultural Research Service (ARS) du département de l’agriculture du gouvernement américain qui a été élaboré par Smith et al. en 1995.
C’est la version améliorée de KINEROS de Woolhiser et al. (1990). C'est un modèle distribué à base physique et par événement, capable de simuler les processus d'interception, d'infiltration, de ruissellement de surface et d’érosion pour de petits bassins urbains ou à usage agricole. Le bassin est représenté par le modèle par une succession de plans et de chenaux disposés en cascades selon un découpage et qui conserve la morphologie globale du bassin tout en respectant les pentes, les superficies et les sens de parcours de l'écoulement au niveau des sous-bassins constitutifs. Au niveau des plans, le ruissellement simulé est du type hortonien et dans un chenal, l’écoulement à surface libre est représenté par l’approximation cinématique des équations d’écoulements transitoires graduellement variés.
assin versant avec courbes de niveau b) découpage du bassin en sous-bassins et réseau hydrographique en tenant compte des lignes de partage
c) caractérisation du bassin en plans et chenaux
Le découpage du bassin de Tougou effectué en tenant compte des quatre règles adoptées dans le modèle a donné 11 chenaux et 44 plans de ruissellement, soit un total de 55 éléments. L’échantillon
des dix évènements pluvieux a été découpé en deux lots : le 1er pour le calage du modèle et le 2ème pour sa validation. Nous avons opté calé le modèle avec les plus fortes valeurs car ce choix permet de déterminer des paramètres réalistes du bassin ; le choix de petites crues pourrait conduire à des biais dans les résultats et celui d'un échantillon mixte résulterait à des paramètres moyens qui ne refléteraient pas la nature des sols du bassin (Karambiri, 2003). Le modèle a été calé successivement en utilisant chaque évènement pluvieux du premier lot. Le modèle KINEROS2, dans sa version initiale, ne comporte pas de procédure d'optimisation automatique. Pour cela, il a été couplé à un programme dénommé KINAUTO et permet d’optimiser le coefficient de rugosité de Manning, la conductivité hydraulique à saturation, et la poussée capillaire effective. Le critère de Nash (Nash et Sutcliffe, 1970) et la racine carrée de l'écart quadratique moyen ont été utilisés pour apprécier la qualité des sorties du modèle.
Premiers résultats et perspectives
Les résultats des premiers calages du modèle effectués avec chaque évènement pluvieux sont peu satisfaisants. La valeur du critère de Nash est pour la plupart très faible. Seul le calage du modèle avec l’évènement du 9 août 2005 a donné comme valeur du critère d’appréciation 0,85. En comparant les hydrogrammes des crues observées et simulées, (figure 1), il est à remarquer que les simulations ne font pas ressortir la forme bimodale des hydrogrammes. Les volumes simulés sont en général sous-estimés. Les débits maximaux et les instants d'apparition des débits maximaux, ils sont difficilement interprétables étant donné que la forme bimodale ne ressort pas dans les simulations.
Evènement 04-juin-05 10-juil-05 09-août-05 14-juil-06 19-juil-06
Nash 7,4 % 20,1 % 84,7 % 38,0 % -18,9 %
Figure 1: calage du modèle : comparaison des hydro grammes de crue observés et simulés
L’idée d’illustrer la forme bimodale des hydrogrammes simulés s’est adaptée en faisant un test de sensibilité des trois paramètres. L'étude de sensibilité des paramètres révèle l'influence de la rugosité sur la forme des hydrogrammes simulés, quant à la perméabilité et à la poussée capillaire effective, ils n'influencent que les volumes ruisselés et les débits maximums.
Après ces difficultés avérées, il a été adopté un calage différencié en modifiant les paramètres des plans et des chenaux les uns indépendamment des autres pour reconstituer l'hydrogramme. La figure 2 fait remarquer que dans l'ensemble les formes des hydrogrammes sont améliorées, l'aspect bimodal des hydrogrammes est remarquable pour tous les événements. Cela confirme les hypothèses de l'inadéquation de paramètres globaux pour les sols cultivés et les chenaux pour une bonne restitution de la forme de l'hydrogramme.
Evènement 04-juin-05 10-juil-05 09-août-05 14-juil-06 19-juil-06
Nash 5,6 % 19,8 % 88,3 % 42,3 % 54 %
Figure 2: calage différentiel à partir de l'événement du 09août05 : comparaison des hydrogrammes observés et simulés sur l'ensemble des événements.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, les premiers résultats de la modélisation du fonctionnement hydrologique du bassin de Tougou à l’aide du modèle KINEROS 2 méritent d’être approfondis. Face à ces premiers résultats trouvés, de nombreuses questions se posent :
Quelle est la qualité du découpage du bassin ? La caractérisation du bassin en plans rectangulaires est assez estimative du fait de la forme de certains sous-bassins, et notre choix d'une largeur uniforme pour les chenaux de même type peut être discuté.
Quelle est la qualité des données pluviométrique ? La mauvaise répartition des pluviographes ainsi que leur faible nombre (cinq pluviographes pour une quarantaine de km²) génèrent de fortes incertitudes quant à la représentativité de la variabilité spatiale de la pluviométrie sur le bassin. Il convient de rappeler le pas de temps de la modélisation (horaire ou journalier).
La représentativité des états de surface ? Les états de surface n'ont pas des propriétés statiques durant toute l'année ; l'apparition des herbes avec les premières pluies, la poussée des cultures et les travaux de remaniement du sol (tels que les labours entre autres) sont autant de facteurs qui modifient le ruissellement et l'infiltration d'une saison à l'autre mais aussi d'une année à une autre (car la pluie ne débute pas chaque année à la même période).
Les limites du modèle ? D’après Michaud et Sorooshian (1994), le modèle KINEROS a donné de bons résultats pour des sous-bassins d’environ 10 km² mais a montré ses limites par de faibles performances pour les grands bassins versants d’environ 150 km² (A.
Chaponnière, 2005).
Conclusion et perspectives
Les résultats sont moyens dans l’ensemble et les écarts de performance du modèle révèlent un comportement hétérogène du bassin en fonction des différents événements pluvieux. Ces écarts observés ont suscitées des interrogations que nous avons mentionnées plus haut. Comme perspectives, on se propose de modéliser dans un premier temps chaque sous-bassin dont les superficies sont nettement plus réduites afin de mieux comprendre le comportement du modèle sur chaque unité paysagère et sur des bassins plus petits. On pourra mieux comprendre le fonctionnement du bassin de Tougou.
Bibliographie.
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Thèse Doctorat, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, 136pp.
SMITH R. E., GOODRICH D. C., UNKRICH C.L., 1999. Simulation of selected events on the catsop catchment by KINEROS2 – a report for the GCTE conference on catchment scale erosion models. Catena, 37:457-475.
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ZIN I., 2002. Incertitudes et ambiguïté dans la modélisation hydrologique. Thèse Doctorat, Institut National Polytechnique de Grenoble, 174pp.
