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Submitted on 1 Jan 1903
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Sur les propriétés élastiques des fils de soie et le coefficient de Poisson
F. Beaulard
To cite this version:
F. Beaulard. Sur les propriétés élastiques des fils de soie et le coefficient de Poisson. J. Phys. Theor.
Appl., 1903, 2 (1), pp.785-795. �10.1051/jphystap:019030020078500�. �jpa-00240830�
785
SUR LES PROPRIÉTÉS ÉLASTIQUES DES FILS DE SOIE ET LE COEFFICIENT DE POISSON;
Par M. F. BEAULARD.
1. Malgré l’emploi fréquent des fils de soie dans les suspensions
.utilisées dans les laboratoires de physique, les paramètres élastiques
_de cette substance sont mal connus ; on ne possède que les déter- minations numériques de Frankenheim (1835) relativement à l’élas- ticité et à la tenacité de la soie, l’observation de Weber signa-
lant ce qu’il appelle l’effet tardif élastique (nachwi"rkung) d’un fil
soumis à un poids tenseur, et, antérieurement aux recherches de ces
deux physiciens, les expériences classiques de Coulomb sur les phé-
nomènes de torsion (1784). Malgré toute l’importance des travaux précédents, l’étude des propriétés élastiques des fils de soie est à reprendre, car, en pareille matière, les résultats numériques ne
valent que si l’on connaît exactement dans quelles conditions et suivant quelle technique ces résultats ont été obtenus; les recherches de M. Bouasse sur l’élasticité des fils métalliques ne laissent aucun
doute à cet égard.
Dans ce travail, j’ai eu d’abord en vue la détermination cori,ecle du module de et j’ai été amené par la suite à déterminer,
outre les deux paramètres de Lamé, p et ~, le coefficient de Poisson c,
ce qui soulève la question de l’isotropie ou de l’anisotropie de la soie.
2. La constitution d’un fil de cocon est assez complexe; les glandes
du vers à soie sécrètent une bave double qui, coagulée à l’air, donne
le fil continu, brillant, élastique et souple, dont le cocon est formé ;
en dévidant celui-ci, on peut obtenir jusqu’à 1.200 mètres de fil,
constitué pour 75 0/0 d’une matière azotée dite fibroïne, et pour 2;5 0/0 d’une matière gommeuse dite grès ; lors de l’émission de la
bave, à cause du mouvement de va-et-vient du vers à soie, les deux
baves sont en état d’inégale tension, que M. Crémieu (’ ) compare
justement à deux ressorts à boudin entremêlés; il résulte de cette constitution complexe que les allongements temporaires et perma- nents se compliqueront des allongements de rectification ; le module d’Young, calculé d’après un tel allongement, n’a pas de signification physique nette.
(1) J. de Phys., p. 41 de ce ;ol.
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphystap:019030020078500
786
D’après Coulomb, un fil de soie peut supporter ~.0 grammes sans
qu’il y ait rupture ; d’après W. Weber, l’allongement peut atteindre
1 2
le 1 7 de la longueur g du fil ; les 3 3 de l’allongement g restent permanents, P c’est-à-dire qu’un fil de soie est affecté d’une déformation permanente notable ; du reste, sous l’effet d’une tension, l’état d’équilibre met
des heures à s’établir, et il en est de même pour le retour à la forme
primitive, quand on supprime le poids tenseur.
’
3. Soit ~L l’allongement d’un fil de longueur L, de section S, sou-
mis à une charge égale à P, si l’on connaît P, L, S, et si l’on déter- mine ôL par le cathétomètre, on calcule le module d’Young E par la
formule :
on considère quelquefois, au lieu de E, son inverse a, qui peut évidem-
ment s’écrire :
1 étant l’allongement de l’unité de longueur pour une charge 7r par
unité de section du fil ; si, dans les mêmes conditions, ~ est la con-
traction latérale du fil, le coefficient de Poisson 5 est le rapport de
cette contraction latérale ~ à l’allongement longitudinal i :
Si l’on pose, avec Lampé :
on a pour a et E, évalués en fonction des paramètres ~. etp de Lasné :
telles sont les relations dont nous aurons à nous servir. Le paramètre.
se détermine par l’élasticité de torsion ; on a pour le couple de
torsion r (par radian) :
787 en posant :
y est le coefficient de Coulomb; r étant connu par la durée de l’os- cillation et le moment d’inertie du système oscillatoire, on détermine
opar:
et p par,
on connaît alors par l’expérience E et on calcule d’abord a par :
et ensuite par :
Il est possible alors de calculer le premier paramètre ), de Lamé
par l’une ou l’autre des équations :
,4. Le fil sur lequel on a opéré était un fil tiré d’un écheveau com-
mercial ; il résultait du dévidage de quatre cocons. Son diamètre a
été déterminé d’abord avec un microscope micrométrique, et en-
suite la même mesure, pour avoir un contrôle, a été reprise avec un microscope de naturaliste (Leitz) à micromètre oculaire gradué et
taré en microns ; les nombres trouvés ont été aussi concordants que
possible pour un même fragment du fil ; pendant la mesure, le fil est
maintenu tendu par le poids moyen auquel il est soumis d’ordinaire
(15 grammes environ). On trouve ainsi D = O~m,004 il~~ (nombres
extrêmes : DE1n,00~~0 et 0~~,00~’~1.0).
5. Pour connaître le module de torsion de Lamé), on a utilisé
la méthode des oscillations ; le fil, long de 50~,99, était tendu par
une sphère de diamètre et de masse br,36 ; son moment
d’inertie 1 2 » 4,341 gr-cm2 ; l’amplitude moyenne de l’oscil-
788
lation a été de 30° dans une expérience et de 5° dans une autre;
cette amplitude était déterminée au moyen d’une lunette, permettant
de viser une petite bande circulaire de papier, divisée en 36 par- ties et collée sur l’équateur de la sphère. La réduction, dans les deux cas, à une amplitude infiniment petite, a donné pour la durée de l’oscillation t - 58sec ,548; on en déduit (’ ) :
d’où:
et enfin :
6. Il reste maintenant à déterminer le module de traction, dans
des conditions telles que le nombre trouvé ait un sens bien défini ;
les allongements du fil sont mesurés avec un cathétomètre donnant le 1 20 millimètre ; le fil porte p deux traits noircis servant de repères a
et b; .il est tendu par un plateau de masse égale à 12Ôr,à>à3 , et on opère par surcharges de 2 grammes, foi grammes, 6 grammes et même 8 grammes; les masses sont posées et enlevées de façon à
éviter tout choc, toute trépidation ou oscillation appréciable ; pour
mesurer 8L, on visc alternativement a, b, puis c~, b, et ainsi de suite, jusqu’à ce que deux lectures consécutives de a ou de b donnent le même résultat, à 120 de millimètre près; l’état d’équilibre est ainsi
atteint dans chaque expérience.
On constate, tout d’abord, que l’allongement croît bien plus rapi-
(lenient que la charge. Les résultats numériques ne correspondent
alors à rien de précis, surtout à cause de l’allongement de rectifica- tion ; il en résulte que la valeur du module d’Young diminue rapi- dement; on constate ég alement que l’allongement, d’abord très rapide,
devient moins rapide quand on se rapproche de la rupture qui a lieu
pour la surcharge de 8 grammes (soit ~0,~~~) ; on calcule facilemen t
(1) Coulomb donne pour un fil T =1: 0,003254; ce qui, pour un fil de 4 baves, cor-
respond à r -- O,Oi2l6, valeur presque identique au nombre précédents.
789
le coefficient de ténacité :
et pour un fil simple (deux baves) :
7. Pour déterminer le module d’Young, on a opéré par variations
cylindriques de la charge, celle-ci variant de 1~,545 à 18gr,546 en repassant par 15_,r@545 et 16,545, pour revenir à 12gr,545 en repas- sant par les charges intermédiaires 16~r,~~3 et 14~,545; on sait que, suivant la loi dite d’accommodation, les diagrammes qui repré-
sentent l’allongement en fonctionss de la charge , finissent par se
fixer; en dehors de toute hypothèse, quand le parcours fixé est un
cycle fermé, on dit qu’il y a hystérésis; dans les expériences qui
vont suivre, le diagramme de l’allongement du fil était fixe à peu
près dès le deuxième cycle ; dans une expérience, on a poussé jus- qu’au quatrième cycle; aux erreurs d’expériences près, ce parcours est
une ligne droite : à ce moment, les allongements sont proportion-
nels aux charges, c’est-à-dire que le module de traction est indépen-
dant de la charge, l’élasticité du fil amené dans cet état est parfaite ;
et, comme le parcours peut être parcouru dans les deux sens, la valeur du module ne dépend pas du sens de variation de la charge ;
il n’y a plus d’hystérésis pour un fil ainsi préparé.
La fig. 1 est la traduction graphique des résultats (obtenus avec
le fil n° 1) poids - abscisses ; allongement :::::-. ordonnées. L’origine correspond à po _-_ i2,545 :
i° Dès le début l’allongement croît plus rapidement que la charge;
~° L’allongement permanent OE à la fin du premier cycle est égal
à il vaut 0,33 pour cent de la longueur primitive ;
3° L’allongement permanent EK à la fin du second cycle est égal à
0-,005, c’est-à-dire infiniment plus faible que précédemment ; il ne
vaut que 0,10 pour cent de la longueur primitive ;
4" Les variations de 8 et de 7 sont moindres que les variations de E ; en particulier la valeur 8 de la contration latérale varie peu
avec la charge ;
51 La fig. 1 montre qu’on a un cycle fermé BCDEFGB et que ce
cycle, conformémentaux exigencesde la théorie, est sinistrorsum. Soit
la chaleur correspondante à une modification élémentaire dont
790
l’ensemble constitue le cycle ; le cycle n’étant pas réversible à cause
des modifications permanentes, et les opérations étant lentes, on peut
FIG.
regarder le cycle comme parcouru à température constante, et par suite on doit avoir :
en désignant par Tr le travail du poids tenseur, le principe de la con-
servation de l’énergie donne JQ - Tr = o ; d’où là condition Tr> 0 le
791 travail Tr doit donc être positif: il est égal à l’aire EFGHH’ - l’aire EDCHH, qui est en effet positive ;
6° Enfin, et c’est le résultat le plus important, la dernière descen- dante D2 est presque rectiligne; l’élasticité du fil est parfaite, et il n’y a pas hystérésis ; les valeurs de E, déduites de ce dernier parcours sont les suivantes :
.8. Une deuxième série (fil n° 2), faite dans les mêmes conditions, a
donné également lieu à un dernier parcours quasi rectiligne ; ce qui
conduit au résultat suivant :
FrG. 2.
9. Enfin je donnerai une dernière série de mesures, la plus com- plète ; les expériences ont été poussées jusqu’au ~.~ cycle ; la dernière
descendante est absolument rectiligne, le tableau suivant a été tra-
duit en courbe (fig. 2) ; on a dû adopter deux échelles ; la première
792
ascendante (peu importante du reste) a été figurée à part, à droite
de la figure ; les lettres du tableau correspondent aux lettres de la
courbe ; les deux premiers cycles sont séparés des deux derniers
cycles par l’intervalle d’une nuit ; ils ne se raccordent pas absolument pour cette raison.
Les longueurs du fil pour une charge nulle (c’est-à-dire réduite au
seul poids du plateau, qui sert à recevoir les charges) sont :
le fil abandonné à lui-même, pendant une nuit, diminue de longueur,
et le matin la longueur mesurée sous charge nulle n’est plus que 491-,165 au lieu de 49~,~0, d’où un raccourcissement de 0~,055;
ainsi l’allongement àL + àlj’ ‘ 1,55 correspond en partie à une
déformation permanente 1. cm ,45 et en partie à une déformation tempo- raire le point figuratif s’abaisse de J en K; en partant de
cette valeur, on procède de nouveau par charges croissantes et
décroissantes ; la longueur L~ == 49,165 correspond au point K de
..la courbe ; c’est le commencement d’une seconde variation cyclique KLMNOPQRSTU ; on a pour les longueur du fil sous charge nulle :
les allongements sont de plus en plus faibles, et le fil tend vers un état limité doué de stabilité, lequel constitue un état naturel du sys- tème dans les conditions de l’expérience.
TABLEAU III (Pl. no 2).
,793
En ne conservant que les résultats relatifs à la dernière ascendant.e
et descendante, on a :
’
En résumé, les trois séries d’expériences ont donné les résultats
suivants :
dont la moyenne générale est :
10. Avec les données précédentes, il est possible de calculer le para-
mètre de Lamé (a étant déjà connu); avec a == 1.563 et
794
p = 1,268 . 10~o, la formule :
donne:
de même, la relation :
avec E = 6,50 . lOtO et même valeur de u == i,68 .1040, donne pour A la même valeur négative.
Il est maintenant possible d’aborder la question de l’isotropie ou
de l’anisotropie de la soie : on sait que la théorie de l’élasticité des corps isotropes dépend pour Lamé des deux coefficients X et pL, nécessairement positifs et constants ; tandis que Saint-Venant réduit
ces deux coefficients à un seul, en posant, dans le cas de l’iso- tropie, X _ p.
La valeur négative trouvée pour À montre que la théorie de l’élasticité des corps isotropes n’est pas applicable à la soie ; elle correspond à une dilatation transversale qui accompagnerait la dila-
tation longitudinale : ce qui paraît inadmissible.
Voigt, il est vrai, dans ses recherches sur les cristaux, a constaté
que si, pour la topaze, l’allongement longitudinal est accompagné
d’une contraction transversale, il n’en est pas de même pour la
pyrite et le chlorate de sodium, où l’allongement longitudinal s’accompagne d’une dilatation transversale; mais il s’agit ici de cristaux, corps à texture particulière, sans analogie avec celle de la
soie ; à moins de regarder la soie comme une substance de nature
fibreuse, auquel cas le problème de l’élasticité dépendrait de 5 para- mètres et non plus de ~.
11. La valeur numérique 7 = 1,563 conduit également à ad-
mettre l’anisotropie de la soie ; la condition À = p introduite dans la formule a = ’ donne cr = 1 pour toutes les substances iso-
2 (X T N) 4
tropes. Les recherches de Wertheim (caoutchouc, laiton et cristal), don-
nèrent pour cr non la valeur (> 4 mais la valeur1 3 o (c’est-à-dire = 2fJ-) ;
à la suite des travaux mathématiques de Cauchy, Lamé, Kirchhoff, il
795 fut généralement admis que c devait être compris entre 0,~5 et 0,50
et pouvait varier d’un métal à un autre, toute valeur de c > 0,50
impliquant une déformation permanente ; d’après Cornu, la valeur
c 1 4 semble convenir en effet aux corps isotropes dont le verre est
le type le plus net, car les métaux fondus ont une texture cristalline,
et les métaux laminés une texture fibreuse. Or la valeur c = 1,563
trouvée pour un fil de soie est plus de six fois plus forte que celle
qui caractérise l’isotropie.
Le volume du fil diminue par la traction ; on a :
ou en tenant compte des valeurs de « et de E :
avec les valeurs numériques de a de E, ou de X et p, on trouve :
Voigt préfère caractériser l’isotropie par le rapport des deux
modules :
’avec les valeurs numériques q de E et , tJ. le rapport E - 5, t double du
rapport qui caractérise l’ijoti’opie (1 ) .
v-
La conclusion générale de ee qui précède est que la soie est aniso-
trope.
1~. A titre de renseignements, le tableau suivant donne les valeurs des deux modules d’élasticité, et de la ténacité pour l’argent, la soie,
le quartz filé ().
- -