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Qu’on nous écoute, enfin !

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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ET DES PRATIQUES N A T I O N A L O B S E R V A T O I R E

DES PROGRAMMES

Qu’on nous écoute, enfin ! D

ans ce numéro spécial « lettres » nous faisons le point sur un certain nombre

de questions qui nous préoccupent tous, professeurs de lettres modernes et anciennes : l’évaluation, l’application de la réforme des programmes en lycée, le sort des langues anciennes, l’EAF… Nous abordons également des aspects de notre enseignement qui connaissent des évolutions, nous proposons des pistes de réflexion...

On le constate hélas bien vite, peu de raisons de se réjouir ! Avant tout s’impose l’impression que malgré les amabilités de façade, nous ne sommes pas entendus, ni même seulement écoutés. Exemple des réformes conçues loin des acteurs du terrain, présentées « à l’arraché » à des consultations-marathon qui dans ces conditions ne peuvent prétendre refléter suffisamment les opinions des enseignants. Textes qui paraissent pendant les vacances... La certitude vécue que peu à peu notre situation se dégrade, sur le plan de la charge de travail, sur les effectifs : pertes d’horaires, disparitions de modules... Il nous reste à gérer des classes hétérogènes, à adapter nos pratiques pédagogiques à la diversité de nos élèves dans le souci de les faire accéder tous à un contenu d’une exigeante qualité. En compensation sans doute, on impose sans aucune formation une panacée pédagogique : les séquences.

L

a redéfinition des épreuves de l’EAF représente une péripétie particulièrement scandaleuse. Ces épreuves sont contestées dans leur contenu par les

enseignants sur plusieurs points, et de plus très difficiles à organiser sous la forme annoncée. Nous le crions, nous le signons. Notre pétition réclame des aménagements pour cette session, une évaluation des épreuves 2002 et une remise à plat avec concertation.

Et pourtant ! Peu de jours se passent sans que notre ministre ne réaffirme l’estime dans laquelle il nous tient, et l’importance qu’il accorde à notre mission.

Paroles, écrits provenant de lui soulignent le rôle essentiel de l’enseignement du français, de la maîtrise du langage à l’acquisition d’une culture littéraire propice au développement de l’esprit critique, à l’autonomie de la pensée, donc au véritable épanouissement des individus que sont nos élèves. Des initiatives médiatisées ont donné un moment l’espoir que les langues anciennes seraient sauvées. Mais concrètement, quelles retombées ?

A

lors, résignation individuelle ou combat collectif ? Le SNES, notre

« groupe lettres », ont pris toute la mesure du mécontentement des enseignants de lettres. Ces pages témoignent de l’activité déployée pour que nous soyons entendus : il faut poursuivre et amplifier cette expression. Nous redirons haut et fort que nous ne nous payons pas de mots, que les actes valent mieux que beaucoup de paroles... S’il nous arrive d’avoir à l’occasion le sens de l’humour, nous pouvons affirmer que la façon dont notre enseignement est traité ne nous fait pas rire.

Assez d’amabilités rhétoriques ! Nous voulons des mesures concrètes qui prouvent qu’on nous écoute, et qui répondent au malaise croissant des collègues en

exercice. Qu’on tienne donc compte des propositions qui émergent, au fil des stages, des débats que nous organisons avec les acteurs du terrain, au lieu de généraliser de force des modes pédagogiques, dévoyées des travaux

des chercheurs. Solennellement, nous le disons, Monsieur le Ministre, il est grand temps d’organiser une véritable concertation avec les enseignants de lettres et de les entendre.

Marylène Cahouet, Cathy Mérand, Daniel Forgeot Philippe Le Quéré, Michel Thomas Sommaire

Evaluation Sixième/

Seconde ... pp. 2-3

Le point sur le collège ... pp. 3-4

Langues anciennes

du collège au lycée ... p. 5

EAF : intolérable ! ... p. 6

Le point sur les séquences au lycée ... p. 7

De la littérature

pour la jeunesse... p. 8 Ce 8 pages a été réalisé par :

Marylène Cahouet, Cathy Mérand, Daniel Forgeot, Philippe Le Quéré,

Michel Thomas

Consultez le site :

www.snes.edu/observ/

(2)

FRANÇAIS-LETTRES

P

endant quasiment une semaine, les élèves de Sixième consacrent leur horaire d’enseignement à l’évaluation.

Leurs professeurs eux-mêmes passent des heures à la coder.

Pour qu’une telle dépense d’énergie soit consacrée, c’est sans doute que le résultat en vaut la peine… Il est hélas permis d’en douter et pour plusieurs raisons. Non que ces exercices soient globalement mal faits ; c’est tout simplement qu’à part les ambitions « scientifiques » de leur appareil, ils n’appor- tent rien de plus que ce que le même temps d’observation de la classe dans un cadre traditionnel aurait fait découvrir.

Le codage semble précis et donne l’impression que l’ap- proche de l’élève est plus fine, mais en fait ? Seul le rapport sur le long terme avec l’élève permettra de comprendre ses erreurs et ses confusions. Exemple : « Domi » et « Juju » sont des sobriquets neutres. Mais qu’y peut-on si l’élève connaît, dans la vraie vie, de vraies personnes aimablement sur- nommées « Domi » et « Juju » ? L’institution invite sans relâche les professeurs de lettres à prendre en compte la

« culture jeune ». Soit. Dans ce même exercice, les concep- teurs du cahier auraient pu éviter, cette année, la référence à « Kiki et Loulou ». Ces sur- noms ne sont plus neutres : ils ont renvoyé bon nombre d’élèves à leur émission favo- rite : « Chichi et Loulou, un gar- çon et une fille »et les ont pous- sés à donner une réponse impulsive et erronée. Dans ce cas que mesure-t-on ? De même, c’est quoi « la droite de l’immeuble ? » Les élèves qui

« ont faux » ne sont-ils pas les plus subtils ?

Ce qui gêne le plus dans ces évaluations c’est la posture à laquelle elles invitent les imprudents parmi lesquels se ren- contrent quelques chefs d’établissement zélés : « Maintenant que nous connaissons les difficultés de vos enfants, nous allons enfin pouvoir y remédier ». Les parents rassérénés ont rarement l’insolence de demander pourquoi on ne l’a pas fait plus tôt.

Heureusement, parce qu’il n’en est rien ; nantis de ces tests, nous ne connaissons pas plus les causes des échecs qu’avant.

Nous aurons vu la manifestation des difficultés, c’est fort dif- férent.

Les auteurs des tests disent d’ailleurs que « la prise en charge des élèves en difficulté ne saurait consister en des exercices répéti- tifs, mécaniques, éclatés, décontextualisés... ». L’expérience prouve que c’est assez vrai mais c’est à peu près ce type d’exercices qui est proposé comme test d’évaluation, ce qui pourrait préparer justement à des remédiations méca- nistes. A ce propos, d’ailleurs, les tests ont perdu au fil des années la valeur d’exemple de « ce qu’il faut faire » qu’ils pré- tendaient avoir à leur début. Ce qu’ils proposent semble désormais bien traditionnel et peu renouvelé. On est assez loin de tous les « autrement » censés régler les problèmes.

Car sur les pistes à explorer pour la prise en charge des

élèves en difficulté : rien. Sinon qu’elle ne pourra se faire que dans le cadre de « progressions intégrant des séquences cohé- rentes qui donnent du sens et des finalités aux apprentissages. » (cf. présentation générale du cahier d’évaluation). Que la séquence soit devenue magique, nous le savions déjà ; ce sur quoi nous aimerions des éclaircissements, c’est sur les heures de remédiation faites dans la séquence mais hors de la séquence dans la mesure où tous les élèves ne les fréquen- tent pas, et où on fait « autre chose ». Le petit livre jaune ne nous le dira pas.

Est-ce à dire qu’un système doit renoncer à s’évaluer ? Certes non. Il est de son devoir de le faire mais il faut défi- nir réellement avec ses acteurs pourquoi on le fait et quel mieux pour tout le monde on en attend. Les concepteurs de l’évaluation de Sixième ont toujours écrit qu’elle n’était pas faite pour voir des évolutions (encore que des chercheurs en exploitent les livrets), et, de fait, le laxisme délibéré avec lequel elle code ne permet évidemment pas aux res- ponsables de connaître l’état de langue des élèves ; beaucoup de professeurs se préoccupent, par exemple, des difficultés de nombreux élèves en conjugaison. Que peuvent bien apprendre les responsables des enseignements du dépouille- ment des items 85 et 91 de la séquence 4 (composer un écrit) Sauront-ils qu’un nombre croissant d’élèves écrit : « je chanté, je chanter, j’avais chantais ? »Le savoir les intéresse-t-il ? Si cela ne les intéresse pas, au nom de quoi prétend-on nous sou- mettre à des cérémonies évaluatives à chaque année du collège ? Il y a certes d’autres connaissances ou compétences à évaluer que l’orthographe mais il est plus que temps d’en débattre avec des enseignants qui se veulent aujourd’hui plus que jamais concepteurs de leur discipline.

LYCÉE

L

a version 2001 du test d’évaluation a suscité, une fois de plus, maintes protestations chez les collègues. Pour résu- mer :

Le corpus d’appui ne manquait pas d’intérêt, malgré la dif- ficulté parfois jugée excessive de l’article de Télérama. Mais la présence des quatre documents a pénalisé les lecteurs lents, qui ensuite n’ont pas eu assez des 55 minutes prévues pour la partie « lecture ». Commencer par l’approche tech- nique peut à la rigueur se justifier, à condition que les ques- tions soient valables : il est plus pertinent d’étudier le jeu entre passé simple et imparfait que d’imposer l’arbitraire d’un

« temps dominant ». Les questions suivantes invitaient à dis- tinguer les « effets de la musique sur les comportements et attitudes » de ses « pouvoirs sur les esprits » : distinction non comprise par tous, et pas seulement par insuffisance lexicale, qui sans doute voulait traduire en termes plus accessibles les fonctions « impressive » et « expressive » du schéma cano- nique de la communication. Il aurait été probablement plus clair de faire repérer dans chaque texte l’effet de ce

Evaluation Sixième / Seconde

COLLÈGE

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Le point sur le collège

A

trois mois de la fin de l’année scolaire, les professeurs dans les collèges se préoccupent de la prochaine rentrée et se demandent si quelque chose va dans le bon sens dans ce qu’on leur annonce... A la rentrée de septembre 2001, l’ac- cent avait été mis sur l’accueil des Sixièmes. Nous n’avons rien à redire à cela... Mais en accueillant leurs parents en 2002 nous pourrons leur dire que leurs enfants auront une heure de moins que leurs aînés de Cinquième en français.

Seuls ceux qui sont hantés par l’idée que leur enfant pour- rait en faire trop auront motif à se réjouir.

Certes, globalement, il y aura plus de moyens pour les sou- tenir, mais si l’on observe l’alignement général sur les four- chettes basses, on se dit que le collège passera bientôt plus de temps à aider à comprendre les leçons qui n’ont pas été faites qu’à les faire. Mais peut-être pense-t-on qu’il n’y a plus de « leçons » à donner et que « maîtriser » n’étant pas exac- tement « connaître », « faire » même brièvement peut dis- penser du temps nécessaire à la réflexion. Ce n’est pourtant pas l’esprit ni des programmes ni des documents d’accom- pagnement, ce n’est même pas l’esprit de l’opuscule

« Qu’apprend-on au collège ? », malgré son grand flou au sujet de ce qui est réellement requis en termes d’outils de langue... On retiendra simplement qu’en ces temps de grosses préoccupations sur le niveau de langue de nos élèves (il y a de quoi...) on aura choisi de réduire l’horaire de français en Sixième qui avait été le point indiscutablement positif d’une réforme précédente...

Au-delà, on pourrait aussi se demander pourquoi ces élèves, qui ne sont évidemment pas plus sots que ceux des géné- rations précédentes, ont perpétuellement besoin d’être

« aidés ». On pourrait aussi écouter les collègues qui, pris dans la spirale vertigineuse de l’aide, constatent que l’on n’aide jamais assez et qu’il arrive un moment où l’élève oublie totalement ce qu’il devrait attendre de lui-même. Il n’est besoin d’être ni un obsédé de l’orthographe, ni un lin- guiste érudit pour constater la multiplication d’erreurs de langue qui étaient beaucoup plus rares il y quelques années seulement et qui indiquent une énorme incompréhension de la structure et du système de signes de la langue française.

Pour beaucoup d’élèves, il ne s’agit plus de connaissances partielles à consolider et à développer, ni « d’étourderies », il s’agit d’une confusion immense dans laquelle il est très dif- ficile de retrouver le fil qui leur permettrait de démêler l’écheveau. Sans fétichiser l’orthographe, on peut tout de même admettre que les oublis, les confusions, les lacunes des élèves disent quelque chose sur leur maîtrise du langage.

C’est pourquoi la juste recommandation pédagogique de par- tir des représentations et des erreurs des élèves devient très difficile à mettre en pratique puisque l’état de confusion sur des principes de base est tel que nous avons souvent l’im- pression de ne pas être devant une erreur mais devant un choix aléatoire que ni l’élève ni le professeur n’arrive à analyser, du moins dans le temps forcément limité de la classe et dans le souci de ne pas négliger le reste du groupe.

Le travail d’écriture recueille les critiques les plus vives. Le choix du sujet, d’abord : certes, la musique est un thème inté- ressant. Mais, outre qu’on ne peut le raccorder au nouveau programme de Seconde, ce qui invalide d’entrée les « pro- longements » pourtant séduisants proposés dans le fascicule, son traitement « jeuniste » l’a majoritairement condamné : la « zicmu », littéralement l’envers de la musique (de vieux ?) évoquée dans le corpus, pourtant déjà soigneusement éloi- gnée de la musique classique (jazz et « musique du monde » espagnole et africaine), invite les jeunes à se couler dans le moule préfabriqué du rappeur de banlieue fondu de science- fiction, et les professeurs à actualiser leur culture en ce domaine (fascicule p. 16). Et ceux qui n’y connaissent rien et n’ont aucun goût pour ce cliché, que peuvent-ils écrire, et comment peuvent-ils évaluer ? D’où le fréquent boy- cott. Les consignes d’écriture , qui une fois de plus mettent sur le même plan arguments et exemples, au mépris du b.a.- ba de l’argumentation, débouchent sur une petite « inven- tion ».

La grille d’évaluation recèle les mêmes lacunes que les pré- cédentes sur la grammaire de phrase, nettement sous-repré- sentée en regard des grammaires de texte et surtout de dis- cours. Beaucoup de collègues ne s’en accommodent pas : correction de la syntaxe limitée à sa traduction dans la ponctuation, relations logiques « implicites » mises en équi-

valence avec les « connecteurs pertinents » ( la juxtaposi- tion suffit bien ! ), approche laxiste de l’orthographe gram- maticale (pourquoi ignorer jusqu’à trois fautes d’accord, en tolérer jusqu’à six ?). Et toujours rien pour l’orthographe lexicale et l’accentuation...

Nul doute que ces choix contestables – et contestés depuis longtemps – aient un effet fortement dissuasif chez les col- lègues de Seconde. Repensée, aménagée, cette proposition peut effectivement servir de base à une séquence intéres- sante. Le fréquent rejet de la partie « écriture » pose le pro- blème de fond du contenu culturel que l’école doit prendre en compte. La priorité affichée par le ministère sur la maî- trise de la langue, à laquelle fait écho le colloque prévu par le SNES au troisième trimestre, devrait mettre un terme à cette stratégie du contournement qui décrédibilise l’éva- luation nationale sous sa forme actuelle. Elle ne serait plus obligatoire l’an prochain : à confirmer, mais cela ne dispense pas de clarifier, sans pudiques omissions, les exigences de l’école en la matière, et de faire appel aux enseignants de ter- rain pour prendre la mesure des vrais besoins. ■

(4)

FRANÇAIS-LETTRES

Prenons quelques exemples. La confusion entre -er et -é est plus vieille que le vieux Bled. Mais la confusion entre -er, -é -ai ( +s, +t, etc.) était-elle fréquente il y a encore une dizaine d’années ? Corrigions-nous souvent j’avais chantais? Les élèves étaient-il aussi nombreux à écrire s’avon, s’er- viète, s’ o ci sont ? Voyions-nous cette profusion de « e » qui ornent les participes passés sans aucun rapport avec le féminin peut-être parce que l’élève a « entendu » une voyelle longue, ou qu’il reproduit pour faire scolaire une désinence aussi dépourvue de son que de sens mais fré- quemment rencontrée ? Beaucoup de nos élèves donnent l’impression pathétique de tenter de reconstruire à l’écrit des chaînes sonores avec les moyens du bord, c’est-à-dire en construisant des rébus à partir de ce qu’ils ont cru, un jour, apercevoir sur du papier. Parler « d’aide » quand cette situation atteint un tel nombre de jeunes, quand rien du domaine des perturbations psychologiques ou de la dyslexie n’explique le phénomène, devient dérisoire. Et l’enthou- siasme à aider s’épuise vite lorsque l’on constate que ces erreurs sont extrêmement tenaces, que certains élèves tenaces eux aussi y retombent régulièrement comme si rien de solide ne s’était imprimé au moment des premiers apprentissages.

Un habitant de Sirius serait tout de même étonné d’ap- prendre qu’un des objectifs majeurs de la Sixième c’est la

« remise à niveau » des élèves. De quelques élèves ? D’élèves ayant connu des difficultés graves... Non, « des élèves ». On comprend après cela que certains didacticiens nous parlent du collège avec toute une provision de « trop ». Trop d’heures , trop de professeurs différents, trop de disciplines différentes, trop d’écrit, trop d’abstraction... rarement trop d’élèves par classe.

Nous sommes donc arrivés à un stade où cela n’a plus beaucoup de sens de parler de l’échec au collège... Existe- t-il beaucoup d’élèves qui ont produit de bonnes évalua- tions et qui cependant échouent ? Quand on sait l’impor- tance d’une mauvaise maîtrise de la langue dans cet échec il devient évident qu’une réflexion sérieuse sur la maîtrise de la langue et sur l’échec scolaire ne peut plus se faire

qu’en englobant l’ensemble du système éducatif, en inter- rogeant sérieusement l’ensemble des pratiques et des prin- cipes qui les sous-tendent de la maternelle au lycée. Sans cette démarche nous sommes conduits à indéfiniment res- sasser.

Les itinéraires de découverteque l’on nous promet pour l’an prochain sont-ils de nature à améliorer cette maîtrise ? On ne voit guère pourquoi ils le feraient. Il ne s’agit pas ici de nier l’intérêt d’une démarche interdisciplinaire, qui d’ailleurs intéresse bon nombre de nos collègues. Il s’agit simplement de constater que si la remotivation donne beaucoup, lorsqu’elle se produit, elle ne comble pas en elle- même les lacunes et qu’il sera sans doute difficile d’orga- niser une pratique raisonnée de la langue dans le cadre d’un itinéraire. De par la nature même de ce type de tra- vaux, mais aussi parce que les moyens consacrés aux iti- néraires, tout en amputant les horaires dévolus aux appren- tissages systématisés, ne permettent pas de construire des groupes à faible effectif. Il en ira sans doute différemment de l’accès aux textes et bien sûr aux textes littéraires si les professeurs engagés dans ces actions prennent bien soin d’assurer des exigences d’enseignement qui ne portent pas que sur la forme au moment des mises en œuvre. Le français n’entend pas se contenter de n’être qu’une disci- pline de service.

Tous ces constats sont bien sombres. Faut-il pour autant bais- ser les bras ? Certes non. Notre manifeste sur le collège (cf.US Magazine, février 2002) nous ouvre des pistes de réflexion. Nous espérons que le colloque sur la maîtrise de la langue des 15 et 16 mai nourrira notre réflexion. Mais il nous faut aussi, sans catastrophisme décourageant, alerter tous les acteurs du système éducatif de l’ampleur des pro- blèmes. Il nous faut exiger de tous les responsables un minimum de cohérence entre leurs propos et leurs décisions.

La maîtrise de la langue est fondamentale en matière d’école ? Certes. La situation actuelle est-elle satisfaisante ? Non. Nous attendons donc bien autre chose que la sup- pression d’heures d’enseignement quelles que soient les raisons invoquées pour tenter de le justifier. ■

Colloque Maîtrise de la langue

Mercredi 15 mai, 9 heures-17 h 30 – Jeudi 16 mai, 9 heures-13 heures avec chercheurs, formateurs, universitaires, syndicalistes...

Lycée technologique régional Diderot

61, rue David-d’Angers, 75019 Paris - Métro : Danube ou Salle des Fêtes

Au cœur de l’enseignement en collège et en lycée, la maîtrise de la langue est reconnue par tous comme indispensable à la réussite des élèves quels que soient leur âge et leur niveau d’enseignement. Elle est actuellement reconnue par les médias, le ministre, mais aussi par les enseignants de toutes disciplines comme responsable (en partie tout au moins) des difficultés d’apprentissage.

Si c’est un enjeu culturel et social, les attentes de la société sont diverses : constitutive des savoirs de base, acquisition d’une culture littéraire, formation du citoyen...

Plusieurs thèmes abordés au cours de ces journées : évolution des instructions officielles, évolution des pratiques et des savoirs enseignés, apport des langues anciennes, langue et langages, maîtrise de la langue et statut social, formation des maîtres...

Inscrivez-vous : SNES – secteur Formation syndicale,

7, rue de Villersexel, 75007 Paris, 01 40 63 27 10 ou 27 22 – formation.syndicale@snes.edu

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L

e problème crucial est le devenir de cet enseigne- ment.

Au collège, les textes ministériels les plus récents – en particulier le projet de préparation de la rentrée 2002 – ne remettent pas en cause l’existence des options de langues anciennes. Ils leur confèrent le statut d’options facultatives dans le cadre d’un brevet rénové.

Cependant la vigilance et la mobilisation s’imposent 1. Le grec agonise depuis des années au sein de DHG

« peaux de chagrin » où son existence n’est souvent même plus envisagée.

2. Quelle place, quel statut pour le latin au sein des itiné- raires de découverte ?

L’option ne risque-t-elle pas de se diluer progressivement dans une interdisciplinarité où elle perdra la spécificité de sa valeur formatrice ?

Faut-il, pour la préserver, en élargir encore le recrute- ment et en modifier les programmes tels qu’ils ont été mis en place sous le ministère Bayrou ?

Au lycée, les nouveaux programmes entrent progressi- vement en application. C’est donc la dernière année qu’un programme national d’œuvres est arrêté en Terminale.

Désormais, le travail annuel en Seconde et Première s’or- ganise en séquences (5 en latin, 4 en grec) centrées sur des thèmes prescrits, appelés entrées (3 à chaque niveau, en latin comme en grec). Même principe en Terminale, mais 4 séquences en latin comme en grec, centrés sur 4 entrées en latin, 3 en grec. Pour chaque entrée, est proposé un vivier d’œuvres où le professeur est invité à puiser libre- ment pour constituer le plus souvent des groupements de textes, parfois aussi des lectures suivies, selon une distri- bution prescrite.

La formule ne manque pas a prioride souplesse. Mais le choix des entrées appelle inévitablement des critiques (nous en avons émis quelques-unes l’an dernier : voir les 8-pages lettres, encore consultables sur le site) et pose le problème de leur renouvellement : est-il prévu, quand / à quel rythme, les enseignants seront-ils consultés, entendus ? Les éditeurs ne se précipitent pas pour proposer des manuels conformes aux nouveaux programmes : à notre connaissance, un seul en latin, toujours rien pour le grec…

Comment travailler dans ces conditions ?

L’objectif, louable, est de rééquilibrer étude de la langue et civilisation. Mais dans les faits, l’apprentissage de la langue apparaît bien bridé. A preuve, la version en auto- nomie n’est envisagée qu’en fin de Terminale, visible- ment pour les seuls spécialistes (s’il en reste ?). Ce clivage est-il légitime, et viable dans les conditions réelles d’en- seignement, où la tendance est au regroupement des élèves ?

Le colloque de la Sorbonne des 24 et 25 octobre (voir compte rendu sur le site des Observatoires) semble avoir médiatiquement remis en selle les humanités. Jack Lang y a fait des annonces intéressantes, comme la préparation d’une brochure à destination des élèves de Troisième, des recommandations transmises par les recteurs aux chefs d’établissement d’améliorer les conditions horaires des

élèves, la volonté de favoriser les grands débutants en Seconde, l’augmentation des coefficients des L.A. au bac...

Ce colloque a été suivi d’un séminaire national (Paris, 16 et 17 janvier 2002 : voir aussi sur le site), où a été décidée, à l’instigation de la commission Wismann instituée en novembre, la création d’un Agence pour les langues et les cultures de l’Antiquité, vouée à l’observation et à la pro- motion. Un accent nouveau a été mis sur la présence des L.A. dans le 1er cycle du supérieur (initiation obligatoire dans le tronc commun des prépas littéraires, cours d’été intensifs proposés aux étudiants de lettres et sciences humaines). A noter que le SNES a dû demander in extre- misdes invitations à ces deux manifestations !...

Concrètement, quelles retombées pour le lycée ?

Les communiqués officiels ne font plus mention de la revalorisation des coefficients. Ce point nous paraît pour- tant essentiel, au moment où l’on impose une notation chif- frée des TPE...

Le rétablissement des grands débutants en Seconde se fait au moindre coût, comme le décrivent les documents d’ac- compagnement en détaillant le cas, donné donc comme probable, de regroupement des débutants et des conti- nuants sur 4 heures professeurs : 2 heures débutants + 2 heures continuants en Seconde pour les hellénistes pendant une partie de l’année, puis 3 heures pour les continuants et 2 heures (dont 1 commune) pour les débutants. Le dis- positif est censé constituer un groupe « à peu près cohé- rent » pour la Première... Pour les latinistes, les débutants garderaient leurs heures spécifiques en Seconde, et la for- mule de regroupement progressif interviendrait en Première pour s’achever en Terminale. L’objectif d’ho- mogénéisation est-il vraisemblable, si l’on respecte le rythme soutenu imposé par les nouveaux programmes ?

Quel poids réel aura la publicité ministérielle en Troisième face à la logique concurrentielle des options, avivée par le carcan de la DHG ? Quel poids, les recommandations rectorales face à la logique des emplois du temps, qui des- sert inévitablement les groupes minoritaires ?

On peut craindre que la vigilance de quelques élus au CA (dans le meilleur des cas) ne suffise pas à endiguer les pressions internes au système, qui visent au fond à éradi- quer les humanités du secondaire, malgré les belles paroles officielles. Au rythme auquel la situation continue de se dégrader, il faudrait des mesures conservatoires d’urgence, comme le gel des sections existantes, voire leur mise pro- visoire hors DHG : voilà qui crédibiliserait, avec la hausse des coefficients, les espérances qu’ont fait naître (in extre- mis !) les déclarations ministérielles.

Il nous appartient de nous mobiliser en restant en contact, par tous les moyens disponibles (courrier papier, électro- nique). Faites remonter au groupe lettres les informations sur votre établissement, sur la préparation de la rentrée.

Appuyons-nous sur les annonces du ministre pour faire pression sur les chefs d’établissement. Nous sommes réso- lus à les lui rappeler, en liaison avec les associations de spé- cialistes avec lesquelles nous reprenons contact, et à inter- venir auprès de lui ou de son successeur pour que vivent les humanités. ■

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FRANÇAIS-LETTRES

A

lors que le BOdu 3 janvier 2002 définit – il était temps ! – les modalités de l’épreuve orale de français qui aura lieu en juin 2002, les professeurs chargés de préparer leurs élèves à l’EAF continuent à faire part de l’inquiétude suscitée par une réforme imposée à marche forcée, sans véritable concertation.

L’année scolaire a été rude pour les professeurs de français, enseignant notamment en Première : diffusion tardive des documents d’accompagnement, des annales zéro. Grande disparité d’une académie à l’autre, d’un éta- blissement à l’autre : certains ont bénéficié d’une information dès la rentrée alors que d’autres ne l’avaient toujours pas en décembre.

Cacophonie au niveau des réunions organisées par les IPR : les informations ne sont pas les mêmes. Quelques exemples : pas de texte d’essai dans le corpus pour les uns, pas de commentaire comparé pour les autres. Il n’y aurait que deux textes dans le corpus. Le com- mentaire linéaire serait accepté, introduction et conclusion seraient inutiles. Les questions préalables limitées à une seule... Les textes ministériels eux-mêmes varient : tantôt com- mentaire organisé, tantôt commentaire tout court. Quant aux annales zéro, peu utilisables, certains IPR eux-mêmes ont déclaré qu’elles étaient caduques. Il est vrai que les ensei- gnants n’ont pas été rassurés par la diversité extrême des exemples proposés pour le sujet – si controversé – d’invention : comment y préparer efficacement, dans ces conditions ? L’oral suscite lui aussi bien des remous, à juste titre. Le dispositif prévu est inévitablement source de dysfonctionnements. Les descriptifs, très complexes (prétextes à un contrôle tatil- lon ?), devront être envoyés début juin. Cela suppose que les programmes soient bouclés, programmes dont nous avons dénoncé la lour- deur, la difficulté à les mettre en œuvre dans l’ horaire imparti.

Ce qui remonte des académies est très inquié- tant : parfois on impose un formulaire unique de descriptif des activités, partout on prévoit en juin des réunions supplémentaires. A l’en- seignant de se débrouiller pour corriger l’écrit tout en préparant les questions d’oral pour les différents descriptifs qui lui seront parvenus (combien ?), avant de faire passer l’oral. Travail tellement lourd qu’il est même prévu de faire appel aux enseignants de collège, qui à coup sûr apprécieront cet honneur ! Enfin, à Strasbourg les professeurs qui assureront des permanences téléphoniques devront « donner des éléments de réponse au chef de centre appelé à se prononcer sur la validité éventuelle d’un descriptif incomplet, illisible… »Consignes isolées ? C’est

en tout cas un appel au contrôle, voire à la délation.

Le ministère est jusqu’à présent resté sourd à nos demandes d’aménagement des épreuves pour la session 2002 et de mise en place d’une véritable concertation pour 2003. Compte-t-il, devant les difficultés prévisibles, faire appel à l’indulgence des examinateurs ? Nous récusons d’avance cet expédient si contraire à l’exi- gence affichée dans les programmes, et dont l’application décrédibiliserait notre enseigne- ment... S’il n’est pas raisonnable, si près de l’échéance, de bouleverser la règle du jeu (les enseignants se sont efforcés de mettre en œuvre les nouveaux programmes et de pré- parer leurs élèves aux épreuves prévues), il est tout à fait possible d’annoncer un cadrage plus précis de l’écrit (nature et nombre de textes du corpus, pas de commentaire com- paré, invention exclusivement argumentative par exemple) et d’aménager pour l’oral une formule proche des sessions précédentes.

D’ores et déjà, nous appelons nos collègues à présenter leur descriptif comme ils l’enten- dent et à refuser les réunions supplémentaires.

Un bilan de la session 2002 doit être établi dès septembre et une véritable concertation mise en place dès maintenant.

Il est évident pour tous que cette réforme de l’EAF est une véritable usine à gaz. Pour le SNES, la priorité de l’enseignement du français est de donner aux élèves la formation de qua- lité, linguistique et culturelle, qui conditionne leur réussite humaine et professionnelle. C’est pourquoi nous défendons la valeur nationale du baccalauréat, ce qui suppose des épreuves clairement définies et le rejet du contrôle continu. Où l’on voit que l’intérêt des élèves passe par la défense, ouverte mais résolue, de notre enseignement. ■

Marylène Cahouet

EAF : intolérable !

PÉTITION EAF

L’EAF est un problème brûlant qui inquiète, exaspère les profs à deux mois de l’examen. Angoisse des élèves à qui on ne peut répondre... Le ministère alerté depuis longtemps par le SNES et les enseignants reste sourd.

Il est temps que la raison l’emporte : des

aménagements sont nécessaires pour la session 2002.

« Les professeurs de lettres expriment leur vive inquiétude et soulignent la nécessité d’adopter des mesures d’urgence pour la session 2002 de l’épreuve anticipée de français du baccalauréat.

En effet, la parution tardive des textes, leur mise en application floue et contradictoire créent une situation qui ne permettra pas cette année une évaluation satisfaisante pour les épreuves de l’EAF nouvelle formule.

Soucieux de l’intérêt des élèves, ils demandent :

• Un aménagement provisoire pour assurer le bon

déroulement de l’épreuve 2002, en particulier le remplacement du dispositif très complexe de l’oral qui déstabilise les candidats et alourdit considérablement la tâche des examinateurs, par une formule proche de celle des années précédentes.

• Une mise à plat et une véritable concertation sur ces épreuves, assortie d’une expérimentation avant la session 2003.

• Le rétablissement du jury spécifique souverain.

Sans réponse appropriée à la gravité des enjeux, ils estiment que le ministère portera la lourde

responsabilité des désordres prévisibles de l’épreuve. » SIGNEZ LA PÉTITION,

• Signature des descriptifs par les chefs d’éta- blissement le 30 mai.

• Envoi des descriptifs le 3 juin au plus tard,

• Épreuve écrite le 14 juin.

• Mise à disposition des descriptifs le 17 juin.

• Réunion d’entente préalable à l’écrit le 19 juin.

• Réunion d’entente préalable à l’oral le 20 juin.

• Épreuve orale du 24 au 29 juin.

• Remise des notes le 5 juillet.

Une soixantaine de candidats par collègue (écrit et oral).

Exemple de calendrier de l’EAF pour l’académie de Strasbourg

(7)

les séquences au lycée

L

es programmes, précisés par les documents d’accompagne- ment, promeuvent la séquence comme le cadre pédagogique adapté à la mise en œuvre de la réforme. Sur le papier, elle per- met de traiter et de croiser les objets d’étude en combinant pers- pectives dominantes et complémentaires.

Sur le terrain, l’application est très hétérogène. Beaucoup de collègues voient mal pourquoi ils renonceraient à diverses pra- tiques qui continuent de fonctionner, en faveur exclusive d’une panacée perçue comme contraignante et d’ailleurs discutable sur le fond, à entendre certaines remontées du collège... En fait, le travail en séquences correspond rarement à un choix péda- gogique délibéré : la plupart des collègues, souvent peu familiers des textes officiels et ne trouvant guère le temps d’y réfléchir, « bri- colent » dans l’urgence à partir de ce qu’ils savent faire et ne s’aventurent guère au-delà... Tout au plus, s’inspirent-ils des manuels et des exemples donnés dans la très officieuse Ecole des Lettres…

A partir de là, on peut distinguer trois types d’attitude chez les col- lègues :

1. Ceux qui s’efforcent d’appliquer les séquences.

Quand on les interroge, le bilan provisoire qu’ils en tirent est plutôt mitigé

A l’actif, la volonté d’afficher des objectifs cohérents et de les renouveler régulièrement. Mais qui est le véritable bénéficiaire de cet affichage ? les élèves ? (à voir la tenue des classeurs, il apparaît que beaucoup se perdent dans ces constructions souvent com- plexes) ; les parents ? l’inspection ? la bonne conscience du pro- fesseur ?

Au passif, deux griefs reviennent fréquemment :

L’émiettement des connaissances, responsable d’une perte de substance et de sens particulièrement frustrante. Le tempo rapide (6 à 7 séances pour l’étude d’une œuvre ou d’un groupement de textes...) conduit inévitablement au survol, surtout avec les classes au niveau modeste, qui sont justement les plus lentes.

L’impossibilité d’intégrer un enseignement efficace de la langue (même constat chez les profs de collège, qui doivent de plus veiller à une progression): vraiment pas le temps de provoquer des

occasions de toute façon bien artificielles... Ce point, qui cor- respond pourtant à un besoin souvent criant, est renvoyé en Seconde à l’aide individualisée et aux 30 minutes qui subsistent des modules. En Première, ce recours disparaît...

2. Ceux qui les rejettent purement et simplement, pour diverses raisons

Certains, en particulier les collègues (sur)chargés de quatre classes de français, ne peuvent s’investir dans une organisation qui se révèle très lourde.

La plupart émettent de forts doutes sur la rentabilité de l’opéra- tion : au total, ne serait-ce pas un dispositif qui alourdit le travail du professeur sans pour autant mieux faire travailler l’élève ?

Fréquemment se rencontre une opposition théorique : priorité à la découverte des œuvres et du sens, refus d’une approche par objectifs techniques.

3. Ceux qui « font comme avant » en bricolant après coup, grâce à la souplesse permise par la complexe combinatoire des objets d’étude, des perspectives dominantes et complémentaires, des « séquences » plausibles, voire brillantes. Devenus parfois de vrais artistes du cahier de textes (un art subtil auquel certains se sont entraînés dès le collège !) ils estiment que leur liberté péda- gogique vaut bien cet exercice de pure rhétorique…

Ces conduites sont surtout des réponses individuelles. En effet, le travail d’équipe semble peu développé, sauf cas d’affinités particulières, ou volonté locale d’une relative harmonisation, à l’occasion par exemple du bac blanc, qui oblige le conseil d’en- seignement à choisir des objets d’étude prioritaires sur lesquels portera le sujet d’écrit. Mais cette harmonisation a peu d’incidence sur le choix de travailler ou non par séquences. Ne vaudrait-il donc pas mieux admettre officiellement que différentes voies pédagogiques sont valides, pour autant qu’elles soient adaptées au professeur et à ses élèves ?

Parmi celles-ci, la séquence – qui n’a rien d’une panacée – doit être laissée à la disposition des maîtres, qui y recourront avec d’au- tant moins de réticences qu’ils y auront été dûment formés et qu’on leur aura donné le temps de se concerter entre collègues pour l’ajuster à leurs besoins. ■

(8)

o566 du 6 avril 2002, hebdomadaire du Syndicat national des enseignements de second degré (FSU) 1, rue de Courty, 75341 Paris Cedex 07. Directeur de la publication : Gérard Anthéaume - Compogravure : CAG, Paris - Imprimerie : SIPE, Paris (75) - NoCP1578 D73 – ISSN no0751-5839

Préambule...

La prise en compte de la littérature de jeunesse dans les pro- grammes de collège et de lycée suscite dans notre profession des débats souvent vifs.

A cela, semble-t-il, deux raisons essentielles :

Cette décision institutionnelle dépasse largement le cadre for- mel de son injonctionet nous renvoie, de fait, à des questions fondamentales : qu’entendons-nous, professeurs de lettres dans le second degré, par « enseignement de la littérature ? ».

Elle nous renvoie égalementà l’une de nos (rares) ignorances, parfaitement justifiée, mais qui ne laisse pas de mettre mal à l’aise les professeurs-lecteurs que nous sommes. Nul d’entre nous en effet n’est tenu de connaître ni de lire... ce que lisent nos élèves à l’extérieur de la classe.

Toutefois la question de l’arrivée (l’intrusion ?) de la littérature de jeunesse dans nos programmes et nos pratiques doit nous solliciter.

En effet, la pertinence de notre réflexion sur l’évolution des pro- grammes et des contenus est liée, comme l’ensemble de notre réflexion syndicale, à notre aptitude à développer des problé- matiques suffisamment riches pour nous permettre de dépas- ser nos contradictions et d’argumenter, devant la communauté éducative et le pouvoir politique, nos refus et nos proposi- tions.

Chapitre 1 : les albums pour tout-petits

Avez-vous eu récemment l’occasion de lire une histoire à de petites oreilles attentives ?

Une récente expérience pédagogique, menée sur plusieurs années, a permis d’étudier d’assez près ce qui constitue fina- lement les premières découvertes littéraires de l’enfant.

Premier constat :une immense diversité de supports et de thèmes.

Au fil des lectures, on découvre parfois quelques excellents auteurs, des écrivains et des dessinateurs de talent

Ce qui les singularise, c’est qu’il y a dans leurs petits livres, en pro- metteuse gestation, un des objectifs fondamentaux de la culture et du savoir littéraires : la distanciation d’avec son « moi ».

Le tout-petit commence à effectuer, grâce à ces histoires qu’il lit ou qu’il écoute, une activité à la fois ludique et réflexive qui va lui permettre de dénouer l’angoisse de cette démarche.

Familiarisé très tôt avec « l’inconnu, l’incompris... l’inouï, l’étrange, l’autre... » (« Sauver les lettres » p. 65), le jeune enfant entame sa socialisation et commence son éducation citoyenne.

Ainsi dans le magnifique Papa !de Philippe Corentin (Lutin Poche de « L’école des loisirs »), le petit lecteur est-il sans concession, mais avec une grande tendresse, renvoyé déjà à sa propre et inéluctable étrangeté d’être humain.

Cette belle littérature enfantine est une première approche de « la vraie vie ».

Quelques années plus tard : la littérature de jeunesse

C’est un agrégat dont la dimension « historique » n’est jamais envisagée. C’est aussi une notion nébuleuse et opaque, dont le statut est instable et peu problématisé. Les textes spécifiquement écrits pour les plus jeunes ne datent pas d’hier... Sans parler des contes et légendes, certains écrivains, parmi les plus reconnus, commencent leur carrière en s’adressant à ce public ; ainsi Balzac avec par exemple Tony sans soin, petite histoire morali- sante et sans grand intérêt.

Plus près de nous, les « sixties » se souviennent souvent avec délice, des « bibliothèques » rose et verte, du club des 5, du clan

Aujourd’hui, les frontières de cette « littérature » sont de plus en plus instables ; sa composition est floue et changeante. A côté de textes écrits par des écrivains « spécialistes » (comme S. Morgensten), on trouve des textes écrits par de jeunes écri- vains qui y voient une sorte de « tremplin » (Agnès Desarthe), des textes écrits pour la jeunesse par des écrivains reconnus (Calvino, Druon, Tournier, Le Clézio, C. Roy et bien d’autres), et aussi... des textes de toutes sortes absolument pas destinés ini- tialement à de jeunes lecteurs (Sa Majesté des Mouches, L’Ami retrouvé, Le vieil homme et la mer, Le Grand Meaulnes, pour ne citer que ceux-là...).

Se côtoient aussi, dans le même domaine, dans la même rubrique, des textes préformatés à consommer en zappant (la série des Chair de Poule par exemple), mais aussi, là encore, des œuvres riches et complexes investies d’une forte charge sym- bolique.

L’entrée officielle de cette littérature au collège, en 1995, puis au lycée, n’a rien permis d’éclaircir. Bien au contraire, il semble qu’elle ait, dans une certaine mesure, aggravé son instabilité.

Considérée comme un « appât », cette littérature est présentée comme le support irremplaçable de la « lecture cursive », autre

« petite nouvelle » des instructions officielles.

De « littérature », elle a juste le nom qu’elle ne fait qu’em- prunter à la grande, car, dans les textes des programmes, elle se positionne marginalement dans une déclinaison à trois niveaux : textes littéraires ; textes documentaires ou « por- teurs de références culturelles » ; « littérature de jeunesse ».

La « littérature de jeunesse » peut-elle être considérée comme une initiation à la lecture littéraire ? Certains textes peuvent- ils servir de supports à une lecture analytique ?

Les textes officiels relient, dans les activités scolaires de lecture qu’ils préconisent, la « littérature de jeunesse » à la lecture cursive, lecture « naturelle », « fusionnelle », « spontanée », dont à ce qui touche au loisir, à l’évasion.

Il nous faut réfléchir au bien-fondé de cette association. Elle met à jour et codifie l’existence, chez certains de nos élèves, d’un plaisir de lire qui se développerait dans l’immédiateté de l’ins- tant, s’enrichirait de la consommation volontaire de livres séduisants et ne ferait l’objet ni d’une médiation didactique, ni de débats collectifs et socialisants.

La lecture analytique, elle, serait implicitement réservée à d’autres textes :ceux qui constituent la « littérature instituée » et ce dans le cadre d’une activité strictement scolaire.

Or, on peut lire « littérairement » un texte non littéraire, et dévo- rer « non littérairement » un texte littéraire.

Dans ces conditions, la littérature de jeunesse, dans sa version la plus exigeante, ne pourrait-elle être l’objet d’une lecture indicielle et prospective ? Pourrait-elle être un tremplin pour une initiation à la lecture littéraire ? Serait-il possible, souhai- table, d’y trouver des supports plus variés que ceux qu’envi- sagent les programmes pour travailler par exemple la relation complexe texte/image ?

Certains textes destinés aux jeunes lecteurs, comme certains albums pour les plus petits, remplissent-ils une des fonctions pre- mières de la littérature, c’est-à-dire apprendre à se situer soi- même dans l’espace et le temps, mais aussi dans l’univers des sentiments et des idées ?

Le goût de lire peut-il se construire didactiquement ? Si oui, selon quels objectifs, quelles modalités ?

Professeurs de lettres, nous sommes acteurs et chercheurs sur le terrain, et de plus en plus constructeurs quotidiens de nos contenus ; emparons-nous de ces questions, ne

De la littérature pour la jeunesse

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