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L'Europe centrale est-elle occidentale pour les dirigeants français ?

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Academic year: 2021

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HAL Id: halshs-00591870

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Submitted on 10 May 2012

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français ?

Jenny Raflik

To cite this version:

Jenny Raflik. L’Europe centrale est-elle occidentale pour les dirigeants français ? : De la guerre froide à l’OTAN. Paul Gradvohl. L’Europe médiane au XXe siècle : fractures, décompositions - recompositions - surcompositions, Centre français de recherche en science sociales (CEFRESJ), pp.147-161, 2011, Centre français de recherche en sciences sociales - CEFRES. �halshs-00591870�

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L’EUROPE CENTRALE EST-ELLE OCCIDENTALE POUR LES DIRIGEANTS FRANÇAIS ?

DE LA GUERRE FROIDE À L'OTAN Jenny raflik

In :

Paul Gradvohl (dir.),

L’Europe médiane au XXe siècle. Fractures, décompositions – recompositions – surcompositions

p. 147-161

Prague, CEFRES, 2011.

ISBN : 978-80-86311-23-4

--- Pour citer cet article :

Jenny RAFLIK, « L’Europe centrale est-elle occidentale pour les dirigeants français ? De la guerre froide à l'OTAN », in : Paul Gradvohl (dir.), L’Europe médiane au XXe siècle. Fractures, décompositions – recompositions – surcompositions. Prague, CEFRES, 2011, p. 147-161.

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L’EUROPE CENTRALE EST-ELLE OCCIDENTALE POUR LES DIRIGEANTS FRANÇAIS ?

(DE LA GUERRE FROIDE À L’OTAN)

Jenny Raflik

CICC Civilisations et identités culturelles comparées des sociétés européennes et occidentales. Université de Cergy-Pontoise

Un manuel français de géographie destiné aux classes du primaire supérieur, édité chez Armand Colin en 1895 et rédigé par P. Foncin, enseigne que l’Europe va de l’Atlantique à l’Oural, formule à laquelle fait écho la conférence de presse du général de Gaulle du 25 mars 19591. Or cette Europe géographique n’est pas perçue comme un tout cohérent. Dans le regard des Français, il y a plusieurs Europe.

L’opposition la plus classique est celle, banalisée lors de la guerre froide, entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est. Derrière l’opposition politique de ces années se pose un problème de fond sur la perception de l’ “autre” Europe, problème qui apparaît notamment dans les années de genèse des blocs, lorsque les incertitudes politiques persistent, et après la fin de la guerre froide, lorsque l’opposition politique disparaît.

L’observation de l’évolution sémantique des termes désignant la région ouvre une première piste de réflexion.

1 Gérard Bossuat, « Les Europe des Français au long du XXe siècle », in : René Girault (dir.), Les Europe des Européens, Paris, Publications de la Sorbonne, 1993, p. 77.

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Cartographie Idées sous-jacentes Origine/époque Aspect politique Les Barbares Rejet de ce qui est

différent Antiquité Exclusion de l'autre Civilisation

Européenne

Italie et France centres de la civilisation

européenne Renaissance Création du préjugé d'un Est inférieur et

non-civilisé Europe/

Civilisation Occidentale

Concert des nations, histoire européenne vue

en termes de relations internationales excluant de facto les non-nations

ou les non-États

Siècle des Lumières Dix-neuvième siècle

Ouest et Est sont deux entités distinctes, la

première étant européenne et supérieure.

Impérialisme occidental et russe.

Europe Centrale (vision intérieure et

non plus extérieure)

Tomáš Masaryk : petits Etats indépendants de

toute domination allemande, autrichienne

ou russe

Première Guerre mondiale

Volonté de s'émanciper et de recréer les Etats-

Nations d'Europe Centrale Anti-soviétique,

émancipatoire et identité

nationale Guerre Froide Démarcation de l'URSS et de l'« asiatisme

barbare » Pays d’Europe centrale

veulent se distinguer des

Balkans et de la CEI Années 1990 Intégration rapide dans l'UE ; racines démocratiques Mitteleuropa Domination germano-

autrichienne Première Guerre mondiale

Traiter ces pays comme des objets et non des

sujets des relations internationales Europe Médiane Europe non-soviétique

auparavant sous

domination communiste 1990-présent Artefact des géographes pour penser un entre-

deux en transition

Europe de l’Est (Europe Orientale)

Vide géopolitique entre Berlin et Moscou caractérisé en termes

d'infériorité

Siècle des Lumières, déclin des puissances d’Europe centrale

Idée de ce qui est européen et de ce qui l'est beaucoup moins

(l'Est) Tout ce qui n’est pas le

Bloc de l’Ouest Guerre froide

Légitimation de l'ordre de Yalta ; l'intérêt de

certains groupes occidentaux Différentiation de

l’Europe de l’Ouest et du Centre avec pour fracture l’ancienne URSS et la religion orthodoxe mais aussi la corruption et la

violence

Années 1990 Rejet d'un Est non- européen, presque

Asiatique

Balkans, balkanisme balkanisation

Catégories négatives désignant l'instabilité politique, la violence et la

fragmentation politique

Fin du XIXe, début et fin du XXe siècle

Désintéressement des Balkans, banalisation de la guerre, idée de

retard Orient et

orientalisme

L'Islam et l'Asie comme Autre, racisme, construction imaginaire

d'un alter ego de l'Occident

Expansion coloniale XIXedu siècle

Vision éthérée, indéfinissable et romantique d'un autre

imaginé

Tableau 1 : Cartes mentales de “l’Est” : une cartographie

Source : Zbigniew Truchlewski, « Généalogie des perceptions Est-Ouest : les risques du Cercle Herméneutique », in : Quentin Martens & Grégoire Lits (coord.), Émulations, n° 6, « Regards sur notre Europe. Politique et citoyenneté », Presses Universitaires de Louvain, octobre 2009, disponible en accès payant sur http://www.revue- emulations.net/archives/n-6---regards-sur-notre-europe-1.

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L’expression “Europe centrale”, c’est-à-dire située entre l’Est et l’Ouest, a laissé la place pendant la guerre froide à l’expression

“Europe de l’Est”, par opposition à l’Europe de l’Ouest, à l’Occident.

Mais cette Europe de l’Est est-elle pour autant “orientale” ? Rien n’est moins sûr car ce qualificatif semble mieux correspondre à l’URSS. L’Europe de l’Est incarne plutôt une sorte de vide politique entre Berlin et Moscou, entre deux espaces forts, voire menaçants, dans la perception qu’en ont les Français. Le concept d’Europe médiane est venu remplacer cette notion depuis 1990. Il traduit toujours cette idée d’un “au milieu”, entre Moscou et l’Ouest.

L’expression Nouvelle Europe, lancée par Donald Rumsfeld en 2003 pour répondre à la Vieille Europe de Jacques Chirac, pose de façon encore plus intéressante la question de l’appartenance occidentale de cette autre Europe, par l’alliance avec les États-Unis et la relation transatlantique. L’ex-Europe de l’Est serait-elle devenue plus occidentale, car plus atlantiste, que le noyau fondateur des communautés européennes ?

Au-delà des perceptions, déjà bien étudiées par d’autres historiens2, j’ai choisi de m’intéresser ici aux politiques menées par les dirigeants français à l’égard des pays de l’Europe centrale. Les relations entre la France et cette “Nouvelle Europe” sont anciennes et la politique de la France à son égard a toujours été ambivalente. Les dirigeants français ont, de l’entre-deux-guerres jusqu’à aujourd’hui, intégré les pays d’Europe centrale dans leurs projets d’alliance. Mais est-ce par sentiment d’un intérêt commun, qui pourrait être l’intérêt occidental, ou seulement pour servir les intérêts français ?

Pour comprendre ces politiques, je présenterai ici trois “moments”

spécifiques de ces relations, et comparerai le début de la guerre froide, la période gaulliste, et la fin de la guerre froide.

LES DÉBUTS DE LA GUERRE FROIDE : L’ÉCHEC D’UNE EUROPE CENTRALE “PONT ENTRE L’EST ET L’OUEST”

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la France se trouve dans une situation très inconfortable. Elle est faible face à la Grande Bretagne, dans une Europe elle-même affaiblie face aux deux superpuissances : l’URSS et les États-Unis. Pour la France, l'Europe

2 Voir les travaux de Bernard Michel, Antoine Marès, Jozef Laptos, Gérard Beauprêtre, par exemple.

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est donc un espace tiraillé entre deux pôles, le soviétique et l'occidental, où le danger majeur est un retour de l'Allemagne. Pour assurer sa sécurité, Paris recherche toujours des alliances de revers contre l’Allemagne. Mais l'Europe de l'Est, traditionnel terrain de ces alliances de revers dans l’entre-deux-guerres, est un champ particulièrement délicat. L'abandon de la Tchécoslovaquie en 1938 compromet la confiance susceptible d’être éveillée par l'alliance française, même si une réconciliation formelle est intervenue à Londres, entre les gouvernements en exil3. Or les Tchécoslovaques ne sont pas les seuls à se souvenir des accords de Munich. Józef Laptos a décrit l’ « état d'esprit polonais » au sortir de la guerre, qui rend possible l'installation du régime communiste4 : le sentiment, voire la conviction que la civilisation européenne, dans sa version occidentale, a flanché à la fin des années 1930, et que le nouvel ordre mondial est inéluctable. Dans le même registre, au sein de la France Libre puis des instances du gouvernement provisoire, Munich est également une véritable obsession : il faut en effacer la honte mais éviter également de reproduire le scenario par des alliances que l’on ne saurait honorer, face à la puissance soviétique par exemple5. La question se pose alors de savoir s’il y a encore une place pour la France en Europe de l'Est après 1945, face à la conquête militaire, politique et spirituelle que l'URSS y mène. En mars 1945, Fouchet, délégué français auprès du gouvernement de Lublin, très pessimiste sur l'influence que la France peut espérer conserver en Pologne, écrit :

Elle ne peut, à l'heure actuelle, faire en Pologne une politique anti-soviétique sans s'exposer à l'annihilation immédiate par l'autorité occupante de toute influence française ; elle ne peut, d'autre part, sembler approuver la politique russe sans s'aliéner irrémédiablement les masses polonaises. Si douloureux

3 Annie Guénard, « Les attentes de l'Est européen : sincérités et ambiguïtés observées », in : Élisabeth Du Réau (dir.), Europe des élites ? Europe des peuples ? La construction de l'espace européen, 1945-1960, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 1998, p. 151-161.

4 Józef Laptos, « Le rideau de fer, bastion ou gouffre ? Échafauder un bastion antioccidental en Pologne communiste après 1945 », in : Sophie Coeuré, et Sabine Dullin (dir.), Frontières du communisme, Paris, La Découverte, 2007, p. 216-231.

5 Antoine Marès, « La vision française de l'Europe centrale au XXe siècle » in : Robert Frank (dir.), Images et imaginaires dans les relations internationales depuis 1938, Paris, Cahiers de l'IHTP, 1994, p. 140-141. Voir également Antoine Marès, « La France libre et l'Europe centrale et orientale (1940-1944) » Revue des études slaves, vol. 54, n° 3, 1982, p. 305-336. Et aussi Michel Lesage, « La place de l'Europe centrale dans le dialogue Est-Ouest depuis 1945 », in : Gérard Beauprêtre (dir.), L'Europe centrale. Réalité, mythe, enjeu, XVIIIe-XXe siècle, Varsovie, Éditions de l'Université de Varsovie (Cahiers de Varsovie), 1991, p. 446.

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que ce soit, il lui faut se contenter de maintenir en Pologne son influence spirituelle et culturelle6.

La France tente néanmoins, en 1947, de réitérer les alliances de l’entre-deux-guerres, sous l’influence du ministre des Affaires étrangères, Georges Bidault. Celui-ci, après la conclusion du traité de Dunkerque avec la Grande-Bretagne, envisage d’autres traités bilatéraux avec l’Italie, les États du Benelux, mais aussi la Pologne et la Tchécoslovaquie. Au cours de l’été 1946, Prague pressent Paris en vue de la conclusion d’un traité d’alliance, et remet un projet au mois de juillet. Cette proposition s’appuie sur une déclaration par laquelle les deux gouvernements s’étaient engagés, le 22 août 1944, à réviser le moment venu les traités de 1924 et 1925. Elle s’inscrit également dans un moment de tensions entre la Pologne et la Tchécoslovaquie, en particulier autour du partage de la Silésie, et il n’est pas impossible que ce soient les négociations franco-polonaises qui poussent Prague à proposer une alliance à la France, pour prendre Varsovie de vitesse7. En juillet 1946, Paris reste silencieux devant la proposition tchécoslovaque. Mais le 14 février 1947, à l’occasion de la signature à Paris des traités de paix (bulgare, finlandais, hongrois, italien et roumain), un communiqué commun annonce l’ouverture de négociations. La veille, Bidault a proposé aux Polonais un traité semblable. Les archives diplomatiques françaises ne laissent pas de doutes sur la réelle volonté de Bidault, au début de l’année 1947, de conclure ces traités. Le 17 juin, il annonce être prêt à se rendre à Prague pour signer l’accord dès que son texte aura été fixé8, alors même que George Marshall avait souligné lors de son passage à Paris son inquiétude face à ces projets d’accords9. Les motivations de Bidault sont multiples. Il souhaite tout d’abord garder le contact avec les pays d’Europe centrale :

6 MAEF, Europe 1944-1960, Pologne, vol. 59, ƒƒ 46-53 ; télégramme de Fouchet, Lublin, 3 mars 1945, n° 18.

7 Voir par exemple Antoine Marès, « Franco-Czechoslovak Relations from 1944 to 1948 or the Munich Syndrom », in : Antonio Varsori, et Elena Calandri, The Failure of Peace in Europe, 1943-1948, Basingstoke, Palgrave (Cold War History Series), 2002, p. 104-122 ; Yvon Lacaze, « Les rapports franco-tchécoslovaques de la libération au coup de Prague, février 1948 » Revue d'histoire diplomatique, n° 1998/1, p. 3-35 ; Christophe Laforest, « Arrières-pensées et illusions. Les tentatives de renouvellement de l'alliance franco-polonaise, 1945-1947 » Revue des études slaves, Paris, vol. 71, n° 2, 1999, p. 263-278.

8 Georges-Henri Soutou, « Georges Bidault et la construction européenne » Revue d’histoire diplomatique, 4, 1991, p. 271.

9 MAEF, Z-Europe, généralités, 1944-1949, vol. 20, note de la direction Europe sur les accords bilatéraux, 19 mai 1947.

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Le gouvernement français, d’accord sur ce point avec le gouvernement britannique, considère qu’une indifférence des nations occidentales à l’égard des efforts faits par l’URSS pour unir les peuples slaves — à propos de l’Allemagne — ne saurait favoriser la paix. Elle contribuerait, au contraire, à convaincre les nations européennes que la scission de l’univers en deux blocs hostiles est inéluctable. Il faut jeter des ponts entre l’Est et l’Ouest, même si l’on n’est pas encore sûr de la solidité des culées sur l’autre rive10.

En outre, Bidault garde sans doute à l’esprit l’intérêt de telles alliances dans une négociation éventuelle avec les États-Unis.

Chaque instrument diplomatique conclu prouve la dimension internationale de la France. En dernier lieu, selon Bidault, les dispositions des traités bilatéraux que le gouvernement français se propose de conclure, conformément à la Charte de l’ONU, vont dans le même sens que les efforts de Washington et de Londres pour obtenir l’adhésion du Kremlin au Pacte à quatre, et là encore, elles pourraient accroître le crédit international de la France11.

Tout au long de l’été 1947, les négociations se poursuivent donc entre Paris, Varsovie et Prague à propos des projets d’alliances, sur les modèles du traité franco-soviétique et du traité de Dunkerque.

Selon Christophe Laforest, les Polonais se méfient néanmoins quand les Français présentent l'alliance comme un pont entre l’Est et l’Ouest :

Cette perspective ne pouvait manquer d'inquiéter Varsovie car elle menait tout droit à la création d'un bloc de ‘pays moins importants entre l'Est et l'Ouest’, dont la France aurait bien sûr été l'instigatrice, formule qui, somme toute, n'était pas très éloignée des alliances que la France avait conclues dans l'entre- deux-guerres avec certains pays d'Europe centrale et orientale12.

En fait, la principale divergence entre la France, d’une part, et la Pologne et la Tchécoslovaquie, d’autre part, réside dans le casus belli évoqué par le texte. La France entend conserver comme point de référence la menace allemande. À la demande de Staline, Prague et Varsovie demandent à élargir le casus belli à tout autre État qui s’associerait à l’Allemagne, « directement ou de toute autre manière »13. Implicitement, ce sont les États-Unis qui sont visés.

D’autre part, la Pologne, notamment, demande la garantie de ses frontières. Or, comme le note la direction d’Europe du ministère français des Affaires étrangères, « si le gouvernement français

10 Ibid., 17 juin 1947.

11 Ibid.

12 Ch. Laforest, « Arrières pensées… » op.cit., p. 226.

13 AN, 457AP76P, télégramme de Dejean à Paris, 16 juillet 1947.

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garantit l’intégrité des frontières des pays en question, il se privera du même coup de cette liberté de manœuvre que lui laissait le fait qu’il n’était pas signataire des accords de Potsdam »14.

À Londres, René Massigli souligne que l'amitié polonaise, comme l'amitié italienne, n'est pas de celles auxquelles il convient de trop sacrifier, dans la mesure où, finalement, elle n’apporte rien en termes de sécurité15. Le 9 novembre, Bidault, invoquant « l’évolution de la situation générale », interrompt les négociations avec la Pologne et, le 27 novembre, il en fait de même avec la Tchécoslovaquie16. Cette rupture des négociations marque l’abandon par Georges Bidault de la politique bilatérale classique. Plusieurs facteurs y ont contribué. D’une part, l’intrusion de Staline dans les négociations bilatérales avec la France, avec l’obligation faite à ces pays de refuser le plan Marshall, révèle l’absence d’indépendance polonaise et tchèque. Il s’agit d’autre part des événements d’Europe orientale (condamnation à mort de Petkov en août17, conférence de Szklarska Poręba en septembre, etc.).

En définitive, la politique d’alliance française a surtout été motivée par le double prisme “allemand et russe”. La volonté de ne pas laisser se reproduire le scenario de l’entre-deux-guerres, associée à un pragmatisme politique imposé par le manque de moyens, conduit à l’acceptation de la domination soviétique. À partir de décembre 1947, les Français renoncent à construire une unité européenne avec la partie orientale de l’Europe, et tentent de maintenir le contact par d’autres voies. Ainsi, après l’appel lancé le 9 février 1955 par le Soviet Suprême18, « les milieux parlementaires entretiennent la relation bilatérale lorsque celle-ci s'essouffle sur le plan politico- diplomatique »19.

14 MAEF, Z-Europe, généralités, 1944-1949, vol. 20, Note de la direction d’Europe sur les accords bilatéraux, 19 mai 1947.

15 MAEF, Europe 1944-1960, Pologne, vol. 59, dépêche très secrète de Massigli, Projet de déclaration franco-polonaise, Londres, 17 mai 1946, n° 1613.

16 G.-H. Soutou, « Georges Bidault… », op. cit., p. 277.

17 Principal chef de l’opposition bulgare.

18 MAEF, Europe 1944-1960, URSS, vol. 145, dépêche de Le Roy, Le tournant de la politique extérieure soviétique au cours du premier semestre 1955, Moscou, 19 août 1955, n° 1126/EU.

19 Thomas Gomart, Double détente : les relations franco-soviétiques de 1958 à 1964, thèse de doctorat soutenue sous la direction du Professeur Robert Frank, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 2002, p. 600-601.

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Date Vers l’Est Vers l’Ouest Sept. 1955 France-URSS

Avr. 1956 France-URSS Avr. 1956 France-Pologne

Mai 1956 France-URSS

Mai 1956 France- Pologne Août 1956 France- Pologne Août-sept. 1956 France-URSS Sept. 1956 France-RDA

Oct. 1956 France-Tchécoslovaquie Oct. 1956 France-Roumanie

Nov. 1956 URSS-France

Déc. 1956 France-Pologne Juil. 1957 France-Tchécoslovaquie Sept. 1957 France-URSS

Août 1957 France-Bulgarie

Oct. 1957 Roumanie-France

Nov. 1957 Tchécoslovaquie-France

Janv. 1958 France-URSS

Fév. 1958 Pologne-France

Mai 1958 Roumanie-France

Print. 1959 France-RDA Sept. 1959 France-Roumanie Sept. 1959 France-RDA (1) Sept. 1959 France-RDA (2) Oct. 1959 France-RDA

Tableau 2 : Les contacts parlementaires entre la France et l’Europe de l’Est (1955-1959)

Sources : télégrammes du Quai d’Orsay et débats des Commissions des Affaires étrangères. L’Assemblée nationale ne suivait pas avec précision les voyages de députés derrière le rideau de fer. Les archives disponibles concernent les visites officielles de délégations, mais les voyages privés n’y laissent pas de traces. Le tableau ci-dessus est donc une reconstitution, vraisemblablement lacunaire.

Tableau tiré de : Emilia Robin-Hivert, Le thème de l'Europe dans les rapports de la France avec les pays communistes (1943-1958), thèse de doctorat soutenue sous la direction du Professeur Georges-Henri Soutou, Université Paris IV-Sorbonne, 2008, p. 484.

En définitive, la politique d’alliance française a surtout été motivée par le double prisme “allemand et russe”. La volonté de ne pas laisser se reproduire le scenario de l’entre-deux-guerres, associée à un pragmatisme politique imposé par le manque de moyens, conduit à l’acceptation de la domination soviétique. À partir de décembre 1947, les Français renoncent à construire une unité européenne avec la partie orientale de l’Europe, et tentent de maintenir le contact par d’autres voies. Ainsi, après l’appel lancé le 9 février 1955 par le

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Soviet Suprême20, « les milieux parlementaires entretiennent la relation bilatérale lorsque celle-ci s'essouffle sur le plan politico- diplomatique »21.

Le commerce est un autre moyen de contact dans ces débuts de guerre froide. Les relations commerciales entre l'Est et l'Ouest pendant la guerre froide, bien que quantitativement faibles, ont une signification éminemment politique : les négociations commerciales sont suspendues en cas de tension et la détente se manifeste en tout premier lieu par une plus grande facilité à voyager et à commercer.

Mais pour la France, dans le domaine économique, la reprise est lente, à cause des destructions, des rationnements, des difficultés de transport... Comme le dit ironiquement Georges Bidault en mars 1946 devant les députés de la Commission des Affaires étrangères,

« on fait actuellement plus de traités de commerce que de commerce »22.

Enfin, dans cette période, les relations se maintiennent au niveau culturel. Les relations culturelles entre la France et l'Europe de l'Est font l'objet d'études de plus en plus nombreuses23. À Paris, elles dépendent de la direction générale des relations culturelles du Quai d'Orsay qui gère leurs aspects matériels et les institutions françaises à l'étranger (instituts culturels et lycées français, missions religieuses)24. Malgré des accords culturels bilatéraux assez nombreux, une certaine frilosité demeure et justifie la création

20 MAEF, Europe 1944-1960, URSS, vol. 145, dépêche de Le Roy, Le tournant de la politique extérieure soviétique au cours du premier semestre 1955, Moscou, 19 août 1955, n° 1126/EU.

21 Thomas Gomart, Double détente : les relations franco-soviétiques de 1958 à 1964, thèse de doctorat soutenue sous la direction du Professeur Robert Frank, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne, 2002, p. 600-601.

22 CARAN, C 15286, Commission des Affaires économiques, 1945-1946 ; séance du 27 mars 1946, p. 2-3.

23 Jean-François Sirinelli & Georges-Henri Soutou (dir.), Culture et guerre froide, Paris, PUPS, 2008, 316 p ; Anicko Macher, « La diplomatie culturelle entre la France et la Hongrie de 1945 à 1949, vue de Hongrie » in : François Roche (dir.), La culture dans les relations internationales, Rome, École Française de Rome, 2002, p. 251-262 ; Relations internationales, automne 2003, n° 115, dossier « Diplomatie et transferts culturels au XXe siècle » ; Annie Guénard, « De la reconstruction à l'éviction. Entre 1944 et 1949, une politique culturelle française en Europe centrale et orientale confrontée à l'organisation du Bloc communiste », Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 36, 1994, p. 21-27.

24 Emilia Robin-Hivert, Le thème de l'Europe dans les rapports de la France avec les pays communistes (1943-1958), thèse de doctorat soutenue sous la direction du Professeur Georges-Henri Soutou, Université Paris IV-Sorbonne, 2008, 743 p.

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d’associations d'amitié toujours plus nombreuses25. Pourtant, progressivement, seules les associations disposant d'un soutien politique dans le pays homologue réussissent à entretenir des échanges effectifs. Les autres, à partir de 1947-1948, ne pourront que soutenir les exilés26. En France, comme le souligne Antoine Marès :

Nous nous trouvons placés face à un curieux cas d'amnésie et de surdité collectives. Les émigrés-exilés de l'immédiat après-guerre arrivent en France dans un monde intellectuel qui leur est hostile et qui refuse de distinguer entre démocrates, conservateurs et réactionnaires. Chez les communistes comme chez les compagnons de route, il n'est pas question d'entendre les critiques des nouveaux venus.27

Dans ce contexte, la culture est une arme politique28. Claude de Boisanger, ambassadeur en Tchécoslovaquie d'octobre 1953 à avril 1959, particulièrement favorable à une reprise de contacts étroits entre la France et la Tchécoslovaquie, se demande ainsi si les Occidentaux ne pourraient pas « essayer de créer par une politique active, positive, des conditions favorables à un certain rapprochement de la Tchécoslovaquie avec l'Occident, c'est-à-dire à un affaiblissement de la position russe à Prague »29?

25 Par exemple, pour promouvoir un rapprochement avec la Pologne, il existe, en mai 1945 : l'association France-Pologne (fondée en 1919 et présidée par Jacques Charpentier) ; les Amis de la Pologne (également fondée dans l'entre-deux-guerres et présidée par Louis Marin) ; les Amis de la démocratie en Pologne, à vocation plus intellectuelle ; l'Association catholique franco-polonaise ; l'Amitié franco-polonaise (présidée par Frédéric Joliot-Curie), proche du PCF.

26 Józef Laptos, « La situation et le rôle de l'émigration politique polonaise en France à l'époque de la guerre froide (1944-1956) » in : Bernard Michel et Józef Laptos (dir.), Les relations entre la France et la Pologne au XXe siècle, Cracovie, Eventus, 2002, p. 181-204 ; et Antoine Marès, « Témoignages d'exilés et de réfugiés politiques d'Europe centrale en France après 1945 », Matériaux pour l'histoire de notre temps, n° 44, automne 1996, p. 48-54.

27 Antoine Marès, « La vision française de l'Europe centrale… », op.cit., p. 141.

28 Sur la subordination des relations culturelles aux projets politiques, dans le cas de la Tchécoslovaquie, voir Antoine Marès, « La culture comme instrument de la politique extérieure des démocraties populaires : l'exemple franco-tchécoslovaque » Relations internationales, n° 115, automne 2003, p. 425-436.

29 MAEF, Europe 1944-1960, Tchécoslovaquie, vol. 161, ƒƒ 340-344 ; note confidentielle de Boisanger pour le Secrétariat général, De notre politique en Tchécoslovaquie, Paris, 21 avril 1955.

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DE GAULLE ET LA VOLONTÉ DE RENDRE L’ÉCHANGE TOUJOURS POSSIBLE

Cette volonté de maintenir le contact possible se retrouve dans la politique gaulliste. On peut lire ainsi le débat sur l’inclusion, voire la disparition, de l’Europe occidentale dans l’Alliance atlantique, qui se développe en Europe et aux États-Unis, dès 1950, et plus encore en 1962 avec le projet de partenariat de Kennedy-Monnet. La volonté de conserver l’indépendance des communautés européennes permet, implicitement, de rendre toujours possible leur élargissement. Pour le général de Gaulle, la petite Europe — celle du Marché commun

— ne peut être, au mieux, qu'un point de départ, et en aucune façon une fin. L'objectif est de regrouper, dans une organisation d'ensemble, tous les États de l'Ancien continent30. Le 4 février 1963, Maurice Couve de Murville déclare, devant la Commission sénatoriale des Affaires étrangères :

L'Europe de l'Atlantique à l'Oural n'est pas une conception actuelle. Cette notion se rattache à l'idée qu'à la fin des fins, il faudra un véritable règlement européen et qu'on trouvera une Europe qui aura son propre équilibre. Le but lointain d'une union de toute l'Europe doit être affirmé en tenant compte de l'évolution russe qui a été grande depuis Staline. Mais, pour le moment, on constate que l'U.R.S.S. ne cherche pas d'accord avec l'Europe des Six et n'est pas disposée à avoir d'autre interlocuteur que les États-Unis31.

Après avoir déploré cette situation, le général de Gaulle, le premier, se réjouit de l'évolution perceptible dans les pays de l'Est, qu’il ressent comme un pas en avant vers cette Europe qu’il espère. C’est cette même idée qui est développée par François Mitterrand, lorsque, par exemple, il déclare le 30 septembre 1982, devant le Conseil de l’Europe :

On pourrait parler des absents. Après tout, ils font eux aussi partie de l’Europe. Car nous ne pouvons réduire notre continent aux seules signatures des traités et des conventions dont vous assurez la bonne application ? (…) comment oublier que ce qu’on appelle Europe centrale a partagé, avec notre pays, des phénomènes de civilisation aussi réels que le gothique, la Renaissance, la Réforme, le Romantisme, enfin, l’explosion de la modernité32.

30 Edmond Jouve, « L'Europe de l'Atlantique à l'Oural », Espoir, n° 18, 1977.

Disponible en ligne : http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers- thematiques/de-gaulle-et-le-monde/de-gaulle-et-

lrsquoeurope/analyses/lrsquoeurope-de-lrsquoatlantique-a-lrsquooural.php (consulté le 8 novembre 2010).

31 Ibid.

32 François Mitterrand, Réflexions sur la politique extérieure de la France, Paris, 1986, p. 254.

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Mais seule la fin de la guerre froide peut permettre d’envisager concrètement cette grande Europe. Les inflexions antérieures ne la laissent qu’espérer.

MITTERRAND ET L’EUROPE CENTRALE

Alors que le bloc soviétique commence à vaciller, en 1989, la France fête avec faste le bicentenaire de la Révolution française et exerce, au second semestre, la présidence tournante du Conseil des ministres de la Communauté européenne. C'est donc tout à la fois comme président de la République française et comme président du Conseil des ministres de la Communauté que François Mitterrand adresse plusieurs discours au Parlement européen, entre septembre et décembre 1989, au sujet des événements de l’Est. Dans deux de ces discours, ceux du 25 octobre et 22 novembre 1989, il exprime son encouragement aux bouleversements politiques du bloc soviétique, tout en restant pragmatique, par des propositions concrètes : celle d'une « banque pour l'Europe », et celle du renforcement des institutions communautaires33.

Nous avons vécu pendant près d'un demi-siècle dans le cadre d'un ordre qui se défait sous nos yeux. C'était l'Europe de Yalta, expression consacrée, même si elle n'est pas historiquement exacte, l'Europe coupée en deux ou en trois, l'Europe des blocs et des systèmes. Nous n'en n'avons pas fini avec elle, l'histoire n'est pas un fleuve tranquille. […] Aux questions qui seront posées, il n'y aura pas de réponse unique. Bref, Mesdames et Messieurs, ce sera plus compliqué. Mais quel élan et quel espoir ! […] Voilà la grande nouvelle. De nouveau, les peuples bougent et quand ils bougent, ils décident. […] Les Allemands de l'Est ont un pouvoir d'achat supérieur à quelques pays membres de la Communauté. Ce n'est donc pas la misère qui les pousse à la révolte.

C'est quelque chose d'autre qu'on a déjà nommé : l'espérance de la liberté.

[…]34.

En outre, selon Mitterrand, les événements à l’Est rendent inéluctable une relance de la construction européenne :

En même temps qu'avancent et que se déroulent les événements à l'Est […], il convient que l'Europe de la Communauté se renforce plus encore qu'elle ne l'a jusque là décidé, qu'elle se hâte d'être elle-même dans ses structures. Et ces structures dépendront strictement de la volonté politique qu'elle aura démontrée, pour que l'unité, c'est-à-dire l'unité politique préside finalement à

33 Pauline Joris, « François Mitterrand et 1989 : la compréhension incomplète d'une Europe en bouleversements », Nouvelle Europe, publication en ligne : http://www.nouvelle-

europe.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=485&Itemid=64

34 Discours du 25 octobre, Ibid.

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l'ensemble des démarches engagées depuis que les fondateurs ont conçu l'Europe35.

Mais en 1989, François Mitterrand n'envisage pas explicitement une adhésion des anciens États de l’Est à l'Europe des Douze. Le 31 décembre, dans ses vœux aux Français, il évoque seulement la possibilité d'une nouvelle confédération européenne :

Ou bien la tendance à l'éclatement, à l'émiettement s'accroîtra et nous retrouverons l'Europe de 1919 ― on connaît la suite ― ou bien l'Europe se construira. Elle peut le faire en deux étapes, d'abord grâce à notre Communauté des Douze qui doit absolument renforcer ses structures. […] La deuxième étape reste à inventer : à partir des accords d'Helsinki, je compte voir naître dans les années 90 une confédération européenne au vrai sens du terme, qui associera tous les États de notre continent dans une organisation commune et permanente d'échanges, de paix et de sécurité36.

Et le scenario des élargissements, à la fois atlantique et européen, laisse la belle part à l’OTAN et à l’allié américain, bien plus qu’à la France. Je ne reviendrai pas sur les polémiques entre historiens pour déterminer si François Mitterrand avait compris ou non l’ampleur des changements intervenus à l’Est37. Mais la simple existence de ces polémiques, et le manque de crédibilité de la France auprès de certains de ses interlocuteurs en Europe centrale, suffisent à éclairer le débat. Or, de la chute du mur de Berlin (on peut citer en exemple le voyage de Mitterrand en RDA), jusqu’à l’incident du « plombier polonais » de 2005, et le célèbre « ils auraient mieux fait de se taire » du président Jacques Chirac, les relations entre la France et les pays d’Europe centrale sont une histoire de malentendus, d’incompréhensions et de mots malheureux. La France a donné l’impression, peut-être malgré elle, de freiner le processus d’élargissement européen, de crainte d’une dilution du projet fonctionnaliste et de la reconstitution d’une zone d’influence allemande en Mitteleuropa. En outre, sur ce premier malentendu s’en est greffé un autre, autour de la notion d’Occident. Le “retour en Europe” a été interprété par les élites est-européennes comme un retour aux valeurs occidentales, communes aux Européens et aux

35 Ibid.

36 Ibid.

37 Sur cette querelle, cf. Frédéric Bozo, Mitterrand, la fin de la guerre froide et l’unification allemande, Paris, Odile Jacob, 2005, 518 p., défenseur de la lecture mitterrandienne, l’auteur prend le contre-pied de Philip Zelikow & Condoleeza Rice, Germany Unified and Europe Transformed: A study in Statecraft, Cambridge, Harvard University Press, 1995.

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Américains, alors que pour la France la Communauté européenne était une façon de se différentier des États-Unis.

Conclusion : la France est-elle de retour en Europe centrale ?38 Tous ces malentendus ont laissé des traces profondes, et l’idée de recentrer l’Europe autour de la Méditerranée, qu’on voit ressurgir avec le projet d’Union pour la Méditerranée, procède toujours de cette volonté française de trouver un rééquilibrage par rapport à l’implantation de l’Allemagne en Europe centrale, illustration de la vieille inquiétude française à ce sujet.

Pourtant, l'influence française en Europe centrale, si elle est plus discrète que l'attraction allemande ou que le tropisme anglo-saxon, n'en est pas moins importante. De nombreux leaders européens de l'Est aiment la France, parlent sa langue et attendent beaucoup de Paris. Nous pouvons évoquer à cet égard le défunt Bronislaw Geremek, ou Vaira Vike Freiberga, ancienne présidente de Lettonie, tous deux francophones réputés. Pour répondre à ces attentes, la France a signé des « partenariats stratégiques » avec des États d'Europe centrale et orientale, tournés vers les questions de l'énergie et de l'agriculture. Des entreprises françaises, notamment les plus grandes, ont joué la carte des investissements à l’Est dès les années 1990, comme Veolia ou L’Oréal. Mais l’Europe de l’Ouest s’est construite, pendant la guerre froide, contre cette autre Europe, de l’Est, aux contours géographiques vagues, mais au modèle politique opposé. L’Europe de l’Ouest, qui se réclame de valeurs universelles, n’a pas suivi une logique inclusive, mais au contraire exclusive dans sa construction. L’élargissement suppose alors une intégration des nouveaux venus dans un modèle préexistant. L’incident du plombier polonais a été lu à l’Est comme un nouveau témoignage de la vision

38 La Fondation pour l’innovation politique a organisé, le 16 juin 2008, une table ronde, en partenariat avec Nouvelle Europe autour du thème « La France est-elle de retour en Europe (de l’Est) ? La présidence française de l’UE vue des nouveaux États membres » (compte rendu par Sara Pini :

http://www.nouvelle-

europe.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=496&Itemid=64).

Lire également l’article de Philippe Perchoc, « La France est-elle de retour en Europe (de l’Est) ? », Nouvelle Europe :

http://www.nouvelle-

europe.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=488&Itemid=58 et l’interview de Christian Lequesne, CERI, Nouvelle Europe,

http://www.nouvelle-

urope.eu/index.php?option=com_content&task=view&id=547&Itemid=25

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condescendante que les Européens de l’Ouest portent sur l’Est et de l’absence de solidarité continentale entre l’Est et l’Ouest, ce qui explique sans doute les tensions actuelles39.

39 Pour approfondir la réflexion sur la perception Est-Ouest actuelle, Zbigniew Truchlewski, art. cité.

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RÉSUMÉS

Afin d’envisage, la position attribuée à l’Europe centrale par la politique extérieure de la France, l’auteur se place sur une perspective à long terme et analyse trois moments particuliers. Les années 1946-1947 sont en effet déterminantes. La France y abandonne l’ambition de constituer en Europe centrale une zone intermédiaire entre l’Union soviétique et les pays bénéficiaires du plan Marshall. Si les communautés européennes sont conçues comme ouvertes par la politique extérieure du général de Gaulle, elles se sont constituées sur un mode plutôt exclusif. Depuis 1989, il est demandé aux pays d’Europe centrale d’adhérer à un modèle en intégrant l’Union européenne, d’où de multiples tensions.

Mots-clés : Europe centrale ; Politique étrangère ; France ; 1947- 1990

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