A NNALES DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE T OULOUSE
S. L ATTÈS
Sur une forme canonique nouvelle des substitutions linéaires
Annales de la faculté des sciences de Toulouse 3
esérie, tome 6 (1914), p. 1-84
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ANNALES
..
FACULTÉ DES SCIENCES
DE L’UNIVERSITÉ DE TOULOUSE
SUR UNE
FORME CANONIQUE NOUVELLE DES SUBSTITUTIONS LINÉAIRES
PAR S. LATTÈS,
Professeur à l’Université de Toulouse.
INTRODUCTION
Ce travail a son
origine
dans lathéorie
dessystèmes d’équations
différentielles dupremier
ordre à coefficients constants. On sait que la discussion d’unpareil
sys- tème revient en définitive à la réduction d’une substitution linéaire à sa forme cano-nique (’).
La formecanonique généralement adoptée
à cet effet est la forme cano-nique
de li. Jordan(~) comprenant plusieurs
groupesd’équations analogues
augroupe suivant :
où S est une racine de
l’équation caractéristique
de la substitution ou dusystème d’équations
différentielles donné.Mais d’autre
part
une méthode élémentaired’intégration
consiste à ramener, par des dérivations et des éliminationssuccessives, l’intégration
dusystème proposé
àcelle d’une ou
plusieurs équations
différentielles linéairesdépendant
chacune d’une(’)
Voir, par exemple, GouRSAT, Coursd’analyse mathématique,
t. II, 2e édit., p.487.
(2)
JORDAN, Traité des substitutions, pp. .2
seule fonction inconnue.
Or,
uneéquation
différentielle linéaire d’ordre ni. se ramène immédiatement ausystème d’équations
dupremier
ordreet à ce
système correspond
la substitution linéaireC)
La
comparaison
des deux méthodes m’asuggéré
l’idée que toute substitution linéaire devaitpouvoir
être ramenée à une formecanonique formée
deplusieurs
groupes
analogues
au groupe(1).
Le but
principal
de ce Mémoire est de démontrer laproposition suivante,
relative à l’existence d’unepareille
formecanonique :
:Toute substitution
lirzéaire,
àdélerminant
non nul,peut
êtretransformée
en unesubstitution de la
forme
’que nous
appellerons forme canonique (C)
etqui
estformée
d’rzn ouplusieurs
groupesd’équations C,, C2, C3
que nousappellerons
groiipescanoniques.
Chacun despolynômes
formés
à l’aide descoefficients
deCi, C2, C3
est divisible par lepolynôme
suivant(°’).
Ajoutons
que lescoefficients
ai, a~, ...,b1, b~,
..., c~~, ...qui figurent
dans(C)
sont des
fonctions
rationnelles descoefficients
de la substitutionprimitive et
que cette formecanonique peut
se déduire de la substitutionprimitive
par desopérations
ra-tionnelles. Au
contraire,
la formecanonique
de ill. Jordan contient comme coeffi- cients les racines del’équation caractéristique
et il fautadjoindre
ces racines audomaine de rationalité
auquel appartiennent
les coefficients de la substitution pour(1)
Cette substitution se rencontre aussi, dans des circonstances analogues, dans la théorie deséquations
linéaires aux différences finies. Voir mon Mémoire Sur les suites hé- currentes non linéaires et sur lesfonclions génératrices
de ces suites(Annales
de ’l’oulouse,3e série, t. III, p.
;8).
(2)
Sur la réduction des substitutions linéaires(Comptes
rendus, t. Igl2, p.y8v).
pouvoir transformer,
à l’aided’opérations rationnelles,
la substitution donnéé enla substitution
canonique.
Pour établir l’existence de la forme
canonique (C),
onpeut avoir
recours à lathéorie
classique
des diviseurs élémentaires etau
théorème fondamental de Weiers- trass(voir plus loin, chap. I,
n°3)
ou bien chercher une démonstration directequi permette
en mêmetemps
depréciser
la nature desopérations
à faire pour effectuerla transformation. ’
Dans le
Chapitre 1, je
donne sans démonstration ceux des résultatsclassiques
dela théorie des diviseurs élémentaires
qu’il m’a
paruindispensable
derappeler; puis je
montre comment onpeut
se servir de cette théorie pour obtenir la forme cano-nique (C).
Les deux formescanoniques correspondent
à deux modes différents dedécomposition
en facteurs du déterminantcaractéristique à(S) :
la forme de M. Jor- dancorrespond
à ladécomposition
deA(S)
en diviseursélémentaires,
la forme nou-velle
(C)
à ladécomposition
deA(S)
enproduits
élémentaires(’)
. lespolynômes AlS), o~(S),
... sont en effetégaux
auxproduits
élémentaires successifs.Dans les
Chapitres
II etIII,
à peuprès complètement indépendants
duChapitre I,
.
j’abandonne
la théorie des diviseurs élémentaires etje
déduis la formecanonique (C)
de la substitution donnée par une méthode
qui
ne fait pasappel
au calcul du déter-minant
caractéristique
et de ses mineurs. Dans cetteméthode,
le calcul des détermi- nants estremplacé
en somme par un calcul d’itération de formeslinéaires :
pour obtenir lepremier
groupecanonique Ci, par exemple,
onapplique plusieurs
fois desuite la substitution donnée à une forme linéaire
Pi
à coefficients arbitraires et on obtient ainsi une suite de formes linéairesP,, P~, P3 ...
dont chacune est !’itérée(ou
la
conséquente)
de laprécédente ;
on s’arrête lapremière
foisqu’on
obtient une forme.linéaire
P1n+t dépendant
desprécédentes.
La relation .qu’on
obtient alors nous donne les coefficients ...,am’
dupremier
groupe cano-nique C, qui
contientprécisément m
variables. Les groupescanoniques
suivantsÇ~, C3, ...
s’obtiennent aussi parun procédé
d’itérationqui
seradéveloppé
au Cha-pitre
III:Cette méthode introduit
directement
les groupescanoniques Ci, C~, C3,
... sansqu’on
ait à calculer aupréalable
ni le déterminantcaractéristique,
ni ses mineurs.Il en résulte
qu’elle pourrait
constituer une méthoded’introduction
des diviseurs élé- mentaires dans la théorie dessu,bstitutions
linéaires sans recours au calcul des déter- minants : onpourrait,
eneffet,
définir lesproduits
élémentaires comme étant lespolynômes 03941(S), -03942(S),
... relatifs à la formecanonique (C)
la méthode d’itération(i)
La définition des produits élémentaires serarappelée
plus loin(chap.
1, n°6).
que nous venons
d’indiquer
montre comment sont définis cespolynômes:
on verraaussi
(chap.
II etIII) qu’elle
met en évidence le rôle d’invariantsqu’ils jouent
et les
rapports qu’ils présentent
avec les élémentsgéométriques (points,
droites,multiplicités
linéairesquelconques*)
invariants par la substitution. En seplaçant
àce
point
de vue, certainespropriétés
des diviseursélémentaires, qui
n’ont pas été établies sans difficulté dans la théorieclassique,
seprésenteraient
tout naturelle-ment comme
conséquence
des définitions. C’est ainsi que la méthode de calcul de~1(S), ds(S),
... montre immédiatement(chap. III,
n°2)
que lesdegrés
de cespolynômes
vont en décroissant ou du moins ne croissent pas; si donc on décom- pose~11(S), ~g(S),
... en facteurslinéaires,
on voit que lesexposants
des diviseurs élé- mentaires successifscorrespondant
àun
même facteur linéaire vont en décroissantou du moins ne croissent pas,
proposition qui
a donné lieu à de nombreuses recher- ches0.
Maisje
nedévelopperai
pasdavantage
cepoint
de vue, queje
me borne àsignaler
ici.Le
Chapitre
II est relatif au cas où la substitution réduitecomprend
un seulgroupe
canonique
ou, pouremployer
lelangage classique,
au cas oùcomprend
un seul
produit
élémentaire. J’aidéveloppé plus particulièrement
ce cassimple
etj’ai appliqué
la formecanonique (C)
relative à ce cas à la résolution dequelques problèmes
concernant les substitutionslinéaires,
parexemple
à la détermination desmultiplicités
linéaires invariantes par une substitution linéaire donnée. Les mêmesproblèmes
auraient pu être traitéslorsque
la substitutioncomprend plusieurs
groupes
canoniques,
casqui
faitl’objet
duChapitre
III; maisje
me suis borné dansce Mémoire au cas le
plus simple.
Chaque
groupecanonique Ci, correspondant
à unpolynôme peut
être dé-composé
enplusieurs
groupesanalogues
quej’appelle
des groupessous-canoniques
et
qui correspondent
à unedécomposition
de3,(S)
en facteurspremiers
entre euxdeux à deux. La
décomposi tion
de en facteurs irréductibles dans le domaine de rationalité des coefficients de la substitution conduit ainsi à une forme sous-cano-nique
deCi comprenant
autant de groupessous-canoniques
que de facteurs irréduc-tibles.
C’est ce queje
montre dans les n°s I et I2 duChapitre
II. Enparticulier,
onpeut
déduire de là la formecanonique
de M. Jordan enadjoignant
au domaine derationalité les racines de
l’équation caractéristique (chap. Il,
n°13).
La théorie des substitutions linéaires, de leurs
transformations,
de leur réductionrationnelle à des
formes canoniques
a donné lieu,depuis Weierstrass,
à ungrand
nombre de travaux. J’aurai l’occasion d’en
signaler quelques-uns
au cours de cetravail ; on trouvera une
bibliographie plus complète
dansl’Encyclopédie
des sciences(1)
Voir à ce sujet l’article Sur la théorie des formes et des invariants, de lt. J.dans
l’Encyclopédie
des sciencesmathématiques,
tome I,(28 volume),
page3q5.
mathématiques (’).
Bien que ’la méthode de réduction queje
donne dans les Cha-pitres
II et III soit,je crois,
nouvelle,quelques points
de contact avec certains tra-vaux antérieurs n’ont pas pu manquer de se
présenter
au cours de ce travail. Voiciceux dont
j’ai
eu connaissancedepuis
lapublication
de mapremière
Note sur cesujet :
M. BURNSIDE, dans un travail
(2)
où il se propose comme but essentiel de montrer parquelles opérations
onpeut
passer d’une substitution donnée à la forme cano-nique
de M.Jordan,
a été amené à considérer une substitution linéaire dutype Ci,
contenant un seul groupe
canonique :
mais ilemploie
seulement cette substitutioncomme moyen auxiliaire pour arriver à la forme
canonique
de ài.Jordan,
sans laconsidérer elle-même comme une forme
canonique
et il ne donne pas la forme cano-nique (C),
formée deplusieurs
groupescanoniques, qui
convient au casgénéral.
Leprocédé
d’itération d’une forme linéaireP~, qui
constitue leprincipe
de la méthodede réduction que
j’adopte,
se trouve aussiemployé dans
ce Mémoire de M. Burnside.Il conduit à la relation
(2) indiquée plus haut, qui
relie un certain nombre deconséquentes
successivesPi, P~, ...,
Mais l’auteur ne donne pas les relationsanalogues qui
nous conduiront(chap. III)
aux divers groupescanoniques
et à la ré-duction
complète
de la substitution donnée à la forme(C).
A un autre
point
de vue, la relation(2)
n’est pas autre chose que la relation donnée par FROBENIUS(3)
entre lespuissances
successivesA1, A’,
A3, ... d’une substi- tution linéaire A. Mais au lieu d’établir cette relation entre lespuissances
de lasubstitution
elle-même,
nous l’établissons entre les résultatsPt, Ps, ...
desopéra-
tions
A, AB
...appliquées
à la forme linéaire arbitrairePi.
Cette relation deFrobe-
nius se trouvedéjà
sous une autre forme dans le célèbre Mémoire antérieur de L~GUERRE Sur le calcul dessystèmes
linéaires(~).
Le
problème
de la réduction d’une substitution linéaire à une formecanonique
par des
opérations
rationnelles, ouplutôt
leproblème équivalent
relatif aux fais-ceaux de formes
bilinéaires,
a été étudié par divers auteurs.Frobenius, Kronecker, Landsberg
ont démontré sousforme
rationnelle le théorème deWeierstrass, qui
setrouve à la base de cette réduction
(~),
c’est-à-direqu’ils
ont démontré que deux fais-ceaux de formes bilinéaires
ayant
les mêmes diviseurs élémentairespeuvent
être(’)
Voir l’article de M. J. Drachdéjà signalé.
(2)
W. BURNSIDE, On the reductionof
a linear Substitution la ils canonical Forrn.ceedings of the London Mathcmatical
Society,
t. XXX,1899,
p.180).
(3)
FROBENIUS, Ueber lineare Substitutionen und bilineare Formen(Journal
deCrelle,
t.
18 ~8).
Enréalité,
ils’agit
dans ce Mémoire de la relation entre lespuissances.
successives
symboliques
d’une forme bilinéaire; mais on en déduit immédiatement la relation entre les puissances successives d’une substitution linéaire."
(4) Journal
de l’ÉcolePolytechnique,
LXIIe cahier,I867,
et OEuvresLaguerre,
t. T,,pp. ~28-~33. ,
(’’)
On trouvera plus loin(chap. 1,
n°3)
l’énoncé de cc théorème.réduits l’un à l’autre par des transformations rationnelles par
rapport
aux coefficients des deux faisceaux.M. LANDSBERG
(1)
donne pour une forme bilinéaire la forme réduited’où l’on
pourrait
déduire immédiatement pour la substitution linéaire la forme ré-duite C : ’
Cette forme
s’applique
au cas où le déterminantcaractéristique comprend
unseul
produit
élémentaire(mineurs
depremiers
entreeux).
àl.Landsberg
nes’occupe
pasexplicitement
des substitutions linéaires dans son Mémoirequi
est con-sacré aux formes bilinéaires. De
plus,
la forme réduite(C),
relative au casgénéral,
n’est pas
indiquée.
M. NICOLETTI
(9)
arepris plus
récemment le mêmeproblème
de la réduction na-tionnelle d’une substitution linéaire ’à une forme
canonique.
Il traite leproblème
d’une
façon
trèsgénérale
ensupposant
que les coefficients deIa
formecanonique
doivent
appartenir
à un certain domaine de rationalité donnéauquel appartiennent
aussi les coefficients de la substitution donnée.
Toutefois,
la méthode de M.Nicolétti
ne met pas
explicitement
en évidenceparmi
les diverses formescanoniques qu’on peut adopter,
la forme(C) dont je m’occupe
dans ce travail. D’autrepart,
cette mé- thode est entièrement différente de la mienne : elle est basée sur des identités assezcompliquées
entre les mineurs d’un déterminant et sur la résolution, déduite de cesidentités,
d’unsystème
de congruences linéaires dont les modules sont certains divi-seurs du déterminant
caractéristique.
-
Je
signalerai
pour terminer le livre récent de M. HAROLDHILTON (3)
sur la théoriedes substitutions linéaires. Il contient un
exposé
de tous les résultatsclassiques
aveequelques
recherches de l’auteur. Lathéorie
des diviseurs élémentaires(Invariant- Fac1o;s)
y estdéveloppée
trèssimplement.
Dans celivre,
dont lapublication est postérieure
à celle de mapremière
Note, M. Harold Hiltonindique
la forme cano-nique (C) que j’ai proposée
etqui
faitl’objet
de ceMémoire) : en même temps
’
(i)
G. LANDSBERG, LTebe’rFundamentalsysteme
und bilineare Fornien(Journal
de Crelle,,
t. CXVI,
1896,
p.342).
°
(2)
0. NICOLETTI, Sulla riduzione aforma
canonica di una sostituzione lineareomogenea
edi un
fascio
diforme
bilineari(Annali
di Matematica, série 3, t. p.265).
’(3)
HAROLD HILTON, Homogeneous linear Substitutions(Oxford,
at the Clarendon Press.y)..
(~)
Loc. cit., chap. n, S 6, A second canonical substitution.qu’il
cite maNote,
M. HaroldHilton, d’après quelques
référencesbibliographiques
que
j’avais
eu l’occasion de luicommuniquer, indique
MM.Nicoletti, Landsberg
etBurnside comme
ayant
fait usage de la formecanonique (C).
Enréalité,
les travauxde ces auteurs ne touchent à la forme
(C)
que par lesquelques points
de contactque
je
viens designaler,
et cette forme ne se trouveindiquée explicitement
dansaucun de ces travaux.
CHAPITRE PREMIER
Définitions
etrésultats classiques.
-Formes canoniques
des substitutions linéaires.
[1]
Formes réduites d’une substitution linéaire. - Soit A une substitutionlinéaire,
à déterminant non nul, faisantcorrespondre
les variables~1, ~s,
...,Zti
aux varia-bles x,, xs, ..., XIL.
Supposons qu’on applique
auxvariables Xi
d’unepart
et aux va- riablesXi
d’autrepart,
une même substitutionlinéaire
T à déterminant non nul; de la sorte, auxvariables Xi correspondent
des variables yl, et aux variablesXi
des va-riables
Yt;
les variablesY~
sont liées aux variables Yi par une substitution linéairequi,
avec les notations habituelles, estdésignée
par etqu’on appelle,
commeon
sait,
latransformée
de A par ’r .Les deux substitutions A et l’-fAT sont dites
équivalentes
ou semblables. Si l’on considère xi’ x~, ..., comme les coordonnéeshomogènes
d’unpoint
P del’espace
à n - r dimensions et
~!, ~~,
...,~,~
comme les coordonnées d’unpoint
P’ du~
même espace, la substitution A
qui
faitcorrespondre
P’ à P est unehomographie
de
l’espace
à I dimensions. La transformation Tpeut s’interpréter
comme unetransformation de coordonnées : : x~, x2, ..., xn sont alors les anciennes coordonnées et yi, y~, .... y~ les nouvelles coordonnées du même
point
P.L’homographie qui
étaitdéfinie par la substitution A dans l’ancien
système
de coordonnées est définie dans le nouveausystème
de coordonnées par la substitution transformée(’).
Noussupposerons
toujours
dans la suitequ’il s’agit
d’unehomographie
nondégénérée,
c’est-à-dire que le déterminant de la substitution A n’est pas nul.
On
peut
chercher àdisposer
des coefficients de la substitution T defaçon
que la transformée de A par T prenne uneforme
réduite onappelle
ainsi une substitutionqui,
en dehors de coefficientspurement numériques,
ne contient comme coefficients que des invariants de l’ensemble des substitutions transformées de A, où A est donné et T arbitraire. Il est bien évidentqu’aucune
transformation linéaire nepourra faire
disparaître
ces invariantsqui
par définition ont la même valeur pour la substitution A et pour toutes ses transforméesquelle
que soit la substi- tution T : ce sont des nombresindépendants
desystème
de coordonnéesadopté
pour. définir
l’homographie
donnée.(I)
Pour les substitutions linéaires considérées à ce point de vue, voir PINCI-IERLE et Leoperazioni
distributive e le loroapplicazioni
all’Analisi (Bologne,
Zani- chelli,Remarquons
que la forme réduite R n’est pasunique.
Toutd’abord,
si on latransforme par une substitution .à coefficients
numériques quelconque,
on obtientune nouvelle
forme
R’qui,
comme R, ne contiendra que des coefficientsnumériques
et les invariants : R’ est donc encore une forme réduite au même titre que R. En outre, si
I1, I$...., Ip
constitQent. unsystème
d’invariantsindépendants,
toute fonc-tion de
Ii, Is,
...,Ip
est aussi un invariant et unsystème de p
fonctionsindépendantes
~
quelconques
de.I~, I~,
...,I~ constitue,
au même titre queIi, I~,
...,Ip
unsystème
d’invariants
indépendants.
On dira que les deuxsystèmes
sontéquivalents. L’aspect
de la forme réduite
dépend
donc dusystème
des invariantsindépendants qu’on adopte
pour les fairefigurer
dans cette forme réduite.[2] Équation caractéristique.
Diviseurs élémentaires. - L’existence d’unsystème
d’invariants et sa détermination résultent de la théorie des diviseurs élémentaires.
Rappelons
brièvement les définitions et lespoints
fondamentaux de cettethéorie (’).
Soit donnée la substitution linéaire
On
appelle équation caractéristique
ouéquation
en S de cettesubstitution, l’équation
Le
premier
membreA(S) s’appelle
le déterminantcaractéristique
de la substi- tution.Soient
S,, S~,
...,Sp
les racines distinctes del’équation
et a,, ..., ocp leurs ordresde
multiplicité,
de sorte que .Si, S~,
...,Sp
étant différents. On démontrequ’on peut
1-:lettre chacun des facteurs de~(S),
parexemple (S
- sous la forme(I)
On trouvera une expositioncomplète
de cette théorie dans les ouvrages suivants : : L. SAUVAGE, Théoriegénérale
des s,ystèmesd’équations différentielles
linéaires et hoano-gènes,
chap. II(Paris,
Gauthier-Villars, édit.I895
et Annales de Toulouse, t. VIII etHAROLD HILTON, loc. cil., chap. n,
Invariant-factors
(p.50).
Voir aussi l’article cité plus haut de M. J. DRACH, dans l’Encycl. des Sciences mathéni.
d’un
produit
depuissances
de(S
-Ss)
dont lesexposants
...,ep,
de somme x,,possèdent
lespropriétés
suivantes : laplus
hautepuissance
de(S
-S,) qui
di-vise est
la
plus
hautepuissance
de(S
-Si) qui
divise à la fois tous les mineurs dupremier
ordre de est
la
plus
hautepuissance-de (S-Si) qui
divise à la fois tous les mineurs du second ordre estet ainsi de
suite;
la
plus
hautepuissance
de(S
-S1) qui
divise à la fois tous les mineurs d’ordre p estenfin les mineurs d’ordre p + i ne sont pas tous divisibles par S -
S,.
°
Chacun des facteurs
(S
-s’appelle
un diviseur élémentair~e de ou de la substitutionlinéaire,
et si l’ondécompose
de même chacun des facteurs deA(S)
onobtient la
décomposition
de en ses diviseurs élémentaires. Lesexposants
eo, des diviseurs élémentaires fournis par un même facteur de~(S)
vérifient les
inégalités
c’est-à-dire
qu’ils
forment une suite non croissante.[3]
Invariants. -L’importance
des diviseurs élémentairesprovient
de la propo- sition suivante : :Les substitutions linéaires ’l’-’A’l’
transformées
de A par une substitutionquel-
conque T ont les mêmes diviseurs élémentaires que A .
Réciproquement,
si deux substitutions linéaires A et B ont les mêmes diviseurs élé-mentaires,
la substitution B esl latransformée
de A par une certaine substitution ’l’ . Cetteproposition
est due à ioieierstrass ou du moins elle résulte aisément d’uneproposition analogue
de Weierstrass relative aux faisceaux de formes bilinéaires(’).
(1)
Pour la démonstration, voir par exemple :HAROLD loc. p. 52.
L. SAUVAGE, loc. cit., pp. 33-50. Le
théorème y
est démontré pour les faisceaux de formes bilinéaires.Sur l’identité des deux
problèmes,
lepremier
relatif aux formes bilinéaires, le sccondrelatif aux substitutions linéaires, voir
Encyclopédie
des Sc. mathém., loc. cit., p.477.
En disant que les diviseurs élémentaires sont les mêmes pour une substitution A et pour sa transformée
B,
on condense en un énoncéunique
un double résultat :1° les déterminants
caractéristiques 3(S),
des substitutions A et B admettent les mêmes racines avec les mêmesdegrés
demultiplicité;
2° la structure de0394(S)
etde relativement à une racine
quelconque Si
est lamême,
c’est-à-dire que si la racineSi
annule tous les mineurs d’ordre 1 , 2, ... de3(S) jusqu’aux
mineurs d’un certain ordre p, elle annule aussi les mineurs de même ordre de~~(S),
et leplus petit
des ordres de
multiplicité qu’a
cette racine dans l’ensemble des mineurs d’un certain ordre est le même pourA(S)
et pourLa
proposition précédente
nous fournit unsystème
d’invariants de la substitution linéaire. Onpeut
lesdistinguer
en deuxcatégories :
: ,I° Les invariants
numériques.
Ce sont les racinesSi,
...,Sp
del’équation
ca-ractéristique.
2° Les invariants de structure. Ce sont les
exposants
des diviseurs élémentairescorrespondant
aux diverses racines.Toute substitution B admettant les mêmes invariants
numériques
que la substitution A et
ayant
la même structure, c’est à-dire, les mêmes diviseurs .élémentaires,
est la transformée de A par une certaine substitution linéaire en .outre, si les coefficients de cette substitution B ne
dépendent
que deS~...., Sp.
cette substitution B pourra être considérée comme
une forrne
réduite ouforme
cano-nique
de la substitutionA,
ou si l’onpréfère
del’homographie
définie par cette substitution.[4]
Formecanonique classique
ouforme canonique
de l’tI. Jordan. - La formecanonique classique généralement adoptée
dans lesquestions d’Analyse
où intervien-nent les substitutions
linéai.res,
parexemple
dans la théorie deséquations
difiéren-rentielles
linéaires (1),
est la formecanonique
de M. Jordan.10
Supposons
d’abord que la substitution donnée admette un seul diviseur élé- mentaired’exposant n,
de sorte que(1)
Voir, par exemple, GOURSAT,Analyse,
t. II, 2e édit., p. La formecanonique adoptée
à cet endroit est formée de plusieurs groupes analogues au suivant :ce n’est pas tout à fait la forme de M. Jordan, mais elle
s’y
ramène par la transformationVoir aussi; même ouvrage, p.
, La forme réduite de M. Jordan est alors la suivante :
2°
Supposons
que admette deux diviseurs élémentairesd’exposants
p, q etsoit .
la
décomposition
deA(S)
en ses diviseursélémentaires; Si
etS2 peuvent
être dis- tincts ou non.La forme réduite de NI. Jordan est alors la substitution obtenue en écrivant l’un à la suite de l’autre deux
systèmes pareils
ausystème (1),
l’un relatif àSi,
l’autrerelatif à
S~.
Soit,
parexemple :
La forme réduite sera :
Si
etS2 peuvent
êtreégaux
ou différents. Dans les deux cas, on vérifie immédiatementen formant le déterminant
caractéristique
et ses mineurs que la substitution(2)
admet les mêmes diviseurs élémentaires
(S
- - que la substitution pro-posée
et que, parsuite,
c’est bien une transformée de la substitution donnée.3° En
général,
soitla
décomposition
de en ses diviseurs élémentaires.(S, S~,
...,S~
sont donc desnombres distincts ou La forme réduite de Jordan est la substitution obtenue
en écrivant l’un à la suite de l’autre p
systèmes analogues
ausystème (i)
relatifs res-pectivement
aux p diviseurs(S
-Si)ei
de3(S) .
Si l’onappelle,
avec certainsauteurs (1), produit
direct de deux substitutions linéairesdépendant
de variables différentes la substitution obtenue en écrivant l’une à la suite de l’autre les deux substitutions’
données, on
peut
dire que la forme réduite de Nl. Jordan est leproduit
direct desformes réduites, telles que
(1), correspondant respectivement
aux diviseurs élémen- taires(S
-(S
-S~)e2 ,
etc. On vérifie immédiatement que la substitution ainsi obtenue est bien une forme réduite de la substitution donnée en constatantqu’elle
admet les mêmes diviseurs élémentaires que la substitution donnée, ainsi que le montre immédiatement la forme du déterminant
caractéristique
de cette substi-tution.
(1)
Cf. HAROLD HILTON, loc. cil., p. 26...,[5]
Réductiond’une
s.ubstitution linéaire par desopérations
ratio~nnelles. - La formecanonique
de 11Z. Jordanexige
la connaissance des racines del’équation
carac-téristique 3(S) = o .
On nepeut
donc pas l’obtenir engénéral
par desopérations
rationnelles en partant
de lasubstitution donnée. " , ; .
Supposons
que les coefficients de la substitution donnéeappartiennent
à un cer-tain domaine de rationalité R ne
comprenant
pas l’ensemble de tous les nombres réels oucomplexes :
lesinvariants Si’ S2,
...,Sp qui figurent, dans
la forme cano-nique
de Jordann’appartiennent
pas engénéral
au domaine R. Onpeut
se pro- poser de n’introduire comme invariants dans la forme réduite que des fonctions des coefficients de la substitution donnéequi appartiennent
au domaine R et d’obteniren
outre cette forme réduite pardes
transformations rationnelles dans le domaine R.C’est le
problème
de la réductionrationnelle
des substitutions linéair^es à desformes.
.canoniques.
Ceproblème
a donné lieu à divers travaux que nous avonssignalés
dansl’Introduction. ’ - ~ ‘
Nous allons
montrer qu’on peut
trouver une forme réduite dont les coefficients soient des fonctions rationnelles des coefficients de la substitution donnée.A cet effet, nous
rappellerons
d’abord comment onpeut
trouver unsystème
d’in-variants indépendants
rationnels parrapport
aux coefficients de la substitution donnée.[6] Système
d’invariants rationnels parrapport
auxcoefficients
de la substitution donnée. - La théorieclassique
des diviseurs élémentaires fournit unpareil système.
Soit,
parexemple,
une substitution linéaire dont le déterminantdécomposé
enses diviseurs élémentaires ait la forme
Si’ S~, S3’ S4, S~
gsont des
nombres différents et les diviseurs élémentaires correspon- dant à une mêmeracine
ont étéplacés
dans une même colonne dans l’ordre desexposants
non-croissants.Dans
ces conditions : .la
plus haute, puissance
de(S - S,) qui
diviseest
.B ~/ /
la
plus
hautepuissance
de(S
-S~) qui
divise le p. g.. c. d. des mineurs du pre- mier ordre de~(S)
est.
la
plus
hautepuissance
dequi
divise le p. g. c. d. des mineurs du second‘ordre de est , .. ~ , .. , .
’ ’
.
la
plus
hautepuissance
de(S - SJ qui
divise le p. g. c. d. des mineurs du troi- sième ordre de3(S)
estenfin les mineurs du
quatrième
ordre deà(S)
ne sont pas tous divisibles parOn
peut
énoncer des résultatsanalogues
pour les binômesEffectuons maintenant le
produit
desfacteurs
binômes situés dans une mêmeligne
de mis sous la forme(3)
et soient0~(S), c~;(S)
cesproduits.
Nous les
appellerons
lesproduits
élémentaires(’)
et l’on aurac’est-à-dire que
A(S)
s’obtient enmultipliant
entre eux lesproduits
élémentaires successifs.Ces
produits
élémentairespeuvent
être obtenus sans connaître les diviseurs élé- mentaires et enparticulier
sans connaître les racines del’équation caractéristique.
. On
peut
les obtenir rationnellement à’partir
de la substitution donnée. Posons eneffet :
En
décomposant
chacun de cespolynômes
en facteursbinômes,
on voit queD,(S)
estégal
au déterminantcaractéristique 3(S) ,
D~(S)
est le p. g. c. d. des mineurs dupremier
ordre dec~(~) , D,(S)
est le p. g. c. d. des mineurs du second ordre de3(S) , DI(S)
est le p. g. c. d. des mineurs du troisième ordre deA(S);
enfin les mineurs du
quatrième
ordre sontpremiers
entre eux dans leur ensemble.. Les
polynômes D~(S), D2(5), D~(S) peuvent
être obtenus par desimples
di-visions
algébriques.
Cespolynômes
une fois obtenus, on en déduit lesproduits
élé-mentaires
(’)
Cette dénomination est celle que M. J. DRACH propose d’adopter dans son article del’Encyclopédie
des Sciencesmathématiques (I,
?, p.394),
au lieu du terme classique de pre- mier, second, troisième, etc., diviseur élémentairequi prête
à confusion, les mots diviseurélémentaire
ayantdéjà
reçu un autre sens.Remarquons
qued’après
la formule(3),
chacun desproduits
élémentaires est divisible par leproduit
suivant.Lorsque
les mineurs dupremier
ordre sontpremiers
entre eux dans leur en-semble,
il y a un seulproduit
élémentaireégal
à lui-même.-
La
décomposition
de en sesproduits
élémentaires fournit unsystème
d’inva-riants
qui présente l’avantage
d’être obtenu rationnellement àpartir
de la substitu-tion donnée. Ce
système
estéquivalent
ausystème d’invariants
donné au numéro3;
comme
lui,
ilcomprend
deuxcatégories
d’invariants :i° Les invariants
numériques.
Ce sont les coefficients desproduits
élémentaires~~(S), 0~(S),
....2° Les invariants de structure. Ce sont les
degrés
de cesproduits
élémentaires~,(S)~ ~~(S)~ ....
En introduisant ces nouveaux invariants, la
proposition
de Weierstrass énoncéeau n° 3
prend
la nouvelle forme suivante : :Pour
qu’une
substitution linéaire B soittransformée
d’une autre substitution linéaire par une cerlaine substitution T, ilfaut
et ilsuffit
queA
et B aient les mêmesproduits
élémentaires.[7]
Nouvelleforme canonique (C)
contenant les invariants rationnelsdéfinis
aunuméro
précédent.
- La nouvelle formecanonique (C)
dontje
me propose d’établir l’existence s’obtient de lafaçon
suivante :1° °
Supposons
d’abord que les mineurs dupremier
ordre du déterminant caracté-ristique
de la’ substitutiondonnée
soientpremiers
entre eux dans leur ensemble,autrement dit
qu’aucune
des racines del’équation
en S n’annule à la fois tous lesmineurs et soit
l’équation caractéristique.
’
On
peut
alors transformer la substitution donnéede façon à
lui donner la formecanonique
suivante :On
peut
le démontrer à l’aide du théorème fondamental deyYeierstrass, pris
sous la forme
rappelée
à la fin du numéroprécédent.
Il suffit de former le détermi- nantcaractéristique
de la substitution(4).
Ce déterminant est :Si l’on
ajoute
aux éléments de lapremière
colonne ceux des colonnes suivantesmultipliés respectivement
par S,S~,
...,S" -~,
cequi
nechange
pas lesproduits
élé-mentaires,
ildevient ~ ~ .en
posant
tet il est
égal
ausigne près
àf(S),
c’est-à-dire aupremier
membre del’équation caractéristique.
D’autrepart, parmi
les mineurs dudéterminant,
il y a un détermi- nantégal
àl’unité,
celui obtenu ensupprimant
lapremière
colonne et la dernièreligne.
Donc les mineurs sontpremiers
entre eux dans leur ensemble. Par suite, lasubstitution
(4)
est bien une forme réduite de la substitution donnée.Dans cette forme réduite
figurent
les fonctionssymétriques
des racines del’équa-
tion en S au lieu des racines
qui figurent
dans la forme réduite de M. Jordan..Elles’applique, quel
que soit l’ordre demultiplicité
des racines, pourvuqu’aucune
racinen’annule à la fois tous les mineurs du
premier
ordre du déterminantcaractéristique.
.
2°
Supposons
maintenant que le déterminantcaractéristique
soitdécomposable
en
plusieurs produits
élémentaires(n° 6)
et soitpar exemple
l’équation caractéristique
dont lepremier
membre est leproduit
des troisproduits
élémentaires
suivants (’) ;
Le
premier
facteurA/S)
est divisible(n° 6)
par le second~~{S)
et le second facteur~~(S)
est divisible par le troisième3(S)..
°’
’
(’)
Les polynômes~~(S), ~3(S)
définis comme p. g. c. d. de certainspolynômes
ne sont définis
qu’à
un facteur constantprès.
On peut donc toujours supposer, commenous le faisons, que le coemcient du terme de plus haut
degré
de chacun de ces poly-nômes est + ~ . Alors le déterminant
caractéristique
estégal
à +c~~(S) ~3(S)
suivantque la substitution a un nombre pair ou un nombre