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Télémédecine et rhumatologie : tout est à faire

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Academic year: 2022

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46 | La Lettre du Rhumatologue • N° 426 - novembre 2016

VIE PROFESSIONNELLE

Télémédecine et rhumatologie : tout est à faire

E. Senbel*

* Rhumatologue, président du Syndicat national des médecins rhumatologues, Marseille.

P

as un jour ne passe sans que les techno- logies de l’information et de la communica- tion en santé ne fassent la une des journaux médicaux, économiques ou grand public. Point de salut en dehors des objets connectés, des sys- tèmes d’infor mations de santé et, surtout, sans télémédecine (TLM). On privilégie pour l’instant les spécialités techniques (la radiologie, avec l’inter prétation à distance ; la néphrologie, avec la dialyse à domicile) ou les spécialités à fort impact éco nomique immédiat (diabétologie ou cardiologie, avec la télé surveillance, etc.), mais les enjeux sont tels que notre spécialité ne peut faire l’économie d’une réflexion sur des projets qui doivent, à terme, nous concerner. Il nous faut déjà mieux connaître cette nouvelle facette de notre profession pour être

“ coconstructeur”, voire initiateur de projets.

Définir l’e-santé

L’e-santé englobe “l’ensemble des technologies de l’information utilisées en santé” (1). En pratique, les 3 grands domaines de l’e-santé dans lesquels le rhumatologue peut développer ses projets sont la télésanté (tous les services de santé en ligne, y compris les sites Internet), la M-santé (M pour

“mobile”, avec principalement les objets connectés et leur utilisation) et la TLM, qui ne représente qu’un aspect insignifiant de l’e-santé. On prévoit cependant un taux de croissance annuel de 30 %.

Définir la TLM

Dans tous les cas, les actes de TLM sont des actes médicaux sous la responsabilité d’un médecin. Le décret no 2010-1229 du 19 octobre 2010 définit 5 types d’actes relevant de la TLM :

➤ la téléconsultation, qui permet à un profes- sionnel médical de donner une consultation à distance à un patient. L’intérêt, dans notre spécia- lité, semble évident pour le suivi des pathologies

chroniques (rhumatismes inflammatoires, ostéo- porose, arthrose, etc.) dans les “déserts médicaux”, pour une prise en charge rapide et économiquement pertinente, en évitant aux patients des déplacements fréquents, pénibles et coûteux ;

➤ la téléexpertise, qui permet à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs autres en raison de leurs compétences particulières. On peut prendre l’exemple d’un avis d’expert pour l’instauration ou la rotation d’un trai- tement par biomédicament ;

➤ la télésurveillance médicale, qui a pour but d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à sa prise en charge.

L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient ou par un professionnel de la santé. Si l’hypertension artérielle ou le diabète viennent immédiatement à l’esprit, l’enregis trement d’événements particuliers (chute, dans l’ostéoporose ; autoévaluation, dans les rhumatismes inflammatoires chroniques ; activité physique, etc.) peut être aussi envisagé ;

➤ la téléassistance médicale, qui doit permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de la santé au cours de la réali- sation d’un acte pour, par exemple, un échange de compétences techniques ou une formation (inter- prétation d’une imagerie complexe, geste interven- tionnel délicat, etc.) ;

➤ la réponse médicale, qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale, telle l’orientation vers des centres de référence ou le placement d’un patient, dans les suites d’une fracture, dans une structure disponible. Une plateforme territoriale d’appui est souvent la forme choisie.

À l’heure actuelle, les thèmes jugés prioritaires sont la permanence des soins en imagerie, la prise en charge de l’accident vasculaire cérébral, la santé des personnes détenues, la prise en charge des maladies chroniques et les soins en structure médico sociale ou en hopitalisation à domicile. Dans le cadre des maladies chroniques, voire dans celui des soins en

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structure médicosociale, peuvent s’inscrire des projets rhumatologiques. Néanmoins, monter un projet de TLM requiert de suivre un cahier des charges lourd et contraignant, que dénonce d’ailleurs le Conseil national de l’Ordre des médecins dans son rapport de février 2016 intitulé “Télémédecine et autres prestations médicales électroniques”. Celui-ci pointe l’absence de souplesse pour les projets médi- caux et demande notamment la possi bilité d’une validation au niveau national, voire d’un finance- ment dès lors qu’une expérimentation en région s’est montrée concluante. Il faut souligner que les sociétés commer ciales qui exercent en dehors du champ du code de déontologie (du type de deuxiemeavis.fr) ne sont pas astreintes à ces limites.

Mettre en place un projet de TLM

La base technique préalable à tout projet Des messageries sécurisées, un très haut débit, des hébergeurs agréés avec, comme maître mot, la sécu- rité des données et l’interopérabilité, sont incon- tournables. Cela n’est pas si évident, car certaines régions ne sont toujours pas couvertes par la fibre, les messageries sécurisées ne sont pas assez répan- dues (l’échange de données de santé via une boîte mail non sécurisée est d’ailleurs passible de lourdes sanctions) et les systèmes d’information sont peu développés et souvent incompatibles entre eux.

Les territoires numériques de santé Cinq régions pilotes ont, sur la base de dossiers solides, obtenu des financements pour expérimenter l’e-santé. L’exemple de la région AURA (Auvergne- Rhône-Alpes) avec le projet PASCALINE (PArcours de Santé Coordonné et Accès à L’Innovation NumériquE) comprend, entre autres, le projet ESTELA (ESpace de TELémédecine Auvergne), qui comprend la télé- consultation pour les accidents vasculaires cérébraux et la coordination gérontologique aidée par la TLM (COGERT), le projet Cybercantal Télé médecine (pour l’instant ciblé sur la dermatologie et la cardiologie ; une extension est prévue cette année en médecine interne, rééducation dans le cadre de la maladie de Parkinson, etc.) et des projets en Rhône-Alpes (téléradiologie, télésurveillance, téléconsultation, téléassistance pour les insuffisants rénaux, etc.).

La rhumatologie reste pour l’instant peu concernée.

L’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP)

En 2012, cet organisme d’État a réalisé une étude portant sur 25 projets afin de dégager les facteurs clés de réussite. Cinq facteurs ont été identifiés : 1. un projet médical répondant à des besoins ; 2. un projet porté par un médecin ;

3. l’ajustement de l’organi sation en vue du travail à distance, en fonction de la disponibilité des médecins et des patients ;

4. l’adaptation des ressources humaines : de nou- veaux métiers sont susceptibles de voir le jour, et certaines tâches, d’être transférées, surtout dans la télésurveillance, la présence de coordonnateurs étant par ailleurs indispensable ;

5. la conception d’un modèle économique, y compris pour le fonction nement en routine. Des conventions inter établissements peuvent permettre de répartir le temps des professionnels de la santé.

Des documents ont été conçus pour aider les por- teurs de projets et les Agences régionales de santé (ARS) à construire et déployer des projets de TLM. La démarche s’appuie sur 4 grandes étapes : l’évaluation de l’offre et des besoins, effectuée au moyen d’outils fournis par le ministère ; l’identification de la réponse à apporter à un besoin précis dans une zone géogra- phique spécifique ; la réalisation, avec mise en place d’une structure de pilotage, description du processus de prise en charge et établissement des protocoles médicaux, harmonisation des pratiques et formation des personnes, mise en œuvre des systèmes d’infor- mation, etc. ; enfin, l’évaluation de la pertinence du modèle et de ses performances. Ce type d’organisa- tion est à l’évidence plus adapté à un modèle centré sur l’hôpital qu’à une activité libérale. Aujourd’hui, 53 % des projets de TLM sont exclusivement hospi- taliers, et 4 % seulement, extra hospitaliers.

Le financement

Le financement reste, il faut le reconnaître, totale- ment illisible. Il convient tout d’abord de distinguer les frais de financement initiaux et les frais de fonc- tionnement. Les structures administratives partici- pant à la conception sont principalement la Direction générale de l’offre de soins et l’Agence des systèmes d’information partagés de santé, celles qui assurent les “frais de fonctionnement”, l’assu rance maladie au travers de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) et les ARS dans le cadre d’expérimentations avec le fonds d’intervention régional (FIR).

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VIE PROFESSIONNELLE

La LFSS de 2014 a identifié 9 régions pilotes : Alsace, Basse-Normandie, Bourgogne, Centre, Haute- Normandie, Languedoc-Roussillon, Martinique, Pays de la Loire et Picardie. Des prototypes tarifaires pour rémunérer à l’activité les professionnels ou les établissements s’élevaient à 6,6 millions d’euros en 2015 dans les 9 régions pilotes. Dans le projet

“Étapes” concernant des patients en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou en affection de longue durée (unique- ment des patients non hospitalisés), les “profes- sionnels requérants” et les “professionnels requis”

sont sous convention et seules certaines situations sont susceptibles d’être rémunérées (établissement d’un plan de soins, acte prévu dans ce plan, pres- cription par le médecin traitant en cas d’acte non programmé, urgences dans le cadre de l’EHPAD pour certains cas précis). Le professionnel requis peut percevoir, selon l’acte, de 26 euros (médecin généraliste) à 43,70 euros (psychiatre). Pour les établissements, la rémunération s’effectue au titre des consultations externes. S’agissant de la télé- expertise, une rémunération forfaitaire de 40 euros par année civile et par patient est mise en place pour chaque professionnel requis, dans la limite de 100 patients par an.

Le processus reste complexe, même si le ministère espère que, à terme, cela concernera 2,5 millions de patients.

On retrouve dans la convention une ouverture (timide) à la facturation à l’acte. Outre le domaine, déjà valorisé, du dépistage de la rétinopathie dia- bétique et des plaies chroniques (dont le succès reste modeste, la valorisation l’étant aussi), le cas des patients en EHPAD (échange d’informations entre l’ancien et le nouveau médecin traitant lors de l’emména gement du patient dans l’EHPAD, possibilité de téléconsultation en urgence par les médecins généralistes) est évoqué. Autant dire que,

pour l’instant, ce n’est pas l’assurance maladie qui va promouvoir les actes réalisables en rhumato- logie !

En fait, c’est la promesse d’investissement de 750 millions d’euros du plan Santé numérique 2020 qui devrait marquer le démarrage à grande échelle de la TLM. En effet, il est reconnu que la téléméde- cine est “un outil majeur de l’équité sanitaire pour le patient et un appui pour le professionnel de premier recours” et que “la diversité de ces disposi- tifs [de financement], qui répondent à des besoins et des contextes différents, contribue […] au manque de lisibilité des financements”. De même, “la puis- sance publique lancera des actions ciblées […], afin de favoriser la rencontre précoce entre les entre- preneurs et les professionnels de santé (à l’hôpital et en ville), les patients et les acteurs de la régle- mentation”. Enfin, le déploiement d’outils d’aide à la coordination des soins (plateformes de services, systèmes de communication et de partage d’images) constitue la priorité. Toutes ces déclarations de bonnes intentions incitent cependant à un opti- misme prudent…

Conclusion

S’il est fondamental de suivre le dossier de la TLM, pour l’instant, la rhumatologie reste peu concernée.

L’incontournable examen clinique, tout comme une situation réglementaire encore peu propice, limitent certainement notre implication. Il y a toutefois, nous l’avons vu, de nombreux domaines à investir en rhumatologie. La vigilance s’impose de toute façon, car l’“uberisation” n’épargne personne, et nous devons prendre nous-mêmes notre avenir en main plutôt que de le laisser à d’autres (industriels, administrations), qui, au détriment de nos patients, n’hésiteraient pas à sacrifier notre spécialité. ■ L’auteur déclare avoir

des liens d’intérêts avec Amgen, AbbVie, Biogen, Bristol-Myers Squibb, Meda, Nordic, Roche Chugai, Expanscience.

1. Servy H, Gossec L. E-santé et médecine : révolution ou évo- lution ? La Lettre du Rhumato- logue 2015;412-413:24-7.

Référence bibliographique

Références

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