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Enseignement sur les conflits d'intérêts : la tête à Toto pour les facultés de médecine

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La Lettre de l'Hépato-gastroentérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier-février 2017 | 5

ÉDITORIAL

Pr Marc- André Bigard

Service d’hépatogastro­

entérologie, CHU de Nancy.

Enseignement sur les conflits d’intérêts : la tête à Toto

pour les facultés de médecine

L’

affaire du Mediator

®

, dans laquelle les conflits d’intérêts ont joué un rôle important, a marqué un tournant dans l’attitude vis-à-vis de ces conflits pour toutes les parties en cause. Des évolutions législatives ont été nécessaires, et la loi Bertrand du 29 décembre 2011 a eu pour objectif de renforcer l’indépendance de l’expertise sanitaire publique et d’accroître la transparence des liens de l’ensemble des personnels de santé avec les intérêts économiques du secteur. Cette loi “cadeaux”, complétée par des décrets d’application en août 2013, s’inspirait du Sunshine Act en vigueur aux États- Unis et a abouti à la mise en ligne, en juillet 2014, du site www.transparence.

sante.gouv.fr recensant les “avantages” supérieurs à 10 euros (repas, congrès, voyages, etc.). Une faille de cette loi vient d’être comblée en prévoyant également, au plus tard à la date du 1er juillet, la publication des montants des conventions (contrats de recherche, conférences, missions de conseil) signées entre industriels et professionnels de santé.

La plupart des étudiants en médecine (enquête auprès de 2 101 étudiants) sont conscients du fait que les conflits d’intérêts sont à l’origine de biais potentiels dans les prescriptions médicamenteuses ou la recherche mais s’estiment, à titre personnel, immunisés contre l’influence des firmes (1).

Même les internes, les plus exposés aux visiteurs médicaux, ont peu conscience du risque de conflits d’intérêts, tandis que les deux tiers des étudiants souhaitent connaître les liens de leurs enseignants avec l’industrie (1). Les facultés de médecine doivent normalement s’assurer que leurs étudiants sont protégés d’une influence commerciale durant leurs études et prodiguer un enseignement sur les interactions entre médecins et industrie pharmaceutique ou biomédicale.

Un groupe de travail a été constitué en 2014 par Paul Scheffer (doctorant en sciences de l’éducation à Paris 8) avec 2 médecins, 3 étudiants en médecine et 2 chercheurs (2). Le but de leur enquête était de déterminer si l’affaire du Mediator

®

de 2010 avait conduit les facultés de médecine françaises à mettre en place des politiques concernant les conflits d’intérêts à l’instar de celles des universités nord-américaines. Les résultats ont été publiés récemment (3).

Les 37 facultés françaises de médecine ont été évaluées en consultant leurs sites Internet ou leurs programmes de cours et en contactant les doyens, auxquels a été soumis un questionnaire standardisé adapté du questionnaire utilisé dans une étude au Canada (4). Treize critères permettaient d’évaluer la démarche des facultés en s’intéressant, notamment, au degré de limitation des cadeaux ou des déjeuners pour les étudiants, à l’organisation d’événements sur le campus par les industriels ou au niveau d’encadrement des liens d’intérêts des enseignants. Des items concernaient l’existence de formation des étudiants sur le sujet, le financement de la faculté par des fabricants de médicaments (taxe d’apprentissage), la pratique du “ghostwriting” (rédaction de publications par les firmes pharmaceutiques) ou l’implication de la faculté dans la

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promotion d’une politique sur les conflits d’intérêts au niveau des hôpitaux affiliés. Les items étaient cotés de 0 à 2, ce qui aboutissait à un score total possible allant de 0 (le pire) à 26 points (l’idéal). Seuls 3 doyens ont répondu malgré 5 relances. Des contacts personnels ont cependant permis d’obtenir des informations dans 7 facultés où des enseignants motivés proposaient des cours optionnels sur le sujet. Au total, 9 facultés sur 37 (24 %) avaient introduit une formation aux conflits d’intérêts. Aucune faculté n’avait de politique officielle sur le sujet. Le score maximum était de 5/26 (Lyon Est), Angers cumulait 4 points, tandis qu’Aix-Marseille, Lyon Sud, Paris 5, Paris 7, Rennes 1, Strasbourg et Purpan suivaient avec 1 point. Les 28 autres facultés (76 % du total) illustraient l’expression populaire :

0 + 0 égale la tête à Toto !

Cette enquête a eu un retentissement important, y compris dans la presse généraliste, et le jeudi 12 janvier 2016, le président de la conférence des doyens des facultés de médecine, Jean-Luc Dubois-Randé, dans un communiqué de presse, prenait acte de la “faiblesse des actions entreprises pour exiger une plus grande transparence” des universités à l’égard de l’industrie du médicament et admettait qu’“il fallait aller plus loin”. Pour lui, c’est cependant au niveau de l’hôpital qu’il faut faire porter les efforts en interdisant les réunions d’information ou autres déjeuners encore offerts par les labos dans certains services et en excluant tout enseignement dispensé par des non-universitaires (5). Il faut noter, cependant, que l’obligation pour les enseignants de faire état des conflits d’intérêts en début de cours (instituée par la loi 2016-41 du 26 janvier 2016) est quasi inappliquée dans les facultés.

Une deuxième édition de ce classement est prévue fin 2017, et on peut déjà prédire que les résultats seront meilleurs, à l’instar des États-Unis, où toutes les facultés avaient reçu la plus mauvaise note (F) en 2007 et, où désormais les deux tiers des établissements ont une note A ou B, aucune n’étant plus cotée F. Le Pr Dubois-Randé souligne qu’“il n’y pas de raison d’interdire aux enseignants en médecine d’avoir des relations avec l’industrie pharmaceutique mais qu’il faut être transparent sur ces liens” (6). L’affichage des liens en début de cours et la publication prochaine des montants des conventions vont dans le bon sens. Une formalisation de la politique des facultés de médecine est également indispensable afin d’éviter d’aggraver auprès des patients la perte de confiance entraînée par le scandale du Mediator

®

. Le procès à venir dans cette affaire va raviver les braises, et tous les acteurs de santé ont intérêt à se mettre à l’abri des reproches d’immobilisme !

Références

1. Etain B, Guittet L, Weiss N et al. Attitudes of medical students towards conflict of interest: A national survey in France.

PLoS One 2014;9(3):e92858.

2. Scheffer P. The conversation, 9 janvier 2017. http://

theconversation.com/fr 3. Scheffer P, Guy-Coichard C, Outh-Gauer D et al. Conflict of interest policies at French medical schools: Starting from the bottom.

PLoS One

2017;12(1):e0168258.

4. Schnier A, Lexchin J, Mintzes B et al. Too Few, too Weak: Conflict of Interest Policies at Canadian Medical Schools. PLoS One 2013;8(7):e68633.

5. Béguin F, Stromboni C.

“Conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques : les facs de médecine épinglées”, Le Monde, 10 janvier 2017.

6. Interview du Pr J.-L. Dubois- Randé, EducPros.fr, le 13 janvier 2017.

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