LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA GÉNÉTIQUE
ET LA SÉLECTION DE L’ABEILLE
COMPTE
RENDUD’UNE JOURNÉE D’ÉTUDES.
BURES-SUR-YVETTE,
12JANVIER I967 J.
LOUVEAUXStation de Recherches sur l’Abeille et les Insectes
sociaux,
91 - Bures-sur- Yl1ette Institut national de la Rechercheagronomique
SOMMAIRE
La
génétique
et la sélection de l’Abeilleposent
desproblèmes particuliers
assezcomplexes qui
ont été étudiés par un groupe de
spécialistes
réunisà
13ures-sur-Yvette le 12janvier 19 6 7 .
Les pro- blèmesthéoriques
ont étéabordés, puis
desproblèmes pratiques.
La discussion a mis en évidence les difficultés de réalisation d’un programme de sélection de l’.lbeille à l’échelle nationale mais aussi legrand
intérêt soulevé par laperspective
d’utilisationd’hybrides
de racessusceptibles
d’amener une amélioration sensible des rendements.
INTRODUCTION
Il est
bien
connu que lagénétique
de l’Abeille soulève desproblèmes particu-
liers
assezcomplexes. Il
enrésulte
queles efforts de sélection de souches économique-
ment
intéressantes
seheurtent
à desdifficultés qu’on
ne rencontre paslorsqu’on
s’adresse
à unmatériel biologique plus banal.
Pourtant
l’Apiculture
abesoin d’une façon pressante, d’abeilles améliorées
sus-ceptibles d’assurer les rendements réguliers
etélevés, nécessaires
àla rentabilité de la
profession.
Où
en sommes-nousdans le domaine de la génétique
etde
lasélection
des abeilles ? Comment doit-on envisager le problème
à lalumière des découvertes
scientifiques
etdes mises
aupoint techniques les plus récentes ?
C’est pour tenter de
répondre
à cesquestions
que laStation de Recherches
surl’Abeille
etles
Insectes sociauxainsi que la Station expérimentale d’Apiculture
ontorganisé
le 12janvier y6!
à Bures-sur-Yvette unejournée
d’étudesqui
a réunides spécialistes
del’Abeille,
desgénéticiens, des techniciens, des apiculteurs,
deséleveurs
de
reines
etdes administratifs.
En faisant appel
à des personnes venantdes horizons
lesplus divers,
nous avonsvoulu provoquer une
confrontation des points de
vue de larecherche,
de laprofes-
sion et de
l’administration,
sur unproblème qui
noustient particulièrement
à coeuret
au d uel
nous consacronsbeaucoup d’efforts depuis plusieurs années,
leproblème
de
l’amélioration du cheptel apicole français.
Plusieurs exposés
sur despoints précis avaient
étépréparés
mais leur rôledevait
être surtoutde servir de point
dedépart
à unediscussion
aussivivante
quepossible.
Plusieurs semaines
àl’avance
nousavions
adressé à chacun desparticipants
uneliste
de questions susceptibles
d’êtreévoquées
et defaire l’objet
d’unediscussion :
cesquestions
étaient aussi biend’ordre théorique qu’économique
oupratique. En fait,
et nous le
savions
par avance, il n’a pas étépossible
d’aborder latotalité
dessujets proposés
mais lesprincipaux d’entre
eux ontété discutés
enprofondeur,
souventde façon
trèsanimée
et nous pensonsqu’il
ne sera pas sans intérêt pourl’ensemble
denos lecteurs de
prendre connaissance des différentes opinions exprimées.
Nous
reproduisons ci-dessous l’essentiel des débats, tels du’ils
ontété enregistrés
sur
bande magnétique ;
nous nous sommes bornés à effectuerl’indispensable
travailde mise au
point
que nécessitetoujours
latranscription d’exposés
oraux. Par ailleursnous n’avons pas cru utile
de reproduire
la toutedernière phase de
ladiscussion, celle-ci
étantentièrement
consacrée àdes questions d’organisation matérielle
sansintérêt
pour le lecteur.COMPTE
RENDUJ. NOUVEAUX, qui dirige les débats,
ouvre la séance à 10heures. Après avoir rappelé l’objet de
cettejournée d’étude,
ou encore «table ronde
o, ilprocède
auxpré-
sentations des participants :
Invités étrangers:
Pr.F. RuT’rv!R (Francfort-sur-le-3Iain), Ing.
H. RuT2w,it(Taunz-am-See, Autriche),
Dr VAN1,AERE (Belgique), Ing.
!Tr2!v(Bulgarie),.
Dr. DR!sca!R
(Bonn)
C. iV.
R. S. : 31.E. BôsiGE R , maître
de recherches(Gif-sur-Yvette).
J 1
inistère de /’!4!cM!M! :
3ImeBozjo, chef
debureau.
Organisations apicoles :
M. R.BoRrr!cK, Président
del’Union des Groupements apicoles français,
VI. X.Bu R Y, Président
duSyndicat
nationald’Apiculture,
1T. P.Le-
CLERCQ
, Président de
laCoopérative nationale des Apiculteurs professionnels français,
M.
F. J!n!:v!, chargé des questions d’enseignement
àl’U.G.A.F.,
MM.C.
etR.
Bosc, éleveurs de reines (Villeparisis S.-et-M.),
M.G. FoxTm (Ile d’Yeu),
.:vI. >VI. MARY
(Société
civileapicole de Chézelle, Indre).
I. N. R. A. (Maroc) :
l!-I.E. BARBIER, Station de
Recherchesapicoles (Meknès).
J.
N.
R.A. :
1B1. B.T ROUVELOT , chef
dudépartement de Zoologie agricole,
M.
E. P OUTOUS , maître de recherches (C. N. R. Z.),
1B1.1;. B ERNINGER , maître de
re-cherches (C.
N. R.A.),
31.PE RAMON (C.
N. R.Z.).
La Station
deRecherches
surl’Abeille
et les Insectessociaux,
laStation expéri-
mentale d’Apiculture,
leLaboratoire de Pathologie apicole
duSud-Ouest, les différents
laboratoires de l’I. N. R. A.travaillant
encollaboration
avec les Stationsd’Apiculture
étaient représentés
par 20scientifiques
et techniciens( I ).
J. L OUVEAUX rappelle quelques données
de base sur l’Abeille et surl’Apiculture
afin de bien situer le
problème.
Il donne ensuite laparole
au Pr. F. Rt.-TTwrz.EXPOSÉ
DEF.
RUTTNERSi j’ai
biencompris
ce que m’ademandé
:.B1.L OUVEAUX ,
ma tâcheserait de
vous exposerbrièvement les connaissances
de base de lagénétique dans leurs rapports
avec
les
travauxde
sélection desabeilles.
C’est unthème
très vaste etje
ne pense paspouvoir traiter le problème dans le temps dont je dispose
autrementqu’en énumérant
brièvement
lesdifférents aspects
de laquestion. Les exemples concrets, pris
dans lalittérature
etdans
monexpérience personnelle
selimitent
àl’Abeille. Je
voudrais aussisouligner
queles résultats personnels
queje présenterai
ontété acquis
encollaboration
avec mon
frère, l’ingénieur
HansRuTTNER,
lors de nos travaux en commun à I,unz-am-See.
I. -
Règles générales
de Lagénétique
Ces règles
ontété découvertes
etmises
àl’épreuve
sur de trèsnombreux
orga-nismes ;
ellespeuvent
être considérées commeayant
une valeurgénérale.
A.
-Variabilité hévéditaire.
I
.
La variabilité
héréditairen’est qu’une partie
de lavariabilité
totale.V totale = V
génétique +
V due aumilieu
2
.
La variabilité génétique
et lavariabilité due
aumilieu
ne sont pasindépen-
dantes l’une de l’autre
mais elless’influencent
mutuellement :c’est l’interaction hérédité-milieu.
Dans différentes conditions de
milieu,
les mêmesfacteurs génétiques peuvent conduire
àdes phénotypes
très différents. Pour lapratique
celasignifie qu’il n’existe
pas
d’étalon de
mesureabsolu
pourde
«bonnes
» ou de « mauvaises »qualités ;
uneponte
trèsprécoce
et trèsintense,
parexemple, peut
constituer unavantage dans
unsecteur et un inconvénient dans un autre.
3
.
La variabilité héréditaire
concerne tousles
caractères et toutesles fonctions de l’organisme.
B. -
Sélection.
i.
Sélection signifie
lechoix d’une partie
seulement de la variabilitégénétique
àl’intention des
générations
suivantes. Il en résulteles conséquences suivantes :
i. i. On ne
peut influencer
par lasélection
queles
caractères pourlesquels
ilexiste dans la population considérée
unevariabilité héréditaire.
( 1
)
Sont intervenus dans la discussion ;J.
LouvEaua,J.
LECOMTE,J.
PAIN(Bures-sur-1v·ette),
I’. LAVIE,J.
FRESNAYE(Montfavct), J. ALBISETTI (Sabres).
i. 2.
Toute sélection signifie
unediminution
de lavariabilité et,
avecelle,
uneréduction
dela faculté d’adaptation.
1
. 3.
Toute sélection conduit dans
unecertaine
mesure à unespécialisation.
2
.
La sélection
estd’autant plus
efficace : 1 2. r.
Que l’on connaît mieux la part génétique
de lavariation. Si
on esttrompé
à
chaque génération
pour unebonne partie
par l’influence desfacteurs
dumilieu (par exemple
en cequi
concerne la récolte dumiel) le
succèsde
lasélection
sera diminuéd’autant et
dépendra fortement
duhasard. Le
but doit donc être demaintenir
lavariabilité due
aumilieu,
àl’intérieur
du groupe,dans des limites aussi étroites
quepossible
etd’établir
unplan de travail qui permettra de séparer
lavariabilité
due aumilieu
de lavariabilité génétique. La comparaison
des groupes de soeurs ou de demi-soeurs constitue par
exemple
une méthode de cette sorte.2
. 2. Plus la
sélection agit
avecintensité, c’est-à-dire
moins onutilise d’animaux d’une population
pourl’élevage, plus
le succèsde
lasélection
estgrand, important
et
rapide. A
cepoint
de vue lasituation chez l’Abeille
estparticulièrement favorable.
3
.
La
sélection naturelle.Une
population
dans son milieud’origine représente
unecombinaison de gènes optimale
et unéquilibre
harmonieux del’interaction gène-milieu. La sélection
arti- ficielleconduira
donc àpeine,
dansles
conditionsnaturelles,
à uneamélioration
del’adaptation totale.
Parcontre, dans des conditions modifiées des
facteursdu milieu
on
peut,
parsélection,
obtenirrelativement vite
destransformations profondes.
Ilexiste à ce
sujet
desexemples
très convaincants dans ledomaine
dudéveloppement
des animaux
domestiques
et dans celui del’apparition
deformes résistantes
àl’égard
des
insecticides
et desantibiotiques.
Ce point
de vue est trèsimportant
pourjuger
des chancesd’une
sélection de l’Abeille.C. -- L’ hétérosis.
L’hétérosis
est lasupériorité
deshybrides F,
sur chacun desparents
en cequi
concerne les fonctions vitales essentielles.
Elle
estrépandue
chez les êtresvivants d’une façon
trèsgénérale. La variabilité génétique
que l’onpeut
mettrepartout
enévidence
en estprobablement
laconséquence. Souvent,
lesfacteurs génétiques qui,
à l’état
homozygote
ont une action nettement nuisible ne se conservent dans unepopulation
que parceque,
encombinaison
avecd’autres gènes, ils provoquent
uneffet d’hétérosis.
L’hétérosis peut apparaître
dansdes croisements
de races d’une mêmeespèce,
ou de
souches
àl’intérieur d’une
race oude lignées
àl’intérieur d’une souche
oumême dans le croisement de
deux animauxqui
nediffèrent
que par une seulepaire de gènes.
La supériorité des hybrides F,
semanifeste le plus fortement lorsque les
condi-tions
sontdéfavorables, c’est-à-dire
làoù
laplus grande faculté d’adaptation
estexigée.
Onparle d’un
«tamponnage
» del’organisme
àl’égard
des facteursdu milieu.
Chez
leshybrides
la variabilitédue
aumilieu
est parconséquent plus faible
que chezles lignées consanguines.
L’effet d’hétérosis
esttoujours
leplus
fort dans laF, ;
dans lesgénérations
sui-vantes
il baisse généralement. Chez
leshybrides provenant de deux
formeséloignées
(par exemple
racesgéographiques) les facultés vitales de
laF,
sont leplus
souventplus faibles
que celles desdeux
races audépart.
Les hybrides
aveceffet d’hétérosis doivent donc toujours
êtreréobtenus.
Pour quele résultat
restetoujours égal
àlui-même il faudrait
queles deux lignées
paren- tales soientaussi
constantes quepossibles (homogènes).
C’est
un caractèreparticulier de l’effet d’hétérosis
queni
sonapparition ni
sonimportance
nepeuvent être prévus.
Achaque fois il faut rechercher empiriquement si
la combinaison
dedeux lignées produit
uneffet
ou non(aptitude
àla combinaison).
Le croisement
dedeux
« bonnes» lignées
parexemple peut
êtreplus mauvais
que lesparents ; d’autre part,
la combinaison« bon
» X « mauvais »peut
conduire à uneF i qui dépasse le meilleur des deux parents (tabl. i).
Naturellement, des qualités qui
pour nous sont àconsidérer
comme désa-gréables peuvent aussi
êtreaccentuées
parhétérosis. Chez l’Abeille ceci
est très sou-vent le cas avec
l’agressivité (Apis adansonü
auBrésil).
II. -- La
situation particulière de l’A beille
A. -
Tout expert
enapiculture
m’accorderaqu’il
existechez l’Abeille
uneimpor-
tante
variabilité, aussi
en cequi
concerneles
caractèresqui
sontimportants du point de
vueéconomique,
et que cettevariabilité
esthéréditaire
pour unebonne part.
L’indice d’héritabilité
pour laproduction
du miel( 0 , 23 )
et laquantité de
cou-vain
( 0 , 35 )
est à peuprès
aussiélevé
quel’indice de production
dulait chez la Vache
ou l’indice de
ponte
chez laPoule.
M.
L OUVEAUX
a montré récemment defaçon
très nettequ’il
existe aussi chezl’Abeille
uneinteraction considérable
entrel’hérédité
etle milieu.
Donc il
n’existe
pasde
«meilleure abeille
» et il nepeut
pas enexister
une.B. -
La sélection naturelle
etartificielle.
On nepeut
exercer unesélection
quelorsqu’on
réussit à avoir uneinfluence dirigée
sur la structuregénétique
de la descen-dance
etceci
aussibien
ducôté
maternel quedu côté paternel.
Nous savons tousque le
contrôle des accouplements chez l’abeille
estdifficile, mais
tantqu’on n’a
pas résolu ceproblème dans
tousles
cas, il estimpossible de parler de
«sélection
n.D’autre part, l’Abeille
offreprécisément
unepossibilité unique d’influencer forte-
mentle génome
par lecôté paternel. Comme
des reines pures parleur origine
donnenttoujours
des mâles purs(quelle
que soit lafaçon dont
elles ontété fécondées) leur génome peut,
en une saisonunique
se trouvermultiplié dans des proportions
astro-nomiques
et ainsienvahir
tout le territoire :50 o
reines donnant chacune 2 ooomâles,
on arrive au
total de
i ooo ooode mâles. On peut utiliser
cetavantage
pourremplacer
une abeille par une autre dans un secteur
fermé.
Dans la
sélection proprement
dite ilfaut
tenircompte qu’avec
l’Abeille nous nepouvons
rendre
lemilieu
constant ou lemodifier
que dans uneproportion beaucoup plus faible
que pourles
autres animauxdomestiques. Mais cependant la sélection
naturellen’agit
en aucune manière dans tous lesdomaines de façon
siforte
etsi uni-
latérale qu’une variabilité génétique importante,
et avec elle undomaine suffisant
pourla sélection artificielle,
nepuisse exister. Je voudrais
à cesujet donner quelques exemples.
i.
La
tendance àl’essaimage
sera dans lanature,
pourl’abeille, dans certaines
années(les bonnes)
unavantage
et dansd’autres (les mauvaises)
uninconvénient
parce
qu’aussi
bien les essaims que les souches sontexposés dans
l’hiverqui suit
auxdangers
de la famine.I,’expérience
aeffectivement montré
que latendance
àl’essai-
magepeut
êtreinfluencée relativement
vite par lasélection
dans les deuxdirections.
Economiquement
ceci est un facteur trèsimportant.
2
.
Là où Vespa ovie!.talis
etVespa
crabro nejouent
pas un rôleimportant, l’agres-
sivité
neconstitue
pas pourl’Abeille
unavantage particulier.
Dans les racesdes zones tempérées
onpeut
donc sélectionner des formesdouces ;
parcontre,
c’estpratiquement impossible
avec les races des zonesclimatiques plus
chaudes.3
.
L’avantage
sélectifd’une forte
tendance àdévelopper
le couvain sera souvent trèsdifférent
même àl’intérieur de
territoires très voisins.Ainsi,
là encore, on pourraattendre
uneimportante
variabilitégénétique.
Nous avonstrouvé
que cecaractère,
à l’intérieur d’une souche
pré-sélectionnée, peut
êtrereprésenté
defaçon
trèsvariable.
!. également,
latendance
à accumulerdes réserves
ne sera paspartout
dans lalibre
natureégalement avantageuse.
Mais nousdevons
songer que lasurvie
des colo- niesdépend
engrande partie
de cetteaptitude
et que lasélection naturelle
a exercédepuis toujours
unepression puissante
dans ce sens.Un fait,
il ne restepeut-être
pas de grossespossibilités
dans ce sens pour la sélection artificielle. D’autrepart,
ilfaut
songer que :
a)
les facteurs examinés sous les numéros i et 3 exercent uneinfluence
sur laproduction
du miel.b)
laquantité de miel qui peut
êtrerécolté
sur unecolonie
nereprésente qu’une
fraction
de laproduction totale de
cettecolonie. La plus grande part
estconsommée
par la colonie elle-même. Si l’activité de la colonie n’est
augmentée
que dequelques
unités
pour cent et si la consommation propre resteinchangée,
alors lesuperflu
récol-table
se trouveaugmenté de façon
sensible.5
. Sous
lerapport
de la résistance aux maladies lesplus répandues
il a existédepuis toujours
unepression
desélection régulièrement élevée. Les
chances de lasélection artificielle
sont ici trèsfaibles.
Pour
l’estimation
deschances
dutravail
de sélection chezl’Abeille
il faut tenircompte
du fait que les miellées se sontbeaucoup
modifiées dans laplupart
desrégions
du fait
des
méthodes del’agriculture
moderne.Le génome
obtenu surplace
par lasélection
naturellepeut
trèsbien aujourd’hui
ne pas être lemieux adapté. Donc,
ce n’est pas seulement lasélection
el l’intérieur d’une racequi
a un sens mais aussi lasélection
entre races.Exemples :
Israël(lig.1<slica
à laplace de s r’aca), Allemagne (cariiica
à laplace
deîjîellifica) (tabl. d ).
III. - L’hétévosis chez les abeilles
Dans
de nombreux
casapparaît dans
lescroisements de
races, aussi chezl’abeille,
un
effet d’hétérosis prononcé.
Il concerne avant tout la vitalitégénérale (vigueur hybride),
lataille, l’importance
du couvain et laproduction de miel (tabl. i). Le
mêmephénomène apparaît
chez leshybrides
de deux souches dela
même race ou entredeux
lignées
ou mêmesub-lignées de
la mêmesouche (tabl. 2 ).
Dans
l’aptitude
àla
combinaison on trouve de fortesdifférences. Les croisements
réciproques peuvent
secomporter
defaçon
trèsdifférente. La consanguinité conduit
chez
l’Abeille rapidement
à uneffet contraire (tabl. 3 ).
D’après Cn!,!
leshybrides Statline, (croisements de lignées consanguines
prove- nantd’une population mélangée)
ont un effet d’hétérosisde
30 p. 100.Comme
onpeut
le constater à la lecture du tableau 2, dans
certains
cas les croisementsde
racespeuvent donner de meilleurs résultats.
Lorsqu’on parle
d’«hybrides
ochez l’Abeille
ilfaut
songer queles conditions
sont icicompliquées
par lefait
que dans la colonie deuxgénérations vivent
côte à côte :la reine et les
ouvrières qui
sont ses filles.Ces
deuxgénérations forment ensemble
lao
colonie
o que nousconsidérons
ettraitons
comme uneunité. On peut considérer la reine
comme unehybride F, ;
alors ce sont lesouvrières qui
sont leshybrides F 2 . Ou
bien
onconsidère
commehybrides F j les ouvrières ;
alors la reineelle-même
n’est pasune
hybride mais elle
estl’épouse de
mâles d’une autreorigine. Autant
queje sache,
dans
laplupart
desexpériences le second système
est choisi.La question
se posede savoir quel procédé d’élevage
on doitpréférer :
la sélection àl’intérieur
d’unepopulation naturelle (=
racegéographique)
ou bienl’élevage d’hybrides. Cette question
estparticulièrement importante chez l’Abeille
parcequ’aucun apiculteur n’est indépendant de
sonvoisin
etparce
que lepassage d’une
abeille à une autre abeille est un processuslong
etcoûteux.
Celuiqui prône
une nou-velle voie
prend
donc une lourderesponsabilité
etla décision dépendra moins de questions purement objectives
etscientifiques
quede considérations économiques
etstructurelles.
*
* ! *
J.
LOUVEAUXNous vous remercions très vivement pour cet
exposé qui
fait lepoint
d’unefaçon
très claire et trèsobjective
à la fois etje
pensequ’il
convient maintenant d’ouvrir la discussion.I’. LAVtE
M. RuTTNER a
parlé
duremplacement d’Apis syriaca
parApis liguslica
en Israël. Dans la suitede son
exposé
il asignalé également
que les abeilles douces n’étaient pastoujours
favorables dans lesrégions
où sévissentVespa
orienialis ouVespa
crabro. C’est le cas dans certainesrégions d’Israël,
notamment à la frontière
syrienne,
au nord du lac de Tibériade où lesapiculteurs
ont de grosses difficultés avec des abeillesitaliennes, parfaitement adaptées
à laproduction,
maisqui
se défendentmal contre
Vespa
orienialis. Il reste donc desproblèmes
aussi enIsraël,
bienqu’on
ait éliminé pra-tiquement Apis syriaca.
Il y a un
point
de détail surlequel je
voudrais revenir : c’est le rapport entre la surface du cou-vain et la
production
de miel dans les ruches.Je
suis d’accord avec M.R UTTNER ,
tout au moinsglo-
balement. Une ruche
qui
a une surface de couvainplus importante
récolte enprincipe plus
demiel ;
maiscependant,
avecFR E SNA YE ,
nous nous sommes aperçus au cours des années que ce n’estquand
même pas
toujours
vrai et que si onanalyse
les résultats endétail,
on trouve des cas où des ruches ayant des surfaces de couvain modestes font des récoltessupérieures
à celles de coloniesqui
ont dessurfaces de couvain
plus importantes.
F. RUTTNER
Nous avons reçu une lettre de M. DouLL
d’Australie, qui
noussignale qu’on
travaille là-bas dans degrands
centresd’apiculture
detype
américain avec des abeillesLigustica d’Amérique
etqu’on
a obtenu des résultats meilleurs avec des abeillesCarnica,
même si ellesproduisent
moins decouvain que les
premières.
C’est la même remarque.R. Bosc
Ce que dit M. LA VIEest exact, surtout
depuis
la modification des culturesqui
a touché à peuprès
toutes lesrégions agricoles
de la France. Pendant assezlongtemps
dans nosdépartements
nousétions
satisfaits
des abeilles italiennesqui
nous donnaient degrandes
surfaces de couvain. La modifi- cation des culturesintervenant,
nous nous sommes aperçus que les abeilles italiennes ne travaillaientplus
exclusivement que pourproduire
du couvain et,pratiquement,
ne nous donnaientplus
derécolte. Maintenant nous nous sommes orientés vers les abeilles caucasiennes
qui,
avec un couvainbeauccup
moinsdéveloppé,
nous donnent desproductions supérieures
de miel.E. BÔSIGER
L’exposé
duprofesseur
RUTTNER m’a évidemmentbeaucoup
intéressé.Je
ne connais rien àl’Abeille,
maisje
constate avecplaisir qu’il
y a desquestions générales qui sont posées
actuellement engénétique
despopulations
etqui
se vérifientparfaitement
chez l’Abeille.Je
ne peuxcertainement pas
vous donner des indications concernant directement
l’Abeille, mais quelques
informationsqui
corres-pondent
auxpoints
de vue que vous avezexposés.
Ainsil’agressivité
deshybrides
estprobablement
un effet normal de l’hétérosis.
Quand
on fait deshétérozygotes
chez laDrosophile
et chez la Caille et chez bien d’autresorganismes
queje
n’ai pas étudiésmoi-même,
on obtient presquetoujours
unevigueur générale plus
élevéequi s’exprime
chez les mâles dedrosophiles
par uneagressivité
sexuellebeaucoup plus grande
c’est-à-dire par uneplus grande
activité sexuelle.Or,
il est intéressant de constater que cecis’exprime
chez1:Abeille,
par uneagressivité
vis-à-vis de ceuxqui s’approchent
dela ruche. C’est
probablement inévitable.
Il estpensable, mais pratiquement peut-être non réalisable,
de faire
après l’hybridation
une sélectionspécifique
sur lecomportement
del’Abeille, car les
sélections portant sur le comportement réussissent souvent. Dol3zxnNSxya fait des sélectionspour le comporte-
ment
phototactique
etgéotactique
de laDrosophile ;
il est doncpossible qu’on puisse profiter de
l’effet d’hétérosis chez l’Abeille tout en faisant une sélection
qui
diminuel’agressivité.
C’est unesimple hypothèse.
F. RUTTNER
Il y a deux races dont le croisement ne donne pas un accroissement
d’agressivité :
ils’agit
deCa y
nica et Caucasica. Les
hybrides
sont un peuplus agressifs
que les deux racesparentales, mais
dansune mesure tolérable.
E. BOSIGER
Il
y a une autrequestion qui
est soulevée par ce que vous venez de nous exposer et on y pense pour d’autresorganismes.
La sélection esttoujours,
àlong terme, extrêmement dangereuse quand
elleest faite en stricte
consanguinité.
Cedanger
n’existaitprobablement
pasjusqu’à présent
pourl’Abeille,
mais vos travaux mêmes fontsurgir
cedanger.
Il faudrait penser dès maintenant sans doute à faire ce que vont faire les aviculteursfrançais, c’est-à-dire,
créer un conservatoire de souches ou deraces avant
qu’on
ait éliminé par sélection desgènes
dont on ne peut pas savoir d’avance si on n’enaura pas
besoin,
car comme vous l’avez dit dans votreexposé,
la sélection aboutittoujours
à unediminution de la richese du
génome.
Les idées engénétique
despopulations
ontbeaucoup
évoluédans ce domaine dans les dernières années. Nous savons que de nombreux !< mauvais
» gènes
sontnécessaires,
et si on peut faire unjeu
de mots, il faut savoirdistinguer
entre les « bons-mauvais »gènes
et les « mauvais-mauvais» gènes,
c’est-à-direqu’il
y a certainsgènes qu’il
faut essayer d’éliminer par sélection. Mais il y a ungrand
nombre de « mauvaisgènes
récessifsqui
sontnéfastes, parfois
même très
néfastes,
à l’étathomozygote
maisqui
non seulement ne sont pasnéfastes,
maisqui
sontutiles à l’état
hétérozygote. J’aimerais ajouter
une autre idée relativement nouvelle engénétique
despopulations
etqui
estprobablement importante
pour vos propres travaux. Il faudrait biendistinguer
entre
l’avantage
del’hétérozygotie
pourl’individu, qui
sera parexemple plus
résistant auxmaladies,
ou
qui
donneraplus
de couvain dans le cas desreines,
etl’avantage
de l’hétérosis pour lapopulation.
Les deux choses sont
liées,
mais on ne pense pas souvent à lapopulation.
Or cela estimportant.
Avant que les
dégâts
ne soient faits chezl’Abeille, je
vous proposed’y
penser.L’hétérozygotie est importante
pour lapopulation
parce que l’évolution future n’estplus possible
s’iln’y
aplus
d’hétéro-généité
despopulations.
On ne devrait d’ailleurs pasparler d’hétérozygotie
dans cecas-là,
mais d’hété-rogénéité
ou depolygénotypisme.
Il est
important
pour unepopulation
dedisposer
d’une richesse degènes
aussigrande
quepossible
parcequ’on
ne peutjamais
savoir ce dont lapopulation
aura besoin.Je
vaisprendre
unexemple
concernant notreespèce.
EnItalie,
il y a des tauxqui atteignent jusqu’à
20 p.100 pour des gènes
létaux dans lespopulations
derégions
où lepaludisme
était autrefoisimportant,
enSardaigne,
par
exemple.
C’est l’école de MoNTaLENTrqui
a étudié cespopulations.
On ne peutexpliquer
et com-prendre
ces taux que parl’avantage qu’ont
les porteurshétérozygotes
dugène
létal vis-à-vis dupaludisme.
Leplasmodium
sedéveloppe
mal dans lesporteurs hétérozygotes
d’un des troisgènes qui
sont
impliqués (anémie falciforme, microcythémie
et déficience enG6PD).
Lesporteurs
de cesgènes
ont donc un avantage sélectif considérable là où il y a du
paludisme.
Leshétérozygotes
ne souffrantpas du
gène
létalrécessif,
cegène
a été maintenu dans lespopulations
à un taux élevé. C’est un desexemples
lesplus spectaculaires
et lesplus frappants
del’avantage hétérozygote
d’ungène
pourlequel
il est tellement évidentqu’il
estnéfaste,
que cela ne se discute même pas.Il est certain que pour de très nombreux
gènes
nous ne connaissons pas leurs effetshétérotiques
mais il est
dangereux,
apriori,
de diminuer la richesse dugénome
parce que nous sommes sûrs que la sélection naturelle travaille en faveur du maintien de la richesse dugénome.
Lestechniques
de sélec-tion
(je
ne dis pasqu’il
ne faut pas enfaire)
devraienttoujours
tenircompte
dece phénomène, et
ondevrait sélectionner des caractères tout à fait
spécifiques
mais sans diminuerl’hétérogénéité,
ledegré d’hétérozygotie
de lapopulation.
Donc il ne fautjamais
faire une sélection. Il fautprocéder
à dessélections simultanées dans différentes
sub-lignées.
Les croisements entre cessub-lignées
évitentensuite
l’homozygotie,
c’est-à-dire que le croisement entresub-lignées
sélectionnées recréechaque
fois l’hétérosis nécessaire.
F. RUTTNER
Vous avez
parlé
d’unproblème
trèsimportant
pourl’apiculteur.
Nous savonsqu’il
existe unegrande
variabilité naturelle chezl’abeille,
mais dans certains pays l’Abeille locale est fortementhybri-
dée. C’est le cas en
Angleterre,
enAllemagne,
enFrance,
et nous constatonstoujours
chez lesapicul-
teurs une tendance à essayer
quelque
chose de nouveau. Ils détruisent ainsi l’effet de la sélection naturelle. A ce proposje
crois que nous allons entendre maintenant les résultats des recherches très intéressantes faites à la station deBures-sur-Yvette,
sur différentsécotypes
de l’abeille de France.En ce
qui
concerne leproblème
de la création de réserves d’abeilles on peut direqu’il s’agit
d’unproblème
mondial. La circulation augmente et dansquelques
années lespopulations
naturelles serontperdues.
Il serait souhaitable de faire uneréglementation
internationale en vue de la création de réserves nationales etje crois,
ainsi queje
l’ai dit en conclusion de monexposé,
que si vous avez décidé en France de travailler avec des abeilleshybrides,
il faut créer des réserves pour conserverl’abeille locale en vue des travaux futurs.
J.
LOUVEAUXJe
vous remercie.Je
voudraiségalement
remercier M. BÔSIGERpour sa très intéressante inter- vention.Je
pensequ’il
serait intéressant de connaître lepoint
de vue desgénéticiens
de l’I. N. R. A.112. POUTOUS
Chez les bovins par
exemple,
l’insémination artificielle acomplètement
éliminé laplupart
desraces, ou
plutôt
des variétés locales. Il y a même des racesqui
étaient relativementimportantes
comme la Flamande et
qui
sont en train dedisparaître
d’unefaçon
définitive. On a aussiessayé
de fairedes réservoirs de races ; malheureusement c’est un
problème
financier etjusqu’à présent
on n’a pasdisposé
des crédits nécessaires pour constituer ces réservoirs. En cequi
concernel’Abeille, je pense
qu’il
seraitpeut-être
temps de s’en occuper. Vous auriez sans doute des ressourcesimportantes
avecla constitution des parcs nationaux.
R. BORNECK
Mon intervention sera naturellement axée sur ce côté
économique qu’évoquait
M. RUTTNER.Nous sommes, nous
apiculteurs français, depuis
r945 en traind’essayer
decomprendre
versquelle
voie nous devons nous engager. Allons-nous définitivement opter pour l’utilisation des
hybrides
dansl’exploitation apicole
ou bien allons-nous au contraire nous rabattre sur les solutions de sélection à l’intérieur des races locales en essayantjustement
d’éviter cettehybridation? Je crois que du point
de vue
économique,
et cela faitpartie
un peu de monexposé
de cetaprès-midi, je
crois quedepuis
I945! inconsciemment ou consciemment pour
certains,
lesapiculteurs
ont choisijustement
laproduc-
tion
d’hybrides ;
uneproduction
tout à faitanarchique d’ailleurs,
car, à monavis,
etje
pense que c’est le vôtreaussi,
ils ne sont pas à même de contrôler cesproblèmes d’hybridation. L’hybridation qui
a été effectuée en Francedepuis
1945est donc unehybridation
tout à faitanarchique
mais lespressions économiques qui
ontpoussé
à cettehybridation
étaientimportantes.
D’une partl’apicul-
teur cherche
toujours
à faireplus
de miel et d’autre part,depuis
un certain nombre d’années du fait del’apparition
deproduits
nouveaux, tels que lagelée royale
et lepcllen
il apris
conscience despossi-
bilités
qu’offrait l’hybridation.
Certainsapiculteurs
se sontspécialisés
dans laproduction
degelée royale
et depollen
et ils ontadopté
certaines races, certainshybrides
de racesplus exactement, pour
ces
productions spéciales.
D’autrespensant uniquement
à laproduction
du miel se sont, aucontraire,
axés vers d’autres
hybrides.
Dans lapratique,
lesproducteurs
depollen
et degelée royale
se sontorientés vers des
hybrides
d’abeilles noires X abeilles italiennes. Aucontraire,
ceuxqui
veulent fairedavantage
de miel se sont tournés vers laproduction d’hybrides
caucasienne X abeille noire.Je
croisqu’économiquement
ils ontenregistré
un certain succès. A l’heureactuelle, je pense qu’ils nagent un
peu dans
l’inconnu ;
ils ne savent pas cequ’ils
doivent faire et c’est un peu sur la Recherche agrono-mique qu’ils
comptent pour recevoir des conseils etpeut-être
des directivesgénérales.
J.
LOUVEAUXJe
croisqu’on
aborde làbeaucoup plus l’aspect économique
quel’aspect théorique
duproblème.
Il faudrait
qu’au départ
lespoints
du programme concernant l’effet de laconsanguinité,
l’hétérosis et lesprincipes
mêmes de la sélection soientdéjà
un peuapprofondis.
M. POUTOUS
Sur l’effet de la
consanguinité :
a-t-onessayé
sur l’Abeille de faire uneaugmentation
de la consan-guinité
d’unefaçon
lente ? Au lieud’adopter
des croisementsqui
nous amènent à uneconsanguinité
très
rapide,
a-t-onessayé
d’arriver au même niveau deconsanguinité,
mais avec unlaps
de tempsbeaucoup plus grand?
Chez certainesespèces domestiques
comme lePorc,
autant queje
me sou-vienne,
laconsanguinité
obtenue par croisement étroit est trèsnéfaste,
alorsqu’on peut
arriver au même niveau deconsanguinité
avec peu de détérioration à condition deprendre
des croisementsqui
font progresser la
consanguinité
très lentement.R. RUTTNER On le fait
rapidement
avec l’insémination artificielle.M. POUTOUS
Il n’est pas sûr que vous obtiendrez les mêmes résultats avec d’autres méthodes.
F. RUTTNER
Les autres méthodes ne sont pas