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Lucien Gautier
PITTARD, Eugène
PITTARD, Eugène. Lucien Gautier. Archives suisses d'anthropologie générale , 1928, vol.
5, no. 1, p. 109-111
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:111484
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Extrait des Archives saisses d'Anthropologie générale Tome V. No
r,
r.928,Lucien
GautierLucien Gautier n'était pas anthropologiste. I1 était théoiogien. Mais son
esprit, fortement nourri de tout ce qui peut intér'essei <l'être humain,r' ses qualités éminentes de civisme qui le faisait s'approcher de toutes les æuwes intellectuelles
et
morales susceptibles d'enrichirla
Cité, son amitié pour quelques-uns des initiateursde
notre ceuvre, devaienten
faireun
des meilleurs ouvriers de notre maison.A pêine les bases de
l'Institut
suisse d'Anthropologie générale étaient-elles fixées, que Lucien Gautiervint
à nous ! 11fit
partie, avec Edouard Naville et Théod. Flournoy--"à**" lui
troptôt
disparus-
du Comité de l'Ins-titut, il
en fut même le vice-président.A l'intérieur de notre Association, Lucien Gautier ne se mêlait pas de la rliscipline scientifique
-
Iaissée aux spécialistes-
mais dès que surgissait une discussion ad.ministrative d.ifficile ou d.élicate,il
intervenait avec la grande autorité morale dontit
disposait.Il
occupait, parmi nous, une place prépondérante, commeil
en occupait une dansle
domaine théologique, commeil
en occupait une au dehors, dans le large espace de la Suisse tout entière-
où son objectivité, sa sérénité, son sentiment de la justice, son désir éVident de fairele
bien- Ie firent
prendre, maintes fois, comme conseil ou comme arbitre.rro
NECROLOGIES* *
Lucien Gautier était né le r7 aorit r85o, dans cette belle denieure familiale
cle Cologny, oir il devait s'éteindre le z février
tgz4.II
fit ses études à Genève, puis à Leipzig, oiril
passa trois années consacrées aux études philologiques sémitiques. Sans doute l'esprit scientifiquequi était
chezlui
comme unehérédité
l'aurait-il
poussé vers les recherches puressi
une chaire pour l'étude de l'Ancien Testament nelui avait
été ofierte parla
Faculté de théologie libre de iorrorrr,.". Cefuî là
une grande chance. Lucicn Gauticr pouvait associer ia foi véritable qu'ii possédait-
et qu'il devait répandre--
et les obligations scientifiques que réclamait son esprit. 11 afûrmait d'aiileurs
ce double aspect de sa conscience dans sa leçon inaugurale: < je chercherai toujours à faire ressortir
le
côté religieux des livres queje
suis appelé à interpréter, mais j'espère le faire sans négliger le côté purement linguistique.On s'efiraie, en maint endroit, de voir Ia Bible devenir de plus en plus I'objet des recherches des savants; on frémit de voir la science critique appliquer
ses procédés à l'examen de nos textes sacrés. Pourquoi s'effrayer ? Pourquoi frémir ?... >
Dès ce moment nous pouvions le compter, prospectivement, comme un des nôtres. L'Ancien Testament ne renferrne-t-il pas, à chaque page, pour ce qui touche aux peuples du Proche-Orient, de nombreux faits ethnogra- phiques ? Lucien Gautier connaissait admirablement Ia Bible. Je me rappelle dans un dîner chez M. Eug. Naville, otr se trouvait M. Salomon Reinach, combien, au cours d'une discussion, il eut rapidement raison de ce dernier avec preuves à l'appui.
Dt
c'étaitlà
pourtantun
adversaire de marque-
!Par ses études linguistiques
-
arabe, assyrien, éthiopien- par
sesrecherches de géographie et d'archéologie sur la Palestine et sur les Hébreux (il espéra toujours écrire un livre sur la géographie historique de Ia Palestine), par sa connaissance de I'anthroposociologie
-
comme on dit aujourd'hui des Israëlites d'âvant Jésus-Christ, par le désir de connâltre les origines,-
Lucien Gautier était des nôtres, comme il t'était par Ie réalisme des méthodes
qu'il
tenait sans doute de lui-même, mais quilui
venait peut-être aussi de ses ascendants, de son père quifut
mathématicien et directeur de l'Obser- vatoire de Genève. Déjà sa thèse de doctorat n'était-elle pas le résultat d'un programme, essentiellement linguistique ?Dans le domaine intellectuel
et
moral quilui
avait été dévolu, Lucien Gautier ne vouhrt jamais, tantil
avait le souci de la. justice, s'inféoder à aucunparti.
N'est-ce pas 1à une belle objectivité scientifique ? Son désir le plus ardent était la recherche de la vérité-
oir qu'elle peut se trouver.*
NÉCRoLoGIES III
A
cet égard, 1ly
a, dans une prélace écrite par M. André Aeschimann, àl'ouvrage posthume
de
Lucien Gautier: Etod'essur
l,a religion d,'Israë|, Lausanne, r-g27, une page bien significative.Le voyage
qu'il
avaitfait
en Palestine, en Egypte, en Syrie, l'obligationde pénétrer par les sources mêmes de I'archéologie, du paysage et des mæurs, d.ans I'histoire
primitive
de. quelques populations del'Asie
occidentale, avaient conduittout
naturellement Lucien Gautier versla
Société de Géographie de Genève.Il
enfut
non seulement un membre fidèle, mais un conférencier écouté, et un président apprécié. Ses connaissances de la géo- graphie palestinienpe, iI les utilisa encore pour des articles ùI'Encycl'opaed,i'a Bibl,ica.Pendant la guerre, Lucien Gautier fut une des cellules actives de l'Agence des prisonniers. En r9r9, iI entra au Comité international de Ia Croix-Rouge, dont
il fut
bientôt nommé vice-président.Ce Genevois
si
particulièrement attaché àla
Cité,était
un Suisse pur detout
alliage. Dans un moment délicat de notre histoire, cet excellent citoyen, dont une vision claire des choses et l'impartialité étaient parmi lesplus hauts apanages,
ût
tous ses efforts pour qu'aucune mésentente des événements qui se déroulaient autour de nous-
et dont certains aspectschez nous-mêmes
-
étaient attisés par de mauvais bergers-
n'intervint entre les Suisses romandset
les Suisses alémaniques. I1mit
toujours ledevoir drr citoyen
sur un
plan très élevé. Dansun
article nécrologique consacré à Alfred Cartier,-
le seul écrit qu'il ait publié dans notre Revue-
Lucicn Gauticr rappclait cette phrase du grand physicien Auguste de la Rive:
o Je crois et
j'ai
toujours cru qu'on est avant tout citoyen et que même lascience et les études doivent céder le pas aux devoirs qu'impose cette qualité de citoyen >. C'est qu'être Citoyen de Genève n'est pas un
titre
banal pour ceux qui connaissent notre histoire et qui savent les liens qui nous enchaî- nent les uns aux autres, ce que chaque homme doit à la Cité: Lucien Gautier{ut
citoyen dans toute I'acceptiondu
terme.Eugène Prrreno.